destiny play with things.

LEVI & DOMINO

Chaleur étouffante, la journée ne semblait pas décidée à lui être clémente aujourd’hui. Qu’importe, il avait appris à faire avec les aléas de la nature de Panem. Toute cette nuit, il n’avait pas dormi un seul instant et maintenant que le soleil était haut dans le ciel, la fatigue commençait à tirailler tous les muscles de son corps, comme pour lui rappeler que malgré ses idéaux, il n’était qu’un simple humain parmi tant d’autres. Un humain avec des faiblesses, malgré ce dont il pouvait chercher à se persuader. Mais il n’avait pas envie de se fier à ces sensations, il devait continuer, rien que pour trouver un endroit plus sauf pour cette nuit et donc pouvoir se reposer sans risquer de se faire surprendre par quelques uns des Pacificateurs qui pouvaient traîner alentours. Semer quelques cadavres sur sa route ne l’arrêtait pas, mais s’il devait en semer à chaque fois qu’il s’arrêtait, les choses allaient irrémédiablement se compliquer. Alors que son esprit stratège était divisé entre toutes ces pensées, ses mains, elles, s’activaient machinalement. Plongées dans l’eau encore froide du petit fleuve au bord duquel il avait décidé de faire un petit arrêt, celles-ci s’afféraient à laver la lame encore rouge d’un poignard. Ce fameux poignard qui en avait ôté, des vies, depuis qu’il vaquait à des occupations toutes autres que celles auxquelles il a été en principe destiné. Destiné par qui ? Son père. Aujourd’hui il ne le savait que trop bien, mieux valait ne pas laisser les parents se mêler de son avenir, sans quoi, les choses en viendraient forcément à se compliquer. De plus en plus, l’heure fatidique de la fin des Jeux approchait, et bien qu’il ne regarde pas ce foutu programme, il fonctionnait comme une horloge, à l’affût des secondes qui s’égrenaient, le rapprochant ces derniers jours de l’anniversaire de mort de son cadet. Il n’avait pas fait partie des plus faibles, il était mort dans les derniers, du moins, presque, fatigué, affamé, effrayé. Qui sait s’il ne s’était pas finalement laissé mourir pour ne plus supporter toute cette douleur qui avait du peser sur lui. D’un geste brusque de la main, Levi chassa ces pensées de son esprit, histoire de ne pas ressasser un passé qui devait l’aider à avancer, pas le fixer sur de vieux remords. C’est ainsi qu’il se reprit, se relevant pour rapidement sécher son arme dans sa chemise et la remettre au niveau de sa ceinture, comme si de rien n’était.

La journée était tellement chaude, que pour le moment personne ne semblait décidé à s’aventurer aussi loin des principales habitations de la ville. Il avait l’air seul, au milieu du silence naturel qui pesait autour du cours d’eau. Pas même quelques gamins qui avaient décidé d’aller se tremper les pieds dans l’eau, à croire que toute la ville avait été vidée de sa vie en une seule nuit. Même à Panem, les choses ne se passaient pas comme ça. Du moins, pas à présent, malgré ce qui avait pu arriver au District treize à une certaine époque. Mâchoires crispées, toujours sur ses gardes, de plus en plus à mesure que le temps filait, Levi leva les yeux, laissant ses yeux fureter un peu partout dans le décor, à la recherche d’un mouvement, signe de vie, quelque chose qui lui ferait comprendre qu’il y avait un potentiel danger alentours. Mais rien, il ne semblait y avoir rien ni personne. La solitude était son lot de tous les jours, malgré les vies qu’il pouvait croiser les rares fois où il s’arrêtait au milieu de la population, les autres fois où il était moins chanceux et où il croisait quelques âmes qui furetaient à des occupations bien différentes de celles que les autres pouvaient avoir. Pas de quoi l’aider à avancer discrètement dans les deux cas. Après sa rapide inspection du regard, il se laissa aller à baisser sa garde, pour revenir vers le bord du fleuve, s’y pencher pour tremper ses mains et les passer sur son visage, espérant quelque part que l’eau froide ne réveille son cerveau plus que le maigre petit déjeuner qu’il s’était offert. Bientôt, il allait devoir aller à la chasse, la vraie chasse de vrais animaux pour pouvoir se nourrir, il ne le savait que trop bien. Ce n’était pas dans le District cinq qu’il trouverait le plus de nature à foison, il ne le savait que trop bien, la plupart des bestioles n’étant pas folles au point de rester sous un tel soleil de plomb. Il n’y avait que ces fleuves parmi tant d’autres à Panem pour apporter un tant soit peu de fraîcheur et de vie dans cet endroit, les habitants ne le savaient que trop bien, tout comme Levi l’avait rapidement compris. Il se souvenait encore du district deux, où il avait grandi. Celui-ci était bien différent de ceux qu’il traversait à présent, bien plus avantagé par la présence de la Noix, bien mieux situé… Toujours des étrangers pour grouiller dans les rues, toujours des Pacificateurs pour garantir un tant soit peu de sécurité. Et surtout, surtout, cette même chaleur de plomb. Au final, il y était habitué depuis sa plus tendre enfance et il avait appris à continuer à travailler avec son père ou dans la Noix malgré la chaleur qui pesait sur le district.

