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Sujet: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Ven 17 Fév - 16:47
isn't there someone else you can torture?
Je t'aimais tellement que d'une certaine manière je t'aime encore._ JERINYS ϟ
FLASHBACK.
C'était un mardi. Je m'en souviens très bien, parce que le mardi, c'était mon jour préféré. Avec ma sœur, Sagitta, on avait pris l'habitude d'aller pêcher toute la journée, et d'exploser les crânes des grosses carpes de chine qui nous donnaient bien du fil à retordre. Les rock-crânes étaient des poissons trop bizarres. J'ai mis bien du temps avant d'apprendre à les capturer, car un simple hameçon ne servait à rien avec eux ; ils les mangeaient comme de la chaire à pâté, comme si le métal froid ne transperçait rien du tout et gardait leur œsophage intact. Il a fallu développer certaines techniques, la chasse à l'arc, au trident, ou encore avec des grosses roches. Si Sagi préférait l'arc, je m'entendais quant à moi bien mieux avec mon trident, et je peux vous dire que le mardi, à nous deux, on attrapait des sacrés prises. De quoi nourrir au moins deux personnes pour deux-trois jours! Vous allez peut-être penser que c'est peu, mais au district quatre, dans le marais, il est peut-être nécessaire de préciser que la nourriture n'est pas réellement abondante. La plupart du temps, on échangeait nos prises contre d'autre, et on en donnait souvent la moitié aux enfants du foyer communal. Personnellement, si j'avais du choisir, j'aurais tout gardé pour ma famille. Mais Sagi avec sa petite âme généreuse voulait toujours faire plaisir aux autres avant elle.
Peu importe, c'était un mardi. Et je le sais, parce que j'adorais les mardis, avant. Le jour de la moisson était un mardi. Depuis que ma mère et ma sœur s'étaient envolées comme par magie, mon père avait complètement perdu la boule. Il m'a obligé à m'entrainer un minimum de quatre fois par semaine depuis mes dix ans, pour les jeux. Un peu partout dans Panem, c'est vraiment l'honneur suprême de gagner les jeux, et moi, je ne voyais pas d'inconvénient à y participer, puisque je me pensais invincible. Ce mardi, pourtant, j'ai hésité bien longtemps avant de me porter volontaire. C'était l'année de mes dix-huit ans, c'était ma dernière chance de participer, et la situation de ma famille était telle que j'aurais fait n'importe quoi pour nous sortir de là. Au moins pour Sagitta. Alors, j'ai observé les autres, tous étaient rassemblés à la place commune. Mais je n'en voyais qu'une. Zoé, celle qui venait d'être tirée au sort pour les 75èmes annuels hunger games. Je crois que c'est ce qui m'a fait prendre ma décision finalement, et c'est à ce moment-là que je me suis dit qu'il fallait que j'y aille. Je ne voulais pour rien au monde la laisser partir sans moi, autant me suicider tout de suite. Même si cette jeune demoiselle m'ignorait méchamment depuis près de deux ans maintenant, j'avais toujours espoir qu'un jour, elle me pardonnerait d'être une saleté de carrière, et se rendrait compte à quel point elle était folle amoureuse de moi. J'avais espoir... ouais. L'espoir fait vivre.
C'était un mardi, et je regretterai toujours de ne pas être mort avant d'avoir pu survivre jusque-là. Je n'ai même pas eu à me porter volontaire finalement, puisque le sort a choisi pour moi. Parmi les millions de petits papiers qui se trouvaient dans l'urne, il a fallu que ce soit moi, alors que je n'avais qu'une trentaine de chances d'être appelé. J'aurai du comprendre à ce moment-là, que le sort n'était absolument pas en ma faveur.
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REAL TIME.
Le jour se levait à peine au district 13. Il était environ cinq ou six heures du matin et moi, perdu dans mes pensées, j'étais déjà réveillé depuis plus de trois heures. Avec ce régime dictatorial qu'ils nous imposaient ici, ces espèces de fous en costumes gris, j'avais complètement perdu le rythme de mon ancienne vie. En fait, depuis mon retour de la mort dans le district de la résistance, j'avais tout perdu. Les jeux de la faim avaient bousillé mon existence et j'aurais préféré être abandonné dans un trou à rat et crever de faim plutôt que de vivre ici encore. Je pensai à tous ces gens, ces soldats complètement tyranniques qui vivaient ici depuis leur naissance. Ils prônaient la liberté, la renaissance de Panem, l'abandon du capitole... Mais au fond, ils ne se révoltaient que parce que leur vie était à chier. Ils n’en avaient rien à foutre des districts qui mourraient de faim, des hunger games ou encore du sort des pauvres petits tributs morts aux jeux. Comment le savais-je? Eh bien, J'en suis la preuve, c'est tout.
Moi tout ce que je voulais, c'était une belle victoire, voilà tout. Et vivre heureux, mais je savais que ce n'était pas compatible puisque à l'époque de la moisson, le bonheur pour moi c'était Zoé. Si j'avais su qu'elle me tuerait, j'aurai peut-être essayé de la massacrer pendant son sommeil quand j'en avais encore la possibilité, au lieu de passer les cinq dernières années de mon existence complètement fou d'elle.
Penser à elle ne m’amenait à rien. Je chassai mes pensées d'un mouvement brusque de la tête, et me levai enfin de mon lit. 7h. La journée commençait tout juste, j'avais jusqu'à 7h30 pour prendre ma douche et me préparer, puis jusqu'à 8h pour prendre mon petit déjeuner avant d'aller au centre d'entrainement pendant trois heures. Ce foutu emploi du temps, j'avais tout le temps envie de le découper en milliards de confettis. Je voulais faire ce que je voulais, c'est tout. Déjà que je détestais les règles en général, je maudissais ces pauvres habitants du treize pour m'imposer ça. J'avais bien évidement essayer de boycotter tout ça, mais voyez-vous, les gens ici sont prévenants. L'eau de la douche se coupe à 7h30 précise, vous n'avez le droit de manger qu'à votre heure donnée, et la ponctualité est la règle d'or. J'étais tenté de me laisser mourir de faim, mais au bout de trois jours, ils m'ont obligé à avaler quelque chose en me menaçant de s'en prendre aux gens que j'aime. Spontanément je leur ai répondu "allez-y, je n'ai plus personne. Tous ceux que j'aime son mort, disparus ou trop loin pour que vous puissiez les atteindre." Évidemment, je pensais à Zoé, morte. A ma mère, surement changée en muette, et puis à Sagitta et à mon père, toujours sains dans le quatre. La réponse du chef Coin m'a tellement sidérée que j'ai avalé sans rien dire. "Nous n'hésiterons pas à nous rendre dans le quatre afin d'arracher les yeux de votre jeune sœur, soldat Chase. Maintenant, mangez." avait-elle dit. J'en ai donc conclu que le taux de suicide n'était pas très haut ici, s'ils ont d'aussi bon arguments. Et à chaque fois que l'idée me prenait de me pendre ou de mes laisser aller, l'image de la douce et belle Sagitta me revenait en mémoire.
J'explosai de rire en voyant sur mon Emploi Du Temps ; 11h30 -> 13h, yoga. Ils étaient fous! Et ils pouvaient toujours crever pour que j'aille faire du Yoga. Je n'avais jamais vu ça avant, mais après ma grosse crise de nerfs d'hier, ils avaient certainement jugé que j'avais besoin d'un peu plus d'équilibre mental. Je jetai un bref coup d’œil à la pendule accrochée à mon mur. 7h19. A force de trop interagir avec moi-même, je perdais mon temps pour rien. Plus que 11 minutes pour la douche, et tout, et tout. 8h, j'étais dans mes chaussures, prêt à partir pour le self. Mon ventre criait famine, et pourtant, je savais qu'une fois encore je ne mangerai pas à ma faim.
Sur le chemin de l'allée, je remarquai quelque chose que je n'avais jamais vu. Sur le mur, il y avait des milliers de petites photos, correspondant à tous les habitants des souterrains. Ils étaient rangés par catégorie, et par ordre alphabétique. La présidente Coin avait la plus grande image pour elle, tout en haut de la pyramide. Ensuite venaient les soldats chefs, les médecins, les armuriers, les prisonniers, etc... Jusque tout en bas, on l'on pouvait voir en lettres majuscules ; Tributs morts aux jeux. A ma grande surprise, il n'y avait pas qu'un seul nom dans cette catégorie là, mais bien une trentaine au moins. Ça faisait déjà deux ou trois mois que j'étais là, et que je pensais être le seul survivant. Pendant tout ce temps, je m'étais posé tant de questions ; pourquoi moi? Pourquoi suis-je encore en vie? Mes yeux s’agitèrent le long des prénoms. Kathleen Harper, elle était de mon édition, celle-là, on s'était bien battu pendant les jeux d'ailleurs. Alors comme ça, cette garce aussi avait survécu? Jessie Chase... Ils avaient mis une photo affreuse de moi, où j'avais l'air d'avoir treize ans. Mon cœur s’agitait… Zoé (Erinys ) Williams, pouvais-je lire à la fin de la liste.
Finalement, il y allait enfin avoir de l'action dans cet endroit pourri! Encore sous le choc, j'ai pris le chemin du réfectoire.
Zoé E. Williams
△ correspondances : 320 △ points : 0 △ multicomptes : Amarinda C. Carter, D. Aileen Carter-Lewis (RIP) △ à Panem depuis le : 23/06/2011△ âge du personnage : 19 ans
Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Ven 24 Fév - 17:50
Parfois, la nuit, j'imaginais que j'étais morte. Je restais allongée dans l'obscurité, immobile, respirant à peine. C'était doux. C'était paisible. J'aurais voulu mourir. Dire adieu à ce monde cruel pour m'enfoncer dans le néant. Même ça, on me l'avait pris. Ce choix me revenait, mais quelques idiots du district 13 avaient cru m'aider en m'arrachant aux griffes de la mort. Ils m'avaient condamnée à une vie qui n'en était pas une, une existence douloureuse dans un univers où je n'avais plus ma place. Personne n'avait besoin de moi, ici. Dès que Coin avait découvert que je n'étais qu'une pauvre folle, un jouet cassé et inutile, elle avait perdu tout son intérêt pour moi. Je ne servais à rien, et au district 13, c'était considéré comme un crime. Peut-être cela expliquait-il la taille des rations que je recevais. Je ne mourrais pas de faim, pas comme au district 4, mais je n'étais jamais vraiment remplie. Mes vêtements étaient devenus trop grands pour moi. J'évitais toujours de me regarder dans le miroir, mais je savais à quoi je ressemblais. Je savais que la Zoé à la chevelure magnifique, irradiant la joie et la santé, avait disparu. J'étais trop maigre, trop pâle. Mes yeux étaient éteints, hagards. Mes cheveux ne brillaient plus, et j'en perdais beaucoup. Le soleil me manquait affreusement. J'avais l'impression d'être enterrée vivante. Peut-être était-ce ça. Peut-être étais-je déjà morte. Peut-être tout ceci était-il mon châtiment éternel. Mon châtiment pour avoir tué. D'abord, il y avait eu le garçon. Le premier jour. Je l'avais transpercée avec ma lance, presque sans réfléchir. Je ne connaissais pas son nom, mais son visage hantait mes cauchemars. Puis, il y avait eu l'autre garçon. J'évitais de penser à lui. Il avait été mon ami, dans une autre vie. L'arène avait fait de nous des ennemis mortels. Jessie. Oui, c'était son nom. Le frère de ma meilleure amie. J'avais tué le frère de ma meilleure amie ! Le pire, c'était que je ne le regrettais pas. Je n'avais pas honte de ce que j'avais fait. J'étais presque sûre que n'importe qui ferait la même chose à ma place. C'était lui ou moi. Dans l'arène, l'amitié et la justice n'existent pas. Il n'y a que la loi du plus fort. J'avais gagné, et il l'avait payé avec sa vie. Il connaissait le prix. Ce n'était pas un courage noble et héroïque qui m'avait poussé à planter mon poignard dans son coeur pour protéger mes alliées ; c'était l'instinct de survie le plus bas, le plus animal. Nous étions tous des bêtes. L'arène révélait des facettes de nous que nous aurions préféré ne jamais connaître. Cela brisait à jamais l'image idéalisée que nous avions de nous-même avant d'y aller. Les bonnes intentions que nous avions avant ne comptaient plus. Il n'y avait que le temps, les coups de canon, les visages dans le ciel, les adversaires. Chaque seconde de survie était une seconde de victoire. Chaque mort nous rapprochait de notre but. Chaque erreur pouvait nous être fatale. J'avais essayé d'expliquer cela à mon psychologue. J'avais essayé de lui parler de ce qu'on ressent dans l'arène. De la peur, de la colère, de la tristesse. Du soulagement lorsque quelqu'un d'autre mourrait. Il ne me comprenait pas. D'habitude, il était plutôt sympathique, mais là... il m'avait regardée comme si j'étais un monstre. Il m'avait demandé si je n'avais pas pitié de ce pauvre garçon que j'avais tué. La réponse était évidente. Non. Je l'avais tué, et je trouvais ça horrible. Cela me rendait folle. Cela me donnait des cauchemars affreux. Cela provoquait des crises d'angoisses. Mais je ne le regrettais pas. J'avais fait ce que je devais faire à cet instant-là. Peut-être avais-je à tout jamais perdu le respect du district 4 en embrochant mon co-tribut, mais j'avais survécu. C'était tout ce qui comptait. Peut-être étais-je vraiment un monstre.
Je ne savais pas où j'étais. Autour de moi, tout était gris. Et mou. Les murs, le sol, même le plafond. Comment étais-je arrivée là ? Je ne le savais plus. Je me jetai contre la porte, mais elle était matelassée aussi. Mon coeur battait de plus en plus vite. Prise au piège, j'étais prise au piège. Je martelai les murs de mes poings en hurlant. Je manquais d'air. Soudain, une voix sortit de nulle part : Calme-toi, Erinys. Tu pourras sortir lorsque tu seras calme. C'était mon psychologue. Il était donc de mèche avec ceux qui m'avaient envoyée ici. Sale traître ! Je lui lançai les pires injures que je connaissais, mais il ne répondit pas. Je finis par me rouler en boule dans un coin, en sanglotant. Je ne comprenais plus rien. Qu'avais-je fait de mal ? Je ne me le rappelais plus. Fais un effort, Erinys. Je me souvenais... d'un homme. Grand, fort, musclé. Il ressemblait à Jessie, mais c'était un idiot qui vivait depuis toujours dans ce trou de lapins. Un bon petit soldat de Coin... Malgré ma peur, je me laissai aspirer par le souvenir de cette rencontre.
Mon réveil indiquait 6 heures du matin. Beaucoup trop tôt pour se lever. Un cauchemar affreux m'avait réveillée, et je ne voulais plus retourner dans mon lit de peur de le retrouver. Je me rendis à la cuisine. L'une des femmes qui travaillait là semblait m'avoir prise en pitié. Je détestais ça, mais cela me permettait de recevoir un peu de nourriture de temps en temps. Je m'efforçais de ne pas voir son regard tendre et son air prudent, comme si elle craignait de me voir fondre en larmes à chaque instant. Elle avait perdu une fille aux Jeux. Une fille que personne n'avait pu lui rendre. Je lui avais dit que je voulais bien faire un échange : ma mort pour la vie de cette gamine. Elle avait pleuré, croyant que je disais ça par sympathie. De mauvaise grâce, je l'avais laissé me prendre dans ses bras. Je le faisais pour la nourriture. Pas pour son affection, qui me dégoûtait. Je n'avais pas besoin d'une mère de remplacement. La mienne vivait toujours, au district 4. Elle me croyait sans doute morte, mais c'était mieux ainsi. Elle ne voudrait plus de moi, de toute façon. Qui a envie de voir sa fille se changer en tueuse, en monstre ? Dans l'arène, elle m'avait vu pleurer, tuer, souffrir, craquer, mourir. Jamais plus je n'oserais croiser son regard. Pas maintenant qu'elle savait tout ce que j'avais fait, tout ce que j'avais fait pour la retrouver, elle, et mon district. Je ne comprenais pas que la cuisinière ne me déteste pas. C'était l'effet général que je faisais aux gens, ces derniers temps. Elle... peut-être était-elle un peu folle. En tous cas, elle accepta de me donner une tasse de lait, après mon cauchemar. Comme à la maison. Les yeux me piquèrent à cette pensée, mais je les essuyai rageusement. En revenant dans ma chambre avec ma tasse, je heurtai cet homme. Ce crétin. C'était de sa faute. C'était lui qui déboulait à toute vitesse sans regarder devant lui. Ma tasse se renversa sur son pantalon, roula à terre et se brisa contre le mur. Il m'abreuva d'injures et m'ordonna d'un ton dur de ramasser les débris de ma tasse. Je le fis, toute tremblante, au bord de la crise de panique, pendant qu'il me sermonnait. Je n'avais pas le droit de manger plus que ma part, et patati et patata. Je m'efforçais de ne pas le regarder, ne pas le regarder, oui, faire semblant qu'il n'existait pas, ne pas regarder, ne pas... Il me secoua violemment, en demandant si je l'écoutais bien. Et après...
Je ne m'en souvenais plus. Si. Je m'en souvenais, mais c'était trop douloureux... A cause de lui, je m'étais entaillée le pouce.
Ce n'était qu'une petite coupure de rien du tout, mais la vue de mon sang me rendit folle. Je laissai tomber les morceaux de tasse et voulus partir en courant. L'odeur métallique de mon sang m'emplissait les narines. Comme dans l'arène. Cours, Erinys ! Fuis, Zoé ! Il me retint par le bras. Il me serrait trop fort, il me faisait mal. Alors, comprenant que je ne pouvais plus fuir, je m'attaquai à lui. Griffer, frapper, mordre, je savais le faire. Surpris, il ne réagit pas tout de suite. Il était plus fort que moi, mais je m'étais déjà battue pour survivre. La peur me donnait des forces. Je ne voyais plus rien, n'entendais rien d'autre que le tambourinement de mon coeur… aveuglée par la colère et une angoisse hideuse, celle de sentir de nouveau des mains se refermer autour de mon cou, de sentir de nouveau un couteau dans mon ventre...
Je dus me rappeler de respirer. Oui, c'était ça. J'avais attaqué cet homme, et on m'avait flanqué dans cette chambre d'isolement. Pour que je puisse me calmer. Je suis calme! Hurlai-je, mais personne n'ouvrit la porte. Seule. J'étais seule.
Finalement, on me laissa sortir. Je faillis balancer un coup de poing dans la figure de mon psychologue, mais je n'avais pas envie de retourner de nouveau dans cette chambre horrible. Alors, je me retins. Même lorsqu'il m'annonça que je ferais mieux de dormir au centre de soins pendant quelques jours, je ne bronchai pas. Ils allaient encore m'assommer avec leurs pilules... mais je préférais cela à la chambre d'isolement. Docilement, je déménageai mes affaires dans une chambre vide. Une infirmière se présenta, et m'annonça qu'elle allait m'apporter mes repas. Génial. On me trouvait trop dangereuse pour me laisser sortir. Je troquai mon pyjama contre l'une de ces affreuses chemises de nuit d'hôpital. De toute façon, tout était gris. C'était presque la même chose. J'allais me mettre au lit, lorsque je me souvins de quelque chose. Ma montre ! C'était le seul objet de valeur que je possédais, et je l'avais oubliée dans ma chambre. Sans prendre le temps de l'expliquer à l'infirmière, je partis au pas de course. Elle cria quelque chose. J'accélérai. Je m'engageai à pleine vitesse dans un nouveau couloir... et me cognai contre quelqu'un. Je faillis tomber, et me retins tout juste au bras de l'homme avec un petit cri. Espèce d'idiot, ne peux-tu pas... Je m'interrompis, et lâchai le bras de l'homme comme s'il m'avait brûlée. Non... Soufflai-je. C'était impossible. Je reculai d'un pas. Puis, encore un pas. C'est un cauchemar, n'est-ce pas ? Juste un affreux cauchemar de plus. Murmurai-je. Je voulais bien le croire, mais… Je l'avais heurté. Je l'avais touché. Il était réel. Mon coeur se mit à battre plus vite, et je me surpris à regarder autour de moi pour chercher une issue. Jessie... C'était lui. Lui que j'avais tué. C'est impossible. J'ai enfoncé le couteau dans ton coeur, je t'ai vu mourir... Les paroles se déversaient, et je ne pouvais plus les retenir. Tu ne devrais pas être là, bordel ! Tu es MORT ! J'essayais de m'en convaincre, de toutes mes forces. Quelqu'un m'appela. L'infirmière. On me cherche. Je regardai Jessie, hésitante. Ne sachant pas quel danger je préférais, entre les docteurs avec leurs calmants et lui. Et s'il voulait me tuer ? Il n'avait pas d'armes, mais je savais ce qu'il était capable de faire à mains nues... S'il me tuait, me débattrais-je ? Peut-être était-il mieux de le laisser faire. En finir, une bonne fois pour toutes.
Invité
Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Lun 5 Mar - 2:41
isn't there someone else you can torture?
Mes pas me menaient n’importe où. Je regardai l’emploi du temps incrusté dans ma peau, mais les chiffres dansaient, les heures étaient floues et avec elles les taches que je devais accomplir. Réfectoire… oui il me semblait bien que c’était là que je devais aller. Manger ? Mon ventre se tordit à cette pensée-là. Non je ne peux rien avaler, murmurai-je silencieusement… Et alors, j’errai dans les souterrains du treize comme un fantôme dans une maison hantée. Mon cerveau déconnait, les neurones ne parvenaient pas à faire de connections entre elles, et alors que j’aurai dû être effondré par terre et pleurer toutes les larmes de mon corps, j’étais juste abasourdi. La seule chose que j’arrivais clairement à distinguer dans mon cerveau c’était ce prénom, qui repassait en boucle. Zoé, zoé, zoé, zoé, zoé, zzzzzzzz, comme un bourdonnement d’abeille incessant qu’on n’arrive pas à chasser. J’aurai voulu hurler, partir en courant, ouvrir chacune des pièces de cet endroit misérable pour la retrouver et la serrer dans mes bras. Zoé était vivante. Si j’en croyais l’énorme mur à photos que je venais de voir, elle aussi avait survécu comme moi, et d’ailleurs, elle n’était pas la seule puisque j’avais vu d’autres noms connus à côté du mien… Je pensai à Kathleen, la vipère. A Eglenver, à constance… mais ces filles-là ne restèrent pas dans mes pensées longtemps. La seule qui m’obsédait, c’était Zoé. Ma douce Zoé. J’eus un rire nerveux en pensant à toutes ces années. J’essayai de me contenir, mais c’était vraiment trop ironique pour que je garde ce fou rire pour moi. Je ressemblais à un alcoolique, ou à un drogué, un dépressif, un idiot… pff c’est ce que j’étais en fait. Et je n’arrivais pas à imprimer le fait que Zoé était vivante. Ça me paraissait tellement abstrait en même temps…
Et si c’était une blague ? Si cet imbécile de district13 avait décidé de me jouer un tour en placardant la photo des anciens tributs morts au mur ? Mais je me rendis compte que c’était tout à fait probable qu’elle soit vivante, puisque moi je l’étais. J’avais ressuscité de mes cendres tel le phœnix, alors pourquoi pas Elle ?
