Je parcourais le couloir, l'air songeur, la tête ailleurs. Ma main glissait sur le mur en béton à ma droite à mesure où je m'enfonçai à l'intérieur des souterrains. Depuis combien de temps je n'avais pas mis les pieds ici, parcouru ce chemin que je connaissais par cœur ? Je ne savais pas. Plus. Bien trop longtemps c'était sûr. J’avançai lentement, prenant mon temps, hésitante. Était-ce vraiment le bon moment pour revenir ? Une fois que j'aurais fait mon entrée dans la salle de commandement, je savais pertinemment que je ne pourrais plus en sortir. Je m'étais permis une trêve, une et une seule. Pas deux. Non, hors de question de tout plaquer comme je l'avais fait une seconde fois, je n'avais pas le droit. Ma mâchoire se serra. Oui ; j'étais prête. J'en étais sure, sure et certaine, je pouvais reprendre mon poste. J'avais un bon nombre obligations, je n'avais pas le droit de me laisser abattre. Pas encore. Je n'étais pas faible, je n'avais pas besoin d'un séjour de rétablissement. Plus besoin. J'allais mieux, vraiment, j'allais pouvoir faire face maintenant. Du moins, c'était ce que je me disais. Je laissai tomber mollement ma main sur ma cuisse, et accélérai le pas.
 
Le regard vide, j'essayai d'éclipser les derniers événements de mon cerveau. Mon séjour au Neuf, et surtout Priam. Tout ça n'avait plus de raison d'être ici, au Treize. Je tâchai d'oublier j'essayai de chasser tout ça de mon esprit, mais chaque fois que ce dernier n'étais pas occupé, l'image du jeune Pacificateur revenait au galop. Priam. Son sourire si rare, son regard à la fois si distant et si doux. Le comportement maladroit qu'il adoptait en ma présence. Personne ne devait savoir. Car peu importait combien je tenais à lui, et peu importait s'il avait aidé à me reconstruire ou non, la vérité blesserait forcément mon entourage. Tous les rebelles qui suivaient mes ordres seraient choqués d'apprendre que j'avais sympathisé -et pas que- avec un membre du clan adversaire. Posy, ma belle-sœur, n'apprécierait pas vraiment le fait que j'ai trompé son frère. Et ce frère, mon fiancé, mon Mel. Comment le prendrait-il ? Même s'il n'avait aucun souvenir de moi, de nous, comment prendrait-il le fait d'avoir été trompé ? Je préférai ne même pas l'imaginer. La possibilité qu'il l'apprenne un jour, c'était exclu, pas même envisageable. Non, personne ne devait savoir, les gens se contenteraient de la version que je leur avais servis : j'étais rentrée car les soupçons sur ma véritable identité devenaient trop importants. Ce qui n'était pas un mensonge en soi, ils n'étaient censés connaître la raison qui avait éveillé ces soupçons.
 
Plus j'avançais, moins ma démarche était fluide. Tendue, à mesure où le centre de commandement se rapprochait, les rebelles se faisaient de plus en plus nombreux. Normal, nous étions au milieu de l'après-midi, l'agitation battait son plein. L'agitation … Depuis combien de temps je n'avais pas goûté à cette dernière ? Mon séjour au Neuf avait été tellement calme. Trop même. En deux mois j'avais passé la majorité de mon temps dans la petite maison qu'on m'avait fournis, à ne rien faire, à attendre que la douleur passe. Ça n'avait même pas marché. Tout ça me manquait. L'effervescence d'une salle de contrôle, un rassemblement de rebelle, brûlant de faire tomber le Capitole. J'avais aussi perdu ça. Cette flamme qui me poussait à détrôner Snow. Et ça me manquait. Je voulais retrouver cette rage, cette envie de me battre. C'est pourquoi j'étais là, et j'étais prête à reprendre ce que j'avais laissé. Oui j'étais prêtre. C'est malgré tout avec une boule au ventre que je pénétrais dans le centre de commandement. J'étais nerveuse, chose assez inhabituelle pour moi qui avait normalement tout sous mon contrôle. Tout m'avais filé entre les doigts, et maintenant je ne savais pas dans quel sens reprendre, comment recommencer. C'est malgré tout cette nervosité qui me poussa vers l'avant. J'avais assez été prise pour une faible comme ça, les soldats du Treize avaient pu me voir dans mes moments les plus sombres, mais maintenant c'est fini. Plus de larmes, plus d'escapades au Neuf. Tout ça c'était fini. Je devais être forte.
 
D'un pas vif, décidé, la tête haute, je traversai la salle d'une traite pour me placer aux côté d'une jeune blonde. J'ignorai les regards étonnés qu'on me lançait de toute part ; les dirigeants des souterrains devaient sûrement être surpris de me voir de retour après près de deux mois d'absence. La jeune femme n'avait pas remarqué ma présence, si bien que je pris le temps de prendre une grande inspiration avant de me lancer. “ Posy. ”lâchai-je dans un souffle. “ Ça me fait plaisir de te revoir. ” lâchai-je en souriant timidement. Depuis combien de temps ne nous étions nous pas parlé ? Même si au début j'avais droit à quelques messages de ma belle-sœur, on avait vite interrompu tout contact, si bien qu'à la fin je recevais à peine un rapport par semaine. Je l'observai. Elle avait … changé. Elle aussi. Les traits tirés, le visage pâle. Je me demandais depuis quand elle n'avait pas fermé l’œil. Elle était bien loin de la Posy que j'avais connu en même temps que Mel. Les souvenirs de la petite blonde de mon enfance refirent surface, celle qui était assise sur le comptoir de la petite boutique de ses parents. La casse-cou qui riait sans cesse. Aujourd'hui elle en était bien loin. “ Dis-moi tout. Où est ce que tu en es ? Qu'est-ce que j'ai raté ? ”