Je n'étais pas sortie de ma chambre pendant les jours qui ont suivis ma sortie avec Boringard, notre petit écartement m'avait valu une bonne remise en question et avait par miracle calmé mon hyperactivité, je savais bien que ce ne pourrait être que temporaire, mais j'avais décidé d'en profiter et faire enfin des trucs de fille, peut-être avait-été-je touchée par sa remarque comme moi mettre mes mains dans mes poches n'était pas une attitude de jeune dame. Mais au fond j'essayais de me persuader que ce n'était pas ça. Je n'osais pas m'avouer que tout ce qu'il pouvait me dire m'affecter. J'avais donc entrepris de me laver les cheveux ce matin avec un shampoing à la vanille et le reste du corps avec une lotion à la violette qui me faisait sentir délicieusement bon, j'avais du me convaincre de ne pas me mordre pour essayer d'avaler de cette essence. J'avais donc une serviette sur le corps ainsi qu'une seconde qui entourait ma coiffure afin de me faire un brushing, pour ensuite laisser mes cheveux descendre sur mes épaules en de petites boucles. Je me positionnais devant mon armoire et attrapais un ensemble déjà tout préparé que j'enfilais rapidement avant de me diriger vers la salle de bain pour me sécher les cheveux et me les friser ensuite. Une fois le tout terminé il était déjà midi, et une faim me fit gronder l'estomac, j'avais l'habitude de me laisser crever comme ça, je n'avais pas mangé depuis bah ce fameux jour, parce que comme ça si jamais je pars aux Hunger Games je saurais contrôler les grondements de mon ventre et résister à cette envie de manger n'importe quoi. Dans un sens oui je suis folle, mais qu'est-ce que j'y pouvais au fond ? Rien et dans un sens ça arrangeait tout le monde, moi la première. J'attrapais rapidement les couverts que ma tante avait installé sur la table et me mit à manger en même temps que tout le monde, mes tuteurs étaient entrain de parler de leur métier et je n'osais franchement pas les interrompre, pas par peur, mais plutôt pour me plonger une fois de plus dans des réflexions intenses. L'incident avec Quintus m'avait réellement perturbée, bien plus que je n'osais me l'avouer, et le pire dans cette histoire c'était que j'avais peur, alors que rien, ni personne n'avait réussis à me faire sentir cette étrange sensation. C'était tout neuf pour moi et voilà pourquoi tout ceci me dérangeait autant. Une fois mon repas terminé, je me dirigeais à nouveau dans ma chambre et vérifiais que tout était bien rangé avant d'ouvrir ma fenêtre afin d'aérer un petit peu. Je m'appuyais sur le rebords et regardait dehors, les maisons, les usines, tout cela était d'un ennuis. Jusqu'à ce que je repère Aaron arriver. Il était cabochard, je ne voulais pas le revoir, pas de suite, et voilà qu'il forçait les choses. Je refermais rapidement mes fenêtres mais néanmoins silencieusement et m'installa dans ma chambre sur mon lit. Je n'avais nullement envie de passer du temps avec lui, si c'était pour être dans une situation embarrassante ce n'était même pas la peine. Et dire que j'avais cru sentir une bosse au niveau de son entrejambe. Un frisson me parcourus, quelle sotte je pouvais faire quand je m'y mettais. J'entendis taper à la porte et ma tante arriver dans mon endroit favoris, ma chambre. « C'est pour toi, tu devrais y aller. » me dit-elle avec une expression neutre au visage. Je la regardais alors méchamment, elle n'y était pour rien mais pourtant mon venin sortis de suite : « T'as qu'à y aller, toute façon t'es bonne qu'à ça ouvrir les portes, j'ai pas envie de le voir. » Elle sembla chagrinée, j'y étais sûrement aller trop fort, mais elle savait que mes sautes d'humeur pouvaient-être agressives et elle ne dit rien en s'en allant telle une pauvre âme. Je n'avais nullement l'intention de m'excuser, et je restais là prostrée dans mon lit, mes jambes repliées contre ma poitrine et la tête appuyée contre mes genoux. Je restais ainsi pendant une minute en me demandant si j'y allais ou non. Sans savoir exactement pourquoi je sentis ma résistance faiblir et mes pieds me porter hors du lit et descendre les escaliers rapidement. J'attrapais alors mes bottes en cuir hautes et les mis. J'étais donc vêtue d'une robe rose clair avec une veste à carreau, d'un collant fin mais qui tenait chaud et de mes bottes, le temps ne se prêtait pas à ce genre de tenue, mais comme aujourd'hui le soleil frappait plutôt fort et que le vent était inexistant, je n'avais pas de soucis à me faire. J'ouvris la porte et regardait mon ami, je ne savais pas comment lui dire bonjour alors je ne fis rien, et restait devant lui. Il devait sûrement être stupéfait de me voir ainsi, parce que c'était carrément une première – ou presque.

