| Sujet: Miserere mei deus ۞ Falken Lun 20 Mai - 3:49 | |
| Tu n'aimes pas le district Deux. Tu n'aimes pas les autres districts. Tu n'aimes pas grand chose. Mais quand même, tu n'aimes pas le Deux. Tu n'aimes pas les dîners auxquels tu es conviée et auxquels tu dois te présenter pour plaire au Capitole et éviter qu'Il ne s'en prenne aux rares personnes à qui tu tiens. Ta grand-mère, et Bran ; que tu tentes de convaincre se de faire soigner, sans succès ; il ne veut pas de cet argent sale. Tu comprends, à sa place, toi non plus tu n'en voudrais pas, mais il est là, autant l'utiliser pour des choses louables... Pfff. Tu as quitté plus tôt le déjeuner auquel le patriarche Skenandore t'as invité pour une autre mystérieuse raison qui t'échappe. Il semble qu'il aime bien t'avoir à sa table, même si ta victoire aux Jeux n'a rien d'héroïque, que tu as tué le champion du Deux cette année là.
Dans les rues, une excitation écœurante agite les foules. Ici et là on ravale des façades, les estrades commencent à s'élever un peu partout, des échafaudages culminent alors que des hommes s'emploient à brancher des écrans géants. Des lumières sont dressées un peu partout. Tu oublies souvent qu'ici, la Moisson est synonyme de fête et de célébration. Ton visage se ferme, et tes yeux d'un froid clinique observent cette comédie macabre. Tu le sais, d'ici quelques jours, de retour chez toi, tu siégeras aux côtés des autres mentors et tu verras deux jeunes partir à la mort. On fauchera leur vie comme on récolte le blé, mais c'est la mort qui sera semée par la suite. Le capitole récoltera le malheur qu'il distillera en une douce liqueur faite pour les enivrer. Parce que c'est de ça, qu'ils vivent, n'est-ce pas ? Ils s’enivrent pour mieux oublier qu'ils exultent devant la mort. Ils parient sur le hasard, la force et leurs esprits sont grisés par cette adrénaline de procuration.
Et comme un ironique échos, une douleur lancinante lance dans ton épaule, là où ton bras de métal se connecte à ta chaire par les nerfs. Mais tu subis sans broncher, sans même pincer les lèvres. Tu es en vie, toi. En vie. Tu grognes et marmonnes en t'éloignant à pieds. En vie. Pourquoi faire ? Et comme une douce drogue, la colère pulse à nouveau dans tes veines, tandis que ces noires pensées envahissent ton esprit.
Tu arrives en train après avoir visité le District Un. Mais c'est complètement ailleurs que tu as fait acte de présence, l'esprit complètement embué par les anti-douleurs dont tu te gaves depuis que ton bras a été remplacé. La greffe te fait terriblement mal et c'est contre la fièvre et l'horrible douleur diffuse et tenace que tu luttes. Et ça t'épuises, ça te vide de toute ton énergie. Tu n'arrives pas à faire semblant, alors tu souris bêtement et tu laisses ton mentor et ton hôte parler et répondre à ta place. Toi, tu dis oui ou non selon le regard qu'on te lance. Tu ne sais même pas à quoi tu acquiesce. Mais cette fois, on te met en garde, tu vas avoir l'honneur de dîner avec le premier champion et sa famille, il faut que tu prennes sur toi et que tu fasses honneur à ton district. Tu sens l’amertume de la bile remonter dans ta gorge et la brûler et avant que tu ne puisses te lever, tu vomis tout ce que tu peux sur ton hôte assise à tes côtés.
« On peut faire quelque chose pour vous mademoiselle ? » Tu regardes le pacificateur en face de toi, les yeux troubles. Il te veut quoi lui ? A tes pieds, une flaque informe et puante. Tu t'essuies la bouche d'un revers de la main avant d'attraper d'un geste impérieux la gourde ou tu ne sais quoi que l'homme tient dans ses mains. Tu te rinces la bouche, encore troublée. Pourtant, tu ne peux empêcher ta jambe de trembler nerveusement. Tu tournes les talons sans plus lui adresser un regard, trop bouleversée. Ca t'arrive trop souvent ces derniers temps, de basculer dans tes souvenirs. Enfin... Toi, tu le sens que parfois, tu des absences. Des fois, tu reviens à toi, allongée dans leur chambre blanche, ces tuyaux reliés à tes bras pâles et trop fins. On te dit que tu as rechuté, mais tu ne sais pas dans quoi. Alors tu dis oui et on te renvoie chez toi. Mais souvent, tu as des flashs. Tu es sortie de l'hôpital depuis peu, et des fragments d'une vie qui n'est pas la tienne envahissent ta mémoire. Des sensations, des impressions. Ca t'effraie.
Le souffle court, tu continues d'avancer et tu te concentres sur ce que tu as prévu de faire. Falken a brillé par son absence lors de ce repas et dans cette famille, c'est bien l'une des seules personnes que tu apprécies. D'ailleurs, dans le présent comme dans ton présent, c'est une personne que tu estimes beaucoup, une des rares que tu reconnais sans problème. Une des rares qui puissent te rassurer et te ramener à toi. Pourtant, vous ne partagez rien ou presque. Rien, si ce n'est des heures à s'entraîner. A parler. A pleurer aussi parfois.
Plus tu marches, plus c'est vers les quartiers pauvres que tu t'enfonces et bientôt, tu arrives devant une vielle manufacture laissée à l'abandon. Tu passes à travers un trou dans le mur et avances dans le dédales des couloirs vides. Ca pue la mort ici. Tu le trouves allongé sur le sol. Un soupir s'échappe de tes lèvres et tu agites le corps avec ton pied. « Allez, debout, bouges ton dèrche. Arrête de te vautrer dans la misère, ça te va pas. »
|
|