A peine la porte du bureau refermée, Je prends appui sur le bureau qui trône au milieu de la pièce. Un cauchemar. Tout ceci n'est qu'un cauchemar, aussi réaliste soit-il. Après tout, tous les jeunes du district faisaient ce genre de cauchemar à l'approche de la moisson... Malheureusement, tout ceci était bien réel, aussi difficile cela soit-il à accepter.

Sans prendre le temps d'observer l'endroit dans lequel je viens d'être enfermé, j'essaye de me calmer. Il le faut. Et pourtant, rien à faire. Tout se bouscule dans ma tête, je revis encore et encore l'appel de Lily, puis de mon propre nom. Lily.. De tout le district 8, il s'agissait bien là de la dernière personne avec qui j'aurai imaginé être entraîné là-dedans.. Face à cette situation qui empire à chaque nouvelle réflexion de ma part, mon coeur continue de battre à vive allure, et mes parents ne vont pas tarder à surgir, ma mère en larmes certainement. Pour mon père, je n'étais pas sûr. Néanmoins, je devais me calmer, chasser ces vertiges qui m'empêchaient de réfléchir, et montrer à ses parents que serai fort, et qu'il ne fallait pas baisser les bras. En aucun cas, et ce quoi qu'il arrive. Pourtant, la panique continue de m'empêcher à émettre la moindre idée cohérente, et plus le temps passe, plus je sens mes nerfs craquer.

Sans pouvoir contenir toute cette pression, je quitte soudainement le bureau pour tourner nerveusement en rond dans la pièce. Que faire ? Que faire ? Que faire ? Voilà la seule chose que je suis encore capable de me demander. Tout le reste de mon cerveau est hors contrôle. Voilà plusieurs minutes déjà que je piétine le tapis lorsqu'un bruit dans le couloir attire mon attention : des pleurs, nombreux. Certains sont enfantins. Je songe alors avec horreur que Lily vient d'une famille nombreuse. Je m'immobilise et guette donc le moindre bruit. Mais plus rien ne vient. Sa famille a du entrer.

C'est suite à cette conclusion angoissante que du bruit s'élève à nouveau. Ma gorge se serre, et mon coeur s'accélère encore. A peine ai-je le temps de bondir en dehors de derrière la porte que le visage de ma mère apparaît. En larmes, comme je le pensais. Mon père surgit à son tour et la porte se referme juste après qu'un pacificateur de garde ne nous informe :

"Les adieux ne durent pas plus de cinq minutes."

Cinq minutes. C'était court. Trop court. Je serre ma mère très fort, elle redouble de sanglots et mon père nous prend tous les deux dans ses bras. Nous restons ainsi une bonne minute, pleurant en silence. Je ferme les yeux et profite de cet ultime instant. Je veux pouvoir m'en rappeler lorsque je serai loin d'eux, enfermé dans cette arène plus hostile que les enfers. Lorsqu'enfin l'étreinte se rompt, la moitié du temps est déjà sans doute écoulée. Il faut faire vite, et nous n'avons pas le temps des grands discours. De toute façon, à quoi cela nous avancerait-il ? Ma mère essaye d'articuler entre deux sanglots tendis que je me mords les lèvres en retenant ma respiration pour m'empêcher de l'imiter. Déjà je sens une larme couler sur ma joue.