Je continuai ma descente aux enfers dans le couloir. J’ignorai totalement où j’allais, et mes pas me guidaient vers un endroit sombre. Pourquoi… Ce sourire était toujours plaqué sur mes lèvres, alors qu’absolument rien de tout cela n’était drôle. Et puis pourquoi je souriais d’abord, cette folle de Zoé m’avait tué dans cette arène ! Je mourrais d’envie de la revoir et de lui avouer mon amour, ce que je n’avais jamais eu l’occasion de faire. Mais alors que je pensais à elle d’une manière des plus tendres, d’autres pensées plus sanguinaires me vinrent en tête. Il était question de revolver, de couteau, de séance de torture des plus dignes. Bien sûr que non je n’allais pas lui pardonner de toute façon ! Si je la voyais, je l’exterminerais. Pendant tout ce temps, j’avais pleuré sa mort et sa perte parce qu’elle me manquait trop. Mais maintenant que je la savais vivante… Je voulais lui planter des épingles tout le long de la moelle épinière. Comment cette petite conne avait-elle pu me tuer ? Une rage noir m’envahit alors que j’errais toujours dans le sombre de la nuit. Mes poings se serrèrent machinalement, ma mâchoire se contracta, et tous mes muscles se bandèrent. J’entrais dans un état second, et tout mon corps était en ébullition. Au nom de l’amitié, et mieux encore ! de l’amour, pourquoi avait-elle dirigé ce poignard vers moi ? Je ne l’aurai jamais fait, moi. J’avais beau être un psychopathe, j’aurai pu tuer le monde entier pour qu’elle survive. Il fallait que je me calme, sinon j’allais tuer le premier venu. Je m’assit au sol, les genoux repliés contre ma poitrine, essayer d’étouffer la rage qui s’emparait de moi. Je fermai les yeux.
Espèce d'idiot, ne peux-tu pas... Non... C'est un cauchemar, n'est-ce pas ? Juste un affreux cauchemar de plus… J'ai enfoncé le couteau dans ton cœur, je t'ai vu mourir. Tu ne devrais pas être là, bordel ! Tu es MORT !
J’étais comme une statue de bois. Incapable du moindre mouvement, immobile, les yeux rivés sur cette blonde que je rêvais d’égorger. Je la voyais s’agiter, étouffer un flot de paroles que je ne comprenais pratiquement pas et gesticuler dans tous les sens. Que… qu’est-ce que Zoé foutait là bordel ? Pile à l’instant où j’avais le moins besoin de la voir. Pendant près de trois mois j’avais rêvé d’elle jour et nuit, et c’était difficile à croire mais même après qu’elle m’ait tué, je l’aimais encore. La voir mourir avait été le pire cauchemar de ma vie, et depuis je me repassais en boucle cette scène dans ma tête. Je n’avais cessé de me dire que ma vie ne serait plus jamais pareille sans elle, mais je réalisais tout juste qu’en fait sans elle, ma vie serait mieux. Je ne pouvais pas résister, mes doigts bougeaient tous seul, tant ils avaient envie de s’écraser sur sa petite joue d’enfant fragile. La claque que j’aurai pu lui coller aurait dû être légendaire. Après quelque secondes, le temps que j’ai gardé pour me rendre compte de l’ironie de la situation, je me levai en flèche et vint me tenir de toute ma hauteur en face d’elle. J’étais plus grand qu’elle, même si ce n’était que de cinq ou six centimètres, et je la fusillai du regard. Vraiment, je bouillais sincèrement. J’aurai pu prendre feu en moins de cinq secondes. Mes sens s’embaumèrent lorsque je sentis son parfum, il n’avait pas changé, elle avait toujours cette odeur fraiche et douce de menthe et de lavande. J’aurai voulu la serrer contre moi, lui dire des mots doux, mais tout ce qui me vint en tête, ce fut cette réplique sanglante. JE SUIS MORT ? T’es sure ? Parce qu’il me semble bien effectivement qu’une petite salope m’a planté son couteau en plein cœur quelques mois plus tôt. J’aurai pu lui cracher à la figure et lui balancer les pires injures, mais j’étais trop dégoutté pour ça. Je n’avais plus rien envie de dire à cette traitresse, à… cette… cette quoi ? Salope C’était vraiment le seul mot qui lui convenait à ce moment précis. Feindre une alliance avec moi pour mieux m’exterminer… Finalement c’était moi le crétin. J’aurai du me douter depuis le début qu’elle agirait ainsi. J’avais été trop naïf de penser qu’une fois dans l’arène, elle oublierait toute la rancœur des années accumulées au district 4. Zoé… ma voisine, celle que j’avais longtemps pris pour mon âme sœur… Elle me dégouttait. J’entendis des cris de l’autre côté… « Erinys, Erinys ? » criait une voix. Les pas se rapprochaient. J’ai attrapé le poignet de Zoé avec force et je l’ai trainé derrière moi, jusqu’à trouver une porte qui veuille bien se déverrouiller en tâtant le mur. Je l’ai poussé à l’intérieur, oubliant totalement le fait qu’elle soit arrivée bien plus loin que moi dans ces foutus jeux, et qu’elle était capable de me tuer encore s’il le fallait. Mais je n’étais plus le même garçon que dans l’arène, je ne me laisserai pas avoir deux fois. Alors, je me suis précipité sur elle et j’ai serré mes gros doigts sur sa gorge avec toute ma puissance.
Zoé E. Williams
△ correspondances : 320 △ points : 0 △ multicomptes : Amarinda C. Carter, D. Aileen Carter-Lewis (RIP) △ à Panem depuis le : 23/06/2011△ âge du personnage : 19 ans
Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Sam 10 Mar - 21:36
Qui étais-je ? Qui étais-je encore ?
Aujourd'hui, tout le monde m'appelait Erinys. C'était un nom qui criait vengeance, ce qui me convenait parfaitement. Il sonnait comme une promesse : celle de faire payer un jour tout le mal qu'on m'avait fait. Je rêvais de la mort de Snow, et j'imaginais celle de Coin. Dans mon esprit, les rebelles occupaient la même place que les Pacificateurs. Ils m'avaient trahie. Ils m'avaient arraché à la mort alors que je n'aspirais qu'à partir, à quitter ce monde qui ne voulait plus de moi. Maintenant, qu'étais-je encore ? Une simple poupée dans leur musée des horreurs. Un défi lancé au Président, une façon de lui montrer le pouvoir du district 13. Une fille brisée, meurtrie, inutile. J'aurais voulu apprendre à tirer, ou à me battre. J'aurais aimé pouvoir faire sauter quelques cervelles de Pacificateurs. Mais on me l'interdisait. « Dangereuse », c'était le terme utilisé sur mon bracelet en plastique. Comme un animal sauvage. Comme si je pouvais m'attaquer à d'autres gens, ou manger leurs enfants. On me considérait comme une curiosité, une anomalie. Une morte vivante. Alors, la plupart du temps, je restais dans ma chambre. Allongée sur mon lit, je comptais jusqu'à cent, jusqu'à mille, jusqu'à dix mille, pour tromper l'ennui. Mon psychologue avait essayé de m'initier au dessin, ou à l'écriture, ou à toute autre activité susceptible de me faire accepter ma nouvelle vie et oublier les Jeux. Je ne pouvais pas oublier. La nuit, quand je fermais les yeux, j'entendais toujours les cris d'agonie, les menaces, les injures. Je me souvenais parfaitement du goût du sang. Mon sang, et celui des autres. Parfois, je me pliais en deux sous le coup d'une douleur intense dans le ventre. Le couteau, le couteau planté dans mon abdomen, je pouvais encore le sentir, parfois. Même si ma peau était redevenue lisse, sans cicatrices, mon corps n'oubliait pas la douleur qui l'avait rendu fou. Je me rappelais que je m'étais tordue de douleur, que j'avais supplié la mort de venir, et j'avais honte parce que c'était passé à la télévision. Ma mort était devenue un spectacle grotesque, un numéro de cirque auquel mes parents avaient été forcés d'assister. Et pas seulement eux. Tout Panem. Tous ces idiots du Capitole, ces soldats du district treize, tous mes anciens amis, mes ennemis... Tout le monde avait vu comment j'avais perdu courage face à la mort. Tout le monde m'avait vu faire et dire des choses inhumaines. Ma transformation en monstre était passée en direct sur tous les écrans du pays. Parfois, cela faisait pitié aux gens. La plupart du temps, cela les dégoûtait. Cela leur rappelait trop qu'ils feraient la même chose s'ils étaient dans mon cas. Nous, les humains, nous voulons sans cesse croire que nous sommes fondamentalement bons, et que ce n'est pas nous, les méchants. Les Pacificateurs, Snow... Voilà notre représentation du diable. Alors, quand on finit par découvrir que ce côté sombre, cette cruauté et cette violence, est déjà présente à l'intérieur de nous, comment pouvons-nous encore vivre ? Comment pouvais-je encore me regarder dans un miroir en sachant qui j'étais vraiment, et ce que j'étais prête à faire pour survivre ? Comment pouvais-je encore supporter d'exister alors que tant d'autres étaient morts à cause de mon égoïsme ? Comment pouvais-je encore rire, et être heureuse, en sachant que je n'en avais pas le droit, que j'aurais dû être morte ? Quand je commençais à penser à ça, à me poser des centaines de questions, cela finissait toujours mal. En crise d'angoisse ou de colère, dans le meilleur cas, ou en envie de meurtre. Je ne contrôlais plus rien. Ma vie m'avait échappé, et à présent elle rebondissait dans tous les sens sans me demander mon avis. J'étais d'humeur changeante, souvent déprimée. Un rien m'angoissait. Un mot mal placé suffisait pour me rendre folle de rage. Je ne me reconnaissais plus.
Alors, qui étais-je ? Qui étais-je encore ? Un monstre. Une petite fille apeurée qui n'aspirait qu'à trouver un peu d'affection et de chaleur. Un fantôme de l'ancienne Zoé, celle qui était morte dans l'arène. Une folle. Une étrangère au district 13. Une façade de colère derrière laquelle se cachait un océan de souffrance et de souvenirs. Un nom. Une douleur. Une vengeance.
Je m'étais échappée du centre de soins pour aller chercher ma montre. C'était un cadeau, et même si elle était vieille, et toute cabossée, même si elle retardait de quelques minutes, même si elle avait appartenu à quelqu'un d'autre, j'y tenais. C'était la seule chose que je possédais vraiment. Tout le reste, mes habits gris et informes, mes affaires de toilette, ça appartenait à eux, ces horribles fourmis grises du district 13. La nuit, lorsque je m'efforçais de ne pas dormir pour ne pas retrouver mes cauchemars, lorsque je marchais de long en large dans ma chambre, le tic-tac régulier de ma montre m'accompagnait et me consolait. C'était comme si j'avais un ami, un ami peu bavard et compréhensif. Parfois, je lui parlais. J'étais sans doute folle. Qui s'en souciait, à part mon psychologue ? Personne. Les gens se fichaient de moi. Comme l'infirmière venait à ma poursuite, je commençai à courir. De plus en plus vite. J'avais toujours été douée pour ça. Je m'engageai dans un nouveau couloir à toute vitesse et trébuchai sur quelque chose... ou quelqu'un. Un homme. Il était assis contre le mur, les genoux repliés contre sa poitrine. Je faillis tomber, et me raccrochai de justesse à ses épaules. J'étais déjà prête à le traiter d'idiot... Lorsque je vis son visage. D'abord, il y eut le choc. L'impression de tomber dans un trou sans fond. Puis, l'étonnement. La surprise. Personne ne m'avait dit qu'il était encore en vie. Oui, j'avais rencontré Kathleen et Catalina, je savais que d'autres tributs étaient encore en vie... Mais je n'avais jamais vraiment envisagé qu'il puisse avoir survécu. Une vague de joie me submergea en même temps qu'un sentiment de sécurité. Enfin. Il était là, et tout allait bien se passer. Rien ne pouvait encore m'arriver. Il me protègerait. Il me ferait de nouveau rire. Jessie... Mon Jessie... Enfin, la peur arriva à l'instant même où je vis la lueur meurtrière dans ses yeux. Non. Il n'allait pas me protéger. Il allait me tuer. Comment avais-je pu oublier qu'il avait essayé de m'assassiner, la dernière fois que je l'avais vu ? Comment avais-je pu oublier que j'avais enfoncé mon couteau dans son ventre, qu'il était mort à cause de moi ? Il était revenu. Il était revenu pour se venger. Je m'entendis parler, déverser un flot de paroles qui n'avaient pas de sens. Jessie était vraiment là. Je m'étais cognée contre lui. Ce n'était pas une foutue hallucination, c'était la réalité. L'affreuse réalité. Je le regardai vraiment, je l'observai, et je vis qu'il avait changé. Ce n'était plus le garçon sympathique et rieur du district 4. C'était une créature au regard brûlant de haine, marquée par la souffrance, un démon sous forme humaine. Soudain, il se leva, et je reculai d'un pas. Il était légèrement plus grand que moi. Je n'aimais pas ça. Ni le regard qu'il me lança. Il sembla hésiter. Je repris courage et lui lançai un timide sourire. Peut-être était-ce la solution. Peut-être suffirait-il que je joue à la petite innocente pour qu'il... « JE SUIS MORT ? T’es sûre ? Parce qu’il me semble bien effectivement qu’une petite salope m’a planté son couteau en plein cœur quelques mois plus tôt. » Je pâlis et reculai encore d'un pas. Il était furieux. Il me faisait peur. Une voix dans ma tête me criait de me retourner, de partir tant que je le pouvais encore... Pourtant, je relevai le menton et plantai mon regard dans celui de Jessie, comme si je n'étais pas plus petite que lui. Comme s'il n'était pas infiniment plus fort que moi. « Si je ne l'avais pas fait, c'est toi qui m'aurais tué, Jessie. » J'aurais voulu que ma voix soit plus ferme... Que mes jambes cessent de trembler. « Mais... Je suis... désolée... » Ma voix se brisa. Non, je ne regrettais toujours pas. Mais j'étais désolée, parce que j'avais cassé quelque chose entre nous. J'étais désolée parce que c'était mon ami, avant. J'étais désolée parce que je savais qu'il devrait me tuer, maintenant. Derrière moi, le bruit de pas se rapprochait. Quelqu'un m'appelait. Avant que je comprenne ce qui m'arrivait, Jessie m'attrapa le poignet et me traîna derrière lui. Il essaya d'ouvrir quelques portes, sans succès. Puis, il finit par en trouver une qui était ouverte et il me poussa brutalement à l'intérieur. J'eus à peine le temps de distinguer plusieurs piles de cartons, sans doute de matériel scolaire, dans la pénombre de la pièce. Jessie se précipita sur moi, et serra ses doigts autour de ma gorge. Je ne pouvais plus respirer. Je ne pouvais plus penser. J'allais mourir. Peut-être était-ce mieux ainsi. Une vie pour une vie. N'étais-je pas contente de quitter ce monde affreux ? Il suffisait que je reste immobile, et que je le laisse faire. Le suicide, j'y avais déjà songé... Mais j'avais trop peur de la douleur. J'étais trop lâche. Maintenant, il m'apportait ma mort sur un plateau d'argent. Je le regardai dans les yeux pendant qu'il m'étranglait. Une larme coula lentement le long de ma joue et tomba sur sa main.
Mon corps finit par me trahir. Même si notre esprit appelle la mort à grands cris, même si on ne désire que de sombrer dans le néant, le corps prends toujours le dessus. Le désir animal de survivre, de me battre pour ne pas mourir, m'envahit et me fit perdre la tête. Malgré tout, j'étais toujours attaché à ce pauvre corps humain, et je ne supportais pas de le voir souffrir. Ses doigts... Ils écrasaient ma gorge, la broyaient. Plus d'air... Je n'avais plus d'air... Mes poumons hurlaient. Un voile noir recouvrait ma vision. J'allais... m'évanouir. Et puis, ce serait fini. Je serai morte. On finirait par retrouver mon corps dans la réserve. Non ! Cela ne pouvait pas se passer comme ça ! J'ignore où je trouvai l'énergie pour me débattre. Je martelai la poitrine de Jessie de mes poings, je le griffai, le frappai... Mais il était beaucoup trop fort. Plus d'air. Désespérément besoin de respirer... De respirer... De l'air ! J'ai besoin d'air ! MAINTENANT ! Sinon je vais... Je meurs. Je suis morte. Je... Alors que j'étais prête à sombrer dans l'inconscience, mon corps eut une dernière réaction : un grand coup de genou dans le bas-ventre. L'effet fut immédiat. Jessie se plia en deux et relâcha son emprise sur mon cou. Je le repoussai et me laissai tomber par terre. A quatre pattes, je m'éloignai de lui. J'avalais des petites goulées d'air, incapable de me persuader que je pouvais encore respirer, que je n'étais pas morte... Mes poumons étaient comme remplis d'éclats de verre. Mal, ma gorge faisait affreusement mal... Je hoquetais, respirais du mieux que je pouvais, au bord de l'inconscience. Pitoyable. Une proie facile. Derrière moi, Jessie n'avait toujours pas réussi à reprendre son souffle. Il fallait dire que je l'avais percuté assez fort... Mais il allait bientôt se ressaisir, et alors... Seule la peur de ce qu'il me ferait me permit de me relever. Je me cramponnai à une caisse pour rester debout. Ma tête tournait. Mes jambes tremblaient plus fort que jamais. Mes oreilles bourdonnaient. J'étais prête à m'évanouir. Non, je ne pouvais pas ! Reste éveillée, Erinys, sinon tu vas mourir ! Je haletais. Mon corps avait oublié comment respirer convenablement. J'avais des lames d'acier dans la gorge. Je vis Jessie, non loin de moi, et la panique commença à monter. C'était un raz-de-marée noir, qui emportait toutes mes autres émotions et ne me laissait qu'une peur affreuse, une peur qui me gouvernait tout entière. J'avais déjà vécu cette situation. J'étais... de retour dans l'arène. J'étais dans l'arène et quelqu'un voulait me tuer. Bats-toi, Erinys ! Ne te laisse pas faire ! Je cherchai fébrilement quelque chose... n'importe quoi, qui pourrait m'aider à combattre Jessie. Il était plus fort que moi, mais j'avais une chance si je parvenais à le tenir à distance... Ma main se referma sur un objet plutôt long. Une latte en bois. C'était toujours mieux que rien. Je la tins devant moi. Jessie se redressa, et soudain, nous étions de nouveau face à face. Comme dans les Hunger Games. « Les Jeux ne sont pas terminés, n'est-ce pas ? » Croassai-je. Ma gorge était trop douloureuse pour parler, pourtant, je poursuivis : « On est toujours dans l'arène. » La vérité, l'horrible vérité me submergea, me tétanisa. Il devait toujours me tuer. Rien n'avait changé. Je chancelai. J'étais trop faible. J'avais froid, dans ma fine chemise d'hôpital... Froid, comme quand je serai morte. Mes mains tremblaient. La latte m'échappa et tomba par terre. Je restais debout face à Jessie, frissonnante, pas capable de me défendre. Une proie facile, trop facile. « Fais-le. Si c'est vraiment ça que tu veux. Tue-moi. » C'était à peine un chuchotement, pourtant je sus qu'il l'avait entendu. « Mais... Fais ça vite, d'accord, Jess? » Je fermai les yeux. La pièce tanguait autour de moi. Etais-je prête pour mourir ? N'était-ce pas bête d'avoir fait tant de choses pour survivre et d'abandonner maintenant ? Je ne le savais pas. Je ne savais plus rien. « Pourquoi ? » Murmurai-je, plus pour moi-même que pour Jessie. Pourquoi l'avais-je tué ? Pourquoi allait-il me tuer ? Pourquoi n'étions-nous plus amis, comme avant ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Pourquoi, après tout ce qui s'était passé, avais-je encore toujours envie de me jeter dans ses bras ?
Invité
Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Ven 23 Mar - 23:40
Avant j’étais drôle. Sérieusement. Je pouvais passer des heures à rire pour rien, ou à crier à tue-tête des imbécilités. J’étais prêt à me rendre ridicule si je pouvais faire rire les autres, et Zoé… elle adorait ça, je crois. Quand on était tous les deux, quand on était que des gamins, pas très loin de nos dix ans, elle me demandait en éclatant de rire si je pouvais encore imiter le bruit du cochon, et je m’exécutais sans hésiter, à chaque fois. Je me roulais même dans la boue, pour paraître plus crédible, et elle hurlait alors plus fort. De son petit rire aigu et cristallin, de ce même petit rire qu’ont toutes les jeunes filles insoucieuses et naïves. Et je crois que cet éclat de rire me manque. Et son sourire…
J’essaye avec peine de me souvenir la dernière fois que j’ai entendu son rire. Je frissonne de terreur en repensant à l’arène. Et je me souviens, ce dernier rire qu’elle m’a adressé. Mais il était glacial, sans pitié, hystérique. C’était un rire sadique qui s’est fondu dans un sourire désincarné au moment où j’agonisais. Oui, je m’en souviens trop bien, et je réalise que ce n’était pas il y a si longtemps que ça.
