Nous sommes deux dans ce corps. Du moins, depuis que ma sœur jumelle a été envoyée aux Jeux. Juste après avoir fêté nos douze ans. C’était ma confidente, la seule personne à qui je pouvais tout confier. Maintenant qu’elle n’est plus là, j’ai Ashtale-Carré. Je m’appelle Cloud-Riley Ashtale Pankratz et tout le monde me croit folle. J’ai eu seize ans juste avant la dernière moisson. Ça ne m’aurait pas dérangée d’y aller au lieu de cette fille, Sagitta, mais Ash n’était pas d’accord. Ashtale-Carré, mon sosie, celle qui se cache dans ma tête et qui me tient compagnie. Je ne suis pas folle, ni paranoïaque, ni schizophrène. J’ai créé Ash de mon plein gré, pour me tenir compagnie. En fait, j’ai toujours eu horreur d’être seul. J’ai l’impression qu’on va venir me kidnapper, que tous les murs se referment sur moi. La solitude m’angoisse. Ash & moi, on est des meilleures amies. Je crois qu’elle n’a pas le choix, sinon, elle disparaîtrait. J’ai besoin d’elle comme j’avais besoin de ma sœur. Bien sûr, j’ai une famille, mais ils ne sont pas un modèle de présence parentale. Je m’en fiche, j’ai Ash. Ils pêchent, comme la plupart des habitants du District Quatre. Pas moi, je suis trop lunatique selon eux. Je me contente d'errer, de nager, perdue dans mes pensées, et ça me convient. Je les déçois, ça ne me touche pas vraiment, je suis trop occupée à rêver. Ils voudraient que je devienne une carrière. Ça ne m’aurait pas dérangée, mais quand j’ai essayé de m’entraîner, j’ai failli me faire empaler par un javelot deux fois dans la première journée. Ce n’est pas de ma faute si j’aime penser. Avec Ashtale-Carré, on invente de ces endroits imaginaires qui n’existeront jamais, mais où la vie serait merveilleuse. Plus qu’ici au Quatre. Ce n’est pas comme si être affamée me dérangerait, rien ne me dérange. Je n’ai jamais eu de problèmes avec le fait de ne pas manger. Je ne prendrai jamais de tesserae, c’est inutile, tout simplement. Je préfère rester la petite fille de seize ans, maigre, aux grands yeux, aux cheveux bruns teints en blond au peroxyde pour sortir de la normale.


étant une grande rêveuse, j'ai déjà imaginé le moment où tout s'arrêterait des dizaines et des dizaines de fois. Je ne sais pas comment j'aimerais mourir, parce que personne ne veut mourir, pas même les gens anormaux comme moi, seulement les fous les vrais. Je sais seulement comment je n'aimerais pas mourir. Noyée, dans mon élément. Ça doit être horrible, de savoir qu'on va devoir respirer de l'eau tôt ou tard et causer sa propre mort. Non que j'aie peur de souffrir. En fait oui, j'ai peur de souffrir. J'ai peur d'être seule. J'ai peur du noir. J'ai peur d'avoir peur. Je suis trouillarde. J'ai peur de mourir aussi. Quand on passe le plus clair de son temps à penser, il y a bien un moment où on va se questionner sur ce qu'il y a après. Surtout quand on a quelqu'un d'autre dans sa tête avec qui philosopher sur les questions existentielles. J'aimerais bien mourir dans mon sommeil, le pays des rêves, l'endroit où je suis le mieux.
Je n'aime personne assez fort pour vouloir mourir pour eux. La seule personne qui avait tout mon amour était Vika, ma soeur, mais elle n'est plus maintenant. Tout a changé et maintenant, la seule personne pour qui je peux mourir, c'est moi-même. Ou Ashtale-Carré, mais elle n'a pas de corps physique, elle vit en moi. je ne peux pas mourir pour elle. La seule chose que je peux espérer, c'est vivre ma vie, vieillir et mourir. Pour personne, pour rien, peut-être seulement rêver.
Je n'ai pas de réelle habileté, du moins qui pourrait m'aider dans les Hunger Games. Je suis petite et maigre, je peux donc me faufiler partout, mais c'est de naissance, Sinon, je dirais que mon imagination débordante pourrait être utile. Le stratège, c'est Ash, elle a toujours des bonnes idées. Je peux donc, peut-être, dire que j'ai une bonne stratégie, même si ce n,est pas réellement moi. Je sais qu'elle est moi, mais en même temps, elle semble être une toute différente personne.
Ma soeur, Vika. Quand on a eu toutes les deux douze ans, elle a été tirée au sort. Pourtant, elle n'avait son nom qu'une fois elle n,avait pas pris de tesserae, mais la malchance l'a tuée. Elle n,avait aucune chance. Vika était comme moi, rêveuse, tête dans les nuages, frêle et menue. Ce sont les seuls jeux que j'ai regardés. Après j'étais totalement bouleversée et j'ai créé Ashtale-Carré. Je me suis encore plus renfermée sur moi-même et je suis devenue celle que je suis maintenant. Celle qui passe pour la folle du District.
Je ne regarde pas vraiment les Jeux, mais j'en ai entendu parler. Je suppose que j'en ai rien à fiche de cette femme. Je préfère continuer de marche, sans point A ni point B, nager dans les eaux d'où les pêcheurs tirent leur argent. S'il y avait une guerre, je serais inutile, je ne suis pas la fille la plus violente du monde disons. Ash aimerait qu'on soit impliquées dans la révolte s'il y en a une. Mais elle me connaît, elle sait que je ne prendrai aucun parti dans un tel conflit. Elle sait que je préfère rêver. Et puis, en même temps, s'il y a la guerre, tout sera bouleversé, mes rêves, ma vie, mon temps libre, tout. Je ne suis pas certaine de mon opinion.

