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| What have we done ? ⚡ Chester & Amarinda | |
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Amarinda C. Carter △ correspondances : 340 △ points : 1 △ multicomptes : RIP Zoé E. Williams & D. Aileen Carter-Lewis △ à Panem depuis le : 01/06/2013 △ âge du personnage : 38 ans
| Sujet: What have we done ? ⚡ Chester & Amarinda Jeu 8 Aoû - 21:22 | |
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What have we done ? C’est mon propre sang qui me souille les mains, qui colle, qui ne part pas. Je me ronge les ongles jusqu’à ce qu’il coule. J’y ai pris goût. Ça fait mal. Il est déjà tard. Les lampadaires ne marchent pas bien, et leur lueur clignotante n’éclaire pas entièrement les pavés inégaux de la ruelle. Je n’entends pas un bruit. Les habitants du District Cinq n’ont pas le temps de faire la fête le soir, après une journée éreintante dans la centrale électrique. Je me félicite d’être née au Un, où les choses sont plus faciles. Je m’arrête devant une maison où la lumière brûle encore. La fenêtre est sale, mais je parviens à distinguer quelques silhouettes assises sur des canapés bas. Je colle ma joue contre le verre froid. Ils parlent. Ils rient. Ils boivent ensemble. Soudain, l’un d’eux m’aperçoit. Ils me regardent tous. Et se taisent. Un silence hostile, glaçant. Je prends la fuite, avec l’impression d’être une voleuse. Je ne sais pas vraiment où je vais. Je marche, tout simplement. C’est presque un jeu. Un pas, deux pas. Un petit saut pour éviter une flaque. Un pas, deux pas. Je me surprends à fredonner une comptine. Un pas, deux pas. C’est presque une danse. Cela m’évite de penser. Je suis ici pour mon travail. Pour tourner un spot de propagande. Pas pour le voir. Lui. Je sais où il habite. Que dirait-il s’il me voyait soudain sur le pas de sa porte ? Il me rirait au nez. Il m’embrasserait passionnément. Un pas, deux pas. Il refuserait de me parler. Il danserait à mes côtés sous les étoiles. Un pas, deux pas. Non, arrête-toi, Amarinda. Arrête-toi avant que ça ne fasse trop mal. Retourne dans ta chambre. J’hésite. Mes entrechats gracieux se muent en mouvements saccadés. Je m’arrête. Je plonge ma main dans ma poche et en sors un bonbon poisseux. Je le laisse fondre sur ma langue, lentement. Mais même lorsqu’il ne reste plus qu’un vague goût de sucre dans ma bouche, je ne sais toujours pas quoi faire. Soudain, un bruit. Discordant. Je recommence à marcher. On me dit toujours que je suis trop curieuse. Une voix d’homme. Une voix de femme. Quelque chose ne va pas. Ils parlent trop fort. Je passe devant un bar encore ouvert, un pas deux pas toujours plus vite. Sur le trottoir, une femme va et vient. Sa robe rouge est trop courte. Elle fronce les sourcils mais ne fait pas mine d’aller voir ce qu’il se passe. J’entends un cri. Je suis à l’entrée de la ruelle. J’entends un bruit de coups. Un bruit que je reconnais. Chair contre chair, os contre os. Quelque part au fond de moi, quelque chose s’éveille. Une chose qui me fait peur. C’est un homme. Une femme. Il la frappe. Elle ne se laisse pas faire. Alors que je m’approche, une odeur d’alcool me brûle le nez. L’homme cogne la tête de la femme contre le mur. Elle rebondit avec un bruit curieux. Et quelque chose en moi cède. C’est ton sang qui me souille les mains, qui colle, qui ne part pas. Tu tombes lentement par terre lorsque j’oblige l’homme à te lâcher. Ne t’inquiète pas. Je ne te ferai pas de mal.Comme dans un rêve. Je vois les lèvres de l’homme, les paroles qu’il articule. Il m’appelle chérie. Il rit. Un coup de poing lui donne un sourire rouge. Rouge comme du jus de mûres. Il me jette contre le mur, je rentre la tête par réflexe. Mon épaule brûle. Il est plus