Je me faufile sous la barrière du District Huit. Mon court voyage à l'intérieur me semble déjà loin alors que j'entame ma marche dans les grandes plaines qui entourent la région. Heureusement, le grillage électrifié était en panne lorsque je me suis décidée à partir, m'évitant de me brûler comme à mon entrée. Il faut dire qu'au District Quatre, la présence de sel dans l'air a tôt fait de rendre la barrière complètement inoffensive, alors qu'ici, même si l'électricité est très instable, quand elle est là, elle est là, je pense amèrement en pressant sur la marque rougeâtre que la brûlure a laissé sur ma peau. Je hais les brûlures. On dirait qu'on se fait grignoter de l'intérieur.

Je retrouve mon arc, que j'ai laissé un peu plus loin, sous une souche d'arbre, dans son cher carré de plastique que j'ai tôt fait de fourrer dans mon sac. Si je dois passer plusieurs jours de voyage, j'ai pensé avant de partir, vaut mieux être capable de se défendre contre les prédateurs nombreux dans les zones sauvages de Panem.

Je me demande où est Dolce. Elle finira aussi par revenir au Quatre. Les Pacificateurs ont fait irruption dans l'entrepôt où nous étions cachées tard la nuit, de façon assez brutale merci. J'en ai encore quelques sursauts. Heureusement, Dolce est forte et a su les écarter de son chemin avant de disparaître dans l'obscurité des manufactures, alors que moi, je suis rapide et agile. Je bats toute mon école en rapidité, même si pour la course de fond, une bonne partie m'écrasent lamentablement. Mais les quelques dizaines de mètres que j'ai dû parcourir avant de m'échapper étaient laaargement dans mes cordes.

Et maintenant, alors que le jour se lève, je ne peux m'empêcher de me dire que j'ai passé un séjour beaucoup trop amusant. Même si je ne suis pas prête à encourir de tels risques à nouveau, j'ai tout simplement adoré être mise autant à l'épreuve. Même si le Capitole doit commencer à en avoir ras-le-bol de moi. Depuis mon petit tour à la Tournée du Vainqueur et cette petite escapade, je commence à croire qu'il va falloir me calmer un peu. Je ne souhaite pas attirer plus d'ennuis que j'en ai déjà.

Je pense à mon père alors que je descends une pente douce, entourée d'herbes hautes. Je lui ai laissé une note avant de partir, disant que j'allais vivre quelques jours dans les bois afin de faire mon deuil; je sais qu'il se doute de la vérité, mais il ne doit pas s'inquiéter. Il me sait assez intelligente pour ne pas me mettre dans de beaux draps, et puis, il est vrai que j'ai réussi à faire mon deuil lors de cette expédition avec mon amie.

Le soleil est sur le point de se coucher lorsque j'établis mon campement, sous un tout petit bosquet. Je fais un feu rudimentaire à l'aide d'un briquet que j'ai chipé à Dolce pendant qu'elle dormait (elle en a trois autres de toute façon), et entame la cuisson d'un poisson que j'ai pêché dans un petit étang, vers midi. L'idée de me mettre à la chasse commence sérieusement à tenter mon esprit. Je m'y mettrai à mon retour au Quatre. Ayden pourrait peut-être m'aider, je la sais très douée au trident, même si elle ne se l'avoue pas. Sinon, mes cousins Aloysius et Nick pourraient également m'aider, même si je soupçonne plus le premier d'être tenté de m'offrir ses doigts de fée. Je m'endors sur ces pensées, après avoir éteint le feu et être grimpée dans une fourche entre les branches d'un gros saule.

Le lendemain, je reprend ma route vers le Sud, et la végétation se clairsème de plus en plus, même si je sais qu'au Nord du District Quatre, la grande forêt qui a bercé mon enfance m'attends à bras ouverts. Je trouve quelques mûres dans les arbustes, que je fourre enthousiastement dans le fond de ma besace. Je remplis ma gourde dans un petit ruisseau, qui est malheureusement vide d'habitants. Alors que l'astre du jour tend à descendre, je commence à m'alarmer sur le manque de poissons dans le coin. Je ne vais pas me nourrir de seulement des quelques mûres que j'ai cueillies, non?

Je décide de dévier un peu vers l'Est, sachant que le fleuve du Huit se sépare dans cette direction. Oui, la chasse me sera d'un grand secours dans le futur. Finalement, je me sens obligée d'abandonner mes recherches alors que je m'enfonce dans une forêt claire et accueillante, et je dresse mon campement à contre-coeur, fulminant alors que je grignote mes baies. Je me force à étaler mes couvertures sur le sol, mais je ne trouve pas le sommeil.

Je me tourne, me retourne. Et si les Pacificateurs avaient réussi à retrouver mon identité à partir d'un portrait robot? Et si les mêmes agents du Capitole que ceux qui ont enlevé ma mère et Phyllis venaient me chercher, ou pire, allaient chercher mon père? Ne tenant plus sous toute la pression que je me fais, je me relève, soudainement prise de panique. Je guette l'arrivée d'un hovercraft dans le ciel, absolument convaincue qu'on viendra me chercher pour m'exécuter. Finalement, je réussi à me calmer, et repose mes yeux sur l'obsucrité des fougères. Je crois qu'un animal, plutôt imposant, me fixe depuis un arbre. J'accroche son regard, ne sachant que penser. Je me prépare à toute éventualité. On ne sait jamais s'il passera à l'attaque. Je commence même à préparer l'éventualité de moi aussi me percher dans un arbre, histoire de passer la nuit tranquille.

Sauf que ce n'est pas un animal.

Alors qu'un reflet dans la neige presque fondue causé par mon feu éclaire les environs, je remarque alors qu'un jeune homme, l'air aussi surpris que moi, aux grands yeux bleus, me fixe, sans savoir que faire. Je me prépare à sauter sur mon arc au cas où il serait enclin à devenir agressif, mais il n'en a pas l'air, du moins, il ne tente rien.

-Tu sais, mon feu n'est pas obligé de ne chauffer qu'une seule personne, ironisé-je. L'une des choses merveilleuses à propos de ce truc, c'est que même quand c'est partagé, la qualité reste la même.

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