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MessageSujet: eyes wide open △ ATALIAM   eyes wide open △ ATALIAM Icon_minitimeJeu 14 Juin - 14:18

C'était obsédant. Constamment, tout le temps. A chaque seconde, chaque minute, à chaque fois que je posais les yeux sur quelqu'un, j'avais ce minuscule instant, cette fraction de seconde où ma respiration se coupait d'elle même, parce qu'il y avait cette infime possibilité que mon interlocuteur soit elle. Mais elle n'était jamais là, et je reprenais une inspiration en même temps que mon calme, continuant de trier de la paperasse. Pourtant, son visage était toujours imprimé dans mon esprit, ainsi que son nom. Cerès Undersee. Un prénom délicat, comme le minois de la jeune femme auquel il appartenait. Cette obsession, cette envie constante... Ce n'était pas normal. Je le savais. Où était passé ce satané Priam, calme, neutre, loin de toute l'agitation que provoque l'humanité? J'avais d'abord cédé à la colère lorsque Cerès m'avait filé entre les doigts comme des grains de sable. Puis, à la colère avait cédé la surprise. J'avais joué le bon Pacificateur, l'homme droit, amical et honnête auquel il était facile de s'accrocher, mais cela n'avait pas suffit. D'où ce déroutement, sûrement. Personne ne résistait à mon petit jeu. Personne n'arrivait à refuser, personne n'arrivait à y voir au travers, et pourtant.. Et pourtant, il semblait que pour la première fois depuis des lustres, quelqu'un m'avait échappé. Finalement, cette obsession permanente était apparue, quasiment du jour au lendemain, et il m'était impossible de la déloger. Les deux semaines après notre première rencontre, j'étais toujours dans cet état d'engourdissement, et je pouvais sentir des émotions, des sensations humaines que je n'aurais jamais dû connaitre, grandir en moi sournoisement, plantant dans mon esprit des idées auxquelles je n'aurais jamais dû prêter attention. Et cela me semblait tellement bizarre que je ne pouvais que faire une fixette là-dessus. Peut-être que si j'avais simplement tenté d'oublier... Rien ne serait arrivé.

Sortant de mes pensées, je prêtai oreille aux ordres de mon supérieur, hochant la tête distraitement. Si je pouvais m'octroyer le droit de me sentir ainsi à l'intérieur de moi-même, il était hors de question que je me permette de briser ce masque d'indifférence. Qu'adviendrait-il de ma future promotion si j'étais moins efficace? Il m'était impensable de rater une si belle opportunité pour une simple interrogation. J'avais besoin de ne plus y penser. « Silverheart ? » A nouveau, je hochai la tête, un peu moins distrait. « Pardon ? Je crains ne pas avoir compris, Monsieur. » Mon supérieur soupira, avant de s'affaler sur une chaise qui craqua sous son poids. « Silverheart... Vous faisiez un meilleur travail avant. Ressaisissez vous, bon Dieu ! » Je me mordis la lèvre, baissant le regard, comme un enfant honteux pris en flagrant délit de chapardage. « Je vous prie de m'excuser. » je fis, les dents serrés, cédant lentement à la colère avant de me reprendre. Je relevai la tête, le regard froid, et fixai mon patron. « Vous faites un excellent travail, cependant. Un Pacificateur exemplaire, comme peu le sont. Entre nous, je pense que vous allez très vite obtenir une place de haut-gradé pour vos résultats plus que satisfaisants. » L'ombre d'un sourire forcé glissa sur mes lèvres, rictus bien vite éclipsé. « Mais... Vous vous mettez trop de pression. Jamais vous n'allez résister à la pression à ce train-là. Même lors de vos jours de congé, vous êtes au poste. N'avez vous donc pas une femme, un enfant? Prenez donc un jour de repos, Silverheart. Cela vous fera du bien. » Je hochai la tête, quelque part blessé par les propos de mon supérieur. « Je vous remercie. » je fis d'une voix mielleuse, avant de sortir du bureau, puis du poste. Je retournai chez moi, frustré. J'ôtai mon uniforme, passant un tee shirt et un bas plus confortables.