La porte était toujours ouverte derrière moi, je ne savais pas pourquoi je n'avais pas l'idée de la fermer, peut-être trop absorbée par les beaux yeux du pacificateur. Et ça recommençait, les questions, les interrogations sur le fameux « câlin ». Au fond j'en avais plus que ras le bol de tout cela. Et voir la tête de poisson de Quintus n'arrangeait pas les choses, il semblait avoir les yeux écarquillés en me voyant ainsi. Il se mit à me sourire d'un air béat, comme si ça tête ne suffisait pas. « Aspen, je .... whoooo tu es magnifique tu sais... je vois que de temps en temps j'ai encore de bons conseils... » Je levais imperceptiblement les yeux au ciel, non mais croyait-il vraiment que je l'avais fais pour lui ? Je ne savais même pas qu'il allait venir, alors comment aurais-je pu deviner qu'en m'habillant comme ça il allait me faire un compliment en me voyant ? Sans le savoir mes joues se mirent à rougir, et teintèrent ma peau d'une couleur légèrement cramoisie. Je sentais mes mains devenirs légèrement moites et ce n'était pas bon signe, parce que quand c'était comme ça, je perdais tous mes moyens et devenait une petite fille sans défense, ce qui n'arrivait que très rarement pour ne pas dire jamais. Et à voir le visage du pacificateur, je devinais qu'il n'en menait pas large non plus, malgré le fait qu'il veuille paraître normal. Je remarquais d'autant plus qu'il n'avait pas sa combinaison et qu'il était vêtu simplement, comme un quidam qu'on rencontrerait dans la rue, et cela n'augurait rien de bon. « Je voulais savoir si tu voulais boire un chocolat chaud ? Je t'invite... » Je disais ? J'avais envie de lui dire non, que je n'en avais pas envie, pourtant une partie de moi hurlait de lui sauter dessus pour qu'il m'emmène en me portant jusqu'au café. Je me contenais néanmoins, bien trop fière pour me montrer effusive, et quoi qu'il pense je savais très bien que cette invitation n'était qu'un prétexte à discussion, de toute façon je ne pourrais pas l'esquiver indéfiniment, c'était tout simplement impossible car sa présence à mes côté – si infime soit-elle – m'est indispensable. Sentir son odeur, sa chaleur, voir ses yeux, caresser ses lèvres du regard. Mais où cela me mènera-t-il ? Il a dix-neuf ans, et moi seize, il y a quand même une différence, et de toute façon l'amour n'était pas pour moi, jamais je n'aimerai quelqu'un si c'est pour lui faire du mal avec mon attitude de garçonne. « Ouais pourquoi pas … Attends juste deux secondes. » dis-je en me précipitant à l'intérieur, je montais quatre à quatre les escaliers et vérifiais que mon couteau était bien dissimulé, parce que peut-être était-ce une ruse de Quintus pour m'éloigner de chez moi tandis que d'autres pacificateurs allaient venir et tout fouiller. J'avais peur de tout, parce que je savais que certains de ses collègues n'étaient pas comme lui, des gens gentils et agréables à vivre, certains étaient cruels et adoraient dispenser des sentences plus impitoyables les unes que les autres. Moi malgré le fait de mes innombrables frasques, on ne m'a jamais flagellée, peut-être parce qu'on considère que je suis cinglée, ce que je suis peut-être finalement, on ne me l'a plus jamais dis, mais je vois aux regards que les gens me portent que je ne suis pas considérée comme quelqu'un de stable. Oh puis je m'en foutais quelque peu au fond.