"Sois prudent." Articule-t-elle. Je me contente d'acquiescer en murmurant un petit "Oui" avec peine. "Prend ça. J'espère que tu pourras le garder. J'espère qu'il te portera chance." Ajouta t-elle en défaisant un petit foulard bleu marine de son cou pour l'attacher autour de mon poignet. Je sers à nouveau ma mère dans mes bras, et inspire bruyamment de l'air pour lutter contre le sanglot qui me prend à nouveau. J'ai beau partir aux Jeux de la Faim, si j'en reviens vivant, je ne suis même pas sûr qu'elle le sera à mon retour. Cette pensée m'arrache le coeur, et je me mords les lèvres plus fort pour me forcer à garder un minimum de contrôle. Malheureusement il est trop tard, silencieusement, quelques larmes m'échappent. Je les essuie rapidement avec le foulard d'un mouvement de bras et embrasse ma mère sur le front. "Je serai fort. Ne t'en fais pas. Fais plutôt attention à toi." Dis-je à mon tour en articulant pour ne pas laisser le sanglot sourd qui me secoue prendre le dessus. "Je t'aime." Me murmure t-elle en souriant avant de faire un pas en avant pour laisser mon père me serrer dans ses bras à son tour. Il m'écrase presque et me coupe la respiration. Mais peu importe, cet endroit me semble le plus sûr du monde, et pour rien au monde je le quitterai. Pourtant, il est bien obligé de me lâcher. Déjà le pacificateur toque à la porte en prévenant : "C'est l'heure !"

Alors mon père ne perd pas de temps. Il me prend la main et y glisse un petit carré de métal en ajoutant : "Rappelle toi." Je jette un oeil surpris et interrogateur à l'objet. Mais le temps manque. "Et ne t'en fais pas pour nous, tout ira bien. On ne cessera jamais de prier pour toi mon fils !" Il parla rapidement, si bien que je ne sus quoi lui répondre à part un : "Papa.." Il passa une main bienveillante dans mes cheveux en ajoutant : "On t'aime Lucas. On t'aimera toujours et à jamais, quoi qu'il arrive." Sans trouver la force de lui répondre, je les regarde disparaître par la porte dans un ultime échange de regard désespéré.

Finalement, la porte se referme. Je jette un oeil curieux au cadeau de mon père et le fait tourner entre mes doigts. Celui-ci attise aussitôt ma curiosité et me calme. Mais je n'ai pas le temps d'y atteler ma réflexion pour le moment. Car la porte s'ouvre à nouveau en me faisant sursauter. Je glisse le petit carré dans ma poche et lève la tête.

- "Lacie !" Mon ton est à la fois surpris, heureux et triste. Tant de sentiments qui se mélangent et se contredisent. Mais peut-importe. Le Pacificateur rappelle froidement le temps imparti avant de refermer la porte et mon regard se plonge dans celui de mon amie d'enfance. "Promet moi de rester forte." Déclarai-je aussitôt en reprenant de l'assurance. Car je savais que la jeune fille voyait partir deux de ses amis aujourd'hui. Pour certains, rester au district serait presque aussi douloureux que d'en partir.

Lacie venait de dire en adieu à Lily qu'elle devait aller dire adieu à Lucas. Lucas avec qui elle s'était si souvent disputer pour des petites broutilles, Lucas qui lui parlait parfois de son désir de partir et elle qui voulais rester au District ou alors devenir styliste au Capitole. Tout cela semblait loin à la jeune fille qui attendais les yeux gonflés et rouge que les parents de Lucas lui ai fait leurs adieux. Rien que de penser au fait que des familles se déchirait à cause de ces jeux, ce dont elle ne s'était jamais vraiment rendu compte jusqu'à présent, lui serra le cœur et les larmes remontèrent jusqu'à ses yeux. Elle les essuya d'un revers de la main puis en voyant sortir les parents de Lucas elle se leva ses jambes la soutenant à peine. Elle savait comment cela allait se passer. Ce serait la même chose qu'avec Lily, elle pleurerait puis lui dirais de revenir vivant. Le Pacificateur la poussa presque dans le salle et lui rappela qu'elle avait cinq minutes. C'était à la fois atrocement court, et atrocement long de faire ses adieux. Il fut surpris de voir la couturière, tout comme l'avais été Lily. Puis il la regarda dans les yeux en lui disant de rester forte. Lacie tenta de sourire, mais ce fut plutôt un rictus qui déformait son visage déjà baigné de larmes, elle faisait comme si tout allait bien.