fort que moi. Tue, me dit la voix au fond de moi. Tue. Non, je ne peux pas. Il m’attrape par les poignets. Je lui donne un coup de genou à l’entrejambe. Tu n’as pas le choix. Il est ivre, mais pas assez pour avoir perdu ses moyens. Il réussit à se redresser, braillant des obscénités. Fais-le maintenant. Il m’attrape par le cou, et je sens la force terrible de ses mains. Des mains dures, calleuses, qui ont l’habitude de manier des outils. Tue. Non. Pense à ton jardin, Amarinda. A tes fleurs chéries. Au petit chat que tu adores caresser. A tes poupées en porcelaine, posées soigneusement en rang sur ton armoire. L‘homme me frappe. Je le regarde dans les yeux. Je sais qui il est. Je sais ce qu’il fera. Comme tous les autres… Tu n’as pas le choix.… les autres que j’ai tués. Fais-le Cette fois, j’écoute. Tue. Oui. C’est son sang qui me souille les mains, qui colle, qui ne part pas. Il s’affale dans mes bras. Je l’écarte d’un coup de pied. Peut-être est-ce bien. Peut-être est-ce mal. Je ne sais pas. On ne me l’a jamais appris.J’ai cogné sa tête contre le mur jusqu’à ce qu’il cesse de bouger. Je l’ai vraiment fait. Je suis incapable de bouger. Je regarde ma main, qui tient toujours un morceau de tissu. Un morceau de sa veste. Je veux le lâcher, mais ma main ne répond plus. Lentement, j’oblige mes doigts à se déplier, un par un. J’inspire. L’air est chargé de l’odeur métallique du sang. Quelqu’un touche doucement mon épaule. Je me retourne brusquement, en criant ma haine, ma colère, ma frayeur. Qu’est-ce que j’ai fait ? C’est la femme. Un filet de sang coule le long de sa joue. Ses pupilles sont agrandies. Par la peur ? Je me jette dans ses bras et je sanglote. Je pleurs sur Amarinda, sur la petite fille innocente que j’ai perdue et que je cherche depuis. Je pleurs sur l’homme qui passera la nuit le nez dans la poussière et la saleté. Je pleurs sur la femme qui me tient dans ses bras, sur ses contusions, sur ses bas résille déchirés. Je pleurs comme un gosse. Mais je m’en fiche. « Viens. Il faut te soigner. » Je ne sais pas si c’est moi qui l’aide à se relever ou si c’est elle qui me tend la main. Il me semble que je la reconnais, mais c’est difficile à dire dans cette pénombre. Cette chevelure de feu… « Chester ? Chess ? C’est toi ? »
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| Sujet: Re: What have we done ? ⚡ Chester & Amarinda Mar 3 Sep - 18:44 | |
| Bang. Bang. Ta tête contre le mur. Ta tête contre le sol. Et ton corps de poupée qui s’affaisse sur le trottoir. La reine est prise. Echec et mat. Et tout ça pour quoi déjà ? Je sais plus. Des paroles, des cris, des bousculades. Les raisons habituelles je suppose. Sans intérêt. Oublié tout ça, dans la noirceur floue de ce que tes yeux perçoivent, dans la fraîcheur du bitume sur ta joue rougie par la gifle. Ca n’a plus d’importance, ça n’en a jamais eu. Une odeur de whisky, une odeur de sang, une odeur de terre, une odeur de nuit. Et un filet sombre qui se perd dans tes cheveux à l’arrière de ton crâne. Des bruits de lutte semblent te parvenir à travers la brume mais tu n’en as cure. Ta lutte à toi, elle est terminée pour ce soir. Tu vas t’endormir et quand tu te réveilleras, le monde sera tout aussi noir, le sol tout aussi dur, la vie tout aussi réelle. Et ça n’ira pas mieux mais tu t’en relèveras parce que c’est ce que tu fais. Pas maintenant. Qu’on te laisse là, par terre. Tu veux y rester. Tu as mal, tu peux rien y faire. Pas la force de serrer les dents, pas la volonté. Tu acceptes avec une soumission qui n’est pas tienne ces vagues de douleur émanant de tu ne sais trop où. Tes poignets sont rouges et brûlants d’avoir été serrés trop fort mais cela s’apaisera, tu le sais. Il suffit d’attendre. La douleur