Le problème, lorsque j'étais à la maison - si on pouvait appeler cela une maison. personnellement, c'était simplement un endroit où crécher, rien de plus. - c'était que rien ne parvenait à m'occuper. Je ne savais que faire de mon temps libre, et c'était généralement à ces instants là que mes maux de tête débutaient. Cette fois ne faisait pas exception à la règle, et dès que j'eus passé ledit tee shirt propre, le sang battant dans mes tempes commença à me faire mal. Je m'allongeai sur mon lit, fermant les yeux, je pris une tasse de café froid, une infusion, je tentai même de lire un peu, mais rien n'y faisait. Ma migraine n'allait pas passer aussi vite que ça. Autant employer tout ce temps libre pour faire quelque chose de productif. J'avais pris, quelques jours auparavant, encore un peu de paperasses à trier, pour m'occuper les soirs de pluie, où aller en ville trouver une jeune femme à ramener à la maison était exclu. Je m'attelai donc à la tâche, triant, jetant, séparant sans relâche, pendant presque deux heures, lorsqu'un nom attira mon regard. Celui de Cerès Undersee. Je tirai la feuille, le souffle court. Le dossier ne contenait presque rien. Pas une seule photo, juste un nom et une date de naissance. Rien de plus. Pas d'adresse. Rien d'exploitable. Je restai un long moment à fixer les lettres, avant de trouver un but à cette après-midi de libre. Retrouver Undersee. Pas nécessairement pour lui tirer les vers du nez, non, je m'en fichais de ça, sûrement. Juste pour vérifier. Vérifier quelque chose que je n'arrivais même pas à nommer, et encore moins à décrire. Quelque chose me disait que je devais absolument la retrouver. Quelque chose... Comme une petite voix.

Ce fut au bout d'une heure de traque que je laissais tomber. Le District Neuf était trop grand pour que j'arrive à retrouver Cerès aussi rapidement. Sans parler du fait qu'il y avait une infime possibilité qu'elle ne soit que de passage dans ce district. Infime, car les déplacements sont interdits sauf cas particuliers. C'était décourageant, et frustrant. Comment chercher une aiguille dans une botte de foin. Le tee-shirt trempé de sueur à force de courir, je dus me résigner et arrêter mes recherches. Je me rendis dans un petit bistrot, et commandai un thé sans grande conviction. Sirotant ma boisson distraitement, je me laissais aller dévisager les gens. La patronne était une dame graisseuse, peu féminine, les doigts boudinés. Ses clients étaient tous des hommes, au comptoir, le dos courbé, l'air las. Rien de très reluisant. La vitrine parfaite du District Neuf. Je détournai le regard, alors qu'une silhouette passa devant la vitre en verre du bistrot. Et aussitôt, comme une évidence, je compris que c'était elle. Je me ruai hors du café, laissant ma tasse de thé fumant sur la table, et me mit à crier. « Undersee! Undersee! » Ne la voyant pas se retourner, je me dirigeai vers elle et attrapai son poignet. « Cerès. »
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MessageSujet: Re: eyes wide open △ ATALIAM   eyes wide open △ ATALIAM Icon_minitimeVen 15 Juin - 23:20

“ eyes wide open

Mon couteau se planta dans le mur. Encore. Depuis combien de temps je m'amusais à ce petit jeu ? Je ne savais pas. Je ne savais plus. Je ne comptais plus. En face de moi, des centaines d'entailles dans le papier peint décrépis, et autant de trous dans le mur. Deux semaines. Deux semaines que je l'avais rencontré. Deux semaine qu'il m'obsédait, qu'il ne quittait plus ma tête, qu'il me rendait folle. Priam. Qui faisait monter en moi une rage folle, indescriptible. Pourquoi le fait de penser au Pacificateur me mettait-il dans de tel état ? Dans mon esprit, tout s'embrouillait. Certes, j'étais en colère de m'être fait prendre aussi facilement. De m'être fait attraper sans aucun problème, d'avoir été si faible. Je lui en voulais pour ça. Mais ce n'était pas le problème. Ce n'était pas cela qui m'empêchait de dormir. Non. Dans un mouvement pour moi naturel, j'envoyai mon encore un couteau se planter dans le mur. Il rejoignit la dizaine de ses semblables, toujours accroché dans la cloison pour certain, gisant au sol pour d'autre. Non ce n'était pas ça qui me mettait hors de moi. Je connaissais la réponse. Je la connaissais mais pourtant refusais de l'admettre. De tous les moyens, j'essayais de me convaincre d'autre chose. Une vérité plus douce, moins douloureuse. Je tentai de faire porter le chapeau à mon état mental, à ma dépression. Au vieil homme que j'avais agressé dans la ruelle. C'était leur faute. Pas la mienne. Leur faute si ce Priam m'obsédait, s'il me mettait hors de moi. D'un geste mécanique, je lançai encore un couteau. Puis un autre. Encore, jusqu'à ce qui ne reste plus aucune arme sur la table. Tel un automate, je me levai, m'avançai vers le fond de la pièce et récoltais la multitude de couteaux qui y trônait. Couteau de lancer, de cuisine, du plus simple, du plus modeste au plus prestigieux, ceux qu'on m'avait fourni au Treize. Je les ramenais vers la petite table et me rasseyais à la même place que toute à l'heure, celle que j'occupais depuis deux semaines. A quoi bon ? A quoi bon me cacher la vérité après tout. Je ne pouvais pas rejeter la faute sur quoique ce soit. C'était moi. C'était moi qui clochais.