JE VIENS D'UN MILIEU défavorisé, AINSI, POUR MOI, LA NOURRITURE tient bien plus de la légende, mais je m'en fiche. DU COUP, MON NOM A cinq CHANCES/RISQUES D'ÊTRE TIRE AU SORT. J'EXERCE LE MÉTIER DE rêveuse à temps plein ET POUR TOUT VOUS DIRE, JEne compte pas changer. JE SUIS DANS LE quatriÈME DISTRICT. AYANT seize ans JE peux PARTICIPER AUX HUNGER GAMES ET j'appréhende la prochaine moisson. ENFIN, J'ATTESTE QU'EN CRÉANT CE PERSONNAGE, J'ACCEPTE DE LE LIVRER À LA BARBARIE DES JEUX S'IL EST TIRÉ AU SORT.

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« Ash, t’as envie de faire quoi aujourd’hui? » je lui demande à voix haute. Je sais qu’elle ne me répondra pas vraiment, de vive voix, elle ne le peut pas. Mais si elle avait un corps, elle le ferait. Je ne me rends pas vraiment compte de l’endroit où je vais. Je marche au bord de l’eau, dans mon District natal, que je quitte tous les jours quand je m’envole vers un endroit meilleur, onirique. L’eau éclabousse mes pieds nus et me rafraîchit, tandis que le Soleil tape sur mon dos. Ça me donne faim. Mon estomac gargouille, mais il devra se taire et comprendre qu’il ne recevra rien de ma part. « Cloud, tu devrais vraiment manger, tu vas mourir et je vais mourir » que Ashtale-Carré me réponds, dans ma tête. Pourtant, j’entends vraiment sa voix chantante. « Non, tu oublies, y’a rien à bouffer ici, et je ne vais pas prendre de tesserae » je m’enfonce un peu dans l’eau salée. Elle me brûle les jambes, mais cette sensation familière m’apporte du réconfort. J’ai un peu peur qu’il y ait un crabe ou une bestiole qui me morde la jambe, mais c’est soutenable. J’ai vécu avec la peur toute mon enfance. Ash n’aime pas l’eau, je le sens quand je m’enfonce dans l’océan. Elle préfère l’air, le vent. Sentir la brise dans mes cheveux blonds, elle trouve ça grisant. On est la même personne, mais pourtant tout est différent entre nous deux. Nous sommes des contrastes, des opposés. Je plonge la tête dans l’eau, la chaleur qui m’incommodait se dissipant. J’aime l’eau. Il devrait y avoir un pays seulement d’eau. Où les gens ne devraient pas pêcher tous les jours pour gagner de l’argent. Ils pourraient profiter de l’eau, du sable, des algues qui se frottent contre leurs jambes. Et puis, ils feraient pousser des algues et ça serait comme ça qu’ils se nourriraient, pas besoin de tuer de ces poissons innocents qui n’ont jamais rien demandé.

En ressortant mon visage de l’eau, je lance, à voix basse « N’est-ce pas Ash que ça serait bien? » La suite de l’histoire? Qu’est-ce qu’il se passerait, les poissons aideraient les gens dans leur culture d’algues en remerciement qu’ils les laissent tranquilles. Le Capitole? On n’en aurait pas besoin, peu importe s’il serait là ou pas, on s’en ficherait, on serait indépendants. « Tu sais que ça n’arrivera jamais, ce genre de trucs, ne rêve même pas » Je le sais. Je ne fais que m’imaginer ce genre de monde merveilleux à longueur de journée. Je sors et enlève mes pantalons et mon T-Shirt de toile. Je me suis baignée dans mes vêtements et maintenant, je vais marcher dans les rues du Quatre en sous-vêtements. Que les gens me regardent, je ne m’en rends même pas compte. « Cloud, tes vêtements » Je lève les yeux au ciel. C’est le genre de choses que je fais qui fait dire aux gens que je suis folle. Comme parler à quelqu’un qui n’existe pas sans arrêt. Ash devrait être contente, le vent me sèche avec ses tentacules invisibles. J’ai envie d’aller me cacher en haut d’un arbre et rêver comme je le fais toujours. C’est ce dont j’ai toujours envie. Je fonce dans une femme avec une longue natte couleur acajou qui porte un panier de poissons. Ils tombent tous par terre. « Oups désolée » que je chuchote en passant, sans m’arrêter. C’est pour ça que je ne pourrai jamais être une carrière. Parce que je fonce dans tout le monde, suis toujours distraite. Ça ne serait pas long que je finirais au bout d’une épée.

Comme Vika. Je ne peux m’empêcher de penser à elle. « Cloud, ce n’est pas le moment, parle-moi, oublies la! » Elle n’a pas eu autant de chance que moi. Elle ne pouvait plus se contenter de grimper aux arbres, d’y rester percher et de rêver. Elle ne peut plus nager sans s’arrêter, jusqu’à ce que ses biceps brûlent. Et c’est ça qui m’attriste, ça aurait dû être moi.