ELYON ET MYCROFT
my thoughts are stars I cannot fathom into constellations.
◊

J'étouffais. Cloîtré dans ce labyrinthe souterrain qu'étais le Treize, privé de lumière, de soleil, d'air frai, j'étouffais, purement et simplement. Cela faisait maintenant près de trois mois qu'on m'avait amené de force dans ce district disparu, né à nouveau de ses cendres, ce district que je maudissais un peu plus à chaque moment que je passais priver de l'extérieur. L'air artificiel des conduits d'aération me rendait malade, presque autant que la lumière blanchâtre qui émanait des luminaires au plafond. Quand j'habitais encore dans la capitale, je n'avais jamais ressentis le besoin de me promener dans les rues du Capitole, de profiter de l'air pollué environnant; je mettais un point d'honneur à rester enfermé dans mes appartements et à éviter tout contact avec le monde extérieur. Et pourtant. A ce moment précis, rien n'aurait été plus appréciable qu'une bonne balade à l'extérieur du district. Laisser, rien que pendant quelques minutes, ma peau se faire caresser par la brise, doucement réchauffer par le soleil. A l'idée de la chaleur de ce dernier, je frissonnai, comme si l'air stérile des souterrains souhaitait me faire revenir à la réalité. Confiné dans ma petite chambre sommaire, celle que l'on nous avait assignée à moi et à Elyon, j'avais perdu toute notion du temps. En l'absence de fenêtre, j’aurais été incapable de dire s'il était minuit ou midi, même si l'alarme du district prenait un malin plaisir à me le rappeler, stridente, insupportable. Je savais que l'heure du levé était largement dépassé, et que le signal du déjeune ne devrait pas tarder. Mais pourtant, j'étais encore dans notre petit dortoir, allongé sur le lit, bien trop occupé à examiner le plafond métallique gris pour faire autre chose. Je n'avais pas encore imprimé mon emploi du temps ; ce stupide emploi du temps, sûrement la chose que je maudissais le plus dans ce district de pacotille. Ça, et peut être la nourriture. Et mon matelas. Et le visage inexpressif des personnes qui rôdaient mollement dans les couloirs. Ça, et une multitude d'autre chose.

Elyon avait quitté notre chambre tôt ce matin. Elle devait sûrement déjà se trouver dans le laboratoire, tâchant d'avancer sûrement les armes chimiques que nous essayons de mettre au point. La jeune femme prenait vraiment à cœur le travail que Coin nous avait assigné. Trop à cœur peut-être, mais entichée des rebelles comme elle l'était, cela ne m'étonnais pas. J'avais appris, au fils des sept dernières années, à comprendre le personnage qu'était Elyon. Et j'espérais en savoir assez sur la jeune femme pour que mon hypothèse se confirme. J'étais intimement persuadé que cette passade rebelle n'était, justement, qu'une passade. Que cela lui passerait un jour, qu'elle se rangerait au moment venu à mes côtés et que l'on retournait paisiblement vivre dans notre district sept, dans petit Éden à nous. Pourtant, une part de moi craignait qu'elle se soit réellement trouvé une vocation parmi les rangs de la résistance, qu'une fois notre liberté retrouvée, elle décide de rester prêter main forte aux rebelles. J'avais confiance en mon assistante adorée, et pourtant, je redoutais qu'elle me laisse pour la cause. J'avais peur de me retrouver seul, privé de son énergie, de sa présence. Je sautai sur mes pieds, et commençai à me diriger vers le laboratoire, comme si l'idée de ne pas être en sa présence devenait d'un coup intolérable. Je laissai à contrecœur l'encre violette tâcher ma peau et me dirigeai à grandes enjambés vers l'étage scientifique où l'on m'avait attitré, après les demandes répétitive de ma part, un laboratoire fermé, où seul moi et Elyon travaillions. Tout en me pressant vers l'ascenseur, je jetai un œil sur mon emploi du temps du jour, sans grande surprise : séance de travail durant toute la journée, avec une pause pour déjeuner au milieu, que nous passions généralement dans le labo, après qu'Elyon ai été cherché les assiettes au réfectoire. Je tâchai de passer le moins de temps possible en présence des habitants du district ; c'était une chose que j'avais l'habitude de faire, éviter les gens, les bûcherons du Sept comme les délurés du Capitole, et le Treize n'était pas une exception. Je ne connaissais d'ailleurs pas grand monde, à par Elyon bien sûr, et ce soldat qui avait été ordonné de nous garder dans notre cellule les premiers jours, Isaac. Et loin d'attirer la curiosité de ces habitants, j'avais plutôt l'impression d'être un monstre de foire. Les regards noirs que me lançaient certaines personnes, n'était pourtant pas étonnante après tout, j'étais du Capitole, j'étais l’ennemi, mais restaient blessant. Autant que ceux dont j'étais victime à la maison, ceux que je recevais fréquemment après le scandale il y a quelques années. Un regard méchant, mais avant tout effrayé.

Je commençais à connaître le chemin par cœur ; si au début je me perdais facilement dans ce labyrinthe souterrain, je commençai aujourd'hui à prendre mes marques. Le labo étant la salle où je passais le plus clair de mon temps, j'arrivais après ces trois mois à me retrouver assez facilement, malgré ma capacité d'orientation qui frôlait le néant absolu. Des voix s'échappèrent de la porte au bout du couloir ; je reconnus immédiatement celle de mon assistante, mais mis quelques secondes à malheureusement retrouver la source de la seconde. Lucas. Un soldat de Coin qui, d'après ses dires, avait été assigné par la Présidente pour nous surveiller. J'étais très sceptique sur cette affirmation. Cela ressemblais plus à une mission personnelle de surveiller Elyon, et uniquement elle. Je n'aimais pas ce gamin, et je ne me retenais pas de lui faire remarquer. “ Elyon ! ” lâchai-je dans un souffle, sourire au visage, en pénétrant dans la pièce. “ Oh, je vous ai cherché toute la journée ! On m'a demandé de vous remettre ceci. ” Je m'approchai, joyeux, en sautillant presque vers mon assistante adorée. “ Oh, Elyon, ma chère Elyon, qu'avez-vous pour moi aujourd'hui ? ” dis-je l'air enjoué, comme un gamin qui recevait un nouveau jouet. J'attrapais le dossier et commençait à le feuilleter vivement, lisant le rapport en diagonale. “ Mais où étiez-vous donc ? ” lâcha Elyon, cette mimique énervée que j'appréciais tant sur le visage. A l'autre bout de la pièce, Lucas s'éclipsa sans un mot, sans un bonjour. “ Au revoir Lucas ! ” criais-je presque à travers la pièce, l'air faussement enjoué de voir le garçon. Je me retournai brusquement vers la jeune femme, son regard réprobateur toujours fixé sur moi “ Je m'étais … perdu. Tu sais que je me perds souvent ici ! ” lâchai-je à toute vitesse, peu convaincant. Je fixai Elyon dans les yeux, et sans m'arrêter, je continuai. “ Qu'est-ce que Lucas faisait là Elyon ? Tu sais que je ne l'aime pas. Je ne sais pas si c'est sa tête, son nom ou quelque chose d'autre mais il ne me plaît pas. ” Les bras croisé contre ma poitrine, je pris l'air boudeur. “ Lucas. ” répétais-je en insistant ridiculement sur le prénom. “ Tu vois. Il y a quelque chose qui cloche. ” La seule chose qui clochait, c'était qu'il tournait un peu trop près de ma jeune assistante. Mais ça je n'étais pas près de l'accepter.