J'alignai les uns à côté des autres la quinzaine de couteau que j'avais amassé. Oui, c'était moi. J'en attrapai un, fis glisser sa lame contre mon avant-bras. Je savais pertinemment pourquoi ce jeune homme me mettait en colère. Et je refusais de l'admettre. Lentement, je caressais ma peau nue, d'un blanc immaculé. Je refusais l'admettre, parce que ça faisait mal. N'avais-je pas déjà assez souffert ? Perdre ma famille, Mel, la tête des rebelles. Fallait-il vraiment en rajouter ? J'arrêtai la pointe du couteau sur le bout de mon doigt. Apparemment oui. D'un coup sec, la lame se perdit dans ma chair, laissant perler au sommet de mon index une petite goutte de sang. Apparemment, quelqu'un quelque part estimais qu'il était nécessaire d'en rajouter une couche. Il fallait que je me rende à l'évidence ; je n'étais pas en colère contre Priam, j'étais en colère contre moi. Contre ces sentiments qu'il faisait apparaître dès qu'il entrait dans mon esprit. Des sentiments que je ne ressentais habituellement qu'en pensant à Melisandre. Des sentiments que je n'avais pas le droit de ressentir pour personne d'autre que pour ce dernier. Et même si lui ne connaissait plus rien du genre pour moi, moi ils ne me quittaient jamais. Alors comment pouvaient-ils exister aussi pour Priam, ces foutus sentiments ? J'étais amoureuse de Mel, plus que jamais, et je le serais toujours. C'était de lui dont je rêvais toutes nuit, depuis des années. Pas de Priam. Lui, il ne pouvait pas exister. Non. Brusquement, j'expédiai le couteau dans mes mains à l'autre bout de la pièce. Non.

Je devais sortir. Me changer les idées. Rester enfermée dans cette pièce ne faisait qu'alimenter ce conflit intérieur, j'avais besoin de prendre l'air. De mettre de l'ordre dans mes idées, d’évacuer les pensées parasites. De faire sortir Priam. J'enfilais une veste, puis me recoiffai. Je me figeai devant mon reflet. Pour une fois il n'était pas si … si mauvais. Pour la première fois depuis des semaines, je n'avais pas si mauvaise mine. Étrangement, depuis que j'avais rencontré le Pacificateur, je dormais mieux, je mangeais plus. Et ça se voyait ; mes traits étaient moins tirés, j'avais repris des couleurs. Même mes yeux avait repris une teinte presque habituelle, moins terne. Avec cette rage qu'il avait provoqué en moi, je me sentais revivre. Petit à petit je reprenais des forces. Grâce à lui … Je secouai la tête. Non. Ce n’était pas grâce à lui, il ne pouvait pas m'être bénéfique. Il ne m’attirait que des problèmes, rien de plus. Je quittai mon reflet et claquai la porte derrière moi. Dans la ruelle où donnait ma petite maison, la vie continuait son court. Je traversais l'allée d'un pas las, évitant le regard noir de la vieille folle qui habitait en face, répondant poliment au salut du commerçant au bout de la rue. Puis je débouchai dans une des artères principales du district. Soudain un jeune homme blond traversa devant moi, le visage impassible. Mes pieds me portèrent d'eux même vers le jeune homme, le cœur battant, j'espérais. J'espérais que ce soit Priam. Un coup d’œil à son visage me prouva que non, et une pointe de déception me parcourut. Non, je n'avais pas le droit d'être déçu, je n'avais pas le droit d'espérer. Je ne devais pas le revoir. Je devais l'oublier. Je décidai de faire demi-tour, continuant mon chemin d'un pas las, essayant de penser à autre chose. Apercevant un poissonnier, je me surpris en train de penser à Mel. Peut-être n'aurait-il pas trouvé le Neuf si désagréable. On aurait pu aller des grandes ballades dans la forêt, passer dans heures à déambuler à travers les arbres. Je me laissai tomber dans ce flot de pensées, imaginant mille possibilités s'il avait été là, avec moi, comme avant. Masochiste … pensais-je. Je m'autorisais rarement ces moments de bonheurs. Ces moments où je faisais semblant que tout allait bien. Ces moments qui finissaient mal, puisqu'il fallait toujours qu'à un moment ou un autre, je retrouve la réalité.

