Etrange comme certaines choses, dans leur laideur, peuvent devenir symbole de ce qui est pour beaucoup le paroxysme de la beauté. L’amour mes couilles. Tu te demandes ce que c’est dans la tête de tous ces idiots pour qu’il puisse être associé à un arbre foudroyé. Image du coup de foudre ? Mais cet arbre est la preuve même de la stupidité de cette expression. Un coup de foudre, loin de toute poésie, laisse derrière lui une carcasse calcinée, un corps tordu dans des supplications inhumaines. De ce qui s’élevait sans égal ne reste qu’un squelette noirci et recroquevillé qui s’effrite au gré des noms gravés dedans. C’était un lieu de faste, de célébration, de joie. C’est une relique oubliée que certains viennent voir de temps en temps sans vraiment la regarder. Non, tu as été trop dur en vérité. C’est bien l’amour, comme un poète imbibé le voit. Mais quel a été celui suffisamment éloquent pour convaincre la foule naïve et optimiste que l’on devait louer l’amour devant ce cadavre ? Il devait être doué. Tu te souviens t’être déjà fait la réflexion une fois où tu avais emmené Siska se promener ici, tradition oblige car il a bien fallu que tu la séduises avant de la demander en mariage. Sans compter un grand nombre de blondes dont tu as oublié les noms, mais ça n’a pas d’importance. Et surtout, surtout, tu ne dois pas les mentionner à Zelda, c’est la règle d’or. C’est un basique instinct de survie. En effet, c’est ta demi-soeur que tu attends présentement depuis quinze minutes et vingt-quatre secondes. La ponctualité est pour elle une notion assez vague et utopiste, ce qui, en tant que chef des pacificateurs, t’énerve un tantinet. Cela l’énerve aussi tant que ce n’est pas elle. C’est tout un mode de vie. Tu y es habitué alors tu regardes l’arbre en philosophant et ta montre en te demandant si elle va arriver bientôt. Vous devez discuter de choses et d’autres.

La dernière fois que vous vous êtes vus a été... chaotique, entre flirt, scène de ménage et grande machinations. Cela a fini... eh bien comme cela finit d’habitude. Vous avez débattu un peu plus, tu lui as promis d’y réfléchir et vous avez baisé. Euh pardon, l’union charnelle sacrée de deux êtres qui s’aiment. Et qui ont envie de baiser. Ce qui est normal. Oui, entre frère et soeur, parfaitement.... Bref, ce n’est pas ce qui importe. Ce n’est pas pour lui parler de votre partie de jambes en l’air que tu lui as donné rendez-vous, c’est pour évoquer sa dernière idée quant à la légalisation de votre relation. Et il faut l’avouer... c’est une très bonne idée. Tu es habituellement celui qui échafaude les plans pour vous sortir de la merde et là ça change. Plutôt agréablement. Néanmoins, malgré sa brillance la chose a des défauts et selon toi pas des moindres. Certes parvenir à duper tout le monde avec une telle étude serait un tour de force digne de figurer dans les annales mais déjà rien ne dit que ça marchera, tout le monde n’est pas idiot. Beaucoup de gens le sont, mais pas tout le monde. Puis il reste un problème, le plus grand selon toi, que tu rumines depuis cette soirée.

Des pas se rapprochent et sans te précipiter à sa rencontre, tu attends que la femme vienne à toi. « Tu voulais du romantique, bienvenue au cliché de la promenade des amoureux. » L’arbre foudroyé, yaaaay ! Je ne reviendrai pas sur le symbole, je crois que sa désapprobation a été assez explicitée déjà. Il y a cependant une possibilité pour que ton effort de choix de lieu plaise à Zelda et cette probabilité même vaut le coup. Si cela ne lui sied pas malgré tout, ça n’a pas une grande importance. Le décor ne change pas les décisions que l’on y prend. Le quartier général des rebelles pourrait aussi bien être Disneyland qu’ils n’en seraient pas moins dangereux. Cet idyllique arbre d’amour ne cachera pas la monstruosité de votre inceste et de vos machinations. Pourquoi êtes-vous continûment en train de comploter ? C’est un peu cliché tout de même. Rendez-vous secrets, planifications mensongères... Vous n’arrêterez donc jamais ? « J’ai réfléchi à ce que tu m’as dit. » Sa magnifique proposition de ne plus être son frère, de ne plus être le fils de son père. Et c’est une bien cruelle idée que celle-ci. Par trop déjà tu as été dénigré par ton propre sang. L’idée même que tu puisses n’avoir plus aucune légitimité parmi eux te tord les boyaux. « Et moi ? » Et toi quoi ? Tu ne te crois pas assez chanceux peut-être ? Non, jamais assez n’est-ce pas ? « Si tu prouves que je ne suis pas ton frère, soit. Mais alors je suis qui ? Je ne suis plus un Ducani-Hayne. Qu’est-ce que je fais ? Je change de nom ? Je prends un de ces patronymes qu’on donne aux orphelins ? » Snow. C’est Snow que tu cherches je crois. Non, je ne dis rien, je te donne juste des idées de noms. Just saying. Tu regardes ta soeur avec l’air de vouloir qu’elle le reste mais toi et moi savons que ce n’est pas le problème. Le problème c’est encore ta fierté. Être un Ducani-Hayne ce n’est pas rien. Et tu as mis tant de temps à te faire une place dans cette famille, tu ne veux pas tout détruire pour un mensonge. En vérité c’est humainement compréhensible mais je sais qu’il n’y a pas que la dimension sentimentale. A tous niveaux tu te refuses à changer tout ce que tu as fait jusque là. Pour Zelda, peut-être pour Zelda. Mais c’est un choix bien plus dur qu’il n’y paraît. Cette fois-ci c’est sur elle que tu reposes et tu la fixes, comme pour lui demander une autre bonne idée. Elle doit être chef. Un autre miracle à la Zelda Ducani-Hayne.

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