J'arrivais enfin dehors et fermais la porte derrière moi en avançant, j'avais envie de mettre mes mains dans mes poches comme à mon habitude avant de me rendre compte que je n'en avais pas avec ma robe. Alors pour m'occuper les mains, j'en passais une dans mes cheveux afin de mettre ma mèche derrière mon oreille pour éviter d'être gênée dans mon champ de vision. Je m'arrêtais subitement et vit que mon ami – puis-je encore l'appeler ainsi ? – en fit autant. « Je te préviens Aaron, j'ai accepté de te suivre pour passer le temps, il est hors de question qu'on se torture l'esprit avec l'autre jour. » lui dis-je en le regardant droit dans les yeux, je m’efforçais alors d'avoir une expression indéchiffrable au visage, afin qu'il ne puisse voir ce que je pensais réellement, d'ailleurs à quoi pensais-je ? La douceur de ses cheveux, voilà ce qui obstruait mon esprit, et ça me rendait malade de savoir que je devenais de plus en plus accro à cet homme qui m'attirait sans que j'ose ne me l'avouer.

C'était un tourbillon incessant que j'avais en moi, tout se mélangeait et formait un amalgame douteux entre la haine, l'amour, le désire, la peur. Je n'avais pas envie de tomber amoureuse, et je me devais de lutter contre ça, mais plus le temps passait plus je sentais mes défenses tomber une à une, et j'étais bien trop fière pour oser le montrer à Quintus, il n'avait pas droit de savoir ce que je ressentais au fond parce que ça le ferait souffrir et je me refusais à lire la moindre douleur sur son visage, parce que c'était un des rares moyen de m'attendrir. « Oh mais non ne t'inquiète pas, je suis juste venu t'inviter, pas me torturer voyons. » Au fond je ne pouvais m'empêcher de douter, parce que je connais trop bien mon ami pour savoir qu'il n'abandonnerait pas jusqu'à avoir une explication rationnelle à mon acte de la dernière fois, et le fait qu'il dise « me » à la place de nous, était une preuve qu'il comptait sûrement me tirer les vers du nez, et bien qu'il essaye, il n'obtiendrait rien de moi parce que je ne savais toujours pas pourquoi mes doigts avaient trouvés le chemin de ses cheveux et mes lèvres quasiment le chemin des siennes. Rien que penser à ce moment là me fit voir des papillons par dizaines devant les yeux. Si bien que pour rompre ce triste sort, on se remit en route, j'angoissais quelque peu, il fallait l'avouer, moi Aspen Keane angoissait vis-à-vis de ce qui pourrait se passer. Et le fait de ne pas avoir de place pour mettre mes mains était gênant parce que j'étais persuadée que mes doigts tremblaient sans que je le veuille. Quelle triste ironie. On arrivait bientôt en vue de la place de l'hôtel de ville, là où tous les commerces se réunissaient. Je me retournais une fois de plus vers Quintus. « Dis, ça te gêne pas qu'on te voie avec une fille plus jeune ? Ne le prends pas mal hein … juste que ça me chiffonne un peu ... » dis-je en baissant le regard et faisant craquer mes doigts, c'était bien trop gênant de dire ça, si en plus je devais regarder mon ami, je craignais de devenir écarlate. « Non en fait ne réponds pas, je préfère ne pas savoir ce qui se trame dans ta tête, ça m'évitera des insomnies. » enchaîné-je pratiquement à la suite. Je me remis en route et allait vers le café le plus proche de là où nous étions, en même temps au district trois, il n'y en avait pas quatre cents. On s'installait rapidement à une table et on attendait qu'un serveur vienne prendre notre commande, je faisais partie des riches du district, loin de m'en vanter, j'en tirais une bonne chose au moins, j'avais de quoi me payer un chocolat chaud, voire même plusieurs. Je repassais une main dans mes cheveux pour remettre ma mèche en place et regardais Quintus qui lui aussi me regardait, en bref on se regardait quoi. Et ça me mettait mal à l'aise comme pas possible. « Arrête de me fixer comme ça, c'est désagréable. » dis-je en détournant le regard immédiatement, je regardais la grande place, là où était entreposé le matériel pour les sanctions faites pas les pacificateurs, je me souvenais de la dernière flagellation publique, c'était un jeune homme de mon âge qui avait piqué une bouteille d'alcool pour son père parce qu'il en avait besoin pour se désinfecter une plaie et qu'ils n'avaient pas les moyens d'aller voir un docteur, moralité, c'était moi qui venu les aider tous les deux à la fin. Mais là n'était pas la question, je voyais encore les filets de sang gicler partout. Même si j'adorais voir de l'hémoglobine couler, je n'avais jamais supporté le concept de la décapitation, des coups de fouets, et toutes sortes de tortures et mises à mort de ce genre là, si bien que j'en devins pâle immédiatement et que des larmes se mirent à poindre au coin de mes yeux, gouttes que j'essuyais d'un revers de main car je m'interdisais de pleurer. Je me souvenais des morts qui avaient trouvé la fin de leur vie ici et ça me faisait mal. Dans un sens, j'en voulais à Quintus mais lui n'y était pour rien, c'était l'un des rares à prôner la gentillesse, si seulement ils pouvaient tous êtres comme ça ...