C'est perdue dans un de ces instants de plaisir imaginaire, qu'une voix s'éleva dans la foule. “ Undersee! ” Je sortis de mes pensées. Pendant quelques instants je pensais avoir imaginé sa voix, que ce foutu Pacificateur arrivait même à pourrir mes rêveries. Mais mon soi-disant nom retentit une seconde fois. “ Undersee! ” Je serais les dents, me stoppa net. Figée, j'attendais qu'il m'atteigne. Mon cerveau se déconnecta, refusant de fonctionner. Puis elle réapparut. Cerès. Celle qui au lieu de ressentir de la rage pour Priam, éprouvait un sentiment plus doux. Une main m'agrippa le poignet. Atala aurait tout de suite brisé le contact. C'était la sienne bien sûr, mais elle, elle n'aurait permis à personne de la toucher, en dehors de Melisandre. Mais Cerès mourrait d'envie de retrouver le doux contact de sa main contre la sienne, comme dans la ruelle, une quinzaine de jour plus tôt. “ Cerès. ” Je me retournai lentement, cherchant directement le regard apaisant du Pacificateur. “ Priam. ” Ma voix ne trouva pas la bonne tonalité, hésitant entre plusieurs ; un mélange de surprise, de peur mais aussi, à mon plus grand regret, de bonheur. Le bonheur de l'avoir croisé. D'être avec lui.

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MessageSujet: Re: eyes wide open △ ATALIAM   eyes wide open △ ATALIAM Icon_minitimeJeu 21 Juin - 21:58

Le contact de mes doigts glacés autour du poignet mince de Cerès me fit frissonner. Pas parce que j'en avais peur. C'était un frisson de plaisir, mêlé à quelque chose que je n'arrivais pas à nommer. C'était à la fois frustrant, et tout bonnement agréable. Agréable... Voilà un mot que j'avais banni de mon dictionnaire depuis toujours. Les choses étaient incolores, les parfums inodores, les goûts fades et insipides. Rien d'agréable, rien de désagréable. Juste une neutralité parfaite, une teinte de gris sans tache de blanc ou de noir. Ma vie et moi étions en accord. Rien de spécial. Rien de nouveau. Je me plaisais dans un univers que je croyais stable.. et que Cerès avait réussi à faire pencher sans même sans rendre compte. J'aimerais pouvoir dire qu'aussitôt après avoir attrapé le poignet de Cerès, j'ai retiré ma main, mais cela me semblait impossible. Inconcevable. Comme si, si je me détachais d'elle, elle allait me filer entre les doigts. Encore une fois. Et il était hors de question qu'à nouveau je me retrouve à devoir me poser autant de.. questions, justement. Je me forçai à remettre de l'ordre dans mes pensées. A essayer de reprendre le contrôle de moi-même, de faire taire ces interrogations suspectes aussi vite que possible.

Je pris une longue inspiration, sentant mes traits déformés par mon impulsivité passagère. Je devais être hideux à en pleurer, dans la spontanéité. Mon visage devint neutre et froid brutalement, me soulageant quelque peu. J'avais toujours aimé être ainsi, et savoir que je n'avais pas changé me calmait et me détendait. « Priam. » Cependant, le ton de sa voix me fit.. quelque chose, je devais l'avouer. Parce que mon esprit se disait que quelque part, il y avait une pointe de bonheur, de joie dans sa voix. Mais je dus me calmer bien vite : comme si je pouvais faire confiance à mon esprit. N'avait-il pas cette fâcheuse tendance à me dicter mes actes, sous la menace d'une migraine atroce ? Si ce châtiment semblait anodin, il était le pire de tous. Lorsque vous vous brûlez, il y a toujours la possibilité d'éloigner la source de chaleur. Avec de tels maux de tête, non. Parce que tout cela se passe à l'intérieur. Tout. Et il vous est impossible d'y remédier sans médicament hors de prix ou recette douteuse que je refusais de tester. C'était presque comme cette obsession avec Cerès qui m'avait touché pendant deux semaines. Savoir que tout se produisait dans ma tête était sans aucun doute la pire chose qui pouvait exister. Je me sentais impuissant face à ce phénomène, incapable de réfléchir posément, incapable de voir les choses le plus rationnellement possible. Dans ce genre d'état, c'était peine perdue, et je n'étais pas du genre à perdre mon énergie pour de telles choses.

