Je secouai ma tête, pinçant l'arête de mon nez du bout des doigts. Cela faisait plusieurs longues minutes que j'étais resté bloqué devant un atelier, à observer les faits et gestes des tributs adversaires. C'était là mon passe-temps favori: analyser ce qui m'entourait, afin de cerner les forces et les faiblesses des autres. J'étais plongé dans mes pensées, fixant un point dans le vide. J'avais assez passé de temps sur cet atelier, je devais en changer. Je m'éloignai donc des tributs que j'observais, mes yeux dérivant sur les autres. Tous semblaient affairés, à tenter de faire leurs preuves devant les juges postés plus haut, des cocktails à la main, à discuter de ces jeux et du potentiel de chaque tribut. Cela me fit penser que je devais moi aussi m'y mettre. C'était bien beau de surveiller les capacités de chacun, encore fallait-il que moi aussi je m'exerce, autant à apprendre des techniques de survie qu'à parfaire mes connaissances dans certains domaines. J'abandonnai donc mon occupation première depuis le début de la journée, cherchant un atelier vide où je pourrais me concentrer, sans qu'on vienne m'importuner.

Je jetai mon dévolu sur l'atelier des connaissances. Il était désert à cette heure de la journée. Une aubaine. Je m'approchai du comptoir avant de lire les instructions pour comprendre la plateforme. C'était un exercice de mémorisation. Le but du jeu: tout simplement trouver les paires le plus rapidement possible. Je jetai un regard à droite et à gauche de moi, vérifiant que personne n'allait me déranger. Ce n'était pas particulièrement plaisant d'avoir des yeux rivés sur moi, même si le faisais délibérément aux autres. Le compteur s'enclencha et je pianotais sur le comptoir. J'arrivais à former quelques paires au départ, mais la difficulté montait d'un cran au bout d'un certain temps accumulé. Je fronçai les sourcils. Je commençais à éprouver des difficultés à former ces foutues paires. Pourtant, je ne perdais pas en motivation et mes doigts glissaient toujours sur la surface tactile de la plateforme. Je ne faisais plus attention au chronomètre, l'important était de réunir les motifs non ? Ouais, les réunir. Mais le plus rapidement possible quand même.

« Non, pas celle-là. C'est la case d'en dessous. » Je levai soudainement ma tête. Trop préoccupé par l'atelier, j'en avais complètement oublié l'environnement autour de moi. Je dérivai mes yeux en amande sur la tribut qui venait de troubler ma concentration. La fille du douze. Avec son allure à la garçon manqué. Je me souvenais très bien d'elle. Au défilé, nous avions eu le combat de regard noir le plus long que je n'avais jamais connu. Au moins deux bonnes minutes à se fixer, stoïques autant elle que moi. Avant que les portes ne s'ouvraient pour que la parade commence. Depuis cet instant, son visage m'était resté en mémoire, et aujourd'hui j'affrontais de nouveau ma copie conforme. « ... Merci, mais je le savais. » Je plissai légèrement mes yeux, bougonnant, avant d'appuyer machinalement sur le carré luminescent qui représentait la case. Ensuite, la paire se forma et je pus reprendre l'exercice avec plus de facilité. Au bout de quelques minutes, je terminai l'atelier et reculai, admirant mon score: j'étais dans la moyenne. Ni trop nul, ni trop fort. Et ça me convenait. Je m'écartai de la place, rejoignant la fille du douze. « Tu n'as rien d'autre à faire ? »