Je repensais à toutes les personnes qui avaient trouvé la mort en ce lieu, et le nombre me paraissait atteindre des sommets. Ce genre de mort là me répugnait, et dire que la plupart des pacificateurs aimaient ça, je me rendais compte seulement à quel point ce que j'avais pu dire à Quintus la dernière fois était injuste, il avait raison au fond de ne vouloir faire régner l'ordre que par les mots, mais dans mon esprit à moi, la seule chose que je voulais c'était du sang. Je le sentis me regarder à nouveau, mais je ne détournais pas le regard de l'hôtel de justice où se tenait lieu les sentences destinées aux « criminels » du district trois. « Arrête de regarder vers la place, tout ce que j'y vois c'est de la violence, et tu penses comme moi Aspen... » Oui c'était tout ce que je voyais, mais je ne parvenais pas à détacher mes yeux de cette vision macabre, j'y étais comme accrochée et toutes mes pensées n'étaient orientées que vers cet endroit. Je sentis soudainement la main de mon ami se poser sur la mienne, je ne bougeais pas, alors que d’ordinaire je me serais levée pour lui décrocher mon poing dans la figure, mais là non, je me surprenais même à frissonner et apprécier le contact de sa peau contre la mienne. Peut-être était-ce que parce que j'étais occupé à autre chose, je n'en savais rien. Je détournais enfin les yeux de ce massacre et regarda Quintus, il me sourit doucement en penchant la tête, arrête de faire ça on dirait que t'es amoureux de moi ! J'aurais aimé lui envoyer ça dans la tronche, mais au fond ce n'était pas ce que je désirais. Il se mit même à me caresser le dos de la main avec son pouce, et ce contact si fugace soit-il me fit encore plus frissonner, j'étais parcourue d'un long tressaillement qui me parcourait l'échine entière. « Tu sembles mal à l'aise en ma compagnie. Aspen, si tu me disais ce qu'il se passe ? » Je retirais alors imperceptiblement ma main, comme gênée, en réalité c'était ses propos qui venaient de me donner un coup de chaud, mes joues chauffèrent et devinrent rouge immédiatement. Je devais avoir l'air d'une parfaite crétine en ce moment même et je détestais ça. Pourquoi étais-je proie à un aussi grand embarras ? Franchement, je ne savais pas, et je ne voulais pas savoir une fois de plus. Parce que le savoir incluait généralement la peur de la connaissance de certaines choses qu'il était préférable de ne pas connaître. Je ramenais mes mains sur mes cuisses et les laisser là où elles étaient à l'abri de celles de Aaron, pas que cela me dérange qu'il me les caresse – quoi que, je ne suis pas un vulgaire matou – mais parce que je n'aimais pas l'idée qu'on puisse le voir faire ça, même s'il était en civil, c'était plus ou moins mal vu.

J'attrapais alors une carte des boissons qui était posée sur la table d'à coté et me cachait derrière afin de ne pas répondre à Quintus, on dirait une gamine comme ça, mais au moins j'avais le temps de réfléchir en sachant pertinemment ce que j'allais commander. Je me demandais si au fond, Quintus ne prenait-il pas une part trop importante dans ma vie et que sa simple amitié n'arrivait pas à combler, j'avais besoin de plus, de la chaleur de ses bras, de la douceur de sa peau, de la senteur de son parfum, mais j'avais aussi besoin de liberté. De ne pas me sentir entravée par des sentiments trop forts à l'égard de quelqu'un, je n'avais pas envie de me sentir liée à une personne, je m'étais toujours interdis d'aimer, parce que la déception était d'autant plus forte si ce n'était pas réciproque ou si ça venait à s'arrêter un jour ou l'autre. « Je vais prendre un chocolat chaud avec deux sucres. » dis-je à l'intention de Aaron, au moins je changeais de sujet vite fait bien fait.

