svetlana amadeus sejdic

❝ WHO AM I LIVING FOR? ❞

about games and relative.

➺ TA MORT TU LA VOIS COMMENT ?

Courte. Dans l'instant. J'ai envie qu'on m'arrache à la vie rapidement, et quand je me vois dans un miroir, je crois que j'ai envie qu'on m'y arrache bientôt. Je ne veux pas de rides plein la gueule, d'un lit d’hôpital et de souvenirs tâchés par ce temps qui passe et ne revient jamais. J'ai sûrement souhaité ça, quand j'étais jeune et que j'avais encore mon frère pour m'aider à différencier le bien du mal. Mais il est mort et depuis, je ne pense plus qu'à le rejoindre. C'est ce que je ferais sûrement, un jour, quand je l'aurais suffisamment vengé, quand son prénom sera aussi propre que celui du président Snow est crade. Alors en attendant que ce jour arrive, j'évite de penser à la mort et à cet endroit dans lequel mon frère se trouve. J'évite d'y penser parce que j'ai bien l'impression que je serais capable de me foutre deux ou trois balles dans la tempe pour retrouver le rire de Loukian, l'écho de ma vie.

➺ POUR QUI/QUOI POURRAIS-TU MOURIR ?

Il y a déjà trois foutues années, j'aurais répondu pour ma famille. Mais mon frère est mort, mon père n'est plus qu'une âme à moitié errante. Moi ? Sans doute suis-je aussi un peu morte par procuration. Le fait est qu'il n'y a aujourd'hui plus personne à qui je tiens suffisamment pour penser à me sacrifier. Je donne beaucoup de moi pour aider mon père à s'en sortir mais, rendons nous à l'évidence, je ne suis plus qu'un fantôme là où l'absence est devenue son enfant. Alors il souffre, et je crois que je souffre avec. Plus personne pour qui vivre, encore moins pour qui mourir. A part Nox, peut-être. Mais je n'ai pas le droit de penser comme ça parce que c'est lui et son putain de père qui ont sacrifié la vie de Loukian. Alors à défaut de vivre pour lui, je m'entraîne chaque matin à écraser ces sentiments qui prennent un peu trop de place au milieu de mon estomac.

➺ QUEL PETIT PLUS T'AIDE DANS LA VIE (OU JEUX) ?

Pas grand chose. Chaque année, quand on nous force à regarder les Jeux, je ne peux pas m'empêcher de penser que je ne tiendrais pas bien longtemps dans l'arène avec mes quarante neuf kilos. Loukian savait chasser, porter soixante kilos à bout de bras et tirer à l'arc et ça ne l'a pas vraiment aidé. Alors peut-être que c'est mieux comme ça. Je suis, malgré tout, un petit génie. C'est du moins comme ça qu'ils m'appellent là-bas, au Capitole. Le petit génie de l'électronique. Je pourrais à coup sûr trafiquer quelques petits trucs du système une fois dans l'arène, mais rien de bien utile. Si on m'avait laissé le choix, j'aurais choisi d'être une fille discrète, que les gens frôlent sans jamais la voir. Mais comme on ne m'a jamais laissé le choix, je ne passe jamais inaperçue dans la rue. Heureusement, je cours vite et ma perspicacité pourrait m'être utile.

➺ AS-TU DES PROCHES QUI ONT PARTICIPÉ AUX JEUX ?

Mon frère. Loukian Sejdic. Le problème avec ces choses-là, c'est qu'on en sort jamais vraiment indemne. J'me souviens encore aujourd'hui de la promesse qu'il m'avait faite, un gage d'amour, un truc encore tatoué sur ma peau aujourd'hui : je ne te laisserai jamais, petite. Je savais, au fond de moi, que ces mots rimaient avec Adieu et pourtant, quand je l'ai vu s'acharner pour moi là-bas, si près de la mort, je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer qu'il reviendrait, que le destin nous sourirait au moins une fois et que, bientôt, il viendrait me tirer de mon sommeil à nouveau pour aller voler des conneries chez les habitants du Trois. Mais Lou n'est jamais revenu. Il est mort comme meurt un héros : seul. Et quelque part au fond de moi, il y a ces remords qui s'accrochent à mes tripes et me répètent à longueur de journée que c'est de ma faute, que c'est de ma faute parce qu'il était encore temps de fuir et qu'on n'a pris le temps de rien. Même pas de se dire au revoir, même pas de se dire adieu.

