Je descends du train, traînant ma valise avec moi. Comme à mon habitude, j'ai travaillé sur mon projet durant tout le voyage, casque vissé sur ma tête. Je n'ai donc pas profité du paysage. C'est les yeux écarquillés que je contemple l'immense étendue d'eau bleue s'étendant à perte de vue devant moi. L'océan. C'est la toute première fois que je le vois et j'en reste sans voix. C'est un ordre dur et une pognée de main forcée qui me sortent de mon émerveillement.

« Bonjour, monsieur Pheles. Bienvenue au District Quatre. »

Le Pacificateur m'accueillant n'est guère rassurant: taillé comme une armoire à glace, l'air bestial sur son visage et des yeux de prédateurs, je sens tout de suite que j'ai plutôt intérêt à le suivre sans rechigner. De plus, sa matraque au manche usagé m'apprend qu'elle n'est pas là pour faire joli... Je lui souris sans joie en guise de salutation et me dirige derrière lui jusqu'à la voiture nous attendant. Il m'intime de monter dedans et je m'exécute sans une parole. Le moteur démarre difficilement du fait de son âge avancé avant de nous conduire jusqu'à l'Hotel de ville où j'ai rendez-vous avec le maire pour les formalité de ma visite. Après avoir demandé la permission, j'ouvre la vitre et contemple la foule. Le District Quatre est très défavorisé, la plupart des gens écarquillent leurs yeux majoritairement bleus devant le passage de ce tas de ferraille. Et dire que ce dernier est une antiquité pour moi, Capitolien! Je comprends mieux les têtes effarées et l'air surexcité des participants aux Hunger Games venant des Districts les plus pauvres lors de leur arrivée au Capitol. J'avais toujours cru que ce n'était qu'une astuce de la part de leur Mentor afin de leur faire gagner le plus de Sponsors possible. Mais apparemment, je me suis lourdement trompé...
Le trajet prend du temps à cause de la lenteur de la voiture. Nous finissons tout de même par arriver à destination, soit une maison de taille modeste toute de pierres blanches plantée en face d'une place sentant le poisson frais et l'iode. Des mouettes lancent leur appel au ciel tout en essayant de chaparder un bout des marchandises étalées sur des stands rouillés. Je suis tout de suite charmé par cette scène de vie si inhabituelle pour moi. Mais est-ce que cette prospérité est-elle feinte? Cela m'étonnerait beaucoup que les corps squelettiques qu'il m'a semblé apercevoir sur le chemin soit correctement nourrit. Je sais que les Districts ne profitent jamais du produit de leur travail, tout part au Capitol. C'est un système injuste et cruel, je ne me voile pas la face. Et le pire est que j'y participe.
Une jeune fille blonde avec une épaule plus courte que l'autre transporte un seau rempli d'eau. La luminosité de ses cheveux vénitiens m'aveuglent un court moment avant que je ne la vois chuter et s'étaler de tout son long ans que personne ne vienne l'aider à se relever. J'accoure vers elle malgré le fait que le Pacificateur tente de m'en empêcher. Son genou droit est écorché et quelques gouttes de sang coule de la plaie, rien de bien grave. Je la force à se lever afin de l'examiner rapidement. Elle se tient droite, la jambe droite un peu pliée à cause de sa récente blessure. Je sors une écharpe blanche en coton et l'utilise comme bandage après lui avoir nettoyé la plaie avec ma bouteille d'eau. Une fois ma besogne terminée, je me redresse et souris à la jeune fille. L'ai effrayé sur son visage me déstabilise quelque peu.

« Et voilà, c'est fini. Tu as besoin d'aide pour marcher? »

Elle me regarde, apeurée, et s'enfuie aussi vite qu'elle le peut, clopin-clopant. Je soupire, même si je me doutais bien que ce genre d'incident se produirait. En tant qu'habitant du Capitol, je dois être vu comme un monstre assoiffé de sang, me délectant de leur misère et aimant les Hunger Games. Pourtant, rien n'est plus faux. Je m'apprête à rejoindre le Pacificateur qui m'attend quelques mètres plus loin, l'air énervé, lorsque je suis attiré par un autre éclair blond, beaucoup plus puissant que le précédant toutefois. Leur propriétaire passe juste devant moi, me laissant la possibilité de respirer son parfum enivrant, un mélange de sable chaud, d'iode et autre chose que je ne parviens pas à identifier. Elle s'éloigne peu à peu de moi. L'occasion est trop belle, je ne peux pas la laisser passer. Je la suis, le Pacificateur à ma suite. Maugréant dans ma barbe que je n'ai pas, j'arrive devant une place beaucoup plus petite et plus sombre aussi. Cette femme à la fragrance si enivrante est juste à trois mètre de moi. Je pourrais presque la toucher. Néanmoins, je préfère l'interpeller à voix basse.

« Mademoiselle? »