"Toi soit fort...Et reviens s'il te plaît..."

Elle était beaucoup moins à l'aise avec Lucas pour lui dire adieu. A vrai dire, il avait toujours fait partit de son petit monde et jamais elle n'aurait imaginer qu'il serait sélectionné aux Hunger Games et qu'il la laisserait toute seule dans le District.

"Avec qui je vais me battre maintenant hein ?"

Ses larmes redoublèrent, il lui avait dis de rester forte et c'était sûrement ça qui lui avait le plus fait mal. Enfin, ce qui l'avait fait le plus souffrir c'est de ne pas pouvoir être calme comme l'était Lily ou à présent Lucas alors qu'elle ne risquerait pas sa vie dans une arène rempli de monstre...Finalement elle se jeta dans les bras de Lucas comme elle l'avait fait avec Lily puis tout en pleurant contre lui elle récita une sorte de prière à un dieu auquel elle ne croyait pas. Elle le relâcha puis après avoir essuyer ses larmes elle passa autour du cou de Lucas un collier fait à la va vite avec un lacet qu'elle avait récupérer à l'usine et un vieux boulon rouillé. Mais pas n'importe quel vieux boulon rouillé, c'était le vieux boulon rouiller qui avait blessé Lacie la première fois qu'ils s'étaient tout les deux vraiment parler.

"C'est pas grand chose mais j'espère que ça te porteras chance...'

Puis les Pacificateurs emportèrent Lacie dehors alors que ses lèvres formait les mots "A bientôt" pour Lucas. Lacie était toujours optimiste malgré toute la poisse qu'ils avaient eu aujourd'hui.

Lacie avait les yeux rougis par les larmes et la voix enrouée par les sanglots. Pourtant, elle lui retourna l'injonction en lui demandant de revenir. Lucas se contenta de lui répondre par un petit sourire triste. Il aimerait bien, mais cela semblait ô combien irréel. Tout ces pleurs et cette agitation le dépassaient à présent, et il était bien loin de réaliser que cette année, il ne serait pas derrière l'écran des Jeux de la Faim...

Et puis, même s'il devait revenir, il aurait perdu Lily. Il l'imagina brièvement à nouveau, dans le bureau d'en face. L'un des deux allait sans doute voir l'autre mourir, certainement juste avant de mourir à son tour. Mais cela resterait infiniment douloureux. Rien qu'en imaginant la scène d'un plausible égorgement de la jeune fille malmena l'estomac de Lucas, qui fut prit un instant de nausées.

Néanmoins, la présence de Lacie le calma. Rien de tout cela n'était arrivé. Et cela n'arriverai pas. Il ne le laisserai pas arriver. Puis son amie fit référence à toutes leurs disputes au sujet du Capitole, et Lucas lui répondit à nouveau par un sourire, plus franche. Il était vrai qu'ils s'étaient souvent disputés sur leur idéologie du Capitole. La jeune fille rêvait de devenir une styliste reconnue dans la puissante ville, et Lucas qui suivait une idéologie beaucoup plus anti-capitolienne était souvent exaspéré par cette vision idéalisée qu'elle avait de ces gens d'un autre-monde, riches et immorales. Néanmoins, ils s'étaient toujours pardonnés au bout du compte, car seul la naïveté trompait la jeune fille, et puis qui n'avait pas le droit de rêver à un avenir meilleur ? Alors au fond, Lucas savait que Lacie était adorablement gentille, et ils se réconciliaient toujours en fin de compte.

Lorsque la jeune fille éclata à nouveau en sanglot en se jetant dans ses bras, Lucas la serra contre lui une dernière fois. A nouveau, il sentit qu'une partie de lui mourrait au cours de ces adieux. Il donnerait tellement pour pouvoir lui assurer qu'il n'y avait aucune raison de pleurer.