finit toujours par s’atténuer. Tu veux dormir, ici à même le sol, parce que tu ne sais pas si tu auras la force d’aller dans ton lit. Et parce que ça fait mal, ça fait mal, il a frappé trop fort. Il avait pas besoin de frapper aussi fort. Toutes ces disputes, ça t’épuise. Ce coup sur ta tête, je crois que ça t’a un peu désorientée, tu n’es plus vraiment toi. Tant que cela vient dans ton esprit chamboulé, tu te demandes fugitivement si tu as jamais été toi. Mais oui, je suppose que oui, sinon ça n’aurait pas de sens. Est-ce que ça en a un ? Tu ne peux pas répondre. Froid le béton, chaud ton corps malmené, tu divagues doucement, comme un enfant saute du coq à l’âne, du méchant à la princesse. Si quelqu’un venait te relever, tu grognerais et gémirais en demandant quelques minutes de plus. Pourtant ce n’est pas la nuit, et le silence d’une nuit parfaite est troublé par des cris que tu ne peux ignorer. Tu voudrais pourtant. Mettre tes mains sur tes oreilles et chanter, danser pour faire comme si ça n’existait pas. Tu ne peux cependant ignorer ta part de responsabilité dans l’affaire. Tu n’es pas assez détruite pour ça. Relève-toi, tu penses. Tes doigts se crispent sur le bitume, cherchant une prise, et tes yeux s’ouvrent pour observer la danse de tes ongles qui ripent sur la pierre. Ce n’est pas joli à voir, mais quelque part fascinant. Tu t’arraches au spectacle, levant la tête vers la rue vide alors que tes cheveux viennent caresser ton visage contusionné. Tes membres protestent quand tu essaies de te relever et ta tête s’insurge violemment, te faisant gémir. C’est pas juste. Pourtant tu te retrouves debout sans savoir pourquoi.
Il y a un corps à tes pieds et tu ne sais pas ce qu’il fait là, tu ne sais pas si c’est un homme ou un cadavre. Quelque chose te gratte sur la joue. Y portant la main, tu découvres tes doigts rougis d’un liquide rouge poisseux. Le sang a un goût métallique mais pas forcément désagréable. Tu suces tes phalanges comme si ça pouvait tout faire disparaître. Il y a un corps à tes pieds, une femme devant toi. Elle est éclaboussée d’hémoglobine. Dans son attitude, un reflet de ton corps qui se tient debout sans explication, un reflet de ton incompréhension, un reflet de ta peur et de ta tristesse et de ta douleur et de ton manque de but. Tu ne vois pas son visage, juste son dos tourné à celui qui est par terre. Il ne bouge pas. Est-ce qu’il respire ? Tu ne crois pas. Un mort dans cette rue. Je suis sûre que ce ne serait pas la première fois. Ta vision se trouble un peu par moments, et tu secoues la tête pour essayer de faire la mise au point mais ça ne change rien, c’est pire. Tu poses une main hésitante sur l’épaule de la vivante, y laissant une trace grenat. Son hurlement te fait reculer. Un animal, elle hurle comme un animal, avec une bestialité qui n’est décelée que si rarement chez les hommes, n’occasionnant chez toi que l’émotion animale la plus basique : la peur. Et pourtant elle se jette sur toi, non pour achever ce que le macchabée avait commencé, mais pour s’accrocher à toi comme un noyé s’accroche à une bouée. Chester l’aurait repoussée. Lili l’aurait étreinte. Et tu restes là, écartelée entre les deux, encore dans la brume, les bras ballants, raides alors qu’elle te serre. Tu es pétrifiée, peut-être d’étonnement, peut-être d’indifférence. Tes sanglots se mêlent à ceux de la brune alors que vous pleurez sur votre sort. Une meurtrière et une victime. Deux victimes. La douleur ne s’estompe pas, les larmes n’y font rien. Ca ne soulage même pas. Pourquoi alors ? Parce que c’est comme ça. Ca coule, on ne peut pas l’arrêter. Alors que tu es restée figée, pilier dans la tourmente, elle s’est affaissée à tes pieds, noyée dans le sang et l’horreur.
