Mon corps assis sur les banquettes de la place ; les Hunger Games ne s’arrête même pas la nuit.
Une main passe sur ma cuisse. Des doigts fins et grands. Une manucure encore plus rose que le bonbon le plus rose au monde, encore plus rose que Barbie La Capitolienne, encore plus rose que le string de la première prostitué du Capitole, encore plus rose que – ah non, les dents de la dame sont jaunes. Une horrible sensation qui me parcourt la jambe gauche et une brûlure légère aux yeux tant la mocheté du bon vivant de cette habitante riche m’exaspère. Me vient à l’esprit ce cher Elyas, vainqueur des jeux qui s’est converti à la prostitution pour sa famille. J’attrape la main de la vieille folle et lui souris aussi hypocritement que possible, me levant et me tordant le dos pour lui faire la révérence.

Nash « Votre beauté n’a plus grande envoyée que la perle de vos ongles jeune demoiselle. Néanmoins, je suis présent pour mes tributs, le district sept. Je me nomme Nash Ethan Fawks-William, gagnant des soixante-douzième Hunger Games. Je me désole à l’avance de vous devoir faire congé, un temps avec vous aurait sûrement pu ravir la souffrance qui me fend par la blessure ma tendre tribut, au revoir. »

Et une seule pensée : saaaaa-loooo-pe.
Faut pas déconner non plus. Je sers les poings et pars aussi vite que j’ai pu me relever. Isaac n’a rien, heureusement. Mais si je dois en venir à la prostitution pour sauver Ambre, je ne préfère pas y penser. Gargaria est bien la seule qui ne pourrait pas y avoir le choix. Les gens ont tellement peur d’elle qu’ils donneraient toute leur qualité de sponsor si elle venait à grincer des devants au milieu de la place centrale ; un vrai tigre la demoiselle, un vrai !
Mais finalement, je fais demi-tour et lui propose de discuter autour d’un verre d’alcool dans un bar proche. Si je ne me résoudrai pas à la prostitution, rien ne m’empêche d’utiliser le charisme.

Deux heures plus tard, elle sort du bâtiment. Moche et idiote en plus. Non madame, le Soleil tourne pas autour de la Lune. Ce n’est pas parce qu’elle est jolie et brillante qu’elle attire tout – pas comme tes dents jaunes. Bref, elle semble réfléchir à une collaboration avec le district sept.
Je frappe le mur et je pousse un soupir, un cri intérieur, encore assis près à notre table qui commence déjà à être nettoyée.

Nash « Mentor de merde. »

Mais pourtant, je me croyais seul, il y a moins de deux secondes.

Je me tourne vers ma gauche, plongeant mon regard dans le miroir qui orne le mur. Qu’est-ce qu’on me trouve réellement pour croire que je vais accepter de coucher avec une pouffe ? En plus, je suis obligé de charmer ces femmes qui croient être assez bonnes pour quelqu’un comme moi. Comme moi ? Comme les vainqueurs, en fait. Elles rêvent toutes de coucher avec nous juste parce qu’on est ressortis vivants d’un massacre qu’elles ont sûrement dû apprécier ; c’est assez absurde.
Je lève le bras droit au serveur, saluant de la main. Un jeune homme qui ne semble pas me reconnaître mais sourit pour autant. Une incompréhension flagrante quand je ne demande qu’un café. « C’est tout ? » doit-il se dire. Oui, c’est tout. Un battement de main suffit pour le faire fuir vers le comptoir. J’apprends qu’il faut être hautain au Capitole sinon rien ne marche. Il suffit de l’être pour que l’on s’informe sur nous. Il suffit que l’on s’informe sur nous pour qu’on sache qui nous sommes. Si l’on peut bien profiter du système par notre statut, c’est qu’il faut tout à fait en profiter.
On me sert mon café, en ajoutant bien entendu ce « C’est tout ? ». Intérieurement je souffle, extérieurement je ne fais que hocher la tête. Cuillère à la main, je profite de cette délicieuse odeur. Sûrement une source du neuvième district pour cet arôme. On connait ça au septième district. Quoi que, rectification : on connaît ça dans le village des vainqueurs du septième district.

Deux tonnes de sucre, pour ne pas changer. Mais ici ça doit être commun : quand on a une carie, on se refait toutes les dents, on ne cherche pas à réparer quoi que ce soit avec du dentifrice.
Une première gorgée qui coule chaleureusement dans ma gorge ; ça fait tellement du bien. Une chaleur non-humaine, une chaleur pour autant. Bizarrement, je ne peux pas me sortir de l’ambiance des Hunger Games. Alors que je viens ici pour boire un café, alors qu’Ambre dort un peu, visiblement, moi qui voulait éteindre ce fichu écran pendant les quelques heures d’épanouissement où je n’arrive pas à dormir, l’établissement où je suis diffuse lui-aussi les jeux. Quasiment tous les tributs se tiennent tranquilles, c’est impressionnant dans un sens.

Une femme se tenait au comptoir, regardant son postérieur. Elle venait de se faire draguer aussi. Je m’assois près d’elle et hausse les épaules. On y peut rien.