➺ COIN A ANNONCÉ LORS DES DERNIERS JEUX PAR MESSAGE PIRATE QUE LE TREIZE EXISTAIT TOUJOURS. TU ESSAIES DE TE JOINDRE À EUX OU AU CONTRAIRE, TU FAIS TOUT POUR STOPPER CETTE RÉVOLTE ?

Depuis que Loukian n'est plus là, c'est le district treize qui dépose des kilos d'espoir à mes pieds. Je crois, du fond du coeur, qu'on devrait tous les remercier d'avoir fait ce que personne n'avait le courage de faire : défier le Capitole. Si je travaille aussi dur pour être la meilleure en électronique, c'est sans doute parce que je veux qu'ils puissent compter sur moi le jour où ils en auront besoin. J'aimerais, un jour, prendre mon sac et partir les rejoindre. Parce qu'il n'y a rien de plus important à mes yeux que de voir Snow tomber. Il m'arrive même, au creux de la nuit, de rêver que c'est moi qui lui arrache son souffle de vie. Puis je me souviens de Nox et toutes mes certitudes s'étalent par terre pour laisser place à des milliers de doutes. Peut-être que c'est juste parce que c'est le président Snow que le Capitole mérite d'éclater. Peut-être, finalement, qu'il suffirait d'un peu de bonne volonté pour que Nox change ça et rende sa liberté à la liberté elle-même.

JE VIENS D'UN MILIEU défavorisé, AINSI, POUR MOI, LA NOURRITURE tient bien plus de la légende. DU COUP, MON NOM A trente-et-une CHANCES/RISQUES D'ÊTRE TIRE AU SORT. J'EXERCE LE MÉTIER DE petit génie en électronique ET POUR TOUT VOUS DIRE, J'adore ce que je fais. JE SUIS DANS LE 3ÈME DISTRICT. AYANT dix-sept JE peux PARTICIPER AUX HUNGER GAMES ET j'appréhende. ENFIN, J'ATTESTE QU'EN CRÉANT CE PERSONNAGE, J'ACCEPTE DE LE LIVRER À LA BARBARIE DES JEUX S'IL EST TIRÉ AU SORT.

tell us your story.

nothing goes as planned, everything will break.