Connaissant le pacificateur, je savais que ma tentative était vouée à l’échec, mais autant faire ça plutôt que le laisser sur place et me regarder partir telle une furie parce que je ne voulais pas répondre à ses putains de questions ! Bien assise sur ma chaise, mes ongles trouvaient refuge sur ma robe et la grattaient comme si elle n'était pas là et que j'entaillais ma chaire directement. Remarque, ça aurait pu me calmer au moins. Quintus commanda nos deux boissons à un garçon de table qui arrivait à proximité de notre table. Je ne le regardais même pas, parce que ce serait lui dire que je m'intéressais à lui alors que ce n'était pas ce que je voulais bien que ce soit le cas, que ce foutu Boringard m'intéressais bien que jamais je ne lui dirais de vive voix ! Je préférerais mourir que lui avouer. Cruel de dire ça mais tellement réaliste. Le pire fut que cet imbécile mis ses lunettes de soleil pour me regarder discrètement, au cas où tu ne le saurais pas Quintus, tes lunettes ne sont pas teintées, on voit quand même tes pupilles. Je levais les yeux au ciel en voyant qu'il me souriait comme un crétin. Bon dieu, qu'avais-je fais pour mériter ça ? Je me poserais sûrement la question jusqu'à la fin de mon existence. Il s'appuya lourdement contre le dossier de sa chaise qui grinça affreusement. Il faudrait songer à faire régime mon vieux hein. « Aspen, arrête de martyriser ta robe. Et surtout j'aimerais que tu sois sincère et que tu arrêtes de fuir mes questions, ça te dérange qu'on soit ici à la vue de tous ? » Que disais-je ? Voué à l'échec, mais je n'allais pas abandonner, sa réponse il ne l'aurait pas ! Jamais même ! Je regardais ailleurs, comme occupée. « Excuse moi je vais aux toilettes du café. » dis-je en m’éclipsant rapidement, au moins là bas il n'ira pas me suivre. Parce que de une, un homme n'a pas à entrer dans les toilettes des dames, de deux, il était pacificateur et les règles il se doit de les respecter et de trois, il allait se reprendre un coup de pied dans les bijoux de famille s'il osait venir m'importuner. En réalité je venais juste ici pour lui échapper, pas par réel besoin. Je restais adossée au mur pendant de longues minutes rien que pour faire passer le temps et qu'il ne soit pas à me poser des questions qu'il m'avait promis de ne pas poser. Je sortais enfin de là et retourner m'asseoir en faisant mine de m'essuyer les dernières traces d'humidité que j'avais sur les mains grâce à ma robe. Je m'installais face à lui et vit que les boissons n'étaient toujours pas arrivées, serais-je resté si peu de temps là-bas ? Je n'en savais rien puis au pire je m'en foutais légèrement. « T'es un menteur Quintus. » lui dis-je le plus sérieusement du monde. « Oh mais non ne t'inquiète pas, je suis juste venu t'inviter, pas me torturer voyons ! » fis-je en imitant la voix de mon ami. C'était purement ironique et je voulais le faire se sentir mal pour qu'on inverse les rôles pour une fois. Je vis le serveur arriver et soupira d'un air las en attrapant ma tasse et le remerciant d'un geste de tête. Je cassa un sucre au dessus de mon chocolat chaud et touilla légèrement afin de le faire dissoudre. Je regardais alors mon ami avec une mine déconfite. « Je supporte pas de parler de ça Quintus, tu le sais très bien et toi tu insistes, tu veux que je me tire directement ? Dis le maintenant, comme ça je me casse et je te laisse seul. » J'attrapais la tasse par la hanse et l'apporta à mes lèvres afin de boire une petite gorgée du liquide chaud, je me brûlais lentement la gorge, mais ça ne m'importait peu, je reposais la tasse sur la coupelle J'attrapais instinctivement la cuillère entre mes mains et la triturait comme je le pouvais, ça m'occupais et me permettais de ne pas péter un câble que je risquerais de regretter bien assez tôt.

