Le monde n'est pas une usine à exaucer les vœux

Une journée dans le district encore compliquée qui s'annonçait. Pourtant, en se couchant le soir précédant, il s'était dit que demain serait un meilleure journée. Loupé. En se levant ce matin, il se souvenait avoir entendu des Pacificateurs parler d'une Capitolienne venant oser mettre ses pieds dans le Huit. A ces paroles, Saad avait soupiré. Combien de temps cela faisait-il qu'il n'avait pas simplement surveillé le district tranquillement ? Depuis qu'il connaissait Fleur, tout s'était soudainement compliqué. Dans son uniforme, Saad préféra partir discrètement de la caserne des Pacificateurs pour se faufiler dans les rues du district, déjà animées de bon matin. Il voulu humer l'air, mais les odeurs des usines manquaient de le faire vomir. Alors, il se contentait de ne respirer que parce que c'était essentiel à sa survie. Comme à son habitude, le Pacificateur marchait seul dans le district. Il détestait être en compagnie d'un autre Pacificateur. Il ne savait pas quoi leur dire, et n'aimait pas leurs sujets de discussion, à savoir, rebelles, problèmes, Capitole et Hunger Games. Il détestait. Il préférait rester dans ses pensées. Et puis, seul, il pouvait parler aux habitants du district, qu'il ne détestait pas contrairement aux hommes en blanc. Saad dans le Huit, était un garçon apprécié par quelques habitants, sûrement parce que ces habitants-là, qui le connaissaient un peu, savaient qu'il avait horreur de la violence gratuite, le comble pour un Pacificateur, n'est-ce pas ?

Plus la journée avançait, plus les rumeurs sur cette Capitolienne se faisaient entendre. Saad entendait des " elle a intérêt à être solide ", des " c'est une gamine perdue, rien d'autre " et encore bien d'autres choses à son propos. Il était curieux, bien sûr, mais ne voulait pas pour autant l'approcher lorsqu'elle arriverait dans le district. Les Capitolien, très peu pour Saad. Il ne les a jamais aimé. Jamais. Pour lui, ils ont toujours été une source d'ennui, des moutons, ou encore, des brebis égarées, s'efforçant de rigoler devant les jeux de la faim. Ridicule. Alors, qu'il circulait dans les rues du district, un Pacificateur s'approcha de Saad, qui, à ce moment-là, redouta ce qu'il allait lui dire. « Le chef te demande à la gare. » Il pris alors une mine faussement déconcertée, même s'il avait très bien compris pourquoi on l'appelait. Bon sang, ils ne me laisseront jamais tranquille. Se disait-il. Le regard fixe sur le Pacificateur, Saad fit claquer sa langue sur son palais. « Comment elle s'appelle ? » Alors qu'il se mit à marcher aux côtés du Pacificateur, celui-ci le regarda d'un air incrédule. Il était censé savoir le nom de cette Capitolienne, mais à vrai dire, il ne l'avait pas retenu. « Bambi Poezyn. » Drôle de nom qui n'arracha pourtant pas un sourire à Saad. Il ne savait pas vraiment ce qu'attendait son chef de lui, mais le redoutait déjà. Casque à la main, qu'il avait préféré ôter afin que la Capitolienne puisse voir son visage, il s'imaginait à quoi pouvait-elle ressembler. Est-ce qu'elle aurait une coiffure attroce comme la plupart des Capitolien ? Est ses vêtements ? Serait-ce une robe aux mille couleurs ? Il préférait s'imaginer le pire, mais espérait clairement que ce ne soit pas une de ces femmes riant à tout bout de champ.

Une foule de Pacificateur se trouvait devant le train. Dont le chef qui se retourna lorsque Saad déboula dans la gare. Maintenant face au chef, Saad le salua en un hochement de tête et attendait déjà les ordres. « Peppermint, je veux que vous vous occupiez de la sécurité de Mademoiselle Poezyn durant son voyage dans le district Huit. » Si son visage restait impassible, intérieurement, il aurait voulu refuser l'ordre. Son regard se posa sur ladite Poezyn, et sa soudaine haine fut comme anéantie. Le visage de la jeune-fille, car, on ne pouvait même pas parler d'elle comme une femme, était d'une douceur incroyable. Elle avait l'air d'avoir peur. De redouter ce qu'il pourrait se passer dans le district. Bien sûr, Saad ne serait pas seul pour veiller à sa sécurité, mais c'était lui que le chef avait désigné pour s'occuper d'elle si elle avait le moindre souci. Dans un hochement de tête pour accepter sa mission, Saad sourit à la fille, qui aurait clairement pu être sa petite sœur, voulant bien lui faire comprendre qu'elle n'avait pas à le craindre. « Mademoiselle. » C'était sa façon de lui dire bonjour. Une manière délicate. Il trouvait ça mieux que de lui serrer la main ou pire, de lui faire un baisemain, chose que de toute manière, il ne ferait certainement jamais. Il se doutait bien que, bientôt, il devrait la protéger de quelques habitants qui ne l'appréciaient pas beaucoup. Était-elle au courant de cela ? Savait-elle qu'en venant ici, elle risquait de vouloir repartir plus vite que prévu ? Il n'en savait rien, mais se jura tout de même de ne pas la laisser seule un instant.