« Lana, tu veux pas lâcher ça ? » Léger sursaut. « S’il te plait. » Après un soupir, je pose ma petite pince sur ce qui me sert de plan de travail : une vieille planche de bois posée à même le sol dans la chambre que je partage avec mon frère. « Qu’est-ce que tu veux Loukian ? » Je l’observe arquer un sourcil, habitude qu’il a à chaque fois que je dis ou fais quelque chose qui lui déplait ; autant dire que ça arrive souvent en ce moment. « Il me faut une raison maintenant pour demander ton attention ? » Mon regard s’attarde sur les traits de son visage et j’envoie valser la dispute qui pointe le bout de son nez un peu plus loin. Parce qu’on n’a pas le temps pour ça avec la moisson qui arrive, parce qu’on n’a pas le temps de s’acharner pour des choses qui n’en valent pas la peine. Et quand je le regarde, je me dis qu’on n’a même pas le temps de s’acharner pour celles qui en valent la peine. S’aimer comme il faut. Se battre pour la vie. Quelle vie ? Celle qu’on nous donne puis qu’on nous reprend, comme ça, parce que le Capitole décide de tout et qu’on le laisse faire, les mains dans les poches, la rage nulle part sinon au fond des baskets ? La vérité, c’est qu’on est de sacrés trouillards ici bas. La vérité, c’est qu’on couche avec la misère à longueur de journée, qu’on se satisfait de ce tout petit goût de liberté parce qu’on a trop peur de ce qui se passera après, quand le Capitole sera tombé et qu’il y aura tout à refaire. Alors, comme on a la trouille, on envoie des gosses mourir à notre place, on les regarde cracher leurs derniers soupirs sur des écrans géants et on dégueule des litres de flotte pour s’excuser. « Je suis désolée. » Mon frère hausse les épaules et tend sa paume vers moi avant de m'attirer contre lui. Je suis désolée. Mes vocables ont un goût amer, un goût d'incertitude et, quelque part au milieu de mes entrailles, il y a cette sensation qui me pousse à penser que je ne lui présente pas seulement mes excuses pour mon cynisme à deux balles mais aussi pour tous ces trucs qu'on ose jamais dire de vive voix parce que ça briserait la seule chose humaine qui persiste à Panem : l'espoir. Front contre son torse, je ferme les paupières et je devine qu'en réalité, ces trois petits mots banals cachent un je suis désolée Loukian, je suis désolée de rester là à rien faire alors que ça pourrait être toi demain, alors que ça pourrait être moi. J'suis désolée de laisser le Capitole s'immiscer entre nous, de nous risquer à ce jeu qui nous fout à l'envers. Et puis tant qu'on y est, tous ces bouts de papiers qui portent ton nom juste parce que t'avais peur que je crève de faim, c'était une mauvaise idée. Tu sais, j'préfèrerais crever de faim plutôt que de crever de ton absence. Alors faut qu'tu me pardonnes pour tout ça, faut qu'tu me pardonnes et faut surtout que ton nom reste où il est : dans l'oubli. « Plus qu'un jour. » L'attente parait soudain interminable. Accrochée à mon frère comme un homme sur le point de partir s'accroche à ses souvenirs, je prie le ciel de ne pas faire attention aux cinquante sept morceaux de papier qui enverront mon frère à la mort. J'en oublie même ces trois autres morceaux qui me sont destinés et pourraient tout aussi bien retirer ce qu'il y a de vivant en moi. Je serre Loukian et je prie ce gars qui n'existe sûrement pas de nous foutre la paix. « J'ai hâte d'y être. » M'éloignant de lui, je le vrille du regard, surprise. « C'est le seul jour de l'année où ma petite sœur porte une robe. D'ailleurs, laisse moi te dire que celle que tu as choisie est très jolie. Comme toi, en fait. » Je le maudis, lui et son humour à tout va, lui et sa nonchalance qui l'empêche de voir le monde tel qu'il est. Je le maudis de rire alors qu'on devrait hurler, se tirer avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'il n'y ait plus rien. Loukian fait partie de ces gens qui croient en la joie, en ces trucs qu'on n'achète pas et qu'on a quand même. Il fait partie de ces hommes qui vivent plus qu'ils ne meurent et qui arrachent de la vie à la vie. « T'es chiant Lou'. On dirait que tu as quinze ans et moi dix-huit. J'ai pas envie de ri... » « Hé, Lena. » Silence. « Ça va aller, d'accord ? Je suis revenu à chaque fois, pourquoi ce serait différent demain ? On va rentrer ensemble et tout ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Parce que je ne compte pas te laisser là, gamine. » Et je me laisse bercée par ce qu'il me murmure, je me passe en boucle ses paroles comme une chanson triste à mourir dont on veut se souvenir éternellement. Une chanson qui ne se termine jamais, qui joue, joue encore et encore et dont on invente à chaque instant de nouveaux couplets.

Mais il est quand même parti Svetlana. Vous y avez été main dans la main et tu es rentrée seule avec du vide à serrer. C'est con, le destin. Ça s'est joué à ça : un seul petit bout de papier. Un seul foutu morceau de papier pour décider qui doit vivre ou mourir. Comment t'as pu le croire quand il t'a dit que ça ne tomberait pas sur lui, idiote ? Vous avez jamais été gâtés tous les deux. Pauvres à bouffer des restes périmés dans un district où les gens vivent correctement. Une mère en moins, un père malade. Y'a des gens à qui la chance sourie et d'autres à qui elle crache sur les chaussures. Je sais que t'aurais aimé faire partie de la première catégorie Svetlana mais tu sais bien qu'on choisit pas ces choses-là. Alors voilà, il suffit d'un bout de papier parfois. Un bout de papier qui rime avec adieu.

people say goodbye in their own special way.