« Peut-être bien que je mens , peut -être que pas, c'est à toi de le savoir, tu me connais tellement bien Aspen. » Ouais justement, je te connaissais tellement bien que je savais quelque chose était entrain de changer entre nous et que je n'avais jamais souhaité ça ! Voilà mot pour mot ce que j'avais eu envie de lui répliquer, mais ma phrase était restée sur le bout de ma langue parce que je ne voulais pas non plus lui faire mal avec mes propos vexants. On m'avait déjà comparé à une vipère, au fond c'était exactement l'animal qui me symbolisait, aussi fourbe, aussi discrète, et aussi redoutable. Je ne le regardais plus, comme si le simple fait que nos deux yeux soient fixés vers ceux de l'autre me rendait malade, pas parce que je n'aimais pas ça, bien au contraire, mais parce que ça me faisait mal de le faire souffrir avec mes attitudes de petite garce. « Ok ok... mais de toute façon si tu as envie de partir, tu le feras, ce n'est sûrement pas moi qui réussirait à te retenir, peut importe ce que je peux te dire Aspen. » Bon au moins il ne se voilait pas la face et avait réussis à comprendre un peu ce qui se passait dans ma tête, ou du moins ce que moi j'arrivais comprendre en tout cas. J'étais toujours entrain de regarder ma tasse en faisant faire des petits cercles avec ma cuillère dans le chocolat chaud, un geste qui m'occupait et au moins ça me faisait paraître moins énervée, enfin je l'espérais. Voilà que je ne répondais plus à nouveau, parce je n'en voyais pas l'utilité et que ça donnerait de faux espoirs à mon ami. D'ailleurs je pouvais le qualifier de quoi ? Parce que ami, ça devenait trop faible pour le décrire lui, celui qui malgré toutes mes tentatives d'éloigner avait réussis à s'incruster dans mon cœur pour me faire soulever plusieurs interrogations importantes. Confident ? Non, elle ne lui disait jamais rien. Protecteur ? Bien que ce soit le cas, il ne faisait pas que ça. Je ne savais pas, et ça me faisais mal d'ignorer avec exactitude ce que je ressentais envers lui. « Aspen excuse moi, je suis un peu sur les nerfs pour le moment... » termina-t-il en soupirant. Je levais les yeux au ciel. Prochainement il allait me contaminer avec ses nerfs justement. Je terminais ma boisson d'un coup et le regardais dorénavant droits dans les yeux. « C'est toi qui va me mettre sur les nerfs à force de te poser des questions sur ce qu'il s'est passé la dernière fois ! Je vais te le dire une bonne fois pour toute et enfonce toi bien ça dans le crâne : Il ne s'est rien passé ! Malgré la bosse que j'ai sentis au niveau de ton entrejambe. » J'essayais moi même de me convaincre de l'exactitude des mots que je prononçais, mais au fond je savais que je me voilais la face, et que tout ce que je venais de lui ire je ne le pensais absolument pas. Mon regard dériva ailleurs une nouvelle fois, je ne supportais plus de le regarder, de voir ses yeux marrons si délicats, la courbure parfaite de son visage, la couleur attirante de ses cheveux, le teint mat de sa peau. Pourquoi voulait-il qu'il y ait autre chose ? Notre relation n'était déjà-t-elle pas suffisante ? Je savais que non, parce qu'au fond je ne réclamais rien, mais lui si, et ça se voyait comme le nez au milieu du visage de quelqu'un. Mais ce qu'il voulait je ne pourrais pas lui rendre, pas maintenant, parce que j'avais peur de tout ça. Qu'en réalité j'étais bien trop garçon manqué pour accepter ce qu'on appelle le coup de foudre. Je savais désormais que c'était ça, bien que je le garde enfouis au fond de moi. « J'aime pas cette sensation là, te faire mal, alors arrête de me forcer à t'en faire parce que ça va me détruire à petit feu. Donne moi l'impression qu'il n'y a rien, dis le moi en me regardant droit dans les yeux qu'il ne se passe rien, qu'on soit fixés une bonne fois pour toute. »