Et tu lui tends la main. Tu lui tends la main. Toi. Le monde a changé de toute évidence. Prise de conscience contre le mur, prise de conscience sur le béton et sa traîtrise. Peu importe que l’inconnue soit venue se jeter dans la bataille et ait terrassé le roi, la partie était déjà perdue. Echec et mat. Tu l’aides à se relever pour rien. Tu le fais cependant, pleurant encore. C’est elle qui prend la parole, exprimant pour la première fois quelque chose de sensé. « Viens. Il faut te soigner. » Tu acquiesces sans vraiment savoir pourquoi, reniflant. Tu n’as pas besoin d’être soignée, c’est juste du sang. Et de la brume. Ce n’est pas grave je suppose. Tu la laisseras cependant t’entraîner où elle veut si elle le fait. Et ton nom, ton nom franchit ses lèvres. « Chester ? Chess ? C’est toi ? » Elle te connaît. Elle te connaît, tu dois la connaître. Tu t’essuies les yeux pour essayer de percer le rideau humide qui les barre. Puis un nom te vient. Hésitant, flou, incertain. « Carter ? Carter ? » |
| | | Amarinda C. Carter △ correspondances : 340 △ points : 1 △ multicomptes : RIP Zoé E. Williams & D. Aileen Carter-Lewis △ à Panem depuis le : 01/06/2013 △ âge du personnage : 38 ans
| Sujet: Re: What have we done ? ⚡ Chester & Amarinda Lun 16 Sep - 10:08 | |
| Œil pour œil, dent pour dent. Une vie pour une vie. La mienne, la sienne. Quelqu'un est mort ce soir. Un homme dont je ne connais même pas le nom.
Qu’est-ce que je fais ici ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je crois même que je ne veux pas savoir. Le brouillard dans ma tête est trop dense. Tout déraille. Comme dans l’un de ces vieux films en noir et blanc aux images floues, hachées. Comme un disque de gramophone qui se casse en plein milieu d’une chanson. Je regarde autour de moi, et je ne trouve rien qui ait du sens, rien de familier. Une flaque sur le sol. De l’eau, du sang ? Un réverbère qui ne marche pas. Un corps, par terre. Un manteau dans le caniveau. Il pourrait être bleu, il pourrait être rouge. Ou gris. Je ne comprends pas. Je lève une main, touche mon visage. Mes joues mouillées. Mon nez qui coule. Mes cheveux collés sur mon front. Et j’ai envie de rire, parce que rire est la seule chose qu’on puisse faire quand tout nous échappe. La dernière arme du fou. Le fou qui est peut-être le seul à savoir que la vie se moque de nous, et qui lui rit au nez en retour. Le fou qui est peut-être le seul à pouvoir lui dire : « Tu m’as tout pris, mais maintenant tu ne peux plus rien me faire. Tu m’as tout pris, mais maintenant je suis libre. » Je me redresse, sans pourtant trouver la force de me relever. Je connais l’odeur de la mort. L’odeur du sang, des viscères. Je l’ai sentie assez souvent dans l’Arène. Mais ce soir, la mort a une odeur d’alcool et de parfum bon marché. L’odeur de la misère, d’une vie sans illusions et d’une mort qui passera inaperçue. Quelqu’un trouvera le cadavre. Les hommes en noir viendront le chercher. Et les gens qui les verront passer avec leur fardeau macabre se détourneront, rappelleront leurs enfants à l’intérieur, fermeront leurs portes et leurs cœurs. La misère, ils la vivent tous les jours, mais ils ne supportent pas de la regarder en face. S’ils prétendent ne pas la voir, peut-être disparaîtra-t-elle, voilà ce qu’ils pensent. Ils sont stupides. Je n’ai pas peur des cadavres. Ce sont des choses vides, brisées, qui ne m’inspirent tout au plus qu’une vague pitié. Celui de l’homme est encore chaud. Je le touche du bout des doigts. Je lui ferme les yeux, presque sans réfléchir. Mes mains sont rouges, poisseuses. « Un deux trois, je vais au bois. » Je fredonne. Trop bas pour que quiconque puisse m’entendre. « Quatre cinq six, cueillir des cerises. » Je fredonne pour la pluie qui se met à tomber doucement, je fredonne pour l’homme par terre. « Sept huit neuf, dans mon panier neuf. » Je fredonne pour la ruelle noyée dans l’obscurité, pour les souris ou les rats que j’entends couiner. Je fredonne pour moi, parce que j’ai peur. « Dix onze douze, elles sont toutes rouges. » Peur de quoi ? De mes mains, rouges comme les cerises de la comptine ? Peur parce que j’ai tué, et que maintenant j’irai en enfer ? Peur d’avoir aimé ça, d’avoir aimé frapper, lacérer, mordre, et de vouloir recommencer ? Je recule d’un pas, à croupetons. J’ai froid. J’ai tellement froid. Si je me couche par terre, à côté de l’homme, est-ce que je mourrai ? Est-ce que j’arriverai à oublier, à plonger dans le néant ? Ou la pluie incessante me ramènera-t-elle toujours à la vie ? Je regarde l’homme et je pense : Je l’ai tué. Je regarde l’homme et je pense : Il n’est peut-être pas mort. Pas encore. Je peux peut-être le sauver. Ai-je envie de le sauver ?