« Papa, est-ce que… » Est-ce que ça va ? La fin de ma phrase s’échoue au fond de ma gorge à l’instant où je me rends compte que je connais la réponse. Je suppose que c’est une question dont je ne me souviendrai plus avec le temps qui passe et qui nous casse. Est-ce que ça va ? Dans quelque temps, quand papa et moi aurons oublié jusqu’à comment on fait pour rire, je suis sûre que plus personne ne pensera à nous le demander. Et moi non plus. J’ai l’impression que papa a pris trente ans en six mois. C’est comme si, à la seconde où Loukian s’était éteint, lui s’était mis à faner. Parce que c’est exactement ça : il n’y a plus rien de vivant chez mon père. Je crois que le plus troublant reste son visage. Vieilli. Creusé par le chagrin, le désespoir et toutes ces choses qu’aucun homme ne devrait rencontrer. Depuis que mon frère est parti, je n’arrive plus à le regarder dans les yeux. Ca fait trop mal. Ca ouvre quelque chose en moi, quelque part près de cet organe gorgé de sang qui pompe la vie et fait tenir à genoux. Ca ouvre quelque chose et ça me fout à l’envers. Les yeux de papa me foutent à l’envers. Humides à longueur de journée, humides d’avoir versé toute la flotte qu’il y a dans son corps et de continuer à en trouver ailleurs. Tout le monde a fini par arrêter de chialer au nom de ces deux gosses du district Trois déchiquetés au combat. Tout le monde. Mais pas papa. Lui, il pleure toute la journée. Et même quand il dort, moi je l’entends gémir. C’est pour ça que je ne veux plus avoir à faire à ses yeux, c’est parce que ses pupilles racontent la guerre, la vie qui prend et ne rend pas. Parce que ses pupilles racontent son malheur et que ça me bousille toute entière de le voir s’écraser comme ça. De le voir mourir lui aussi, par procuration. « Veuillez maintenant acclamer la grande gagnante de la soixante-quatorzième édition des Hunger games. Elle nous vient tout droit du district cinq : Amelia Hamilton. » Je lâche mon père du regard pour m’accrocher aux pas de celle qui, indirectement, ne me ramènera pas mon frère. Alors ça y est. C’est juste ça ? Un défilé dans une robe à mille thunes. Des centaines de connards qui applaudissent. De la bouffe à en faire exploser tous les estomacs. Et pas un gramme de compassion. Pas une miette de pitié pour ceux qui sont en noir, pour ceux qui ont le ventre tordu, la gorge nouée, les poumons étouffés et le cœur à la ramasse. Comme la famille Callaghan qui a vu Matthew se faire étriper. Comme papa. Comme moi. Alors j'sais pas d'où ça sort, j'sais pas ce qui me pousse à laisser mon père en plan et à me faire un chemin à travers la foule. J'sais pas ce qui m'habite au moment où je décide de me tenir droite devant le fils du Président Snow. C'est plus fort que moi, plus fort que la douleur lancinante qui ne me laisse plus tranquille depuis que je m'endors chaque soir en espérant que Loukian sortira du placard pour me faire une surprise. « Toi. » L'assemblée se tourne vers moi. Toi pourrait bien désigner n'importe qui ici et, pourtant, c'est bien Nox Snow qui soutient mon regard le premier. Comme s'il savait. Comme si je transpirais suffisamment la rage pour qu'il comprenne que je suis la gamine qui a perdu son frère, qui l'a vu s'excuser de crever, un trou au beau milieu du cœur. « Tu devrais avoir honte. Comment t'arrives à te regarder dans... » Des bras me serrent, me tirent, sabotent ma liberté et s'en prennent à mon souffle qui se coupe. Un coup dans les côtes pour me plier en deux. Un second pour écorcher mes genoux sur le sol. C'est trop dur. L'absence. La mort. L'oubli. Le pardon. Mes paupières s'alourdissent d'elles-même et me revient le visage de mon frère qui s'effacera certainement au fil des jours, des mois, des années qui se perdent et nous perdent. Je ne suis