look death in the face # Sappho & Tywin

C'est enfin le moment du grand spectacle. Dans moins d'une heure, le gong retentira, annonçant le début des jeux, plus terribles chaque année qui passe.
Sappho, l'hôtesse du district un, nous a invité, moi et Tywin, le mentor, ancien vainqueur. Mais je ne sais pas si je viendrai. Je supporte de moins en moins les jeux. Réfugiée derrière le comptoir de ma boutique, je regarde mes mains. Elles sont couvertes de gants assez fins qui me permettent de saisir les plus fins éclats de pierres précieuses qui puissent exister, tout en me protégeant de la chaleur lorsque je fonds le métal pour confectionner mes bijoux. Les bijoux Jacker. Il n'y a personne dans ma boutique. Je l'ai fermée. Je ne veux voir personne. Pas pour le moment en tout cas. Les lumières sont éteintes, je me tiens dans la pénombre, assise sur une chaise dépourvue d'extravagance, et trop étroite. J'ai mis mes gants, mais je ne fais rien. Mes doigts suivent des lignes invisibles sur la paume de mon autre main.
Je tente de me demander dans quel état d'esprit je serais après cette première journée, le très ou trop fameux bain de sang où le rouge hantera l'écran. En quelques mois, j'ai changée. Mon chemin a croisé celui d'une rebelle, et cette simple rencontre a suffit à tout chambouler dans ma vie. Ma vision sur le Capitole qui, je le sais parfaitement, souhaiterait me voir morte. Et la promesse qu'un jour je pourrais rejoindre la rébellion. Je ne sais pas si j'oserai. Par lâcheté. Mais ça vaudrait peut-être le coup, après tout ?
Je réfléchis aussi sur mes deux tributs. Jade et Bloom. Et si oui ou non je serais moralement touchée s'ils venaient à disparaitre. Mais je pense que oui. Je suis trop sensible aux personnes que je rencontre. Et comment aurais-je pu résister devant deux gamins qui n'affichaient que de la sympathie à mon égard. Je sais que leurs tenues, spécialement réalisées pour eux, leur a plu. Mais je viens à douter. Si j'avais fait mieux, ça les aurait aidés. Avec l'assurance d'une victoire certaine pour l'un d'eux. Et ma réflexion va même plus loin. Qui d'eux deux aurais-je souhaité épargner ?
Je me lève brusquement de ma chaise boisée. Je me perds moi-même. J'ai toujours le sentiment quand quelque chose ne va pas jusqu'à mes espérances, c'est toujours de ma faute. Mais ce n'est pas moi qui vais me battre aujourd'hui. Moi je ne risque pas ma vie aujourd'hui. Alors pourquoi je me sens tout comme ?
Les stylistes doivent traditionnellement accompagner leurs tributs avant leur entrée dans l'arène. Je sais que j'ai été assez distante avec eux depuis la moisson. Et je sais aussi que je ne leur ai pas apporté le soutien nécessaire.
C'est pourquoi quelques minutes plus tard je me suis retrouvée dans un hovercraft, assise à coté de Jade, en qui je place tout espoir. Le temps qu'elle se fasse implanter son mouchard, et qu'on se retrouve toutes deux dans la salle de lancement. On reste muette mais on n'en pense pas moins. Je décide de la serrer dans mes bras, avant qu'elle ne prenne place dans le hublot.
C'est là que je repense à la proposition de Sappho. Le coup d'envoi sera lancé dans quelques minutes. Je dois tout juste avoir le temps d'aller chez elle en hovercraft. Je regarde Jade une dernière fois avant de partir.

Je parviens au bout de quelques minutes à rejoindre la maison de Sappho. L'hovercraft m'a déposé juste à coté. Je sais qu'il n'est plus question que de quelques secondes avant le gong. Mais il vaut mieux arriver en retard que ne pas venir du tout. D'ailleurs, j'imagine parfaitement bien l'air de Sappho, déçue par mon absence. Je sais qu'elle tient à ce qu'on soit là, Tywin et moi, parce que c'est une tradition au Capitole d'inviter des amis à regarder les jeux ensemble, et que l'hôtesse a l'air particulièrement attachée aux tendances de la capitale. Quoi que le terme « amie » me chatouille un peu l'esprit. Disons que nous sommes collègues. Pas que j'ai une dent contre elle, mais je sais que dans le fond nos idées sont totalement opposées.

J'arrive devant la porte de son entrée. Je suis en retard. Elle doit déjà être fixée devant son poste télévisé. Je me demande si Tywin est déjà là, et si je dois toquer en prenant le risque de lui faire rater les premières secondes, les plus cruciale de toute l'édition, ou si je dois entrer sans prévenir et m'installer sans gêne à ses cotés. Je choisis la première option. Je suis tellement nerveuse que je réfléchis déjà à ce que je vais pouvoir dire à Sappho. Que je suis venue voir les jeux en sa compagnie, comme elle me l'avait proposé. De toute façon si elle me voit là, ce ne sera pas une surprise puisqu'elle doit m'attendre.
Je toque, et quand la porte s'ouvre, je dis d'une voix tremblante avant même de voir qui se trouve face à moi :

« Me voilà pour les jeux. »

Et c'est tout.

HRP.

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