Pendant un moment qui me sembla être une éternité, je fixais le visage qui m'avait tant marqué, je fixais ces yeux qui hantaient mon sommeil, je fixais ces lèvres qui me murmuraient des paroles dans mes rêves les plus sombres. Je pouvais presque sentir qu'une espèce de vide était comblé, mais qu'un autre se creusait aussitôt. J'ouvris la bouche, mais aucun mot n'en sortit. Je ne savais pas quoi dire. Je ne savais pas quelle attitude adopter. Je ne savais pas quoi penser, voilà tout. J'hésitais entre le soulagement de voir que Cerès n'était pas une invention de la petite voix, et en même temps je me sentais tellement... anormal, je sentais que toute la situation n'avait plus aucun sens et me semblait ridicule. « Bonjour. » fut la seule chose que ma bouche brusquement sèche arriva à articuler, presque malgré moi. A contre-coeur, je déserrais ma prise du poignet de Cerès, avant de la lâcher complétement, effleurant une dernière fois la peau fine au dessus de ses veines. Chaque détail d'elle s'imprimait dans mon cerveau comme aucun détail ne l'avait pas auparavant, et pourtant, j'étais quelqu'un qui prêtait attention aux plus minuscules et infimes choses. Je ne voulais pas omettre ne serait-ce que le mouvement de ses cils lorsqu'elle clignait des yeux. Je ne voulais pas, et je ne pouvais pas. « Je t'ai cherchée partout, Undersee. » Ma voix trahissait une espèce de soulagement que je n'aurais pas dû exprimer, en désaccord total avec le visage ferméé que je m'efforcais d'adopter. « Partout. » je répétais, murmurant.

Je voulais de nouveau sentir une peau sous mes doigts, je voulais sentir la chaleur d'un contact humain. Pire, je voulais sentir sa peau. La toucher elle. Je n'étais d'ordinaire pas friand de ce genre de choses, pourtant tout mon être me criait d'y aller. Mais je ne pouvais pas. Ce n'était pas possible. Je le savais pertinemment, et ce depuis le début, mais cela n'empêchait apparement pas mon cerveau de m'envoyer des images de ce type. Au moment où je baissais les yeux, comme pour mieux enfoncer le clou, j'entendis ce sifflement si particulier, si unique, à l'intérieur même de ma tête, qui ne présageait jamais rien de bon. C'était synonyme de la petite voix. Quelques instants plus tard, comme je l'avais prédit, les mots commencèrent à s'égréner dans mon esprit, me dictant comme une conversation normale est censée se dérouler. Bonjour, bonjour, comment allez-vous, ce genre de banalités que je ne savais guère utiliser pour la bonne et simple raison qu'éviter le contact humain me semblait largement plus facile et plus sain.

« Où étais-tu ? » fut pourtant la seule chose qui traversa le seuil de mes lèvres. J'avais fait des patrouilles pendant deux semaines sans la trouver. J'avais cherche pendant une heure, en vain, et elle m'apparaissait soudainement comme une fleur. Je tenais à savoir où elle était pendant tout ce temps-là, et si elle me demandait pourquoi, je n'aurais qu'à répondre un simple "pour remplir ta fiche d'identité". Facile. Mais les mots s'écorchaient dans ma bouche, et je redoutais de dire une autre phrase de peur de me faire mal comprendre. Je me sentais nerveux. Pour la première fois depuis bien longtemps, je me sentais nerveux, avec la peau qui fourmillait, le coeur qui battait à un rythme irrégulier, les mains qui devenaient lentement moites. Plus j'essayais de me calmer, plus c'était l'inverse qui se produisait, comme si la présence de Cerès exacerbait ce côté vivant que je détestais en temps normal. Soudainement, je me mis à penser à la manière dont elle avait pris la fuite, plusieurs jours plus tôt. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour partir après avoir accepté de se confier, et qu'est-ce qui m'était passer par la tête pour ne pas la poursuivre ? Cette rencontre me laissait un goût un peu amer. « Où étais-tu ? » je répétais, indifférent aux propositions de phrase de la petite voix dans ma tête.


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