Jessie… Jessie… non, n’avance pas. Elle est trop dangereuse, tu le sais au fond qu’elle ne t’aime pas autant que tu aimerais, et qu’il n’y aura plus jamais de confiance entre vous. N’approche pas. Tu contemples avec peine ses vêtements maculés de sang, ses joues balafrées, ses cheveux en pagailles, et ses yeux qui ont perdu tout leur éclat. Tu avais promis de la protéger pourtant… Jessie c’est de ta faute, tout ça. Qu’est-ce que tu as fait ? Pars, avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle t’arrache la tête comme si tu n’avais pas plus d’importance pour elle que ces maudits carrières des districts un et deux. Mais pourquoi prétendre le contraire après tout ? C’est vrai finalement, tu n’as plus aucune importance pour elle. Et tu le sais, tu le comprends dans son regard au moment où elle pose enfin ses yeux meurtriers sur toi. Zoé s’élance, les traits déformés par la rage, avec son unique poignard qu’elle serre dans ses doigts aussi fort que s’il représentait toute sa vie. Comme si… comme si, depuis le début des jeux, tu étais sa principale cible. Tu comprends tout finalement, tu n’es pas si bête que certaines personnes le pensent. Tu l’aimes. Mais toi aussi tu peux te battre. Tu hésites une fraction de seconde parce que tu avais promis de la protéger. Tu es là pour elle, pour veiller sur elle, pour assurer sa victoire. Alors qu’importe si elle te tue ? De toute façon, il faut bien que l’un de vous meure. Et ce ne sera pas toi, parce que tu es résolu. Tu sais que ta vie ne pourra être parfaite qu’à ses côtés. Tu hésites. Tues-là, maintenant, où elle le fera. Tu lèves ta hache au-dessus de ta tête faiblement, même si tu sais que tu ne t’en serviras plus. Pas contre elle. Ce n’est plus de la rage que tu lis sur le visage de Zoé au moment où elle brandit son arme à quelques centimètres du tien. C’est de la haine. Elle ne t’a jamais aimé alors… C’est de la joie. Elle sait que tu vas mourir, qu’elle va te tuer. Et si tu meurs, elle se rapproche de la victoire. Elle sourit. Et tu la sens. La douleur, la douleur atroce qui te retournes l’estomac au moment où elle frappe. Un coup de poignard dans le flanc, ce n’est pas suffisant. Ta mort ne sera pas rapide, tu sentiras chaque muscle de ton corps se figer, chaque goutte de ton sang couler le long du sol dur de l’arène. Tu voudrais hurler, mais la seule chose à quoi tu penses, c’est à cette fille, cette meurtrière, cette salope que tu rêves d’égorger au moment où le son de son rire démoniaque parvient enfin à tes oreilles. Elle ne semble même pas désolée d’avoir tué son ami.
Brusque retour à la réalité. La voix de Zoé me ramena au présent. « Si je ne l'avais pas fait, c'est toi qui m'aurais tué, Jessie. » Quoi ? Quelle idée. Comment pouvait-elle dire ça ? Comment pouvait-elle mettre en doute ma loyauté envers elle ? Elle était la seule fille que j’étais sûr d’avoir aimé. La seule qui n’ait jamais compté pour moi, la seule pour qui j’aurais pu tout faire, tout donner. Pourquoi aurais-je voulu la tuer ? La tuer… ça reviendrait à me tuer. Mais plus maintenant. Plus maintenant, alors qu’elle m’a clairement montré qu’elle n’en avait rien à faire de moi et de mes beaux yeux. J’ai déjà éprouvé cette sensation une fois… Je me revois encore dans l’arène, hache à la main, ne rien faire pendant qu’elle m’achève. Je n’hésiterai plus jamais. Maintenant, j’allais l’étrangler et lui faire manger ses dents, pour qu’elle ressente au moins le quart de la souffrance que j’avais éprouvé. Le quart… c’est si peu. Elle ne m’a pas tué d’un simple coup de couteau finalement. Je réalise tout juste qu’elle me tue depuis trop longtemps, et que j’ai probablement eu la mort la plus longue de l’histoire. Elle m’a tué, chaque jour de mon existence où elle ne me parlait pas, chaque jour de mon existence où elle me racontait sa petite flamme ridicule pour ce garçon qu’elle trouvait si mignon au district 4, et chaque jour qu’elle a passé à m’ignorer lorsque nous étions en froid. Je n’ai jamais compris, pourquoi cet éloignement. J’ai souffert plus que jamais les deux années de notre séparation. Un carrière… Elle m’a ignoré toute ses années, m’a menacé parce que je m’entrainais pour des jeux dans lesquels elle s’est montrée bien plus digne d’une carrière que moi. L’innocente petite Zoé avec ses grands yeux bleus et ces belles paroles de vengeance. « « Mais... Je suis... désolée... » Désolée… ce mot résonne en moi sans que j’arrive vraiment à en saisir le sens. Je suis vidé, je ne comprends plus rien. Elle n’est pas désolée… et elle n’avait rien d’une fille désolée le jour de ma mort. C’était absolument impossible qu’elle regrette à présent. Je savais bien qu’elle était morte aussi durant ces jeux, puisque j’avais regardé la rediffusion complète. Je m’étais vu mourir à l’écran, et je peux vous dire que c’était spectaculaire. Une mort propre, radicale, sans une seule lueur d’hésitation. Après mon meurtre, elle était passé pour inhumaine aux yeux du public du capitole, ce qui n’avait que fait redoubler sa popularité. Tout le monde savait que j’avais un faible pour elle, ce n’était pas un secret d’état. Perdu dans mes pensé, j’en ai presque oublié mes doigts autour de son cou. Depuis combien de temps étais-je là, le souffle le court, les yeux brillant, la rage au ventre ? Je pouvais entendre les battements de mon cœur beaucoup trop rapides, mais le pire, c’était la vision que j’avais d’elle à ce moment-là. La peur, c’est ce que je décryptais. Comment une pareille personnalité pouvait-elle avoir peur d’un gars comme moi… elle m’avait déjà tué une fois, pourtant. Le plus perturbant finalement, c’est qu’elle n’a pas bougé. Elle est resté là, debout, son regard que j’aimais tant avant fixé sur ma personne, et elle essayait avec peine de retenir ses larmes. Zoé, ne pleure pas… d’instinct, j’aurais voulu la prendre dans mes bras et la rassurer, comme quand on avait quinze ans. Comme elle l’avait fait de nombreuses fois pour moi aussi. C’est ce bref instant d’hésitation où j’ai légèrement desserré l’étreinte qui lui a surement fait reprendre ses esprits. Affolée, elle a commencé à se débattre. Ses ongles griffant ma peau ne m’ont même pas fait cligner des yeux. Pas plus que les coups de poings qu’elle balançait dans mon ventre. C’est le coup de genou dans mon entrejambe qui m’a fait relâcher ma prise. Et je me suis reculé d’au moins deux mètres, laissant le plus possible de distance entre cet être répugnant et moi-même. Vous vous doutez bien que je n’étais pas conscient de mes actes, et que j’étais largement influencé par mon passé récent. L’étiquette accrochée à mon poignet le prouvait bien, j’étais en « déséquilibre mental ». Je me demande si je ne l’avais pas toujours été. J’ai collé mon dos au mur, heurtant ce dernier d’un mouvement brusque. Un soupir désespéré m’a échappé, mes doigts partant instantanément en contact avec le sol dans le but de chercher une quelconque arme, en vain. J’observais Zoé… Erinys… cette fille, que je n’étais pas sûre de connaître finalement. Zoé. Qui haletait, qui tentait de reprendre son souffle. J’aurais pu lui sauter dessus une nouvelle fois et l’achever, ça aurait été tellement simple maintenant qu’elle était déjà bien déconnectée. Il suffisait que je balance mon coude dans son plexus et sa respiration serait bloquée. Je savais pourtant, que je n’en ferais rien. Le désespoir et la tristesse m’avait poussé à l’étrangler plus tôt sans réfléchir, mais je n’étais décidément pas résolu à l’éliminer aussi facilement. « Les Jeux ne sont pas terminés, n'est-ce pas ? On est toujours dans l'arène. » Sa voix était encore faible, sans doute à cause de mon attaque. Je me suis relevée en vitesse, et j’ai dû lui faire peur, car elle a sursauté, et attrapé la première chose qui lui passait dans les mains avant de se tenir debout face à moi à son tour. La gorge rouge, l’ai aussi dépité, j’avais pitié d’elle. Et alors que j’aurais dû m’effondrer en larmes et la ruer de coups, j’ai explosé de rire. « Fais-le. Si c'est vraiment ça que tu veux. Tue-moi. Mais... Fais ça vite, d'accord, Jess? » Elle lâcha sa latte de bois, se rendant peut-être compte que c’était l’arme la plus ridicule qui puisse exister, pour me montrer son côté pathétique. Plus de cris de rage, plus de rires machiavéliques, elle était là devant moi, aussi dépourvue qu’une fourmi. Jess. J’ai fermé les yeux à l’appel de mon surnom. J’avais tout juste deux secondes pour réfléchir. Jess… « Pourquoi ? » demanda-t-elle finalement. Et alors, j’ai décidé de lui dire la vérité. Rien que la vérité, même si ça la blesserait certainement. J’étais tout de même persuadé que rien n’était pire que ce qu’elle m’avait fait.
« Pourquoi ? Tu oses demander pourquoi ? La réponse, ce n’est certainement pas moi qui vais te la donner. Toi seule sais pourquoi tu as agi comme une gamine puérile et pathétique. Tu croyais quoi ? Qu’en gagnant les jeux, tu oublierais que tu as tué vingt-neuf autres gosses pour cette victoire ? Brillant. Je ne te tuerai pas, Zoé. Pas ce soir. Parce que je veux, que tu souffres, que tu sentes chaque parole te couper le souffle, chaque mot te blesser avec autant de puissance qu’un coup de poignard. Écoutes moi bien, Zoé. Aussi vulnérable que tu le parais en ce moment, je n’aurai aucun mal à te trancher les membres avec mes dents. Tu m’as eu dans l’arène parce qu’il m’était impossible d’imaginer que tu veuilles ma mort. Mais maintenant que je te connais mieux, que je sais quel monstre tu es, et que je me suis rendu compte de la profondeur ridicule de ton âme, je suis bien décidé à te pourrir la vie. Comme tu as gâché la mienne. » J’avais envie d’en rajouter encore. Comme tu as gâché ma vie, dès le jour où j’ai su que je t’aimais. Je ne peux pas t’en vouloir de ne pas m’offrir ton amour en retour, mais je t’en veux… de m’avoir fait croire à cette alliance. De m’avoir gardé comme ami. De m’avoir bassiné sur les qualités innombrables de ce Théo pendant des années, alors que tu savais que je crevais d’amour pour toi depuis mille ans. Je t’en veux d’avoir découvert mon secret. Je t’en veux de m’avoir haï à cause de ce secret… Je t’en veux de ne pas avoir eu confiance en moi au moment où j’en avais besoin.
J’ai planté mon regard dans le sien, plus déterminé que jamais. C’était trop d’année de souffrance que je voulais venger. Je n’avais plus rien du petit garçon drôle qui imitait les cochons pour faire plaisir à son amie. « Je te déteste. Et c’est la chose la plus difficile que j’aie eu à faire. »
Zoé E. Williams
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Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Sam 12 Mai - 20:37
Deux jours. Deux jours seulement dans cette arène, et je devenais déjà folle. Je n'allais pas survivre. Il suffisait de me regarder pour le savoir : j'étais trop petite, trop frêle, trop gentille. Mes vêtements étaient déjà sales, maculés de terre et de sang. Mon sang ? Le sang de ce pauvre garçon que j'avais tué ? Oui, tué, j'avais tué. J'avais planté ma lance dans sa gorge et je l'avais regardé, je l'avais entendu, je l'avais senti mourir. La souffrance sur son visage. L'affolement dans ses yeux. Et finalement, l'acceptation. Le son inhumain qui était sorti de sa bouche avant qu'il cesse de bouger. L'odeur du sang, ce même sang qui m'avait éclaboussée, qui collait à ma langue et me donnait la nausée. Les cris des autres batailles autour de la Corne d'Abondance, qui me semblaient tellement lointaines... Bouge, Zoé, bouge. Ne reste pas là comme ça. Si tu t'assieds pour te reposer, si tu relâches ton attention, même pendant une seconde, c'est fini. Terminé. La mort assurée. Tu n'as pas d'alliés, ici. Tout le monde est ton ennemi. Non, ce n'était pas vrai. Il y avait Alexiane et Kathleen, mes alliées depuis le début. Pas le genre de filles à me planter un couteau dans le dos. Kate m'avait même sauvé la vie. Donc oui, jusqu'au moment où nous devrions nous séparer, je pouvais compter sur elles. Pas sur les carrières. J'avais joué à la méchante fille, à la grosse brute pour m'attirer leur sympathie. J'étais devenue leur alliée avec un seul but : celui de découvrir les faiblesses pour les tuer. J'en avais marre que les carrières gagnent toujours. Je voulais donner une chance aux districts défavorisés. Pas à moi. Je savais que je ne pouvais pas gagner les Jeux... Mais je savais aussi que j'allais me battre jusqu'au bout, parce que c'était dans ma nature. Je voulais leur montrer de quoi j'étais capable, afin que personne ne m'oublie. Etait-ce égoïste de ma part ? Sans doute. Mais... je n'avais que 18 ans, et je ne voulais pas mourir. Pas si vite. Alors, j'espérais que même si la Grande Faucheuse venait me chercher, j'aurai le temps de faire quelque chose avant. Quelque chose... pour me distinguer des autres, de ces centaines d'enfants déjà tués aux Jeux. Quelque chose pour aider la rébellion. Pour que je ne meure pas en vain. Pour que mes parents soient fiers de moi. Mon plan était donc de neutraliser les carrières. C'était un plan dangereux. Suicidaire, même. Ce serait plus facile... Si...Jessie ne faisait pas partie de la meute. C'était mon ami, avant. Même si je lui en voulais à mort d'être devenu un carrière, même si je le détestais depuis peu, même si je ne lui parlais plus depuis des années. Je ne voulais pas le tuer. Je le connaissais trop bien. Je l'avais vu rire, j'avais joué avec lui, j'avais... Oh Jessie... Pourquoi était-il devenu ce garçon dur et indifférent ? Pourquoi ? Au fond de moi... Je ne parvenais pas à vouloir sa mort. C'était toujours le frère de ma meilleure amie. Si par miracle je sortais vivante de cet enfer, qu'allait donc dire Sagitta ? Je secouai la tête. Non, je n'allais pas tuer Jessie. L'arène était tellement grande... Quelqu'un d'autre s'en chargerait bien à ma place, non? Oui, quelqu'un d'autre le ferait.
Jessie... Il était là, devant moi. Vivant. Vivant alors qu'il aurait dû être mort. Vivant alors que je l'avais tué de mes propres mains. J'étais tellement... confuse. Partagée entre la joie irrationnelle de le revoir, l'horreur, la peur, la tristesse et la colère. Mais sans regrets. J'avais fait ce que je devais faire, dans l'arène. Ce n'était peut-être pas la meilleure décision, mais c'était la seule décision possible. Oui, la seule. C'était lui ou moi, et finalement, mon instinct de survie l'avait emporté sur notre amitié. J'avais fini par conclure que je ne devais pas avoir honte de ça. Quand notre vie est menacée, nous ne pensons qu'à nous même. Nous tous. Même les plus nobles. Nous sommes tous des égoïstes, au fond. Pires que des bêtes. Les bêtes n'auraient jamais l'idée de jeter leurs petits dans une arène pour les voir combattre jusqu'à la mort. Je murmurai que j’étais désolée, parce que je sentais que c'était ce que je devais dire. Jessie semblait douter de ma sincérité. Cela me blessa. Ne pouvait-il donc pas comprendre que, même si je ne regrettais rien, j’étais désolée ? Que j'aurais voulu éviter de le tuer, mais que je ne pouvais pas faire autre chose ? Non, il ne comprenait pas. Je le voyais dans son regard haineux. Je le sentais dans ses mains, ses mains qui se serraient autour de mon cou... Et tout recommença.
« Je n'ai jamais appartenu à votre misérable bande d'idiots assoiffés de sang et de gloire. Approchez donc, j'ai envie d'en finir une bonne fois pour toutes. » Crachai-je. Je savais que tout Panem était scotché à sa télévision à cet instant. Moi, une adolescente frêle, je défiais trois carrières armés jusqu'aux dents. Non : deux carrières et Jessie. « Ne sois pas idiote, Zoé, tu sais qu'il est un vrai carrière, tu sais qu'il te déteste... » Je vis la colère et la douleur sur son visage. « Je te faisais confiance, Zoé ! » Je levai les yeux au ciel. Théâtral. Il me parlait, il me disait que j'allais souffrir... Mais je ne l'écoutais pas. Silencieusement, je priais. Pas Jessie, pas Jessie. Je n'avais pas la force de tuer Jessie. Si. Non. Si. Il le fallait. Non. C'était ridicule, c'était mon ami. Non. Tu vois ce sang sur ses vêtements, Zoé ? Tu vois son regard féroce, haineux ? Ce n'est pas ton ami. Il veut ta mort et la mort de tes amis. Tue-le. Oui. J'allais le... Non, bien sûr que non ! Il a trahi sa soeur. C'est un carrière, Zoé, et tu sais ce que les carrières font... Il gagnera ta confiance pour te poignarder dans le dos. Gagner ma confiance... N'était-ce pas précisément ce que moi, j'avais fait ? N'était-ce pas mon but de m'allier avec les carrières pour mieux les anéantir ? Valais-je donc mieux qu'eux ? Non. Non. « Pas si je te tue avant. » Lançai-je en réponse à la dernière pique de Jessie. J'avais le cerveau embrouillé par la douleur. Le chien des enfers qui avait failli me tuer avait lancé des marques de griffes profondes sur mon épaule. Oh, j'avais tellement mal... Tellement mal... Je ne sais pas qui fit le premier pas, mais soudain, le poing de Jessie percuta ma joue droite. Ma tête fut brutalement rejetée en arrière. Mon dieu, il m'avait frappée. Jessie... Jessie ? Etait-ce bien lui ? Je ne voyais pas bien, tout dansait devant mes yeux... Alors, à l'aveuglette, je me lançai en avant en pointant ma lance dans sa direction. Un couteau effleura mes côtes, y laissant une entaille brûlante. Le couteau de Jessie ? D'un autre carrière ? Bon sang, j'étais à peine consciente, abrutie par la souffrance, et je devais me battre contre ces ordures musclées ! Quelqu'un m'agrippa par les cheveux. Quelqu'un criait mon nom. Et moi... Moi, je griffais, je frappais, je donnais des coups de poings et de pieds, je mordais jusqu'à sentir le sang dans ma bouche. Le sang chaud, gorgé de vie. Une main... Une main se posa sur mon épaule. Mon épaule ! Des ongles s'enfoncèrent dans la plaie à vif. Dans la plaie. Dans la plaie ! La douleur me fit perdre la tête. A qui appartenaient-elles, ces mains assassines ? Jessie. Oui, je le voyais, à présent. Tout près. Sous moi. Sans réfléchir, je cognais sa tête contre le sol pendant qu'il me broyait la gorge de sa poigne de fer. Autour de moi, tout était flou et irréel. Je ne voyais plus rien, ne comprenais plus rien. J'étais incapable de m'arrêter. J'avais de plus en plus de mal à respirer. Des petits points noirs se mirent à danser à la limite de mon champ de vision...Puis cela devint une grande tâche, alors que le bourdonnement dans mes oreilles devint un rugissement, que mon coeur s'affolait de plus en plus...A présent, je ne respirais plus du tout. Je savais retenir ma respiration pendant plus qu'une minute, car je venais du district de la pêche et j'avais souvent plongé. Alors, je tins bon. Seconde après seconde. Une lutte entre nos deux volontés. Je cognais toujours sa tête contre le sol, mais avec beaucoup moins d'énergie. Cela épuisa mes dernières réserves d'air. Si je ne cédais pas, j'allais mourir.