Quelqu’un me touche l’épaule. Je sursaute et je crie, je crie comme j’ai crié le jour où j’ai gagné les Jeux. Parce qu’à ce stade, je ne suis plus Amarinda. Je ne suis même plus humaine. Je crie et je me jette dans les bras de l’inconnue qui m’a touchée. Pour ne plus voir la peur sur son visage. Pour écarter mon envie de tout casser, de tout détruire comme on m’a détruite, moi. Pour pleurer, parce que la petite fille que je suis n’aspire qu’à être consolée. La femme reste plantée là alors que je m’accroche à elle comme on s’accroche à son dernier espoir. Je crois qu’elle pleure aussi. Peut-être pas pour les mêmes raisons que moi. Mais au fond, on pleure tous pour les mêmes raisons. Elle me tend la main. A moi. A la chose recroquevillée à ses pieds, à la pauvre chose qui se souvient à peine de son propre nom. Elle me tend la main. Elle est blessée et je suis blessée. J’ai l’impression qu’elle est moi, et que je suis elle. Que le sort nous a joué un tour horrible. Qu’est-ce que je fais ici ? Ceci n’est pas ma vie. Ceci n’est pas mon rôle. C’est sa vie à elle, à la fille pauvre d’un District pauvre. C’est moi qui devrais lui tendre la main. Moi qui devrais… Mais ça n’a plus d’importance. J’observe ses blessures d’un œil critique, comme si j’avais fait ça toute ma vie. Je lui dis : « Viens. Il faut te soigner. ». C’est la seule chose à dire. La seule chose sensée dans un monde devenu insensé. Elle hoche la tête. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me surprend. Elle a l’air tellement sauvage. Je me vois dans ses yeux comme dans le pire des miroirs. Je vois une silhouette hagarde, échevelée. Trempée comme un rat. Je regarde la femme. Ou la fille. Je regarde sa chevelure de feu. « Chester ? Chess ? C’est toi ? » Elle s’essuie les yeux. « Carter ? Carter ? » Demande-t-elle éperdument. Je hoche la tête en riant, en riant et en pleurant. Je la connais à peine, Chester. Je sais qu’elle est pauvre. Je sais qu’elle ferait tout pour survivre. Je sais que je l’ai aidée plusieurs fois. Qu’elle m’a volé la bague avec la pierre verte. Qu’elle ne m’aime pas. Peu importe. On est là, ensemble, sous la pluie. La fille en minijupe et la fille en robe à fleurs. La fille qui prétend être une femme et la femme qui voudrait encore être une fille. Identiques dans la pénombre, dans ce monde gris. La nuit, tous les chats sont gris. J’aimerais être un chat. Rapide, agile. J’aimerais pouvoir griffer et mordre. J’aimerais pouvoir feuler sur tous ces gens qui pensent me connaître alors que je ne sais pas moi-même qui je suis. J’aimerais pouvoir cracher sur leur pitié, sur leur haine, sur leurs désirs dont je me fiche éperdument. Qu’ils crèvent. Qu’ils crèvent tous. Je partirai, le nez au vent, le pas léger. Je partirai sans vraiment y réfléchir, sans songer à autre chose qu’au présent. Les chats ne comptent pas leurs cicatrices. Les chats ne pleurent pas. Mais voilà, je ne suis qu’une pauvre humaine. Incapable de conquérir sa propre liberté. Et si j’étais un chat, je serais un chat de luxe. Un joli matou dans une cage dorée. Relâché dans la nature, il mourra de faim. Alors que le chat de gouttière survivra. Alors que Chester survivra.
