❝ what about go to hell ? ❞Dawkins. Il m’a dit… Ordonné d’aller me défouler dans la salle de sport après l’entraînement des recrues. Il a remarqué que j’avais tendance à redevenir agressive quand quelque chose me contrariait. Me défouler ne semblait pas être une mauvaise idée après tout.
Une lionne en cage. C’est ce que j’avais l’impression d’être actuellement. Prisonnière d’un endroit que je méprisais au plus haut point. Avec l’interdiction formelle d’aller où que ce soit sans surveillance. Un homme… Enfin, une armoire à glace avec des pieds est en permanence dans les environs. Il a beau tout faire pour essayer d’être discret –selon les instructions du très cher Dawkins- mais je
sais qu’il est là, et ça reste très irritant. Il pourrait pousser le ridicule un peu plus loin. Par exemple… En se cachant derrière un vieux journal. En mettant une paire de lunettes de soleil dans les souterrains et en me suivant l’air de rien. Ou je sais pas quoi encore. Je lâche un soupir exaspéré. J’ai absolument pas envie que ce type me suive jusque dans la salle d’entraînement. J’ai réussi à négocier avec Dawkins pour que le gars attende à l’extérieur. Une porte d’entrée, une porte de sortie. Je risquais pas d’aller quelque part. Et quand bien même… Toutes les voies d’accès au district sont surveillées
en permanence. Et puis… J’ai absolument nulle part où aller me réfugier. Je suis une paria aux yeux du Capitole, je suis une paria aux yeux du district treize, et je suis un cadavre pour le reste du monde. Malgré moi, je lâche un rire amer qui interpelle Ice -appelons le Ice, ça sera plus court que armoire à glace- qui me regarde en fronçant les yeux. Je le fixe en retour en arquant un sourcil. Il me dévisage, je le dévisage, il regarde ailleurs, je le dévisage toujours. Bref. J’suis
encore une fois passée pour une folle.
La salle d’entraînement est vide. En même temps, il est déjà assez tard, et la plupart des gens ont un emploi du temps strict à suivre. Moi… Disons que je dois m’adapter au rythme des autres. Et donc squatter la salle quand celle-ci est vide. Je comprends qu’ils soient si méfiants. J’veux dire… La dernière fois j’ai carrément collé mon poing dans la tronche d’un infirmier parce qu’il m’avait regardé bizarrement. Je n’ose imaginer ces recrues en train de me fixer alors qu’ils devraient suivre leurs cours pour apprendre à être de bons toutous du treize. M’entraîner oui. Mais seule. Je me glisse dans la salle, et adresse un sourire mièvre à Ice avant de lui claquer la porte au nez. Je jurerai que c’était littéral d’ailleurs. Je balaye la pièce du regard, soupirant au simple souvenir de toutes ces heures passées ici, en compagnie de Miléna.
Miléna. Mon cœur se serre à la pensée que c’est terminé pour elle. Que j’ai été assez stupide pour repousser sa main tendue. Que j’ai été assez stupide pour la blâmer. Que j’ai été assez stupide pour
m’attacher. Je le savais bien pourtant, que ça finirait forcément mal. Pour elle ou pour moi.
Non. Pour elle
et pour moi. Ne l’avais-je pas prévenue ?
« Mais sache que si tu me ramène là-bas, je resterai une menace. Tant pour le district que pour les autres. Pour toi ou ta gamine. » mes propres mots résonnent dans le fond de mon crâne. Sa gamine. Megara. Une orpheline de plus à cause de la guerre.
A cause de la rébellion. Boarf. Après tout, un de plus, un de moins… Coin est plus à ça près. Je grimace à cette pensée. Machinalement, j’enroule mes mains dans les bandes de protection mises à disposition. Intérieurement, je sais que me défouler va me faire le plus grand bien. Mon corps a besoin d’exercice. De vrai exercice. Pas ces simples gestes quotidiens que je m’impose chaque matin. Je me place face à un mannequin. Je le fixe en fronçant les sourcils. Poings armés, pieds ancrés dans le sol, je canalise ma rage, la focalise sur ce pauvre punching-ball. Je frappe.
Un, deux, trois. Il chancelle. Je frappe.
Plus fort. Il vacille. J’ai mal au bras. Celui que Miléna a brisé il y a un an. Ultime cadeau de sa part. Ultime rappel d’une erreur parmi tant d’autres. Le temps passe. Je frappe. Toujours plus vite, toujours plus fort. A croire que ce mannequin est et a toujours été mon pire ennemi. J’ai envie de hurler. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça. Je continue à assaillir l’homme de plastique.
J’entends la porte qui s’ouvre derrière moi. Je me fige. Qu’est-ce qu’il veut Ice ? Je fronce les sourcils et jette un regard irrité par-dessus mon épaule. Si mes sourcils pouvaient éventuellement se braquer encore plus, ils l’auraient fait je suppose. C’est pas Ice. Le nom de la fille me revient en mémoire.
Ever. Des flashs. Le repas du Capitole. La rediffusion de la moisson du district dix pendant notre voyage dans le train. Le défilé. Le centre d’entraînement.
L’arène. Pendant longtemps, je m’étais demandée si sa résurrection avait été réelle. Puis j’avais eu d’autres problèmes dont il avait fallu que je me préoccupe. Pourquoi Ice l’a laissée entrer ? Je croyais que je devais pas avoir de contact avec d’autres gens. Je ferme les yeux un court instant, essayant de me dire que sa présence ne serait pas un problème. La salle dans laquelle nous sommes est immense. Nous sommes deux. Il y a largement assez de place. Alors je vais juste l’ignorer, ça sera facile. Je détourne la tête, et reporte mon attention sur le mannequin. Je frappe.
Un, deux, trois. Il chancelle.