L'histoire se répétait. Jessie et moi. Moi et Jessie. Le souffle court, tous les deux. Moi, terrorisée. Lui, blême. Je commençai à me débattre, mais il ne bougeait pas d'un pouce. En dernier recours, je lui donnai un grand coup de genou dans l'entrejambe. Il me lâcha, enfin. Il recula, heurta un mur. Je me laissai tomber par terre. Ma gorge... Je déglutis avec difficulté et m'éloignai de Jessie à quatre pattes. Pathétique. Mon coeur battait trop vite... Ma respiration était hachée, rapide. Mes poumons se gonflaient d'air ; pourtant j'avais toujours l'impression d'étouffer. Des tâches noires dansaient devant mes yeux. Je compris alors que les Hunger Games n'étaient pas terminés. Ils ne le seraient jamais. Jamais. Jessie me tuerait, ou je tuerais Jessie. Nous n'avions pas d'autre choix. J'attrapai la première chose qui me tombait entre les mains, c'est-à-dire une latte en bois. Ridicule. Jessie éclata de rire, et sans savoir pourquoi, cela me blessa. Je lâchai mon arme. Lentement, doigt par doigt. Elle tomba devant mes pieds. Jess... Mon Jess... Pourquoi ? Alors, il explosa. « Pourquoi ? Tu oses demander pourquoi ? La réponse, ce n’est certainement pas moi qui vais te la donner. Toi seule sais pourquoi tu as agi comme une gamine puérile et pathétique. Tu croyais quoi ? Qu’en gagnant les jeux, tu oublierais que tu as tué vingt-neuf autres gosses pour cette victoire ? Brillant. Je ne te tuerai pas, Zoé. Pas ce soir. Parce que je veux, que tu souffres, que tu sentes chaque parole te couper le souffle, chaque mot te blesser avec autant de puissance qu’un coup de poignard. Écoutes moi bien, Zoé. Aussi vulnérable que tu le parais en ce moment, je n’aurai aucun mal à te trancher les membres avec mes dents. Tu m’as eu dans l’arène parce qu’il m’était impossible d’imaginer que tu veuilles ma mort. Mais maintenant que je te connais mieux, que je sais quel monstre tu es, et que je me suis rendu compte de la profondeur ridicule de ton âme, je suis bien décidé à te pourrir la vie. Comme tu as gâché la mienne. » Il avait raison. Chaque mot était une dague, une dague glaciale plantée dans mon coeur. Maintenant que je sais quel monstre tu es... Maintenant que je sais... quel monstre... monstre... monstre.... Ses paroles tournaient en rond dans ma tête. Monstre. J'étais un monstre. Si même Jessie le pensait, Jessie qui m'avait toujours vue comme une déesse parmi les mortels... Alors, je l'étais vraiment. Un horrible monstre. Il avait toujours cru en moi. Toujours. Même lorsque tous les autres me tournaient le dos. Il m'avait regardée comme une personne spéciale, et je m'étais laissée réchauffer par le soleil de son admiration, de son amitié et de sa confiance. Il m'avait fait croire que j'étais unique et belle. Il m'avait montré une image idéalisée de moi-même et je m'étais nourrie de cette image et de l'attention qu'il me portait. A présent, même ça, je ne l'avais plus. Plus d'illusions. La réalité, pure et dure. Et je lui en voulais terriblement pour ça. J'avais tellement mal au coeur... « Je voulais gagner les Jeux, Jess. » Murmurai-je. « Je ne pensais pas à ce qui se passerait après, je voulais juste rentrer à la maison.» Je secouai la tête ; je m'y prenais très mal. Comment lui montrer la vérité ? Comment lui faire comprendre ? « Tu sais ce que c'est, Jessie. Tu étais là, comme moi. Le sang, les cris, les morts, les pièges... Tout est différent, dans l'arène. Nous aussi, nous changeons. » Je me mordis les lèvres avant de poursuivre : « Nous devenons moins humains. J'étais prête à tout pour survivre. Ce n'était pas un choix, c'était... Oh, ne me dis pas que tu ne comprends pas ça ! Tout le monde veut survivre. C'est notre instinct. Je ne réfléchissais pas, j'agissais. » Des larmes de frustration me brûlèrent les yeux. Pourquoi était-il tellement difficile d'expliquer ce que je ressentais? « J'espérais tellement que quelqu'un d'autre s'occupe de toi, Jessie. Ou que quelqu'un me tue avant que je ne doive t'affronter. Je ne voulais pas... Mais il y avait ce chien des enfers... Et mon bras faisait tellement mal... Et j'étais... Je...Tu... » Je fermai les yeux et pris ma tête entre mes mains. Je la sentais venir, l'affreuse crise de panique... Je revivais tout. Les cris. La peur. La colère. Et le sentiment de victoire. « Tu as raison. » Dis-je d'une voix étouffée, sans ôter mes mains de mon visage. « Je mérite de souffrir. Je suis un monstre. Je n'ai pas d'âme. J'ai gâché ta vie. Je... Tu sais qu'est-ce que c'est, le pire ? C'est que je ne parviens pas à être désolée. Jamais. Je fais des cauchemars horribles, je me réveille en hurlant... Mais dans mes souvenirs, quand j'étais dans l'arène, j'étais juste soulagée, presque heureuse, d'être en vie. Je suis tellement égoïste... » Je repris mon souffle et levai enfin les yeux vers Jessie. « Tu n'as pas le droit de faire ça, Jess. Tu n'as pas le droit. Tu ne peux pas me laisser tomber. » J'étais désespérée, et je répétais sans cesse la même chose, comme un enfant obtus et gâté. Oui, il avait raison de me détester, mais pourtant, au fond de mon âme ridicule, j'espérais toujours qu'il resterait mon ami. Comme avant. Comme avant, non, je n'étais plus comme avant. Alors, Jessie planta son regard dans le mien et me porta le coup de grâce. « Je te déteste. Et c’est la chose la plus difficile que j’aie eu à faire. » J'ouvris la bouche comme pour crier, mais aucun son n'en sortit. Je te déteste. Je te déteste. Je te déteste... « Je te déteste. » Je ne faisais que répéter ce qu'il m'avait dit, sans réfléchir. Confuse. Paniquée. Je me pliai en deux. Je le sentais de nouveau, ce couteau dans mon ventre. Le jour où j'étais morte. Le jour où j'aurais dû mourir, où j'aurais préféré mourir, oui, préféré mourir plutôt que de vivre ça. Je haletais. Mal, ça faisait tellement mal... Maman... Mon ventre, mes poumons... Et maintenant, mon coeur. Brisé, arraché, écorché, brûlé, écrasé, écartelé. Meurtri. Trahi. J'eus l'impression de mourir une deuxième fois. Jess... Non... Il ne pouvait pas me détester, il ne pouvait pas! Pas lui, pas lui. Tout le monde pouvait me détester, mais pas Jessie, mon ami d'enfance... Mon ami que j'avais tué... Alors, soudain, ma tristesse se changea en colère. Une colère noire, immense. Comme dans l'arène. « Je te déteste ! » Répétai-je plus fort, avec toute la haine du monde. « C'est tout ce que tu as à me dire ? C'est tout ?! Je vais te dire quelque chose, Jessie Chase : je te déteste aussi. Je te déteste parce que tu as été mon ami et que j'ai repensé aux bons moments vécus ensemble en te tuant. Je te déteste parce que chaque nuit, tu hantes mes rêves. Je te déteste parce que je me déteste à cause de toi. Je te déteste parce que tu es né, parce que je t'ai connu et que j'ai été obligée de te tuer. Je te déteste parce que tu es le seul à me dire la vérité en pleine figure. Je te déteste parce que tu m'as donné la punition que je mérite. Je te déteste, Jessie, parce que malgré tout, il est tellement difficile de te détester ou de t'en vouloir. Parce que tu me fais presque regretter, tout regretter, et que je ne supporterai pas de vivre avec ces remords. Parce que tu me rappelles ce que c'est d'être en vie. » Le souffle court, les yeux brillant de colère, les poings serrés, je le regardai dans les yeux. Comme le jour de sa mort.
Il avait récupéré son poignard et le tenait à présent contre ma joue meurtrie, mais il semblait incapable de décider ce qu'il allait faire. J'étais tétanisée. La peur et l'adrénaline me poussaient à bouger, à le frapper, à essayer de lui prendre son arme...Mais s'il l'enfonçait, je mourrais sans doute. Qu'est-ce que je devais faire ? Qu'est-ce que je pouvais faire ? Je ne parvenais pas à déchiffrer son expression. De la colère, de la tristesse ? De... non, cela ne pouvait pas être de l'amour. Soudain, un scintillement à ma droite attira mon attention. Mon poignard était là...tout près du carrière, mais apparemment, il ne s'en était pas aperçu. A présent, je n'avais plus le temps de calculer mes chances de réussite. Je plongeai en direction du poignard et le plantai dans son ventre, puis dans son coeur. Il avait l'air... surpris. Puis, je vis la douleur sur son visage. Je reculai, je m'écartai de ce garçon agonisant, ce garçon qui avait été mon meilleur ami. Méritait-il de mourir ? Je ne connaissais pas la réponse à cette question.
Ma colère retomba d'un coup, me laissant tremblante, désemparée. Comme dans un rêve, je m'approchai de Jessie. Tout doucement, je pris ses mains entre les miennes et les posai autour de mon cou. J'étais tellement proche de lui que je pouvais sentir son souffle sur mon visage, voir ses yeux, son rictus. « S'il te plaît, Jessie. Tu en as envie, alors fais-le. Tue-moi.» Je le suppliais de le tuer, maintenant ? C'était le monde à l'envers, mais je ne contrôlais plus rien, ne comprenais plus rien. Il n'y avait que mon coeur brisé, et le désespoir qui m'envahissait, m'engloutissait. « Je serai sage. » Promis-je. « Tu n'auras qu'à... serrer. » Je priais silencieusement pour qu'il le fasse. Jess... « Il faisait beau... Je n'avais rien mangé ce jour-là, et mon estomac faisait mal. J'avais chaud... Je jouais sur la plage avec Sagitta. Puis, les garçons sont arrivés. Ils se sont moqués de nous. Ils ont volé nos coquillages et cassé notre château de sable. Je pleurais. Ils m'ont jetée à l'eau, et je n'avais pas la force de nager. Puis, tu es arrivé. Tu les as chassés. Tout seul. Et puis... Tu m'as donné un poisson que tu avais pêché. Il était tellement petit, c'était ridicule... Mais il était tellement bon... » Je levai les yeux vers Jessie et me rendis compte que j'avais parlé tout haut. « Et la fois où tu étais couvert de boue parce que tu avais imité le cochon pour moi, cinq fois de suite. Ta mère était furieuse... » J'eus un petit sourire triste à ce souvenir. Je ne savais pas vraiment pourquoi je tenais à me rappeler cela. Pour penser à quelque chose d'agréable avant de mourir ? « Oh, Jess... » Quelque chose se brisa en moi, et je me jetai en avant, dans les bras de Jessie. Je devais être folle, ou suicidaire, mais je m'en fichais. J'agrippai son t-shirt, son t-shirt gris comme tout au district 13, et commençai à sangloter, le visage dans son cou. Comme si nous étions encore amis. Je tremblais de la tête aux pieds, et j'avais à peine la force de rester debout. Je m'accrochais à lui, en pleurant bruyamment, sans gêne, et mes larmes mouillaient son cou. Cela faisait des mois que je pleurais pratiquement tous les jours... Mais là, c'était différent. Pour la première fois, je me sentais libérée. Libérée d'un poids énorme qui pesait sur mes épaules bien frêles. Tant pis s'il me tuait après. Tant pis s'il me prenait pour une folle, si je le dégoûtais. Je voulais juste... Je ne savais plus ce que je voulais, mais pour le moment, je me contentais de pleurer toutes les larmes de mon corps, en espérant qu'il ne me rejette pas... Jessie... Mon Jessie... Mon Jess...
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Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Lun 21 Mai - 3:42
Don’t you know that you’re toxic ?
And I know we’ll stand together when the world falls down. And I know that our forever’s gonna start right now, yeah.
L’arme stupide de Zoé tomba à ses pieds. Elle m’écœurait. J’avais juste envie qu’elle souffre autant que j’avais souffert. Je balançai ces horribles choses à Zoé, tout ce que je pensais, comment je la voyais maintenant, comment elle avait brisé mes rêves et gâché ma vie. « Pourquoi ? Tu oses demander pourquoi ? La réponse, ce n’est certainement pas moi qui vais te la donner. Toi seule sais pourquoi tu as agi comme une gamine puérile et pathétique. Tu croyais quoi ? Qu’en gagnant les jeux, tu oublierais que tu as tué vingt-neuf autres gosses pour cette victoire ? Brillant. Je ne te tuerai pas, Zoé. Pas ce soir. Parce que je veux, que tu souffres, que tu sentes chaque parole te couper le souffle, chaque mot te blesser avec autant de puissance qu’un coup de poignard. Écoutes moi bien, Zoé. Aussi vulnérable que tu le parais en ce moment, je n’aurai aucun mal à te trancher les membres avec mes dents. Tu m’as eu dans l’arène parce qu’il m’était impossible d’imaginer que tu veuilles ma mort. Mais maintenant que je te connais mieux, que je sais quel monstre tu es, et que je me suis rendu compte de la profondeur ridicule de ton âme, je suis bien décidé à te pourrir la vie. Comme tu as gâché la mienne. » Mes propres paroles résonnaient encore dans ma tête. Je voyais le visage de Zoé se déformer à chaque paroles, je sentais tour à tour la haine, puis l’horrible peine sur ses paupières et ses pommettes qu’avant je pouvais admirer pendant des heures. J’essayais de me concentrer sur ce qu’il se passait, mais une scène, un moment particulier de ma vie n’arrêtait pas de défiler dans ma mémoire alors que j’essayais de me convaincre qu’elle n’était plus du tout la même Zoé dont j’étais tombé amoureux, ce jour.
C’était encore un mardi. J’allais finir par croire, que tout se passait toujours les mardis. Que toutes les merdes arrivaient le mardi.
Quand j’étais gosse, j’adorais la pêche, j’adorais exploser le crâne de ses foutus poissons et les ramener chez moi, pour les cuire, les avaler sans penser à rien d’autre qu’à la faim qui me tiraillait le ventre, en écoutant mon père gracier le ciel et nous dire à Sagitta et à moi, à quel point il était fière de nous. Je pouvais passer des heures au bord du lac s’il le fallait ; je ne rentrai jamais les mains vides. On était tous trop maigre, trop pâle, trop triste pour espérer survivre sans faire d’effort. Ma famille, la famille Chase, n’avait jamais eu cette chance incroyable de vivre en pouvant combler tous ses vides. Tout ce dont mes parents étaient capables, depuis trop d’années, c’était de nous envoyer pêcher, tous les mardis. J’adorais les mardis ; Sagi aussi.
C’était un mardi, donc, ce jour-là. J’avais quinze ans, j’étais inutile, frêle, moche comme un pou, tellement peu attirant, et d’ailleurs, je ne cherchais pas à l’être. Mes vêtements déchirés étaient trop larges, trop sales, ceux de Sagi était encore pire tellement elle était maigre et pâle. On pêchait, on attendait, on avait rien. Ça faisait plus de quatre heures qu’on cramait sous le soleil, qu’on attendait désespérément qu’un poisson, si minuscule soit-il, morde à l’hameçon pour qu’on puisse espérer se remplir le ventre ce soir. On utilisait des instruments de tortures pour noyer les poissons, parce que de ce côté du lac, c’étaient des vrais sauvages. Ils avaient une mâchoire bien trop aiguisée pour que nos petits hameçons suffisent à les attraper. Alors, dès qu’on avait une touche, l’un d’entre nous plantait son trident dans la chair épaisse du poisson, mais la plupart du temps, il arrivait à s’échapper. Avec le temps pourtant, la technique est venue, et on devenait meilleur. Mais il est bien inutile de vous dire, qu’à quinze ans, je savais tout juste lancer mon filet dans la mer. Et Sage, qui n’en avait qu’onze était encore bien pire pêcheuse.
Je m’étale. C’était un mardi, aucun doute dessus. Finalement, après des heures à brûler, on en a eu un. Un seule, mais c’était déjà bien parce qu’on avait faim, faim, faim. On n’avait pas mangé depuis trop longtemps, et s’il l’avait fallu, Sage et moi on l’aurait mangé tout cru, en trois bouchées sur la plage déserte. « Va prévenir papa, Sagi. Dis-lui que j’arrive avec du poisson, il sera content. » Les petits yeux de ma sœur se sont éclaircis, à l’idée qu’elle puisse rendre heureuse notre père. Il était mou, vieux, perdu, triste et sans âme depuis que maman et Phyllis étaient parties. Parties… mortes devrais-je dire. Je doutais fort qu’un misérable bout de poisson lui remonte tant que ça le moral, mais bon. J’étais seul, avec mon poisson, et j’ai pris le chemin du retour sans songer une seule seconde que le pire pouvait encore arriver.
Mes pensées revinrent au présent, et je me concentrai sur ce qu’il se passait en ce moment dans cette pièce terne et froide du district 13. Je ne voulais pas penser à ce qu’il s’était passé après, après que Sagi soit allé prévenir papa. C’était trop douloureux, trop fort encore, et je voulais effacer définitivement tous ces moments de ma tête, ces moments où j’avais été sur d’aimer Zoé pour ce qu’elle était réellement. J’essayais d’effacer ces affreux souvenirs… j’aurai tellement que rien de tout ça ne soit arrivé. « Je voulais gagner les Jeux, Jess. Je ne pensais pas à ce qui se passerait après, je voulais juste rentrer à la maison. Tu sais ce que c'est, Jessie. Tu étais là, comme moi. Le sang, les cris, les morts, les pièges... Tout est différent, dans l'arène. Nous aussi, nous changeons. Nous devenons moins humains. J'étais prête à tout pour survivre. Ce n'était pas un choix, c'était... Oh, ne me dis pas que tu ne comprends pas ça ! Tout le monde veut survivre. C'est notre instinct. Je ne réfléchissais pas, j'agissais. J'espérais tellement que quelqu'un d'autre s'occupe de toi, Jessie. Ou que quelqu'un me tue avant que je ne doive t'affronter. Je ne voulais pas... Mais il y avait ce chien des enfers... Et mon bras faisait tellement mal... Et j'étais... Je... » Elle aussi, elle en avait des choses à dire. Des choses, des horreurs, c’était toujours pire. « JE T’AIMAIS ESPECE DE GARCE » hurlai-je soudain, la coupant dans son élan. Mes doigts ont resserré leur pression sur son cou fragile, j’avais tellement envie de lui briser les os, et qu’elle crève comme un chien qu’on écrase ! S’il y avait bien une personne qui avait laissé tomber l’autre, c’était elle. Pas moi. Je ne l’avais jamais abandonné, j’avais toujours cru en elle, j’avais toujours son nom sur mes lèvres, dans mes pensées, dans mon cœur, il n’y avait qu’elle. Mais alors qu’elle parlait, qu’elle parlait, moi je bouillonnais. « Tu ne peux pas comprendre, n’est-ce pas ? Tu ne sais pas ce que c’est d’aimer. T’as toujours été frigide et… bête ! Bête ! Tu étais trop stupide, pour comprendre que tout ce que je faisais, je le faisais pour toi ! Pour te plaire ! Pour que tu t’intéresses à autre chose qu’à mon petit avenir de sociopathe de carrière ! Tu sais quoi, Zoé ?... » Mon ton se radoucit, et ma voix s’étrangla presque entre mes mots, je mélangeais tout. Mes mains, toujours accrochées à son cou, desserrèrent leur étreinte. A quoi bon la tuer ? Je ne savais plus quoi faire, quoi dire, encore une fois mon ancienne voisine et amie me prenait de court. « La différence, Zo’… » Ma gorge se serra une nouvelle fois à l’annonce de son surnom, je ne l’avais pas appelé comme ça depuis bien des années. Pourtant, je continuai. « Zo’, la différence tu vois, c’est que le monstre que tu es voulait gagner pour la vie, simplement parce que tu ne voulais pas mourir. Tu… tu as toujours refuser de comprendre ! Pourquoi est-ce que je m’entrainais ? Un carrière, aussi pauvre que moi, Zoé… c’était pas pour la gloire que je voulais gagner. Je voulais une chance de m’en sortir, un espoir de vivre mieux, un peu d’argent pour pouvoir acheter une tenue correcte à Sagitta, du pain frais pour les voisins, du matériel de pêche moins misérable pour qu’on puisse survivre ! J’avais pas le choix… si.. si ton nom n’avait pas été choisi ce jour là, peut-être que je n’y serai pas allé. Quand je suis monté sur l’estrade, je me suis fait la promesse de te protéger, et tu ne peux pas imaginer le soulagement que j’ai eu quand j’ai vu que tu me pardonnais, et que tu étais prête à rejoindre les carrières ! Je me suis dit, qu’enfin peut-être tu étais capable de faire preuve de bon sens, que tu avais compris, que je n’étais pas qu’un carrière assoiffé de sang, n’aspirant qu’à tuer et gagner pour le plaisir de la gloire. Je me trompais… n’est-ce pas, Zoé ? J’avais tort ! Tu m’as trahi ! J’AVAIS BESOIN DE TOI, j’avais besoin que tu sois de mon côté ! » Mes mains retombèrent lourdement le long de mes hanches. Depuis le début, je savais tout ça, je savais qu’elle m’avait manipulé pour me faire croire qu’elle me pardonnait, mais le dire à voix haute… je sentais que quelque chose venait de se rompre entièrement à l’intérieur de moi. Comment est-ce que c’était possible ? Comment avais-je pu être bête à ce point ? J’aurai du me douter qu’elle ne s’intéresserait plus jamais à moi, pas comme moi… pas comme moi je m’intéressais à elle depuis ce jour-là. A nouveau, j’eus une absence, j’avais la tête qui tournait alors que mon cerveau me replongeait lourdement en ce mardi terrible.
J’étais fier, tellement fier. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas attrapé un si joli poisson. Au moins, ce soir, on mangerait quelque chose. En reprenant le chemin de la maison, je me suis rendu compte d’une chose ; les pacificateurs sont des ordures qui pourrissent le paysage. L’un d’eux m’a surpris avec ce poisson dans les bras, et j'en garderai pour toujours des séquelles atroces. « Alors comme ça on pêche sans autorisation, petit ? » je n’oublierai jamais son regard noir, son petit air suffisant de supériorité, et la brutalité avec laquelle il m’a trainé jusqu’à la place publique. J’ignore combien de coup de fouet j’ai reçu, combien de coup de poing dans la gueule est-ce qu’il m’a donné, et d’ailleurs, je ne veux pas m’en souvenir. Tout ce que je savais, c’est que c’était trop dur, trop douloureux, je souffrais tellement. J’avais envie de tenir bon, mais dans ce moment de faiblesse, je n’arrivais plus à me battre. Je me suis évanoui.
Non, non, non…. Par pitié, ne pas penser à ça. J’avais des problèmes plus graves que de me souvenir ce maudit jour. Je secouai la tête, essayant de respirer, le regard noir toujours braqué sur la jolie Zoé. Cette fille… tellement de souvenirs nous liait. Comment en étions nous arrivés si loin ? J’essayais de garder ma fierté, de ne pas pleurer devant tant d’injustice, j’avais dépassé ce stade n’est-ce pas ? J’essayais de réfléchir à mes mots, à ce que j’allais lui dire, pour lui faire le plus de mal possible. Pourquoi la tuer, vraiment ? Si je pouvais la faire souffrir éternellement, c’était bien mieux. « Tu… Tu as raison. Je mérite de souffrir. Je suis un monstre. Je n'ai pas d'âme. J'ai gâché ta vie. Je... Tu sais qu'est-ce que c'est, le pire ? C'est que je ne parviens pas à être désolée. Jamais. Je fais des cauchemars horribles, je me réveille en hurlant... Mais dans mes souvenirs, quand j'étais dans l'arène, j'étais juste soulagée, presque heureuse, d'être en vie. Je suis tellement égoïste... Tu n'as pas le droit de faire ça, Jess. Tu n'as pas le droit. Tu ne peux pas me laisser tomber. » Je sentais bien la crise de panique venir. Elle était déjà en train de perdre ses moyens, je le voyais bien. La rage grandissait encore en moi et j’explosai une nouvelle fois. « Mais comment tu peux dire ça… tu n’as donc pas d’âme ? Pas d’esprit ? T’as tué des gens ! Pas seulement moi, Zoé, d’autres gens, comme toi, des gens qui voulaient survivre, putain… et le pire dans tout ça, c’est que t’es morte toi aussi, tu pourrais comprendre, essayer d’éprouver de la compassion… t’es vraiment complètement à côté de la plaque. » Non, non, ce n’était pas du tout ce que j’avais l’intention de dire. Dans ma tête, ces mots étaient rageurs, remplis de désespoir, suppliant, je voulais qu’elle me revienne, et j’étais prêt à tout pour qu’elle redevienne celle qui… cette Zoé-là.