Je prends sa main et je l’emmène chez moi. Chez moi, c’est juste l’endroit où je dors quand je viens au District 5. Ce n’est pas ma maison. Les murs sont verts. Je n’aime pas le vert. Il y a aussi un vieux canapé, où j’installe Chester. Je lui donne ma couverture. Je vais dans la cuisine. Qu’est-ce que je dois faire ? Je ne sais même pas soigner. Je ne sais que blesser. Je fais chauffer de l’eau – ça élimine les bactéries, dit maman. Je prends quelques essuies et des ciseaux pour les découper en bandes– ça fera de bons bandages, dit grand-mère. Je sors ma trousse de secours que je n’ai jamais utilisée. Je ne connais pas le nom des médicaments. Des pilules blanches. Des pilules bleues. Des petits flacons. Mes mains tremblent. Je trouve du désinfectant. Il y a aussi des collants trop petits, et une aiguille. Et si je devais la recoudre ? J’emporte tout dans le salon. J’aligne mes outils sur la table basse, comme des petits soldats de plomb. J’ai la gorge sèche, mais je n’ai pas la force de retourner dans la cuisine pour boire. « Pourquoi… ? » Pourquoi t’a-t-il fait mal? Pourquoi l’ai-je tué? Pourquoi t’ai-je emmené chez moi pour te soigner ? Pourquoi m’as-tu suivi ? Je la regarde, et je reste silencieuse. Que puis-je lui dire ? Je ne la connais pas. Et elle ne veut pas me connaître. Je l’ai compris il y a longtemps, quand je lui donnais encore de la nourriture et des bons conseils. Elle croyait que je ne voyais pas qu’elle me méprisait. Qu’elle m’utilisait. Mais moi, j’étais juste heureuse d’avoir quelqu’un avec qui parler. Quelqu’un qui se sentait obligé d’être poli et gentil, de hocher la tête en souriant pendant que je radotais. Et maintenant… « Pourquoi as-tu choisi cette vie ? » Ce n’est pas la question que je voulais poser. Ce n’est même pas une vraie question ; sans doute ne connaît-elle même pas la réponse. « On te frappe, on t’humilie. Tu as froid, tu as faim. Et pour quoi? Quelques sous. Une bague en argent volée à une pauvre crédule. » Ma voix est plus dure que je ne l’aurais voulu. Pour me donner contenance, je mouille un morceau d’essuie et je commence à éponger le sang sur le front de Chester. Mon regard tombe sur sa tenue. « T’es une pute, c’est ça ? » Je ne peux retenir ma curiosité enfantine. Ça se passe toujours comme ça. Je veux que Chester soit mon amie, je le veux désespérément. Mais je ne peux pas m’empêcher de la blesser. « Maman dit que les prostituées vont en enfer. » Je bredouille. Je n’aurais pas dû le dire. Tant pis. Œil pour œil, dent pour dent. Une vie pour une vie. La mienne, la sienne. Qui peut dire laquelle vaut le plus? Qui peut dire que l'homme sans nom méritait de mourir? Tout ce que je veux, c'est survivre. Coûte que coûte. Quelqu'un est mort ce soir. Mais ce n'est pas moi. Et c'est tout ce qui compte. |
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| Sujet: Re: What have we done ? ⚡ Chester & Amarinda Dim 19 Jan - 18:16 | |
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⊹ lord, what have we done and why ?
Bang. Bang. Bang et bang et bang et encore et encore et toujours, toujours. Ils ne peuvent pas arrêter de frapper, de tirer, juste pendant quelques instants ? Que tu puisses dormir loin de leur vacarme incessant. Bang. Bang. Comme des percussions violentes. Elles sont dans ta tête. Qu’elles sortent. Un homme est mort. Un homme est mort et le plus triste c’est de dire que ce n’est pas la première fois que tu vois un macchabée. Qui n’en a pas encore vu dans ce monde de fange et de sang ? Oh je ne parle pas des corps bien nettoyés bien présentés qu’on enterre en pleurant, je parle des cadavres violentés sur le pavé de cette cité où les gardiens sont censés apporter la paix. Elle est belle cette paix macabre du Talion. Un homme est mort et il ne te vient pas à l’idée que c’est à cause de toi. Ce n’est pas ta faute, la vie est ainsi faite. Il a voulu être plus fort, il a perdu, qu’il ne vienne pas faire de réclamation auprès de St-Pierre. Tu ne comprends pas pourquoi il est mort, pourquoi la silhouette recroquevillée à côté n’est pas étendue à sa place. Ca n’a pas de sens. Tu juges le moine par l’habit toi. Elle n’a pas de sens cette bonne femme dans sa peau couverte de sang. Elle n’a pas de sens à