- "Tu devrais plutôt être soulagée que j'aille défouler ma colère sur ces imbéciles de carrières qui se croient fort en fonçant dans le tas.. !" Assura t-il en se voulant rassurant. Et pourtant, la mention des machines à tuer des districts les plus proche du Capitole n'avait rien de rassurant, tout en contraire. Néanmoins, il essayait de convaincre la jeune fille que cela ne serait pas si terrible, sans doute pour se convaincre lui-même, en réalité.

Puis finalement, elle se calma. Essuyant ses larmes, elle sortit un petit collier de sa poche et le passa autour du cou de Lucas. En jetant un coup d'oeil au pendentif, il reconnu le boulon symbolisant leur première rencontre qu'elle avait gardé depuis son accident. Il se souvint alors de leur première discussion, et de son inquiétude à son sujet en voyant sa blessure. Un sourire sincère éclaira alors son visage à ces souvenirs paisibles et agréables.

- "Merci..."Murmura t-il d'abord d'une voix émue, submergé par les souvenirs. Il faut dire que les deux jeunes gens se connaissaient depuis leur plus tendre enfance puisqu'ils étaient presque voisins. C'est seulement après l'accident de Lacie qu'ils étaient devenus de bons amis, mais Lucas appréciait énormément la jeune fille qu'il avait l'impression de côtoyer depuis toujours. Puis il se pencha vers elle, de façon à lui murmurer doucement à l'oreille :

- "Moi aussi j'ai quelque chose pour toi... Je te lègue ma dernière invention. Tu la trouvera dans ma chambre. Elle est un peu spéciale. Celle dont je t'ai parlé... Dans mes rêves." Il parlait d'une façon un peu confuse. Mais pas le choix, personne d'autre qu'elle ne devait décrypter cet ultime message dans le cas extrême où le Capitole venait à épier leurs conversations. C'était un dernier geste qu'il faisait pour son amie. Il lui laissait le choix, c'était à elle de se décider à ouvrir les yeux à présent.

Ainsi, elle n'eut pas le temps de lui poser la moindre question car la porte s'ouvrit à nouveau. L'heure était venue et les Pacificateurs entraînèrent Lacie à l'extérieur alors qu'elle articula un dernier mot : "A bientôt". Lucas lui sourit finalement d'un air confiant. Si lui n'avait plus beaucoup de chance de survivre, il était sur que Lacie était en proie à un bel avenir. Il espérait simplement qu'elle trouverait la force de se battre.

La porte se referma à nouveau. Le laissant seul cette fois. Il en profita pour souffler un peu et tenter de remettre de l'ordre dans ses idées. Il revit sa mère en larmes, et le regard désespéré de son père. Il donnerait cher pour les revoir encore une fois. Rien que les apercevoir, même de loin, afin de pouvoir leur adresser un sourire rassurant. Mais il savait bien que cela était désormais impossible. Alors il se montrerait fort, jusqu'au bout. Comme il l'avait promis, à ses parents comme à Lacie. Pour eux, pour Lily, et pour lui-même, il ne laisserait pas la peur du Capitole gagner sur lui.

Et lorsque la porte du bureau s'ouvrit une dernière fois, Lucas attendait les pacificateurs de pied ferme au centre de la pièce. Il inspira profondément avant de leur entamer le pas vers la sortie. Dans un silence de mort, il constata que le groupe de pacificateur attribué à Lily patientait toujours devant le bureau. ses visites n'étaient probablement pas encore terminées. La plupart des hommes avaient un air agacé, quelques uns étaient tristes, et d'autres presque heureux. Cette constatation valu une sueur froide au garçon. Que certains se lassent des pleurnicheries qui se ressemblent tous les ans était encore compréhensible pour les plus durs d'entre eux, mais qu'on puisse y trouver un quelconque plaisir...

Les réflexions de Lucas s'interrompirent lorsqu'une nouvelle porte s'ouvrit. Ils quittaient l'hôtel de ville. Son coeur s'accéléra. Les choses pouvaient enfin commencer.

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