« Arretez, il est presque mort, arretez… » Ce sont les dernières paroles que j’entendis avant de perdre connaissance. Mais, c’était trop tard, j’avais déjà compris à qui appartenait cette voix, et ce qu’elle était prête à sacrifier pour me sauver la vie…. Zoé. Je n’avais pas rêvé. Lorsque je me réveillai, c’était sur ses draps que j’étais allongé, sur le sol de sa cuisine, si misérable soit-elle, et c’était elle qui prenait soin de moi. Chaque partie de mon corps me faisait mal, je savais que j’avais l’air triste et mort, glacial, souffrant, j’ignorais par quel miracle est-ce que je vivais encore. Dans la pièce à coté, je pouvais entendre les voix des Sagitta, de mon père et de la famille Williams. J’entendais Sage, qui gémissait, « c’est de ma faute, si j’étais resté avec lui au lieu de courir t’avertir, c’est peut-être moi qu’on aurait battue, pas lui… papa je suis désolée ». Elle n’y était pour rien, j’avais envie de lui dire, de courir la prendre de mes bras, mais j’en étais incapable. J’étais incapable du moindre mouvement, je n’arrivais même pas à parler. Mon visage avait gonflé et je voyais flou. « ça va faire mal, Jess… accroche-toi. » Le produit qu’elle passait sur mon corps me faisait un mal de chien, mais je lui faisais confiance. Je le compris très vite, malgré mes yeux gonflés et la douleur que je ressentais, je lui faisais confiance, parce que je l’aimais. Depuis ce jour où je l’avais vu à la mairie, alors que son père venait de mourir, elle paraissait si forte et si mature. Elle prenait soin de moi, dans les pires moments, et j’ai compris, lorsque ses mains frôlaient mes blessures qu’elle avait mal pour moi. Qu’elle tenait à moi.
Mais c’était avant. Avant qu’elle ne découvre la vérité, qu’elle ne découvre que je m’entrainais pour le compte du capitole, pour devenir un de ces super-héros gagnants des arènes. Je voulais qu’elle redevienne ma Zoé. Celle donc j’étais tombé amoureux le pire jour de ma vie.
« Je te déteste. Et c’est la chose la plus difficile que j’aie eu à faire. » Bien. L’expression de son visage passa de « désespéré » à « choqué ». Visiblement, elle ne s’y attendant pas à celle-là. Je la détestais, maintenant oui, je la détestais d’avoir tout brisé en moi. De m’avoir rendu si miséreux. Je voyais son visage s’assombrir, se déformer sous l’effet de la déception, de la trahison. Elle s’attendait peut-être à ce que je lui saute dessus en lui disant que rien n’avait changé ? Qu’elle était toujours la jolie fille dont j’étais raide dingue depuis mes 6 ans ? Evidement qu’elle l’était, mais je n’allais pas lui dire, je n’allais pas lui faire ce plaisir. Elle répéta mes mots, sans le penser vraiment, faiblement, comme pour se rendre compte de ce que je venais de lui dire. Puis, sans que je comprenne non plus ce qui arrivait, elle est entrée dans une colère noire, violente, immense, comme si j’avais tué toute sa famille, alors qu’elle était celle qui m’avait fait le plus de mal. « C'est tout ce que tu as à me dire ? C'est tout ?! Je vais te dire quelque chose, Jessie Chase : je te déteste aussi. Je te déteste parce que tu as été mon ami et que j'ai repensé aux bons moments vécus ensemble en te tuant. Je te déteste parce que chaque nuit, tu hantes mes rêves. Je te déteste parce que je me déteste à cause de toi. Je te déteste parce que tu es né, parce que je t'ai connu et que j'ai été obligée de te tuer. Je te déteste parce que tu es le seul à me dire la vérité en pleine figure. Je te déteste parce que tu m'as donné la punition que je mérite. Je te déteste, Jessie, parce que malgré tout, il est tellement difficile de te détester ou de t'en vouloir. Parce que tu me fais presque regretter, tout regretter, et que je ne supporterai pas de vivre avec ces remords. Parce que tu me rappelles ce que c'est d'être en vie. » Ce regard, qui me fixe, qui me toise, qui me balance ces horreurs avec tellement de haine et de passion, c’est le même que celui qui m’a tué. J’avais l’impression de revoir ses yeux, le jour de ma mort, et j’ai compris que malgré tout ce que je pourrais dire ou faire, elle me détesterait toujours autant, et qu’on ne pourrait jamais plus retrouver cette amitié précieuse. J’étais blessé, moi aussi. Profondément touché, meurtri, j’avais envie de mourir encore, plus doucement, je voulais réellement partir et m’effacer cette fois-çi. Je ne voulais pas qu’elle m’atteigne ainsi… elle avait trop de pouvoir sur moi, j’étais si faible. Je n’allais pas me laisser faire encore, quand même ? Calmement, froidement, j’ai repris la parole, sans jamais quitter ses yeux des miens. « Pendant que tu me tuais, Zoé, tu repensais à tous ces bons moments qu’on a passé ensemble… pendant que tu me plantais ton poignard en plein cœur, tu songeais à tous ces beaux jours, alors ? Moi tu sais, la seule chose à laquelle j’étais capable de penser, c’était « non, ça doit être un rêve. Pas Zoé. Pas elle, elle m’avait pourtant pardonné ? Je suis en plein cauchemar, comment la fille que j’aime peut vouloir ma mort ? » voilà, Zoé. Encore une différence entre ce monstre et moi. » Alors que je prononçai ces mots, je me rendis compte que je n’avais jamais avoué mon amour a Zoé. Depuis le temps, elle devait certainement s’en douter. Je m’en foutais au final, de ce qu’elle pensait, pour ce que ça valait, elle pouvait bien croire ce qu’elle pouvait. Je la détestais presque autant que j’avais envie de me jeter à ses pieds pour la supplier de tout oublier. Elle était si proche de moi, si belle, toujours la même extérieurement, pourquoi… mon dieu… pourquoi est-ce qu’on en était là… « Eloigne toi… je n’en peux plus de t’entendre te plaindre encore… je te déteste tellement ! Tu devrais regretter ! Tu devrais t’excuser, me supplier de te pardonner, parce que c’est ce que font les criminels Zoé ! Ils n’ont peut-être pas moins d’excuses que toi finalement, tu me fais peur… tu m’épuises, je n’ai plus envie de penser à toi, de me battre pour que tu sortes de ma tête, moi aussi je rêve de toi ! Mais pas seulement depuis que tu m’as poignardé comme un chien Zoé ! je rêve de toi depuis toujours, parce que t’étais ma putain de meilleure amie ! T’était la seule que j’avais même, et si seulement… tu savais… comme ces deux années sans toi ont étés longues et douloureuses…. T’avais pas le droit de me faire croire en cette alliance, tu m’as utilisé comme un vulgaire appât ! T’avais tout prévu depuis le début n’est-ce pas ? Au fond… t’avais prévu de m’éliminer dès que tu m’as vu grimper sur l’estrade… je t’ai fait confiance… je te faisais confiance… » Tous les muscles de mon corps me faisaient mal. J’avais l’impression d’être encore ce gamin puéril allongé dans la cuisine de Zoé, faible, sans défense, sauf que cette fois, personne ne s’occupait de moi, personne ne voulait mon bien.
Quelque chose d’étrange se passa ensuite. Elle prit mes mains, et dans un temps normal, je l’aurais repoussé sans hésiter. Mais je ne pouvais pas réfléchir, j’avais perdu tout contrôle sur moi-même, j’étais encore trop affaibli. Elle dirigea mes mains autour de son cou, là où elles se trouvaient déjà quelques minutes plus tôt. On voyait encore les traces de mes doigts, ces marques rouges qui auraient pu l’étouffer jusqu’à la mort. Elle était si proche de moi, si faible elle aussi. Je pouvais presque sentir son souffle contre mon visage paralysé. « S'il te plaît, Jessie. Tu en as envie, alors fais-le. Tue-moi.» Sauf que j’en étais incapable. Que ce soit ce soir ou dans l’arène, je pouvais la blesser, lui dire des horreurs, la supprimer de ma vie et lui pourrir la sienne, mais jamais… jamais je n’aurais la force de lui porter le coup fatal. Je pouvais l’abîmer, lui faire du mal, ranimer toute la colère qu’elle avait en elle, la provoquer, l’assommer, la torturer… jamais je ne la tuerai. Je ne comprenais pas ce brusque changement d’attitude. Elle était folle, je me contentai de la regarder, incrédule. « Je serai sage. Tu n'auras qu'à... serrer…. Il faisait beau... Je n'avais rien mangé ce jour-là, et mon estomac faisait mal. J'avais chaud... Je jouais sur la plage avec Sagitta. Puis, les garçons sont arrivés. Ils se sont moqués de nous. Ils ont volé nos coquillages et cassé notre château de sable. Je pleurais. Ils m'ont jetée à l'eau, et je n'avais pas la force de nager. Puis, tu es arrivé. Tu les as chassés. Tout seul. Et puis... Tu m'as donné un poisson que tu avais pêché. Il était tellement petit, c'était ridicule... Mais il était tellement bon... Et la fois où tu étais couvert de boue parce que tu avais imité le cochon pour moi, cinq fois de suite. Ta mère était furieuse... » Je souris. Moi aussi je me souvenais de ça. C’était ridicule. On avait passé des bons moments ensemble, et je regrettais presque ce temps-là, je regrettais presque mes choix… « Soit pas bête Zoé… tu l’as assez été pour le reste de ta vie. Tous ces souvenirs n’effaceront jamais ceux des trois dernières années. Trop de choses se sont passées pour qu’on puisse tout effacer. » J’ai enlevé mes mains autour de son cou. Je la laissais partir, en la contemplant, songeant que ce serait peut-être la dernière fois que je la voyais. Si elle n’était pas trop stupide, elle s’en irait maintenant, sans attendre que j’en ajoute encore, sans riposter. « Oh jess… » Pourtant, au moment où je m’y attendais le moins, elle vint se blottir dans mes bras. Qu’est-ce qu’elle foutais bordel ? Je ne comprenais rien. Plus rien. J’avais définitivement perdu le contrôle de la situation. Tout m’échappait encore, je me laissais faire par cette.. fille, cette fille bordel ! Toujours cette fille. Elle me menait par le bout du nez. Je ne pouvais pas la laisser faire. Elle s’accrocha à moi comme on s’accroche à sa dernière chance de survie, je sentis ses doigts fins s’agripper à mon tee shirt, et son visage tout contre moi, dans le creux de mon cou. Ses larmes me trempaient, elle me donnait envie de pleurer aussi, mais je n’en fis rien. Elle tremblait, pleurait bruyamment, je ne savais pas comment réagir face à ça, mais… je me sentais bien, utile, avec son cadavre fraichement ressuscité entre les mains. Longtemps j’avais rêvé de la prendre dans mes bras, de la conseiller, j’avais voulu être là pour elle, lui apporter du soutien et tout l’amour dont elle avait besoin, je voulais d’ailleurs qu’elle ait besoin de moi. Je ne m’étais jamais senti aussi important pour elle. J’avais l’impression que si je la lâchais, elle s’écroulerait et perdrait tout soutien moral ou physique. Je ne l’avais jamais vu si faible, si proche de la mort, et même lorsque nous étions face à face dans l’arène, au moins elle avait ce déterminisme et cette rage de survivre. Elle était molle, sans vie, elle n’était rien qu’un bout de chair brisé, et même si je l’aimais comme un fou, je n’étais pas capable de lui pardonner. Parce que, en ce moment, alors qu’elle semblait si faible et fragile, je ne pus m’empêcher de repenser à la petite fille que je croyais naïve, celle qui m’a tendu un piège et manipulé pour que je crois qu’elle était de mon côté. Je ne pouvais pas lui faire confiance. Elle n’était plus celle qui avait pris soin de moi le jour de ma flagellation, elle était la menteuse, la traitresse, la garce des hunger games. Encore une fois, elle essayait de s’attirer la compassion. Je la voulais pour toujours dans mes bras, mais à contre cœur, je me suis senti obligé de la repousser froidement. J’ai décollé ses longs bras qui m’entouraient, et je me suis dégagé de son étreinte, le visage impassible, en la regardant droit dans les yeux. Qu’elle essaye encore de m’avoir.
Zoé E. Williams
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Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Ven 29 Juin - 19:20
Enfin, il était là. Près de moi. Combien de fois avais-je rêvé de cet instant, combien de fois l'avais-je redouté ? Je ne pouvais pas m'empêcher de le regarder, de l'observer. La dernière fois où je l'avais vu, ses vêtements étaient déchirés et maculés de sang, ses cheveux étaient hirsutes et ses yeux flamboyaient comme ceux d'un fou. Le souvenir de l'affreuse blessure, la blessure que j'avais causée en enfonçant mon poignard dans son corps, me donna envie de vomir. Pourtant, je n'en voyais plus aucune trace. Jessie portait les mêmes vêtements gris que tous ceux du district 13. Etait-ce l'effet de mon imagination, ou avait-il vraiment maigri ? Mon regard rencontra le sien, et je n'y lus que de la colère, ainsi qu'un certain... écœurement. Et la douleur, oh, la douleur dans ses yeux... Elle faisait écho à la mienne, parce qu'il m'avait blessée autant que je l'avais blessée. J'essayais de me défendre contre ses paroles, ses paroles acerbes, horribles, cruelles. Ses paroles qui me déchiraient le cœur. Mais je n'y parvenais pas. Je m'embrouillais. « JE T’AIMAIS ESPECE DE GARCE. » Hurla-t-il soudain. Je me tus. Le souffle coupé. Je le regardais comme si je le voyais pour la première fois. Il n'avait pas encore terminé, loin de là : « Tu ne peux pas comprendre, n’est-ce pas ? Tu ne sais pas ce que c’est d’aimer. T’as toujours été frigide et… bête ! Bête ! Tu étais trop stupide, pour comprendre que tout ce que je faisais, je le faisais pour toi ! Pour te plaire ! Pour que tu t’intéresses à autre chose qu’à mon petit avenir de sociopathe de carrière ! Tu sais quoi, Zoé ?... » Il m'avait appelé par mon prénom. Mon ancien nom, celui que j'employais avant, avant d'atterrir en enfer... Il m'avait appelé par mon nom et il m'aimait. Non. Il aimait Zoé. Pas Erinys. Il aimait la fille blonde du district 4, la fille rieuse et optimiste, son amie d'enfance. Le choc était trop grand. Je le savais. J'avais deviné qu'il ressentait plus que de l'amitié pour moi, mais... L'entendre dire, maintenant, avec une telle violence... Je chancelai et cachai mon visage dans mes mains. Je t'aimais. Il me l'avait dit. Bête, Frigide. J'ouvris la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortit. Lentement, les doigts de Jessie se desserrèrent de mon cou. Il fallait que je parle, que je l'interrompe. Parce que ce que je devais lui dire ne pouvait plus attendre. J'avais déjà attendu trop longtemps. Etait-il possible qu'il soit trop tard ? «Je... » Je clignai des yeux, et une larme roula sur ma joue. « Jessie, je... » Que peut-on dire à quelqu'un qu'on a blessé, quelqu'un qu'on a brisé ? Que peut-on dire à quelqu'un qui vient d'avouer son amour ? Je ne pouvais rien lui donner, rien, parce que je ne possédais rien. Plus de gentillesse, plus d'humanité. Plus d'amour. Rien que de la douleur, de la tristesse, de la rancune. Je ne pouvais pas effacer ses souvenirs, ou retourner en arrière. « Je savais que tu... » Que tu étais fou de moi? Je soupirai. « Mais j'étais... bête, à l'époque, comme tu le dis. Je ne connaissais rien à... l'amour. » Ces paroles m'écorchaient la bouche, mais je devais les prononcer. « Des amourettes d'enfant, c'était tout ce que je connaissais. On s'aime, et on se quitte la semaine d'après. On fait semblant de se marier sur la plage. On s'offre des coquillages en gage d'amour. » Un petit rire sarcastique m'échappa. Je poursuivis, évitant toujours soigneusement de regarder Jessie : « Jusqu'à ce que je rencontre Théo. » Je savais qu'il détestait m'entendre prononcer ce prénom, pourtant je continuai à parler : « Une vraie tête brûlée. Un charmeur. Un petit con arrogant. Un opportuniste. Mais moi, je ne voyais que ce que je voulais voir : qu'il était beau, et plutôt riche, et intelligent. Qu'il s'intéressait à beaucoup de filles, mais pas à moi. Cela m'intriguait. Cela me fascinait. Et j'ai cru... J'ai naïvement cru que c'était ça, l'amour. Je me persuadais qu'il m'aimait aussi, mais qu'il n'osait pas l'avouer. Dans mes pensées, j'ai créé une histoire d'amour qui n'a jamais existé. Le beau fils de vainqueur riche et la pauvre petite pêcheuse. Cela sonne bien, n'est-ce pas ? » Murmurai-je amèrement. Je secouai la tête et ajoutai tout bas, en regardant mes mains : « Aujourd'hui, j'ai compris. » Je fermai la bouche, de peur d'en dire trop. Et soudain, sans crier gare, un souvenir me tomba dessus.
Un jour comme les autres, au district 4. Un jour d'automne, où il ne faisait ni vraiment chaud ni vraiment froid. Il n'y avait presque pas de vent. J'avançais en sautillant sur la route menant à la plage, un petit panier à la main. Je chantonnais, heureuse. 'Un p'tit sou, deux p'tits fous...' J'arrivai sur le sable et enlevai mes chaussures. J'enfonçai mes pieds nus dans le sable avec délice. 'Deux p'tits fous, trois p'tits loups...' Je bondis par-dessus une branche morte. 'Trois p'tits loups, quatre hiboux...' Dans mon panier, je transportais le pique-nique de mon père. Comme tous les midis, j'allais le rejoindre au petit port. Il rentrerait bientôt. Je n'apercevais pas encore son petit bateau bleu et jaune. Trop petit, disaient certains, mais au moins, il appartenait à mon père. Beaucoup d'autres pêcheurs se contentaient de s'engager sur de gros bateaux de riches. J'étais tellement fière de mon père, et de notre bateau, l'Hirondelle Gaie. 'Quatre hiboux, cinq genoux...' Fredonnai-je. J'étais presque arrivée à destination. 'Cinq genoux, six cailloux...' Je m'assis sur la petite jetée en bois et plongeai mes pieds dans l'eau. Brrr. Elle était froide. 'Six cailloux, sept filous... Et un kangourou!' Terminai-je en riant. Je ne savais pas à quoi ressemblait ce fameux kangourou. Mon père affirmait qu'il s'agissait d'un grand animal qui sautait sans cesse et qui transportait ses petits dans une sorte de sac devant son ventre. Je ne savais pas trop si je pouvais le croire, mais les aventures de Kikou le Kangourou, qu'il me narrait le soir avant d'aller dormir, me plaisaient beaucoup. Malheureusement, cet animal avait disparu depuis longtemps. Je sortis mes pieds de l'eau, qui était vraiment trop froide, et fermai les yeux.
Je voulais qu'il continue à parler. Même si c'était pour me blesser. « La différence, Zo’… » Zo' Mon surnom, avant. Avant... Cela me semblait tellement lointain. « Zo’, la différence tu vois, c’est que le monstre que tu es voulait gagner pour la vie, simplement parce que tu ne voulais pas mourir. Tu… tu as toujours refusé de comprendre ! Pourquoi est-ce que je m’entrainais ? Un Carrière, aussi pauvre que moi, Zoé… c’était pas pour la gloire que je voulais gagner. Je voulais une chance de m’en sortir, un espoir de vivre mieux, un peu d’argent pour pouvoir acheter une tenue correcte à Sagitta, du pain frais pour les voisins, du matériel de pêche moins misérable pour qu’on puisse survivre ! J’avais pas le choix… si.. si ton nom n’avait pas été choisi ce jour-là, peut-être que je n’y serai pas allé. Quand je suis monté sur l’estrade, je me suis fait la promesse de te protéger, et tu ne peux pas imaginer le soulagement que j’ai eu quand j’ai vu que tu me pardonnais, et que tu étais prête à rejoindre les carrières ! Je me suis dit, qu’enfin peut-être tu étais capable de faire preuve de bon sens, que tu avais compris, que je n’étais pas qu’un carrière assoiffé de sang, n’aspirant qu’à tuer et gagner pour le plaisir de la gloire. Je me trompais… n’est-ce pas, Zoé ? J’avais tort ! Tu m’as trahi ! J’AVAIS BESOIN DE TOI, j’avais besoin que tu sois de mon côté ! » Il s'arrêta de parler. Enfin. Mon cœur battait vite, trop vite. Trop. Il en avait dit trop. Je ne pouvais plus le supporter. Cependant, il fallait que je réponde. Maintenant. Sinon, tout serait perdu. Je respirai un bon coup pour me donner du courage et commençai: « Dans l'arène, je... Je ne voulais pas... » Quoi, 'je ne voulais pas te tuer' ? Ne sois pas idiote, Zoé. Bien sûr que si. Tu voulais le tuer. Tu voulais voir ce maudit couteau disparaître dans sa poitrine. Tu voulais qu'il cesse de te regarder, tu voulais éteindre cette petite flamme dans ces yeux, parce que tu n'arrivais pas à accepter que quelqu'un pouvait t'aimer. Parce que tu ne supportais pas que quelqu'un ait de l'affection pour ce monstre que tu étais devenu. J'avais la voix enrouée par l'émotion. « Je ne t'ai jamais pardonné. » Je tendis la main, comme pour toucher son visage... Mais la laissai retomber, le cœur lourd. Pourquoi était-il tellement loin de moi ? « Je ne t'ai jamais pardonné... Parce qu'il n'y avait rien, absolument rien à pardonner, Jessie. Rien ! » Je secouai la tête. « Depuis le début, tout est... de ma faute. J'aurais dû comprendre... Non, je comprenais, mais je refusais de l'admettre. Je refusais de m'avouer à quel point tu me manquais. Sais-tu combien de fois j'ai pleuré dans mon lit, Jessie, honteusement, la tête dans l'oreiller, à cause de toi ? » Je m'étranglai, mais je voulais continuer, je devais continuer. « Sais-tu que je demandais de tes nouvelles à Sagitta, que je l'accompagnais à la maison rien que pour t'apercevoir de loin ? Mais... j'étais...trop fière pour te parler. » Je relevai la tête et le regardai dans les yeux. « Quand ton nom a été tiré au sort après le mien, j'avais l'impression de vivre dans un cauchemar... Mais j'étais aussi soulagée. Soulagée parce que je savais que tu allais me protéger. Parce que je savais que tu serais mon allié. Mais... J'ai parlé à Théo, après. Il est venu me voir à l'hôtel de ville. Après ta sœur. Et il m'a dit... Il m'a dit que je devais me méfier de toi. Que tu allais me planter un poignard dans le dos à la première occasion. Qu'il t'avait entendu dire que tu adorerais me tuer. Ce genre de choses... » Je n'osais pas lui révéler tout ce que Théo m'avait dit, de peur qu'il ne devienne furieux. « Il m'a embrassée. » Je me mordillai les lèvres ; je craignais que Jessie commence à hurler, ou à me frapper. « Et moi, tellement stupide, tellement, tellement bête... Je l'ai cru. Je l'ai cru parce qu'il était facile de le croire, avec son beau sourire... Plus facile que de croire qu'il ne s'intéressait qu'à moi parce que j'allais participer aux Jeux. Plus facile que de me rappeler qu'il te détestait depuis toujours. Plus facile que de réfléchir, de penser au Jessie que je connaissais et de me dire que ce Jessie-là ne voudrait jamais me tuer. Notre amitié d'enfance, toutes ces années... Cela aurait dû compter. Cela aurait dû me persuader d'oublier notre dispute, d'oublier ces années où nous ne nous parlions plus pour redevenir ton amie. Tu as toujours été là pour moi, Jess. Toujours là pour m'aider. Et moi, moi... Je t'ai laissé tomber comme un chien alors que tu avais besoin de moi. Alors que je savais à quel point tu avais besoin de moi. Pire: alors que je savais à quel point moi, j'avais besoin de toi, à quel point mon ami me manquait. Comment ai-je pu oublier tout ça ? Comment ai-je pu croire que tu n'étais qu'un Carrière assoiffé de sang et de gloire comme les autres ? » J'étais terrifiée, terrifiée par mon propre comportement. Par ce que j'avais fait. « Je t'ai trahi. » Chuchotai-je. Trahi. Oui, je méritais bien le nom de monstre. Monstre...