Finalement, il avait beaucoup à dégager de son enseignement parmi les Pacificateurs, il ne le savait que trop bien et c’était peut-être ce qui le rendait si dangereux aux yeux des autres. Une arme du Gouvernement retournée contre celui-ci, si c’était pas ironique comme situation. Parfois il lui arrivait d’imaginer qu’il serait plus efficace parmi les rebelles, mais quand bien même, il n’y avait sûrement pas sa place. La vie en communauté ne semblait pas faite pour lui, et de toute manière il traversait le pays en solitaire depuis bien trop longtemps pour s’adapter à un travail d’équipe. Sa vie était bien simple, il traversait le pays dans l’espoir de trouver l’objet de sa vengeance, tandis que lorsque sa route croisait le chemin malheureux de quelques ennemis, il se devait de les abattre, sans aucun état d’âme, sans aucune pensée qui aurait pu le ralentir. Il n’y avait pas droit et encore une fois, cette maîtrise de soit, envers et contre tout, il la devait également aux enseignements qu’il avait suivis dans la Noix. Un soupir s’échappa de ses lèvres, alors qu’il se relevait une nouvelle fois après avoir rempli ses réserves d’eau, prêt à repartir pour une longue route à travers ce fameux district au climat lourd et pesant. Pourtant, alors qu’il rassemblait ses dernières affaires, un mouvement un peu plus bas attira son attention, piquant son esprit au vif alors qu’il se rendait compte que peut-être, la fatigue commençait à avoir raison de lui. Il aurait du remarquer cette présence plus tôt, alors qu’à présent, c’était une silhouette qui s’approchait lentement mais sûrement du bord de l’eau, comme il avait pu le faire quelques dizaines de minutes plus tôt. Heureusement pour lui, cette fille ne semblait pas l’avoir remarqué, si bien qu’il eut quelques instants pour l’observer, analyser ses gestes, les traits de son visage qu’il pouvait remarquer. Ces cheveux blonds, ce regard, il la connaissait. C’était un instinct quelconque, il l’avait déjà vue, il le savait et à ses souvenirs, elle ne lui avait pas été particulièrement hostile, si ce n’est quand il a commencé à avoir des soupçons sur son identité. Il avait regardé tellement de Jeux dans sa vie, avec sa famille ou dans la Noix qu’il ne savait même plus. Peut-être qu’il se trompait, mais il y avait chez lui cette impression viscérale qui bouillonnait et qui lui murmurait que non, il avait bel et bien raison. S’attardant rapidement à faire un topo de ses affaires histoire de ne rien oublier, Levi s’engagea en direction de la jeune fille, sans se soucier des éventuels obstacles qui pouvaient se dresser sur sa route. Trop curieux qu’il était, ce ne serait certainement pas une pierre mouillée et glissante qui pourrait l’arrêter. Il arriva finalement à hauteur de la blonde, la reconnaissant définitivement cette fois-ci et quelque peu soulagé qu’elle n’en ait pas profité pour fuir. Si la discrétion faisait partie de ses qualités, il n’avait pas cherché à faire une approche furtive cette fois-ci, ce qui aurait pu lui coûter ce petit entretien. Qu’importe, leurs chemins semblaient destinés à se croiser. « J’avais pensé qu’on ne se reverrait pas… Apparemment j’ai eu tord. » Qui sait si elle le reconnaîtrait avec son air fatigué et les jours de marche qu’il avait amassés depuis leur première rencontre, mais qu’importe, elle semblait être assez maligne pour sortir indemne d’un des Jeux, donc elle devait être assez maligne pour retenir le visage de quelqu’un qui ne lui faisait pas vraiment confiance.