même plus foutue de savoir jusqu'où je souffre, jusqu'à quel point la mort de celui que je considérais comme mon alter ego me pèse. Un jour on est deux contre le monde entier et le lendemain, on se réveille seul. Paumé. Sans repères. Sans envies. On se retrouve seul avec cette tristesse qui court dans nos veines, seul avec les remords et la liste de toutes ces choses qu'il nous restait à faire. « Il faut arrêter tout ça. Il faut mettre un terme à ce massacre. On va tous y laisser notre peau, hein, Loukian ? Eux. Lui. Moi. On va tous y passer... » Ma voix n'est plus qu'un murmure, une suite de sons qui s'en vont aussi vite qu'ils sont venus. Personne n'a entendu. Personne n'a entendu et le soulagement l'emporte sur le reste. Sur la crispation. Sur la souffrance. Sur ce corps qui ne porte plus que le deuil d'une âme souillée trop tôt, souillée trop mal aussi. « Hum. » Raclement de gorge. « Loukian était un redoutable adversaire. A la fois fort et ingénieux, il...» « Arrête. S'il te plait, arrête. » Il me reste encore un peu de force. Juste assez pour réussir à me hisser à nouveau sur mes pieds. Juste assez pour ne pas faire attention à mon genou qui se dérobe, au sang qui glisse le long de ma jambe. A cette robe que je portais pour lui et qui finira salie, elle aussi. « Mon frère aimait la vie. Il aimait vivre comme personne n'aimera jamais vivre. Et tant pis si ce n'était pas tous les jours facile, tant pis si vivre rimait avec une mère en moins et pas un rond au fond des poches. Il aimait ça. Se lever, constater que le soleil est encore là. Et rire. Rire, bordel. Il avait le plus beau des rires. Vous savez pourquoi ? Parce que ce n'était pas juste un son : ça sortait du plus profond de son être, ça le prenait aux tripes et il riait avec les lèvres, le cœur, les yeux. C'est ce qui me manquera le plus. Ses éclats de joie. Pas une fois, dans l'arène, Loukian n'a eu envie de sourire. Vous trouvez ça normal, vous ? Qu'un gars qui transpire le bonheur oublie comme ça marche d'être heureux juste parce qu'on l'enferme dans une boîte géante ? » Mes pupilles ne quittent pas un seul instant Nox Snow, tendu, quelques mètres devant moi. Nos regards s'accrochent à la haine de l'autre et il n'y a plus que nous. Face à face. Il est le silence là où je suis la rafale. Parce que c'est ce en quoi je me transforme à mesure que mes vocables empoisonnent l'air autour de nous : une rafale. De mots. De rancœur. De remords. Je le fixe et je me remets à dégueuler toutes ces choses que je n'ai jamais pris la peine de raconter. Je dégueule l'amour qui fout toujours tout par terre, le manque, la solitude. Je dégueule cette rage qui squatte mes entrailles depuis cette nuit où mon frère a filé hors de ce monde alors qu'il m'avait promis à la vie à la mort, alors qu'il m'avait juré jamais toi sans moi. « Il m'arrive encore de me réveiller en pleine nuit et d'ouvrir un par un tous les placards, tous les tiroirs de la baraque en espérant qu'il s'y cachera. Mais il n'y a jamais personne. Mon frère s'appelait Loukian, Loukian Sejdic. Il avait dix-huit ans et il trouvait dans la vie la force de se sentir vivant. Mais ça n'a pas suffit et il est mort. Comme ça. Sans éclats de joie. Avec sa gueule triste à mourir. Un coup de couteau en plein dans l'cœur et c'était fini. Pour lui. Pour le district trois. Pour papa. Et puis pour moi. » Mort. Je me rends compte que c'est la première fois que j'ose le dire à voix haute, que c'est la première fois aussi que je parle de lui au passé. Et la réalité, violente, imperméable aux états d'âme, me claque à la gueule et tranche mon cœur en deux. Mort. Avec pour derniers mots des excuses qui m'étaient destinées. Mort de chagrin d'avoir failli à sa promesse. Mort d'être mort pour d'autres que moi. Mort.