'Un p'tit sou, deux p'tits fous...' Recommençai-je pour la cinquième fois. Papa n'était toujours pas là. Il commençait à faire froid. Soudain, je vis quelque chose... Au loin... Un bateau. Le bateau rouge de John Smith, le meilleur ami de mon père. Et juste à côté... Oui, c'était l'Hirondelle Gaie, avec papa ! Je me levai d'un bond et lui fis signe, même s'il ne pouvait pas encore me voir. Je plissai les yeux. Quelque chose n'allait pas. Les bateaux avançaient trop vite. Les hommes criaient et s'agitaient dans tous les sens. Alors, je la vis. La vague. Enorme. Plus haute que ma maison. Une vague géante, juste derrière les bateaux. Une vague qui arrivait en produisant un grondement sourd. « Papa ! » Hurlai-je. La vague s'abattit sur les bateaux, les souleva comme des jouets, les fracassa contre les rochers. Pétrifiée, j'attendais qu'elle vienne s'écraser sur la plage, qu'elle vienne me jeter en l'air comme elle l'avait fait avec les bateaux. J'entendis un juron derrière moi, et quelqu'un m'attrapa par le bras. Un Pacificateur. Je criai, je le mordis, mais il réussit quand même à me charger sur son dos avant de s'éloigner en courant de la plage. Je me tortillai et me retournai dans ses bras, et je vis comment... comment la vague, qui aurait dû frapper la plage avec une force inouïe, avait disparue. Il ne restait plus qu'une mer un peu plus tumultueuse que d'habitude... Mais plus de vague. Quelque chose bougeait encore, dans la mer... Un homme ? Un survivant ? Papa ? Il y eut un mouvement dans l'eau, et un bruit qui ressemblait à... un coup de feu ? L'homme cessa de nager. Le Pacificateur me déposa par terre. Je voulus m'enfuir, mais il me retint. « Qu'est-ce que tu as vu ? Qu'est-ce que tu as vu ?! » Demanda-t-il en me secouant. En sanglotant, je couinai : « Rien ! Rien ! » Il me pinça durement les bras et dit d'une voix menaçante : « Exactement. Rien. Tu n'as rien vu. Tu m'entends ? Rien ! » Je hochai la tête en reniflant. « Rien. » Chuchotai-je, vaincue.
« Tu… Tu as raison. Je mérite de souffrir. Je suis un monstre. Je n'ai pas d'âme. J'ai gâché ta vie. Je... Tu sais qu'est-ce que c'est, le pire ? C'est que je ne parviens pas à être désolée. Jamais. Je fais des cauchemars horribles, je me réveille en hurlant... Mais dans mes souvenirs, quand j'étais dans l'arène, j'étais juste soulagée, presque heureuse, d'être en vie. Je suis tellement égoïste... » Confessai-je à mi-voix. Paniquée. Jess, sauve-moi! Il était le seul à pouvoir y arriver. Le seul à pouvoir m'aider. Le seul... Mais il ne voulait plus de moi. Il me détestait. Mes mains tremblaient. « Mais comment tu peux dire ça… tu n’as donc pas d’âme ? Pas d’esprit ? T’as tué des gens ! Pas seulement moi, Zoé, d’autres gens, comme toi, des gens qui voulaient survivre, putain… et le pire dans tout ça, c’est que t’es morte toi aussi, tu pourrais comprendre, essayer d’éprouver de la compassion… t’es vraiment complètement à côté de la plaque. » Je lâchai un couinement de souris. Désespérée. Il ne pouvait pas, il ne pouvait pas... Je me retournai pour ne plus le voir, je m'appuyai contre une pile de cartons pour ne pas tomber, je me bouchai les oreilles... Mais sa voix résonnait encore dans ma tête. Eprouver de la compassion... Je haletais. Tu pourrais comprendre.... Non, je ne voulais pas... Tu n'as donc pas d'âme... Je craquai. « Oui ! » Rugis-je. « Oui, oui, oui ! Je regrette, je regrette, je regrette ! Je regrette tout ! » J'étais au bord de la crise d'hystérie. Jessie avait ouvert une brèche en moi, une brèche que je ne parvenais plus à refermer. « Je regrette chaque blessure, chaque mort, chaque goutte de sang ! Je regrette chaque parole que j'ai prononcée pour te blesser, chaque horreur que je t'ai balancée à la tête ! Je regrette de t'avoir trahi ! Je regrette tout ! » Ma voix se brisa. « Tu es content maintenant ? » Murmurai-je, effondrée. « C'était la seule chose qui me restait. Cette petite comédie. Faire semblant de ne pas être désolée pour ne pas finir rongée par les remords. Pour ne pas devenir folle. Tu es content de m'avoir pris ça aussi, Jessie ? » Un soupir m'échappa. Chaque battement de cœur était douloureux. Chaque respiration était accompagnée d'une image, d'un souvenir. Un garçon baignant dans son sang. Jessie dans l'arène. Jessie le jour où j'avais découvert qu'il était un Carrière. Cette fille, avec mon couteau planté dans son ventre... Non, non, je voulais que ça cesse ! Bannir tous ces remords, tous ces regrets ! Oublier, tout simplement... « Je regrette. » Ma gorge était douloureuse. « Mais dois-je aussi m'excuser pour ce que je suis ? Ou parce que je ne suis pas la créature merveilleuse que tu avais imaginé ? Parce que je ne corresponds pas à l’idée que tu avais de moi, de la gentille petite Zoé, la grande naïve ? Parce que celle que tu aimais n'était qu'un rêve, un rêve que j'ai brisé ?» Je me retournai vers lui, infiniment lasse. « Je suis qui je suis, Jess. Je suis cette fille qui aime la mer, qui adore chanter et qui a une peur bleue des poules. Je suis cette fille qui est née au district 4, qui rit souvent, qui cherche des coquillages sur la plage. Je suis cette fille qui travaille nuit et jour pour nourrir sa famille et qui ferait tout pour protéger ceux qu'elle aime. Je suis cette fille joyeuse, qui aime la vie, cette optimiste qui aide toujours les autres. Tout ça, c'est toujours moi. » Chuchotai-je, comme si je parlais à moi-même. « Mais je suis aussi cette fille marquée par la mort de son père, cette fille qui a dû lutter pour survivre. Je suis aussi cette fille qui s'est retrouvée dans l'arène. Cette fille qui a dû choisir entre tuer ou être tuée. Cette fille qui t'a fait tant de mal. Cette fille brisée, qui vit au district 13, loin de la lumière du soleil qu'elle aime tant. » J'écartai les bras. « C'est moi. Je ne peux pas l'effacer. Dire que je regrette ne changera rien. Pourtant, je regrette. Dieu sait si je regrette. » Terminai-je avec un petit sourire triste.
Triste... Oh, j'étais tellement triste. Furieuse, aussi. Furieuse parce que je n'avais rien dit à maman. Furieuse parce que je ne lui avais pas révélé que cette vague, cette vague qui avait tué mon père, était artificielle. Comme dans l'arène. Un piège du Capitole. Furieuse parce que je n'avais pas dit que le seul survivant avait été abattu par un Pacificateur. Furieuse... Oui, je me détestais. Je détestais ce Pacificateur. Debout devant le cercueil de mon père, je ne pleurais pas. C'était mon tour de lui dire adieu. Mon papa. Mon papa qui me prenait dans ses bras, qui m'aidait à construire des châteaux de sable, qui me donnait toujours les meilleurs poissons. Mon papa qui m'avait appris à pêcher. Mon papa rebelle. Mon papa qui chantait horriblement faux. Mon papa à moi, ils me l'avaient enlevé. Je voyais son corps, mais il n'était plus là. Il ne répondait plus quand je lui parlais. Ses yeux étaient fermés. J'enlevai mon collier, ce simple collier de corde avec un joli coquillage au bout, et le glissai entre ses mains, sous le bouquet de fleurs. Il était froid. Tellement froid. « Papa... » Je lui souris. « J'espère que tu es heureux au paradis. Tu le mérites. Tu veilleras toujours sur moi, hein ? » Je clignai des yeux pour chasser mes larmes. Il fallait que je sois forte. Forte comme papa. Forte assez pour devenir une rebelle comme lui, pour punir les Pacificateurs qui avaient déclenché la vague. « Peut-être qu'il y a des kangourous là-bas. Ils pourront te consoler si tu es triste. Je t'aime papa. Tu... Tu me manques. » Je caressai une dernière fois sa joue froide avant de m'écarter.
Je secouai la tête, comme pour chasser ce souvenir. Tu es dans le présent, Zoé. Maintenant. Tu n'as plus six ans. Ton père est mort depuis longtemps. Je regardai Jessie. Jessie qui me disait que... Qu'il me détestait. Il. Me. Détestait. Je le fixais, incapable de comprendre. Je ne voulais pas comprendre. Il m'avait toujours adorée, vénérée, presque... Et maintenant... Si même lui me détestait... J'étais perdue. Perdue. Désespérée. Triste. Non, pire que triste. Misérable. Rejetée. Blessée. Et aussi...Oui, aussi furieuse. Je m'entendis parler, hurler même, mais lorsque j'eus fini, je ne me souvenais pas de mes paroles... Mais je savais qu'elles avaient profondément blessé Jessie. Pourtant, lorsqu'il prit la parole, sa voix était froide. « Pendant que tu me tuais, Zoé, tu repensais à tous ces bons moments qu’on a passé ensemble… pendant que tu me plantais ton poignard en plein cœur, tu songeais à tous ces beaux jours, alors ? Moi tu sais, la seule chose à laquelle j’étais capable de penser, c’était « non, ça doit être un rêve. Pas Zoé. Pas elle, elle m’avait pourtant pardonné ? Je suis en plein cauchemar, comment la fille que j’aime peut vouloir ma mort ? » voilà, Zoé. Encore une différence entre ce monstre et moi. » Ce monstre. Pas Zoé, ni même Erinys. Ce monstre. Moi. Je sus alors que je l'avais perdu, perdu à tout jamais. Et c'était ma faute, ma faute, ma faute... « Oui. » Soufflai-je. « Oui, j'ai pensé à toi. A notre amitié. J'y ai pensé, mais il était déjà trop tard. Trop tard pour te sauver. » Ma voix s'éteignit, et je regardai le mur sans le voir. « J’ai pensé à toi en agonisant. Pendant que je me vidais de mon sang. Tu veux savoir ce que je me suis dit ? Tu veux vraiment le savoir ? » Je reportai mon regard sur Jessie. Plus de mensonges, maintenant. Plus de comédie. De toute façon, tout était perdu. « J'ai pensé que toi, tu aurais dû gagner les Jeux. Parce que tu le méritais. Parce que tu es toujours resté... bon. Intègre. Jusqu'à la fin. Parce que tu as toujours été le meilleur de nous deux, même si tu refusais de l'avouer. C'est moi, la méchante de l'histoire. » Je souris. « Mais toi... Tu méritais de vivre. De retourner au district 4. De t'amuser, de nager dans la mer. De fonder une famille, un jour. » Murmurai-je gentiment. « Pendant que j'agonisais... J'ai songé que j'avais été heureuse dans ma courte vie. Que j'avais eu la chance de te connaître, et que je regrettais de ne pas te connaître mieux. Et je me suis dit... J'ai espéré... Que j'allais atterrir au paradis, malgré ce que j'avais fait. Qu'on pourrait me pardonner mes erreurs. J'ai espéré que je te retrouverais, là-haut. Que je te reverrai, que je pourrai m'excuser et que ce serait comme avant... Juste nous deux. Et c'est ça qui m'a donné le courage de lâcher prise. » Je fermai les yeux, autant pour ne plus voir Jessie que pour retenir mes larmes. J'avais parlé... Comme avant. Comme Zoé. Comme si elle vivait encore en moi, comme si cette petite flamme en moi ne s'était pas encore éteinte. Cette petite flamme qui s'était allumée un triste jour d'automne, un jour d'enterrement...
Je me retournai pour reprendre ma place auprès de ma famille, lorsque quelqu'un attira mon regard. Un petit garçon, qui devait avoir à peu près le même âge que moi. Il était plus grand que moi, et il me fixait intensément de ses beaux yeux sombres. A côté de lui se trouvait une fille très pâle aux mêmes cheveux bruns, sans doute sa sœur. Je ne les connaissais pas. Je les avais sans doute déjà aperçus de loin, mais jamais vraiment remarqués. Pourtant, ce jour-là, ils attirèrent mon regard. Surtout le garçon. Je lui souris, et après une seconde d'hésitation, il sourit aussi. Il me ressemblait : maigre, avec de vieux vêtements, mais avec une étincelle de défi dans le regard. Le genre de regard qui disait : 'Je suis un survivant, je ne me laisserai pas faire'. Je sentais que nous allions bien nous entendre.
Un autre jour. Un autre endroit. Mais toujours ces mêmes yeux sombres qui me fixaient, cette fois avec toute la haine du monde. « ...Tu m’épuises, je n’ai plus envie de penser à toi, de me battre pour que tu sortes de ma tête, moi aussi je rêve de toi ! Mais pas seulement depuis que tu m’as poignardé comme un chien Zoé ! Je rêve de toi depuis toujours, parce que t’étais ma putain de meilleure amie ! T’était la seule que j’avais même, et si seulement… tu savais… comme ces deux années sans toi ont étés longues et douloureuses…. T’avais pas le droit de me faire croire en cette alliance, tu m’as utilisé comme un vulgaire appât ! T’avais tout prévu depuis le début n’est-ce pas ? Au fond… t’avais prévu de m’éliminer dès que tu m’as vu grimper sur l’estrade… je t’ai fait confiance… je te faisais confiance… » Chaque parole était un poignard acéré planté dans mon cœur. Une écharde sous ma peau. Une épine dans mon pied. Chaque parole me meurtrissait, me tuait. Et le pire, c'était qu'il avait raison. J'étais mauvaise. Une criminelle. « Et moi, Jessie ? Mes rêves ? A quoi penses-tu qu’ils ressemblent, les rêves de la petite psychopathe ? Crois-tu que je rêve de la façon dont je t’ai tué ? De sang, de violence, de mort ? Non, Jess. Moi aussi je rêve de toi. Je rêve d’une petite fille et d’un garçon qui marchent main dans la main sur la plage du district 4. Je rêve que la fille, au lieu de laisser tomber le garçon, lui tend la main. Je rêve qu’ils courent ensemble sur le sable chaud. Qu’ils grandissent. Et que la fille finit par comprendre que l’amitié… que l’amour de ce garçon est la chose la plus précieuse au monde. Dans mes rêves, Jessie, elle ne jette pas tout aux orties comme une idiote. » J'avais de plus en plus de mal à retenir mes larmes. Je cachai mon visage derrière mes cheveux, pour ne pas lui montrer à quel point j'étais bouleversée, à quel point il me troublait. Finalement, je ne réussis plus à me retenir. Je m'approchai de lui et lui pris les mains, tout doucement. Il ne bougeait pas. Je les posai autour de mon cou et lui demandai, non, lui suppliai de me tuer. De m'achever. Je voulais mourir les yeux dans les yeux avec cet homme que j'avais trahi. Je voulais mourir les yeux dans les yeux avec cet homme qui m'avait aimé. Il était le seul à pouvoir le faire. Le seul à pouvoir me donner le courage de partir de ce monde. Je mettais ma vie entre ses mains. Je me fichais de ce qui allait m'arriver, car je savais qu'il ferait le bon choix, comme toujours. Oui, quelques minutes plus tôt, je m'étais débattue pour échapper à la mort... Mais j'étais à présent convaincue que je devais mourir. Rien d'autre ne pourrait réparer les dégâts que j'avais causés. Rien d'autre ne pourrait m'empêcher de faire encore du mal à Jessie. Rien d'autre ne pourrait me délivrer de cette souffrance, cette souffrance atroce et ces souvenirs...Ces souvenirs... En regardant Jessie, je me souvins de tant de moments passés ensemble, tant de bons moments... Je le lui dis, et il sourit. « Soit pas bête Zoé… Tu l’as assez été pour le reste de ta vie. Tous ces souvenirs n’effaceront jamais ceux des trois dernières années. Trop de choses se sont passées pour qu’on puisse tout effacer. » Je m'approchai encore un tout petit peu plus de lui. « Mais les souvenirs de ces dernières années peuvent-ils effacer ce qui s'est passé avant ? Peuvent-ils annihiler toutes ces fois où nous étions heureux, ensemble ? Tous les éclats de rires, tous les moments de joie? Ces souvenirs peuvent-ils effacer Jessie et Zoé ? Peuvent-ils effacer qui nous étions, qui nous sommes ? » Dis-je avec douceur. Je secouai la tête. C'était impossible. Impossible, parce qu'ils étaient gravés en moi, en lui. « Je ne crois pas. Parce qu'ils sont là, et que rien ni personne ne peut te les enlever. » Je posai une main sur sa poitrine, où je sentais les battements de son cœur, et souris. J'étais proche de lui, plus proche que jamais. J'avais l'impression que des fils invisibles nous reliaient. Je ne pouvais pas lui échapper, et il ne pouvait pas m'éviter. Nous étions... liés. Pour toujours. Par notre amitié autant que par notre haine. « Parce que là, rien que là, il y a encore un Jessie heureux. Mon Jess. Et ça, tu ne peux pas l'oublier. Je ne peux pas l'oublier. »
Je n'arrivais pas à oublier ce garçon. Je l'apercevais de temps en temps, à l'école, mais je n'osais pas lui parler. Alors, j'attendais. J'attendais patiemment parce que je savais qu'un jour, il finirait par venir vers moi. Un jour, j'allais découvrir son nom et celui de sa sœur. Un jour, j'allais connaître ses passions et ses peurs, ses forces et ses faiblesses. Ce jour n'était pas encore venu. Pas encore.