crier, et à pleurer, et à rire. Tu gueules presque. « Tais-toi. Tais-toi ! » Ne ris pas, ne ris pas. Pourquoi tu ris Carter ? T’en as tué un de plus, c’est ça qui te rend heureuse ? Pourquoi t’es sortie de l’arène ? T’aurais du crever Carter et maintenant tu continues à semer la mort. Et elle t’a sauvé la vie. On ne te sauve pas la vie, tu as le droit inaltérable de mourir lorsque les circonstances s’y prêtent. Oh, tu ne veux pas mourir. Mais tu ne veux pas avoir une dette envers qui que ce soit or selon la définition universelle, se faire sauver la vie par quelqu’un est une des dettes les plus certaines. Du genre qui requiert qu’on sauve ensuite la personne pour la rembourser. Il se trouve cependant que tu n’as l’intention de te mettre en danger pour personne, dette ou pas. Tu veux partir en courant et laisser là l’âme égarée dont l’incarnation physique s’accroche à tes vêtements. Tu veux lâcher sa main et tu ne veux pas de ses médicaments. L’alcool fera tout passer, comme toujours. Tu as trop peur de toutes ces pilules étranges. Qui sait ce qui est dedans ? Peut-être qu’elle va te tuer avec ses gélules multicolores, peut-être qu’elle va te rendre comme elle, peut-être que... Peut-être que tu devrais courir. Tu le veux mais tes jambes font confiance à la meurtrière l’arène, la suivent. Tu vas au village des vainqueurs comme un agneau va à l’abattoir, avec peur mais curiosité. Ou comme une enfant tirée par une mère pressée, qui traîne un peu des pieds mais a trop peur de lâcher la main qui la relie à quelque chose. Tes membres trébuchent tout seuls alors que tu penses au cadavre. Tu lui as craché dessus. Tu as craché sur un mort. C’est pas le genre d’action qui apporte le mauvais oeil ça ? Si ça se trouve tu vas mourir finalement, punition divine ou une autre connerie du genre. Mais Carter elle est toujours là et Dieu sait que la punition divine elle y aurait droit. Peut-être que Dieu s’en fout au final des bons et des pécheurs.
Deux pécheresses entrent dans une maison. Elle n’est pas belle. C’est moche chez toi aussi mais ce n’est pas vert. C’est beau le vert. Pas défraîchi sur des murs comme de la moisissure. Ce canapé est plus confortable que le lit sur lequel tu dors ou baises tous les soirs. Ce plaid est plus doux que n’importe quelle couverture sous laquelle tu te sois jamais blottie. Pourquoi elle a une maison dans le district cinq la Carter, alors qu’elle vient du un ? Elle n’a pas de sens. Pourquoi sa maison est verte ? Sa bague était verte aussi, celle que tu lui as volée et que tu as vendue. T’en as tiré beaucoup de celle-là, c’était un truc de riche. Elle a eu l’air de s’en foutre que tu lui prennes, ça prouve bien de choses. Elle est riche et elle est folle. Elle est folle et elle est riche. Les riches normaux s’offusquent, et les riches normaux laissent crever les gens dans la rue et ils font bien parce que c’est pas leur problème qui meurt et qui vit, c’est celui de la ville. Tu ne voulais rien et qu’est-ce qu’elle a fait ? Elle tue et elle t’emmène pour te soigner ou t’achever. Elle s’est installée avec tout son attirail, elle se prend pour une infirmière. Si t’en voulais une tu serais allée à l’hôpital, même s’il n’y en a pas. Tu la regardes s’agiter et tu ramènes tes mains sur ta poitrine pour éviter qu’elle les reprenne. Elles sont déjà assez sales comme ça, ton sang suffit. Tes yeux cherchent une porte qui est fermée et il te semble que tu n’aurais pas la force de l’ouvrir. Si tu étais un oiseau tu sortirais par une fenêtre. Si tu étais un oiseau tu migrerais l’hiver ou mourrais de froid au-dessus d’une bouche d’aération. Tu chanterais le matin et dormirais la nuit jusqu’à-ce qu’un chat te mange. Tu serais le chat. Indifférent et impérial, fière dans la misère. Les chats errants ne veuillent pas qu’on les recueille, qu’on les soigne, ils n’ont pas besoin qu’on les soigne, même à l’article de la mort. Les chats errants veulent partir et se fondre dans la nuit. « Pourquoi… ? » « Parce que. » Quelle que soit sa véritable question, en voilà le pourquoi, en voilà le comment. Tu n’as pas à t’expliquer et tu n’as pas à répondre à ses questions. Que va-t’elle dire après ? Te demander une psychanalyse, te parler de ton enfance, de tes