Alors tu t'es mise à hurler, gamine. Tu t'es mises à hurler l'atrocité de ce monde. Tu as laissé la flotte te noyer le visage comme elle noyait celui de ton père. Pour la première fois. Parce qu'il ne reviendra jamais Svetlana. Parce qu'il ne reviendra pas et que tu ne pourras plus jamais lui dire je t'aime Loukian, je t'aime comme je n'aimerai jamais personne et nos disputes manqueront toujours à mon quotidien. Jamais toi sans moi, n'oublie jamais. Moi, je n'oublierai pas. C'est pour tout ça que tu pleures, pour tout ça que tu hurles et que tu as envie de t'arracher les cordes vocales en espérant que le coeur suivra. Une bonne fois pour toutes. Une bonne fois pour lui. Mort.

you're in my veins and i cannot get you out.

« Alors, ça avance ? » Soubresaut. Retour à la réalité. Je sens sa main sur mon épaule et il ne me faut pas plus que cette légère pression sur mon corps et ce timbre si spécial pour le reconnaître. Je suis certaine que je pourrais mettre un visage sur cette voix parmi mille autres. Parce que cette voix est la plus dure et la plus froide qu'il m'ait été donné d'entendre. Parce que ce timbre porte les marques d'une existence passée à côté des choses essentielles sans jamais y goûter. Nox Snow. « On ne t'a jamais appris à frapper avant d'entrer, là-bas ? » Là-bas. Au Capitole. C'est plus fort que moi : j'ai besoin de le dire à longueur de journée, pour me forcer à ne pas lui donner plus d'importance qu'il n'en a déjà, pour me forcer à me rappeler qu'on n'est pas du même monde et qu'on ne le sera jamais. C'est comme ça, à Panem. On naît quelque part et on sait pertinemment qu'on y crèvera. Il n'y a pas vraiment de place pour le hasard. Il m'arrive souvent de penser au monde avant tout ça, avant le Capitole, avant Snow. Avant ces districts qui servent de cases dans lesquelles on classe les gens comme on pourrait classer du bétail. Il m'arrive de penser à ces gens qui partaient comme ils revenaient, juste parce que le vent les emmenait ailleurs, juste parce qu'ils bouffaient la liberté et rien d'autre. « Est-ce que tu comptes répondre à ma question ? » Alors aujourd'hui ne sera pas une journée jolie à mourir. Aujourd'hui sera une de ces journées qu'on aimerait enfermer au fond d'un placard, le genre de journée qui donne des rides aux coins du cœur et nous remplit les tripes de nostalgie. Je fais face à Nox et ne suis pas surprise d'y découvrir un regard noir à bousiller n'importe quelle âme, un regard noir à faire peur au plus fort des hommes. J'enfonce mes pupilles dans les siennes et je me rends comte que je ne suis toujours pas habituée à sa présence ici, chez moi, au milieu de ces quatre murs qui tombent en ruine et qui me servent à la fois de chambre et de repère. Je m'attarde sur les vêtements à mille thunes qu'il porte et à l'intérieur de mes entrailles renaît cette tristesse qui murmure va-t-en Nox, va-t-en tant qu'il en est encore temps. Va-t-en tant que tu le peux encore. Parce qu'après il sera trop tard, après on va devenir ces gens croc l'un l'autre, ces gens qui oublient comment faut faire pour vivre pour soi, soi-même, soi seul. Va-t-en comme tu le fais toujours mais cette fois, ne te rappelle pas qu'il faut revenir, ne te rappelle pas qu'il faut que tu me reviennes. Je me rends compte que c'est la présence de Nox qui me rends la plus triste. Pas son absence. Pas encore, du moins. Parce que c'est trop tôt. Bientôt, ce sera trop tard. Mais pas encore. Je laisse un bout de ce que je suis dans ses yeux et je me dis que c'est parce qu'il a du chagrin plein le ventre que je me sens si mal à l'aise quand il me tue du regard, parce qu'il a du chagrin plein le ventre et qu'il ne le sait même pas. « Ça avance doucement. Il faudrait que j'essaie d'intégrer une base de données, une mémoire interne pour que l'identification se fasse plus rapidement. Mais ce n'est pas aussi simple que ça. L'idée de la caméra était bonne, ceci dit, ça ne fonctionne pas tout le temps. Il doit y avoir un autre moyen, peut-être qu'en créant un fichier supplémentaire sur le même procédé que les reconnaissances ADN j'arriverais à... » Je m'arrête dans ma lancée en remarquant que Nox ne suit plus ce que je lui raconte depuis un moment. A la place, il dessine un sourire sur ses lèvres. Un de ces sourires qui redonneraient de l'espoir à n'importe quel abîmé. Un de ces sourires qui me font croire qu'il doit bien y avoir quelques grammes d'humanité cachés là, en lui, et que si on ne la voit pas c'est simplement parce que personne n'a jamais osé le fouiller, le creuser. Personne ne l'a jamais troué. Au plus profond de lui. « Du calme le petit génie. » Et ce sourire qui ne s'en va pas tandis qu'il glisse ses doigts le long de mes paupières qui se ferment instinctivement à leur contact. Et ce sourire qui refuse de foutre le camp alors qu'il caresse mes lèvres comme s'il me faisait une confession. Un aveu. Comme s'il me criait j'aurais aimé être quelqu'un d'autre Svetlana, ou alors, j'aurais aimé que tu sois quelqu'un d'autre. J'aurais aimé ne pas avoir à me souvenir d'où tu viens, de quel bois tu es faite. J'aurais aimé que tu ne sois pas vraiment toi, que tu ne sois pas un peu moi. On aurait pu essayer, alors. De s'aimer. Comme il faut. Comme les autres. « Rappelle-moi pourquoi je fais tout ça ? » finis-je par dire pour envoyer valser cette proximité qui nous tort tous les deux. Je désigne du menton la petite caméra dépecée et l'ordinateur allumé devant moi. « Parce que ton père est malade, que tu as besoin d'argent et qu'on t'en donne en échange de tes services en électronique. Parce que tu n'as pas le choix, aussi. Et parce que, secrètement, tu y vois une opportunité de te rapprocher de moi et de venger ton frère. » Haussant les épaules, je ne trouve rien de plus à répondre. Il dit la vérité. Si j'ai accepté d'aider le Capitole, c'était seulement pour, un jour, réussir à rendre sa dignité à mon frère. C'était limpide, sans tâches. Et puis j'ai découvert que Nox pouvait mettre de la pommade sur les plaies qu'il a lui-même ouvertes. Et puis j'ai découvert qu'il m'arrivait d'avoir envie de le faire rire.