Il enleva ses mains de mon cou. Me laissait-il partir ? Comme ça ? Non, non, non ! Je ne voulais pas partir ! Je ne voulais pas le quitter, alors que je venais à peine de le retrouver. Même s'il devait encore me faire du mal avec ses paroles. Même s'il devait me blesser cent fois, mille fois. Je m'en fichais. Jessie, c'était le seul lien qu'il me restait avec mon passé. Le seul qui ne me regardait pas comme une bête étrange, parce que lui aussi avait connu l'horreur de l'arène. Le seul qui... Non, je ne voulais pas qu'il parte ! Je me jetai dans ses bras. Je m'accrochais à son cou, comme un petit singe, avec l'énergie du désespoir. Mon visage était enfoui dans son cou. Il se raidit. Alors, les larmes que j'avais accumulées depuis tellement, tellement longtemps, sortirent enfin. Je sanglotai contre lui, et après quelques instants, je sentis qu'il se détendit. Il ne me chassa pas, et cela provoqua une telle gratitude chez moi que je pleurai encore plus fort. Sans lui, je ne tenais plus debout. Mes jambes tremblaient. J'étais au bord du gouffre, et seul Jessie m'aidait à ne pas sombrer. Il sentait bon. Malgré tout ce que nous avions traversé, son odeur restait la même. Comme au district 4. Comme avant. Je m'agrippai à son T-shirt. Mes larmes mouillaient son cou. Oh Jess... Ne me lâche pas. Dis-moi que tu me pardonnes. Ne me quitte pas. Sans toi, je n'ai plus rien. Songeai-je confusément. Il n'entendit pas mes prières mentales. Il me lâcha. Il me repoussa froidement et ôta mes bras de son cou. Son regard était de pierre. Il allait me quitter. Le sentiment de rejet que je ressentis alors était tellement violent que je chancelai comme s'il m'avait frappé. Je reculai d'un pas. Il ne pouvait pas partir. Il ne pouvait pas... Mais il allait le faire. Il ne me faisait plus confiance. Non ! J'étais perdue ! S'il ne m'aidait pas à retrouver le chemin, j'étais condamnée à errer à tout jamais parmi les ombres de mon passé. Il fallait que je fasse quelque chose... avant qu'il parte. Je me jetai en avant et l'attirai à moi en agrippant le col de son T-shirt. Son visage était à quelques centimètres à peine du mien. « Choisis, Jess ! » Lançai-je, haletante, sur un ton de défi, tandis que je sentais la petite flamme de l'ancienne Zoé rejaillir en moi. « Peu de gens peuvent choisir ce qu'ils font de leur vie. Peu de gens ont le droit de vie ou de mort sur les autres. Mais toi, tu peux faire ce choix !» Je le fixai intensément, le regard brûlant. « Tu peux choisir de partir maintenant. Je ne te chercherai pas. Je t'éviterai. Tu ne me reverras pas. Tu peux choisir de partir, et cela signifie la mort pour moi, mais la vie pour toi. Sans doute seras-tu heureux. » Murmurai-je gravement. Je pris une profonde inspiration avant de poursuivre : « Ou tu peux choisir de rester. Je ne te demande pas de me pardonner, car je sais que ce que j'ai fait est impardonnable. Si tu restes, Jess, je jure que je ne te laisserai plus jamais tomber. Plus jamais. Je préfèrerais retourner cent fois dans l'arène que de perdre à nouveau ta confiance. Si tu restes, tu me rends la vie. » Je risquais tout. Je risquais qu'il parte à tout jamais. Mais tôt ou tard, il devrait faire ce choix. Pourquoi pas maintenant ? « Je veux savoir où j'en suis. Je veux savoir où nous en sommes. » Je serrai plus fort encore son T-shirt. « Dis-moi que tu me quittes. Jure-moi que notre ancienne amitié, que tous ces moments heureux passés ensemble, que toute ma bonne volonté d'aujourd'hui n'y changent rien. Que tu as oublié comme nous étions bien ensemble. Que tu ne te souviens plus de la petite Zoé, de la fille qui t'a soigné, de la fille qui était ta meilleure amie. Que tu crois que je n'ai plus de cœur. » Grondai-je. « Dis-le-moi ! Dis-le-moi et pars, ou reste, reste, reste ! » Je relâchai légèrement la pression sur son T-shirt, sans cesser de le fixer, le regard flamboyant. « Reste... » Murmurai-je comme en écho à mes paroles précédentes. Je voulais qu'il reste. Je le voulais de toutes mes forces, de toute mon âme... Mais je ne pouvais pas le retenir contre son gré. Je ne voulais plus le blesser.
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Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Jeu 16 Aoû - 0:48
Un cri déchirant s’échappa de moi-même. J’étais enragé, terrifié, énervé comme un ours sauvage. Mon instinct animal devenait de plus en plus invivable, et si j’avais eu des griffes aiguisées à cet instant précis, je ne me serai pas gêné pour les utiliser contre elle. ELLE. Zoé, responsable de tous mes ennuis. Mon ventre se tordit de rage au moment où je lui avouai qu’elle avait été mon unique amour depuis toutes ses années. C’était certainement le pire moment au monde pour lui apprendre la vérité, mais mes paroles sortaient naturellement, sans que j’ai à me forcer. J’avais réellement envie de lui dire tout le fond de ma pensée, quitte à la blesser, et quitte à me blesser au passage. Elle était là devant moi, grande et belle comme toujours, forte, sensible, et ses yeux toujours aussi beaux qu’avant brillaient encore de cette lueur inexplicable qui m’attirait comme un aimant à l’époque où nous étions voisins. La dernière fois que j’avais vu Zoé, elle était puissante et abusive, pleine de sang, elle avait de la terre au bout des ongles et le regard mort. Offensive, exigeante, dominatrice. Elle m’avait maitrisée jusqu’à la fin, et depuis toujours. « JE T’AIMAIS ESPECE DE GARCE » hurlai-je encore. Je voulais cracher sur elle, lui tordre le cou, la battre avec une massue, lui arracher les cheveux. J’étais bien plus qu’en colère. J’étais déchainé, écœuré, et je ne savais pas ce qui m’empêchait encore de mettre à exécution toutes mes menaces meurtrières. Elle était enfin là, devant moi, sanglotant et gémissant, je n’avais qu’à serrer… je n’avais qu’à presser mes doigts contre sa gorge… c’est tout ce qu’il fallait… je pouvais le faire, elle était là, j’étais prêt, j’attendais ce moment depuis tellement longtemps…
Je tournai mon regard à nouveau vers elle. Je n’osai presque plus la regarder, mais là, j’avais besoin de croiser ses yeux, de la défier, de l’obliger à me voir, à me comprendre, à me ressentir. Autant que j’avais besoin de lire en elle. Son visage passa du désespoir à l’incompréhension totale. Zoé avait toujours sur que je l’aimais ! Pourquoi est-ce qu’elle semblait maintenant choquée par mes paroles ? Je n’étais rien pour elle, je le savais tellement bien. Elle essayait de me faire croire l’inverse, l’écouter me torturait encore… elle m’avait fait trop de mal pour que je puisse un jour la pardonner. ne soit pas bête Jessie… part… part avant qu’elle ne t’écrase encore comme une mouche… part, tant qu’il est encore temps. D’un mouvement de tête brusque, je fis taire les voix dans ma tête. J’étais assez troublé et torturé pour en plus avoir à faire à ma conscience débile. Je l’avais toujours écouté, et j’avais toujours fait les mauvais choix. Faire confiance à Zoé par exemple… la prochaine fois, je ferai mieux de suivre simplement mon instinct. « Je savais que tu... » Mon cœur effectua un bond de géant dans ma poitrine. Que tu quoi, Zoé ? Dit le, ce mot.. dit le. Dit la suite. Elle était trop faible, comme toujours. Elle esquiva, et continua. Mais de toute façon, je savais ce qu’elle avait voulu dire. Elle savait depuis la mort de son père que je l’aimais comme un fou. « Mais j'étais... bête, à l'époque, comme tu le dis. Je ne connaissais rien à... l'amour. Des amourettes d'enfant, c'était tout ce que je connaissais. On s'aime, et on se quitte la semaine d'après. On fait semblant de se marier sur la plage. On s'offre des coquillages en gage d'amour. Jusqu'à ce que je rencontre Théo. » Théo… J’avais toujours su au fond que ma Zoé était naïve. Et elle trouvait le moyen d’en rire. Un déchirement au cœur me blessa une nouvelle fois. Comment pouvait-elle dire ça devant moi ? Comment pouvait-elle me parler de cette ordure alors que j’étais juste là, en face d’elle, criant ma peine ? Je n’étais pas une amourette d’enfant, je refusais de l’être. « Une vraie tête brûlée. Un charmeur. Un petit con arrogant. Un opportuniste. » « Un enfoiré de première classe. » éclatai-je entre mes dents, au souvenir du petit garçon qu’était Théo. Lui et moi, nous ne nous étions jamais aimé. J’avais remarqué dès les premiers jours les regards que lui lançait Zoé, et j’avais compris qu’il ne deviendrai jamais mon amis. Surtout pas avec ce caractère de merde qu’il avait. Elle continua. « Mais moi, je ne voyais que ce que je voulais voir : qu'il était beau, et plutôt riche, et intelligent. Qu'il s'intéressait à beaucoup de filles, mais pas à moi. Cela m'intriguait. Cela me fascinait. Et j'ai cru... J'ai naïvement cru que c'était ça, l'amour. Je me persuadais qu'il m'aimait aussi, mais qu'il n'osait pas l'avouer. Dans mes pensées, j'ai créé une histoire d'amour qui n'a jamais existé. Le beau fils de vainqueur riche et la pauvre petite pêcheuse. Cela sonne bien, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, j'ai compris. » Non… non non non non ! ça ne sonnait définitivement pas bien. C’était faux et totalement impossible. Un regard noir s’abattit sur elle. Mais elle ne le vit pas, car elle était encore plongée dans ses souvenirs, le regard vague et triste. Je la connaissais assez pour savoir que parmi ses souvenirs, le plus douloureux était celui de la mort de son père. Moi aussi, malgré le fait qu’il n’était que notre voisin, je vivais cette vague comme un cauchemar de plus en plus étouffant.
Nous étions alors âgés de treize ans, elle et moi. Zoé, assise sur un énorme rocher près de la mer, observait Sagitta sans faire de bruit. Sagitta, ma douce et délicate petite sœur… la survivante, la combattante. J’étais tellement fier d’elle. Avec tout ce que nous avions traversé dans la famille… elle tenait encore debout, courageuse, elle était si forte. Perdre notre mère et notre grande sœur n’avait pas été une épreuve facile. En fait, c’était même la pire chose que nous ayons dû affronter, parce que maintenant qu’elles étaient parties, papa aussi devenait fou. Moi aussi je devenais fou. J’étais triste, tellement triste, et tout ce qui me donnait encore la force de me battre… c’étaient-elles. Sagitta et Zoé. Ma petite sœur, et la femme que j’épouserai un jour. Caché derrière mon buisson, je les observai sans faire de bruit. Je mourrais d’envie d’aller les retrouver et passer la journée sur la plage avec elles, mais elles s’étaient décrété « meilleures amies » et depuis quelque temps, je n’avais plus vraiment le droit de jouer avec elles. Ou du moins, séparément. Elles aimaient mieux trainer ensemble, sans garçons.
Cependant. Je n’étais pas franchement discret. Sagitta me remarqua la première, et avec un sourire m’invita tout de même à les rejoindre. Zoé sourit elle aussi à me venue, et je fus soulagé qu’elles m’acceptent sans faire de chichis ce jour-là. Malgré mon contentement d’être auprès d’elle, je pouvais sentir que quelque chose n’allait pas vraiment. Les deux filles avaient les joues rouges, les yeux éteints, ce qui ne leur ressemblait absolument pas. C’est là, que Zoé m’a avoué à moi aussi que son père n’était pas mort dans un accident, mais bien dans un attentat criminel. Il faisait partie des rebelles. Papa Chase aussi. Ce qui voulait dire que notre mère n’avait pas disparu accidentellement non plus.
Je décidai de lui dire tout ce que j’avais sur le cœur, tout ce que je retenais depuis bien trop longtemps, même si pour ça je devais la blesser. Elle le méritait de toute façon, elle méritait de souffrir autant que j’avais souffert. Plus même, parce que sinon, la vengeance n’était pas belle. « […] J’avais besoin que tu sois de mon côté ! » La rage faisait brûler mes sens. Mes yeux me piquaient, j’avais l’impression d’avoir de la fumée dans la gorge, et mes oreilles sifflaient. « Dans l'arène, je... Je ne voulais pas... Je ne t'ai jamais pardonné. Je ne t'ai jamais pardonné... Parce qu'il n'y avait rien, absolument rien à pardonner, Jessie. Rien ! » Elle me mettait en colère, terriblement en colère. Elle essayait encore de trouver des excuses pour se justifier, pour passer pour une victime et s’aplatir, pour que j’aie pitié d’elle et que je la pardonne sans rien dire. « Depuis le début, tout est... de ma faute. J'aurais dû comprendre... Non, je comprenais, mais je refusais de l'admettre. Je refusais de m'avouer à quel point tu me manquais. » Mensonge, mensonge, ne la crois pas Jessie…elle ne veut que ton mal et te pourrir la vie jusqu’au bout. « Sais-tu combien de fois j'ai pleuré dans mon lit, Jessie, honteusement, la tête dans l'oreiller, à cause de toi ? Sais-tu que je demandais de tes nouvelles à Sagitta, que je l'accompagnais à la maison rien que pour t'apercevoir de loin ? » Quoi ? C’était insensé. Ces deux dernières années avaient été lamentables, désastreuses. J’avais perdu tout ce que j’aimais, et j’avais été obligée de la menacer pour qu’elle ne parle pas de mon entrainement au sein des carrières à ma petite sœur. Se pouvait-il qu’elle dise la vérité et que je l’ai réellement manqué ? Je n’y croyais pas trop. Une part de moi avant envie de lui sauter dessus pour la supplier de me pardonner, mais l’autre part, la raisonnable, me hurlait de m’enfuir avant qu’elle ne gâche tout une fois de plus. « Mais... j'étais...trop fière pour te parler. Quand ton nom a été tiré au sort après le mien, j'avais l'impression de vivre dans un cauchemar... Mais j'étais aussi soulagée. Soulagée parce que je savais que tu allais me protéger. Parce que je savais que tu serais mon allié. » C’en était trop. Encore ces paroles, toujours les mêmes ! Tu es mon allié Jessie… mon allié, pff. Elle m’avait déjà promis ça auparavant, je l’avais cru, je n’allais pas refaire la même erreur deux fois. Pourquoi me disait-elle ça encore ? N’avait-elle donc pas compris qu’elle n’arriverait plus à me faire changer d’avis maintenant ? Je n’arrivais pas à comprendre sa logique. Pourquoi… pourquoi essayait-elle encore de m’amadouer avec ses grands mots. Je baissai les yeux au sol, incapable de la regarder plus longtemps. Et sans réellement se soucier de mes gestes, elle continua, avec une voix plus étranglée, moins sûre d’elle, presque honteuse. « Mais... J'ai parlé à Théo, après. Il est venu me voir à l'hôtel de ville. Après ta sœur. Et il m'a dit... Il m'a dit que je devais me méfier de toi. Que tu allais me planter un poignard dans le dos à la première occasion. Qu'il t'avait entendu dire que tu adorerais me tuer. Ce genre de choses... » Ce crétin fini. Je n’arrivais pas à croire ce qu’elle me disait. Je ne pouvais pas le croire ! Elle n’était tout de même pas assez bête et aveugle au point de croire un inconnu, simplement pour sa jolie tête et son corps de rêve ! Intérieurement, je jurai, et je me fis la promesse qu’un jour, si je devais recroiser cet abrutit de Théo, j’en ferai de la chair à pâté. Je voyais bien qu’elle me cachait quelque chose depuis tout ce temps… pourquoi ne s’était-elle pas simplement expliquée avec moi avant l’arène ?
Flashback 17 ans. « Bon, Chase tu ramènes tes fesses ou quoi ? T’attends le Messie ? Dolce-Rocksane Anderson était la perfection incarnée. Elle représentait tout ce que je croyais aimer chez une fille, et pourtant, elle n’avait jamais réussi à me faire oublier ma Zoé. Depuis le froid qui s’était installé entre elle et moi, j’avais dû me trouver de nouveaux amis, et Dolce était la meilleure que j’avais. Elle au moins, me comprenait. Elle se rendait bien compte qu’être carrière était bien plus censé que d’attendre patiemment son tour sans subir aucun entrainement, et risquer de crever en moins de trois minutes dans l’arène. Elle était marrante et sympa, qui plus est. Si je n’avais pas rencontré Zoé avant, j’aurai facilement pu tomber amoureux d’elle… Si seulement. Je détachai mon regard de Théo, qui s’amusait encore à draguer une fille près de la plage. Je voulais juste vérifier, que cette fois, ce n’était pas Zoé qu’il avait pris dans ses filets… « J’arrive blondasse, allons planter quelques couteaux. » Un sourire sadique et pervers étira les lèvres de Dolce, comme à chaque fois qu’on parlait de sang ou de sexe. Cette fille était une obsédée. Et elle commençait sérieusement à me pervertir de jours en jours. Elle était vraiment celle qui faisait passer l’entrainement pour une rigolade, même si c’était dur à vivre depuis que Zoé avait découvert mon petit secret et qu’elle avait décidé de m’ignorer totalement. « Je rêve ou t’étais en train d’admirer mister muscles ? Dolce explosa de rire en voyant mon air renfrogné. Elle était aussi le genre de fille à se foutre de la gueule des autres, et ça c’était beaucoup moins marrant. Sauf quand ça ne me touchait pas, bien sûr. « La ferme, Anderson. » Comment lui dire qu’il représentait tout ce que je détestais le plus au monde ? Avec ses airs arrogants et sa tête de snob.
Le jour suivant.Ding dong. La sonnette de la porte d’entrée résonna avec force dans notre minuscule maison. « On va tous à la mer, tu veux venir ? » Pas de bonjour, pas de ça va. Elle était assez directe, comme fille aussi, cette Dolce. J’acquiesçai doucement. De toute façon, il n’y avait pas d’entrainement aujourd’hui, et pas d’école non plus. Une journée sur la plage ne pouvait pas me faire trop de mal ! Mais... je me demandais de qui elle parlait quand elle disait « tous ». Hormis Dolce, et certains autres carrières, je n’avais pas beaucoup d’amis. Je décidai de la suivre sans rien dire. La plage n’était pas loin de toute façon, si je m’ennuyais, je pourrais toujours rentrer rapidement chez moi. […] à ma grande surprise, « on va tous à la mer » voulait vraiment dire « on va tous à la mer. » Genre, tous les jeunes de ma classe c’étaient passé le mot, il y avait même des plus jeunes et des plus vieux, et ….ôh malheur, Zoé. Et ôh pire encore, Théo. La présence des deux ne me gênait pas réellement, tant qu’ils ne m’approchaient pas, mais les voir ensemble me rendait tout de même assez mal. Je me doutais bien qu’elle aussi avait des vues sur lui. Je le savais bien, parce que lorsqu’on était encore amis, elle me bassinait sans arrêt avec son théo, théo, théo par ci, théo par là… si bien qu’une jalousie grandissante était née en moi. C’était ma Zoé. Elle n’avait pas le droit de regarder quelqu’un d’autre, personne n’avait le droit de l’approcher de cette manière. Je voyais bien qu’ils flirtaient ensemble. Théo passa sa main dans les cheveux de mon ancienne amie, et à ce moment, j’étais tellement crispé que Dolce remarqua ce qu’il se passait. En plus d’être belle et d’avoir un caractère intéressant, Anderson était une personne très intelligente. Elle comprenait souvent bien avant moi ce qu’il arrivait, et c’était souvent elle qui me sortait des pétrins, quand on allait pêcher où batifoler dans les baies. Le truc, c’est qu’on était vraiment amis. Pas amoureux, rien. Juste amis… avec plus si affinités. Et en quelque sorte, c’était grâce à elle si j’arrivais à oublier la trahison de Zoé. Dolce intercepta mon regard et cria d’une voix forte et assurée ; « Hé ! Théo, viens par là ! » Quoi ? Quoi qu’est-ce qu’elle faisait ? non ! non, non Théo, ne vient pas ; pensai-je. Mais je compris plus ou moins sa technique. Elle faisait ça pour m’aider ; elle avait tout compris. Le brun que tout le monde admirait lâcha la chevelure de ma belle pour nous rejoindre. Zoé sembla triste au début, puis sont éternel sourire retrouva le chemin de ses lèvres et elle rejoignit d’autres de ses copines au bord de la mer. Théo, lui, venait bel et bien vers nous. « Qu’est-ce que tu fous avec cette nulle de Zoé, théo ? » lui dit-elle en me jetant un regard complice. Encore une fois, je ne comprenais pas du tout où elle voulait en venir. Je croyais qu’elle aimait bien Zoé. « Ne dit pas ça devant ton petit ami Dolce, je crois qu’il aime bien la petite Zoé lui » Connard ! Non mais quel connard, j’avais envie de le frapper à mort, mais je ne pouvais pas faire ça, du moins pas là, pas maintenant. Dolce n’était même pas ma petite copine. Du moins, pas réellement. « Zoé ? Tu penses qu’elle m’intéresse ? Une fille aussi faible et naïve, on dirait que tu me connais mal Théo. Les blondes, j’aime ça, mais plus dans le genre de Dolce tu vois ? Elle ferait une adversaire redoutable dans l’arène, contrairement à cette niaise de Williams qu’on égorgerait sans pitié. Va donc la rejoindre toi si ça t’amuses. »
Ce crétin avait osé dire à Zoé que j’aurai voulu la tuer…. Il avait totalement déformé mes paroles, et rien ne me mettait plus en rogne que ça. « Mais tu es stupide ou quoi ? Bien sûr que j’ai craché sur ton nom avec plus de rage que j’aurai eu pour n’importe qui ! J’étais en colère, blessé, trahi, tu n’imagines même pas à quel point c’était dur pour moi, de vivre en permanence avec cette impression malsaine. J’ai tout gâché Zoé ! J’ai tout gâché en rejoignant les carrières, mais je ne regrette pas. Si toi… si seulement tu avais au moins pu comprendre pourquoi, pourquoi je faisais tout ça. Ce n’était pas pour la gloire et la richesse Zo, tu le sais bien… Si j’étais là à me battre avec les autres, c’était pour apporter un peu d’espoir dans ma famille à moitié morte, pour sauver les miens, pour espérer vivre un peu mieux que ça ! Tu comprends ? Tu n’as jamais rien compris… évidement… je t’ai tellement détesté, je te détestais à un tel point que c’en devenait insupportable. Et tu sais ce qu’on dit ? Que parfois, la véritable passion c’est d’haïr plutôt que d’aimer ? Je t’ai tellement détesté que je t’aimais d’avantage chaque jour… Alors oui, j’ai dit des choses horribles, j’ai dit que je voulais te tuer, que je ne t’avais jamais aimé et que tu n’étais qu’une peste arrogante sans cervelle, mais la seule personne que j’essayais de convaincre, Zo, c’était moi… » Des larmes chaudes me brulaient les yeux, mais je me refusais de les laisser sortir. J’étais déjà trop faible et misérable pour ne le paraitre encore plus. « Il m'a embrassée. » Je me demandais comment est-ce que c’était possible que chaque parole qu’elle pronnonce ne m’assassine encore un peu plus à chaque fois. Qu…quoi ? Théo avait osé toucher les lèvres de ma Zoé ? La haine que j’avais envers lui grandissait encore, mais là, ce n’était pas de la passion, c’était une véritable haine profonde qui pourrait me conduire facilement jusqu’au meurtre. Personne. Personne ne touchait à mon âme sœur. J’avais envie d’hurler, de la supplier, de pleurer ma rage, mais rien de tout ça ne voulait sortir. Je me contentai de la regarder parler, sachant bien que quelque chose se brisait en moi. « Et moi, tellement stupide, tellement, tellement bête... Je l'ai cru. Je l'ai cru parce qu'il était facile de le croire, avec son beau sourire... Plus facile que de croire qu'il ne s'intéressait qu'à moi parce que j'allais participer aux Jeux. Plus facile que de me rappeler qu'il te détestait depuis toujours. Plus facile que de réfléchir, de penser au Jessie que je connaissais et de me dire que ce Jessie-là ne voudrait jamais me tuer. Notre amitié d'enfance, toutes ces années... Cela aurait dû compter. Cela aurait dû me persuader d'oublier notre dispute, d'oublier ces années où nous ne nous parlions plus pour redevenir ton amie. Tu as toujours été là pour moi, Jess. Toujours là pour m'aider. Et moi, moi... Je t'ai laissé tomber comme un chien alors que tu avais besoin de moi. Alors que je savais à quel point tu avais besoin de moi. Pire: alors que je savais à quel point moi, j'avais besoin de toi, à quel point mon ami me manquait. Comment ai-je pu oublier tout ça ? Comment ai-je pu croire que tu n'étais qu'un Carrière assoiffé de sang et de gloire comme les autres ? Je t'ai trahi. » Trahi…. J’avais l’impression soudaine que ce mot devenait le diable en personne. Il résonnait dans ma tête avec effervescence, il me bouchait les sens, m’emprisonnait la raison, et à sa simple pensée j’avais envie d’hurler, de crier, de me battre, de la battre, de laisser exploser ma fureur. Oui, elle m’avait trahi. J’essayai malgré moi de retenir ma rage, mais elle ressortait à travers tous mes propos « Donc t’as préféré croire ton débile de petit ami plutôt que ton ami d’enfance. Brillant. Je ne t’ai JAMAIS trahie, moi, Zoé… tu avais le droit d’être déçue parce que j’avais rejoint les carrières, mais c’était loin d’être une trahison… je l’ai fait pour te protéger, pour protéger Sagitta, pour protéger les miens, tu comprends ?… c’était ma seule chance de survivre si je devais me rendre là-bas… J’arrive pas à croire que.. que pendant qu’on était dans ces petites salles minables, enfermés en attendant nos morts respectives, tu embrassais ce naze. Je suis sûr que pas une seule seconde tu ne t’inquiétais pour moi hein ? Je me rongeais les ongles jusqu’au sang de mon côté, en me disant il faut qu’elle vive, tu vas devoir te sacrifier pour elle, la faire vivre. Quel imbécile… quel naïf ! ça me rend tellement triste Zoé, de voir à quel point je m’étais trompé sur toute la ligne… c’est trop tard maintenant, t’as plus besoin de t’excuser, de me faire croire à tes bêtises encore… j’ai compris maintenant, on est plus du même côté. » En fait, je n’étais même pas en colère. Ou si… très en colère, mais le sentiment qui dominait mon être à cet instant, c’était simplement la tristesse. J’étais triste d’avoir perdue mon amie. J’étais triste d’avoir perdu mon combat contre un idiot qui ne méritait rien d’autre que de crever seul au fond d’un trou. J’étais triste d’avoir perdu la vie sans mener à bien la mission que je m’étais donné. J’étais triste d’avoir abandonné ma famille, et mes quelques amis du district 4. Mes doigts se dirigèrent d’eux même vers son torse. Je ne savais pas ce que j’y cherchai, mais sans doute le contact rassurant des battements de son cœur. Je voulais m’assurer qu’elle en avait toujours un… « Comment est-ce qu’on en est arrivés là Zo’ ? Où sont passés les deux enfants qui se tenaient la main sur la plage ? Qui se glissaient des mots débiles à l’oreille ? Cette Zoé-là me manque… elle me manque tellement. Elle me manque tellement que je pourrais mourir une deuxième fois pour la retrouver. Alors, dis-moi qu’elle est encore là, quelque part, que tu n’es pas qu’un monstre sanguinaire ayant perdu toute sa naïveté et toute son humanité… redevient la Zoé que j’aimais, s’il te plait… » C’était un supplice de l’observer, de voir ses yeux et de savoir qu’à l’intérieur, la flamme avait changé, qu’elle n’était plus entretenue par la passion et l’amour des autres, mais que maintenant c’était bel et bien la peur et l’horreur qui l’habitait. C’était dur de rester planté là et de ne pouvoir rien faire, mais il fallait que je tienne bon.