choix, de tes options ? Sa vie c’est de la merde et la sienne aussi et elle a autant à se justifier que toi sauf que tu te fous de ses justifications alors tu ne lui feras pas l’honneur des tiennes. « Pourquoi as-tu choisi cette vie ? » Elle parle, elle parle, elle parle mais tout ce que tu entends c’est ‘‘je ne comprends pas comment tu peux faire le commerce de ton corps. moi j’ai choisi de tuer des gens, c’est bien mieux’’. Tu pourrais dire que cette vie t’a choisie, c’est faux. Tu as choisi cette vie pour énerver Caleb, là est la vérité. Et tu as réussi. Alors maintenant cette vie c’est la tienne et elle te plaît plus que la sienne. Elle donne trop de leçons pour une femme-enfant. Est-ce que tu lui donnes des leçons toi ? Non. Qu’elle ferme sa gueule, qu’elle ouvre la porte et qu’elle te laisse partir. Tu as mal à la tête de tout ce béton, de tous ces cris, de toutes ces larmes. Cette odeur de sang te donne envie de vomir. Peut-être que si tu ne dis rien elle te foutra la paix. Mais tu sais que ça ne marchera pas. Cet état d'hébétude où tu lui as tendu la main s’estompe, tu te retrouves seule face à cette coquille vide. « Parce que je pouvais. » C’est toujours la meilleure raison de faire les choses je crois. La possibilité de le faire. Le monde serait une anarchie ignoble si tout le monde le faisait mais peut-être qu’il serait plein d’une poésie absurde qui manque terriblement à cette existence.
« On te frappe, on t’humilie. Tu as froid, tu as faim. Et pour quoi ? Quelques sous. Une bague en argent volée à une pauvre crédule. » On te frappe mais on ne t’humilie pas. Jamais tu ne t’es sentie humiliée par qui que ce soit. Ils ont bien essayé mais tu es trop vide pour qu’ils puissent briser ta fierté. Une bague en argent ça donne quelques sous et quelques sous ça fait survivre et ça c’est le but de la vie, ne pas mourir. Ou plutôt mourir le plus tard possible. Tu seras une de ces vieilles femmes aigries dont le corps est une épave mais qui s’accroche à la vie avec hargne. On dit que les cafards durent le plus longtemps. « T’as tué combien de mecs ? Et pour quoi ? Récolter une couronne et te dire que t’as sauvé quelqu’un ? » Tu sais rien Carter, tu sais rien t’as envie de lui dire. C’est vrai quoi, elle croit avoir les clés de la vie ? Avoir envoyé des dizaines de gens sous terre ne donne pas la science infuse. Ca fait juste de vous un monstre, un pacificateur ou les deux. Sa voix dure te donne envie de lui rire au nez. Les leçons de celle qui a raté sa vie. Tes mains tremblantes sortent une cigarette de ton paquet, un briquet de ton décolleté. Clope au bec, tes doigts se battent mais tu n’arrives pas à l’allumer. « T’es une pute, c’est ça ? » Tu ne réponds pas, tu travailles à ton cancer. Evidemment que tu es une pute, il lui faut quoi de plus ? Que ce soit écrit en lettres rouges sur ton front ? C’est presque le cas. La flamme jaillit enfin et vient lécher le papier et le tabac avec un grésillement familier. « Maman dit que les prostituées vont en enfer. » Tu lèves la tête vers elle. Sa voix est de nouveau celle d’une enfant. Cette femme n’a pas de sens. Tu ne comprends pas ce qu’elle dit. Sa maman dit bien ce qu’elle veut. Les putes vont en enfer, les meurtriers aussi, Satan récolte tout le monde et les fait souffrir. Tu plantes sur elle deux prunelles vides, tes iris bleus restent muets. Tu inspires et expires cette fumée salvatrice. Ta voix, ta voix ne trahit aucune émotion. « On va tous en enfer Carter. » Peut-être qu’on y est déjà. Vu la population locale, ça n’aurait rien d’étonnant. Il est étonnant que personne n’ait cultivé cette théorie encore. Ce que vous avez là, ce n’est pas une punition déjà ? Ils disent que le diable est intelligent, il le serait plus encore en vous faisant croire que c’est votre vie et que vous pouvez faire mieux pour échapper à la punition alors que vous y êtes déjà. Tu clignes des paupières en te disant qu’au final vous y êtes peut-être, oui. C’est crédible. Toi tu crois en tout et en rien de toute façon. Voici votre Enfer. Tu chuchotes. « On y est Carter. » |
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| | | | What have we done ? ⚡ Chester & Amarinda | |
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