C'est pour ça qu'elle prend du temps la vengeance Svetlana, c'est parce que t'as jamais été foutue de faire les choses comme il faut. T'es tombée amoureuse de celui qui a continué à manger et rire en regardant ton frère gerber le reste de sa vie. Alors tu te trompes de chemin, tu reviens sur tes pas, tu souilles et profanes ton corps avec le sien et après, tu remplis des bocaux de larmes parce que tu culpabilises. D'avoir une case en moins. Et de faire en sorte que Nox t'aime en retour.

reality is here.

Je m'appelle Camille mais on me surnomme généralement Cam (sans blague) ou wasted comets sur la toile (). J'ai dix-huit ans et je m'en vais en dut chimie () et même que je suis passionnée par la musique. Sinon, j'ai lu tous les livres, vu le film et ce forum est sincèrement très accueillant. Les membres sur la cbox ne laissent pas les nouveaux de côté, c'est si rare : bref merci pour la merveille.

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Je dois t'avouer que je t'épouse un million de fois sans ton accord
C'est juste parfait ; le pseudo, l'avatar, le lien, moudieu
J'AI HATE QU'ON PUISSE RP
Bienvenue et bon courage pour ta fiche

Svetlana Sejdic a écrit:

j'ai hâte de rp aussi mais avant, remporte les jeux avec ezea