« Tu… Tu as raison. Je mérite de souffrir. Je suis un monstre. Je n'ai pas d'âme. J'ai gâché ta vie. Je... Tu sais qu'est-ce que c'est, le pire ? C'est que je ne parviens pas à être désolée. Jamais. Je fais des cauchemars horribles, je me réveille en hurlant... Mais dans mes souvenirs, quand j'étais dans l'arène, j'étais juste soulagée, presque heureuse, d'être en vie. Je suis tellement égoïste... » Je sentais bien que mes paroles la blessaient. Mais maintenant que nous étions là à nous expliquer, il fallait que je me vide entièrement, et que je lui dise absolument tout, tout, tout, tout ce qui me pesait. « Mais comment tu peux dire ça… tu n’as donc pas d’âme ? Pas d’esprit ? T’as tué des gens ! Pas seulement moi, Zoé, d’autres gens, comme toi, des gens qui voulaient survivre, putain… et le pire dans tout ça, c’est que t’es morte toi aussi, tu pourrais comprendre, essayer d’éprouver de la compassion… t’es vraiment complètement à côté de la plaque. » Elle cherchait encore des excuses. Toujours des excuses, et c’était assez dur de la voir craquer comme ça, mais j’avais raison, je le sentais au fond de moi, ce n’était pas moi le méchant dans l’histoire… c’était elle, hein ? Il fallait que j’arrive à me convaincre. Autrement, je culpabilisais trop. Elle explosa. « Oui ! Oui, oui, oui ! Je regrette, je regrette, je regrette ! Je regrette tout ! Je regrette chaque blessure, chaque mort, chaque goutte de sang ! Je regrette chaque parole que j'ai prononcée pour te blesser, chaque horreur que je t'ai balancée à la tête ! Je regrette de t'avoir trahi ! Je regrette tout ! Tu es content maintenant ? C'était la seule chose qui me restait. Cette petite comédie. Faire semblant de ne pas être désolée pour ne pas finir rongée par les remords. Pour ne pas devenir folle. Tu es content de m'avoir pris ça aussi, Jessie ? » Content ? C’était de ma faute maintenant ? « Oui bien sûr, rejette la faute sur moi. Je suis content de t’avoir ouvert les yeux oui ! Je suis content que tu assumes enfin que t’as fait une connerie en me laissant de côté, en m’abandonnant lâchement, puis en me tuant sans aucune pitié. » Je m’éloignai d’elle et écartai les bras pour qu’elle m’observe en entier. « Tu vois ce que tu m’as fait ? Tu vois comme tu m’as changé ? Zoé je n’ai jamais…» ma voix se brisa, laissant en suspension la phrase que je n’étais même pas capable de finir. Je n’ai jamais quoi ? Je n’ai jamais aimé personne autant que toi ? Je n’ai jamais autant souffert que loin de toi ? Elle ne chercha pas à en savoir plus et me coupa directement. « Je regrette. Mais dois-je aussi m'excuser pour ce que je suis ? Ou parce que je ne suis pas la créature merveilleuse que tu avais imaginé ? » Un sursaut de colère me fit bondir le cœur, alors qu’elle osait se dégrader. Bien sûr que si tu l’es. Tu es tellement merveilleuse que je t’en veux d’être aussi belle, et d’être aussi parfaite. Je t’en veux de m’avoir fait autant t’aimer… je t’en veux d’être toi parce que rien ne pourra jamais être si fort, et faire si mal que mon amour pour toi. Malgré les années, malgré les Hunger Games et malgré la peur que j’éprouvais désormais à être à ses côtés, elle était ma reine. Elle l’avait toujours été et le serait toujours. Elle avait beau changer de nom, changer de visage, et changer d’âme, mon corps ne cesserait jamais de la désirer. Jamais. C’était une certitude. « Parce que je ne corresponds pas à l’idée que tu avais de moi, de la gentille petite Zoé, la grande naïve ? Parce que celle que tu aimais n'était qu'un rêve, un rêve que j'ai brisé ? Je suis qui je suis, Jess. Je suis cette fille qui aime la mer, qui adore chanter et qui a une peur bleue des poules. » Un petit sourire involontaire m’échappa au moment où elle prononçait ces mots. Ce n’était pas drôle, mais c’était émouvant. C’était fort, et les images d’elle petite, me bouchèrent le cerveau. « Je suis cette fille qui est née au district 4, qui rit souvent, qui cherche des coquillages sur la plage. Je suis cette fille qui travaille nuit et jour pour nourrir sa famille et qui ferait tout pour protéger ceux qu'elle aime. Je suis cette fille joyeuse, qui aime la vie, cette optimiste qui aide toujours les autres. Tout ça, c'est toujours moi. Mais je suis aussi cette fille marquée par la mort de son père, cette fille qui a dû lutter pour survivre. Je suis aussi cette fille qui s'est retrouvée dans l'arène. Cette fille qui a dû choisir entre tuer ou être tuée. Cette fille qui t'a fait tant de mal. Cette fille brisée, qui vit au district 13, loin de la lumière du soleil qu'elle aime tant. C'est moi. Je ne peux pas l'effacer. Dire que je regrette ne changera rien. Pourtant, je regrette. Dieu sait si je regrette. » La pression qu’elle me mettait était bien trop dur à supporter. Que pouvais-je bien répondre à ça ? Elle venait de m’atteindre en plein cœur en retraçant son parcours. Et moi, je ne pouvais rien faire d’autre que rester planté là comme un idiot, le cœur au bord du suicide et avec l’envie irrésistible de l’assommer pour qu’elle oublie ces dernières années, et qu’elle redevienne la Zoé joyeuse, protégée de l’horreur qu’elle avait pu trouver dans l’arène. « Non Zo… tu n’es plus la petite fille aux coquillages. Tu n’es plus cette jolie gamine blonde aux couettes difformes qui chantaient pendant des heures les berceuses de notre district. Tu as grandi, tu es devenue forte, fière, indestructible... et détruite pourtant. Tu n’es plus cette Zoé là. Mais tu restes ma Zoé.Tu comprends ça ? Je ne sais pas qui est cette Erynis, et je peux te dire que je ne l’aime vraiment pas. Erynis est un masque. Une façade. La seule chose que tu veuilles bien montrer de toi depuis que tu es là… Erynis est une immigrante blessée qui s’imagine plus forte que toi. Ecrase là… bat toi, ordonne lui de me rendre ma Zoé…» Des tremblements me prirent soudain, et j’ignorais si c’était la tristesse ou le choc qui les contrôlait. Je lui demandai alors ce à quoi elle avait réellement pensé ce jour-là, quand elle avait mon sang sur les mains. Je lui demandai si notre amitié avait jamais compté, et le mot monstre m’échappa pour la qualifier. « Oui. » Souffla-t-elle. « Oui, j'ai pensé à toi. A notre amitié. J'y ai pensé, mais il était déjà trop tard. Trop tard pour te sauver. J’ai pensé à toi en agonisant. Pendant que je me vidais de mon sang. Tu veux savoir ce que je me suis dit ? Tu veux vraiment le savoir ? J'ai pensé que toi, tu aurais dû gagner les Jeux. Parce que tu le méritais. Parce que tu es toujours resté... bon. Intègre. Jusqu'à la fin. Parce que tu as toujours été le meilleur de nous deux, même si tu refusais de l'avouer. C'est moi, la méchante de l'histoire. Mais toi... Tu méritais de vivre. De retourner au district 4. De t'amuser, de nager dans la mer. De fonder une famille, un jour. Pendant que j'agonisais... J'ai songé que j'avais été heureuse dans ma courte vie. Que j'avais eu la chance de te connaître, et que je regrettais de ne pas te connaître mieux. Et je me suis dit... J'ai espéré... Que j'allais atterrir au paradis, malgré ce que j'avais fait. Qu'on pourrait me pardonner mes erreurs. J'ai espéré que je te retrouverais, là-haut. Que je te reverrai, que je pourrai m'excuser et que ce serait comme avant... Juste nous deux. Et c'est ça qui m'a donné le courage de lâcher prise. » Ma gorge se serra. Chaque parole me brisait le cœur encore plus chaque fois. Mais cette fois, les morceaux semblèrent se recoller. Pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Rien n’était simple finalement. Il y avait des failles partout, des difficultés à surmonter, des chocs à se prendre dans la face et des erreurs à pardonner. Mon cœur suppliait ma tête de lui faire confiance encore, mais ma raison l’empêchait de prendre le dessus. Ma bouche s’acharnait à répétait tout ce que je pensais. Mais, tout se mêlait, tout me faisait mal. Mes mains crispées, mes yeux brulant, mon cerveau abrutit par les larmes et les cris. « …je t’ai fait confiance… je te faisais confiance… » Je n’arrivais pas à prendre de décisions claires pour le moment. Tout était confus, sans sens, fade et désastreux. Comment était-ce possible pour des si petits corps que les nôtres, de supporter autant de pression ?
J'avais six ans la première fois que j'ai vu Zoé. Je l'avais déjà croisé avant, mais mon regard ne s'était jamais attardé sur elle avec autant d'insistance. C'était une de ses journées où rien ne pouvait arriver ; il faisait chaud, comme toujours ici, le soleil brulait, la mer était calme. J'étais ce tout petit garçon innocent, au visage anguleux, déformé par la faim, avec rien d'autre que la peau sur les os. Et encore, mon père étant un sacré bon pêcheur, j'étais plutôt bien bâti pour un gars du Marais. À mon réveil pourtant, j'ai trouvé à ma famille un petit air triste, et la situation s'expliqua aussitôt ; notre voisin, un très bon ami de mon père était mort le matin même. Il avait lui aussi frôlé la mort, à cause d'une vague géante qui s'était abattue "par hasard" sur les plages du district quatre. À midi pile, nous étions tous les cinq habillés de bleu, et nous prenions la route pour rendre hommage à cet homme, cet excellent pêcheur amoureux de la mer. Ce qui me frappa ce jour-là, ce n'était pas la tristesse de l'évènement, ni le malheur qui s'abattait sur notre district, ou encore la façon avec laquelle nous étions tous traités comme des esclaves. Ce qui me frappa c’était la toute petite fille blonde, debout près de la tombe en pierre vernies qui semblait aussi paisible que la mort. Elle était forte, aucun signe ne témoignait d'un quelconque mal-être, elle n'avait que six ans mais elle supportait tout cela avec beaucoup plus de force que sa mère, qui elle était noyée sous les larmes et rongée par le chagrin. Zoé. C’était le nom de la petite. Je la connaissais déjà, la petite Zoé, mais jamais, jamais elle ne m'avait autant intrigué avant.
Ses yeux. Cette expression fragile et incontrôlable. C’était la même que treize ans plus tôt. Elle était si belle avec ses yeux pâles et son contrôle instable. J’avais envie de la regarder pour toujours. De mourir en la regardant. Elle était tout ce qu’il se faisait de plus incroyable au monde, et malgré toute la haine que j’éprouvais pour elle, je n’avais qu’une envie à cet instant précis ; l’épouser et rester avec elle pour l’éternité. Pour le meilleur et pour le pire… disait-on, mais nous, nous avions déjà gouté au pire. Alors que je me sentais prêt à enfin lui pardonner, elle continua sur sa lancée. Elle me parla de ses rêves, cette fois. « Et moi, Jessie ? Mes rêves ? A quoi penses-tu qu’ils ressemblent, les rêves de la petite psychopathe ? Crois-tu que je rêve de la façon dont je t’ai tué ? De sang, de violence, de mort ? Non, Jess. Moi aussi je rêve de toi. Je rêve d’une petite fille et d’un garçon qui marchent main dans la main sur la plage du district 4. Je rêve que la fille, au lieu de laisser tomber le garçon, lui tend la main. Je rêve qu’ils courent ensemble sur le sable chaud. Qu’ils grandissent. Et que la fille finit par comprendre que l’amitié… que l’amour de ce garçon est la chose la plus précieuse au monde. Dans mes rêves, Jessie, elle ne jette pas tout aux orties comme une idiote. » Si elle continuait comme ça, j’allais vraiment finir par craquer. Plus rien ne me retenait de lui sauter dessus comme un sauvage et de violer ses lèvres avec passion et rage. Est-ce qu’elle me laisserait seulement le faire ? Après notre discussion rageuse, j’en doutais. Mais comme nous le savions si bien tous les deux, la véritable passion était d’aimer plutôt qu’haïr. Je repensai à ce proverbe que je lui avais déjà sorti quelques minutes plus tôt. Ce pouvait-il qu’il soit vrai alors ? « Arrête Zoé, ne dis pas ça… » Dans mes rêves à moi, la seule personne qui brillait comme un dieu, c’était elle. Même si je ne voulais pas me l’avouer, je savais qu’elle ne perdrait jamais mon amour. Et c’était ce qui me faisait le plus de mal dans cette histoire ; c’est que j’étais incapable de me détacher d’elle. Si ce qu’elle me racontait n’était pas vrai, si elle jouait encore la comédie pour me faire croire à son amitié sincère, je ne m’en remettrai probablement jamais. Elle s’approcha de moi, tentant le diable, et je sentis le souffle de ses larmes rebondirent sur mes joues en feu. « Mais les souvenirs de ces dernières années peuvent-ils effacer ce qui s'est passé avant ? Peuvent-ils annihiler toutes ces fois où nous étions heureux, ensemble ? Tous les éclats de rires, tous les moments de joie? Ces souvenirs peuvent-ils effacer Jessie et Zoé ? Peuvent-ils effacer qui nous étions, qui nous sommes ? Je ne crois pas. Parce qu'ils sont là, et que rien ni personne ne peut te les enlever. » Comme elle avait raison… Les mots restèrent coincés dans ma gorge. Mais quels mots ? Je ne savais même pas quoi lui dire. « Parce que là, rien que là, il y a encore un Jessie heureux. Mon Jess. Et ça, tu ne peux pas l'oublier. Je ne peux pas l'oublier. » J’avais écrit des lettre d’amour secrètes pour elle pendant des années entières, et maintenant qu’elle était là devant moi, à m’écouter comme le messie j’étais incapable de m’expliquer. Je racontais probablement n’importe quoi, et tout s’enchainait sans sens, mais j’étais là. Et je n’allais pas la laisser partir sans rien tenter. « Rien ni personne ne pourra effacer qui nous sommes. J’étais tellement heureux les premières années de ma vie. Quand tu étais ma copine, mon amoureuse secrète, la meilleure amie de ma sœur, ma voisine, ma camarade de classe, ma meilleure amie à moi aussi. Mais j’étais heureux ailleurs aussi, quand nous étions en froid, te regarder n’était qu’une source de bonheur. Et même si je souffrais aussi, je préférais souffrir d’amour en t’observant que de souffrir d’un manque terrible en choisissant de t’ignorer. Je suis heureux maintenant, je t’assure. Même si d’autres sentiments dominent parfois,… la haine, la colère, le vide… je suis heureux. Et j’espère que tu l’es aussi. » Mes mains se détachèrent d’autour de son cou. Si elle pensait que j’allais l’étrangler maintenant, elle pouvait se mettre le doigt dans l’œil. J’étais fou au point d’agir sous la colère, mais pas assez pour le faire après m’être rendu compte de mon erreur. Je n’étais plus en colère à ce moment précis. J’avais été à deux doigts de la vengeance la plus stupide de ma vie, mais maintenant j’étais simplement blessé, affaibli et totalement perdu. Je m’écartai d’elle, et prit ma tête dans mes mains. J’avais envie de me tirer dessus, d’arracher mes cheveux un a un pour faire taire les voix qui me suppliaient de la pardonner. Ne comprenaient-elle pas que ce n’était pas si simple ? Si les hommes agissaient tous sans réfléchir, nous serions tous fous ! J’étais trop proche d’elle. Je devais m’éloigner pour résister. Je devais m’éloigner d’elle pour empêcher mon corps entier de brûler à son contact. Sans crier garde, elle se jeta sur moi. Ses bras agrippèrent mon cou avec force, ses doigts s’encrèrent dans mon tee shirt, et même si j’aimais cette sensation, je ne pouvais simplement pas maintenant… pas maintenant… Je me raidis sans vraiment comprendre ce qui m’arrivait, et d’où venait ce soudain élan d’affection. Elle pleurait vraiment maintenant, ma Zoé, ce n’était plus des sanglots qu’elle échappait, c’était des grosses bulles d’eau chaudes qui s’éclatait contre ma tempe et qui coulait le long de mon cou, de mon torse, et qui me donnait les pires frissons. Qu’est-ce que je devais faire bon sang ? Pourquoi étais-je si nul pour gérer ce genre de crise ? Naturellement, mon corps se détendit et mes mains rejoignirent son dos. Mon dieu. Depuis combien de temps ne l’avais-je pas pris dans mes bras ? Son odeur était délicieuse, elle m’enivrait comme une vraie fleur précieuse, et même si nous étions loin de chez nous, elle n’avait pas changé. Elle sentait toujours la mer et les algues, le vent marin et le sable. Ou peut-être que j’imaginais son odeur. Oui, je l’imaginais surement, puisque nous étions dans les profondeurs du treize, habillés de gris, mangeant du gros, broyant du noir. Tout était différent, finalement… rien n’était comme avant. Je me dégageai de son étreinte et m’éloigna encore. C’était tellement bon de l’avoir contre moi, mais il fallait que je résiste… avant d’être sûr de moi. Avant de savoir qu’elle ne recommencerait pas à me planter des couteaux par derrière… Bien sûr, le contexte était différent maintenant, mais je savais de quoi elle était capable, et même si je l’aimais toujours terriblement, une partie de moi avait encore vraiment peur d’elle. Je continuai de la regarder pourtant, et là, à quelques centimètres de moi, les joues rouges et le visage sombre, elle paraissait toujours aussi belle. Etait-ce de la peur que je voyais dans son regard ? J’essayais de paraitre distant, et froid, mais les efforts que je faisais pour ne pas tomber encore dans ses bras me faisait trop mal. « Choisis, Jess ! » s’énerva-t-elle. « Peu de gens peuvent choisir ce qu'ils font de leur vie. Peu de gens ont le droit de vie ou de mort sur les autres. Mais toi, tu peux faire ce choix ! Tu peux choisir de partir maintenant. Je ne te chercherai pas. Je t'éviterai. Tu ne me reverras pas. Tu peux choisir de partir, et cela signifie la mort pour moi, mais la vie pour toi. Sans doute seras-tu heureux. » Était-elle folle ? Elle venait surement de perdre la tête. Je pensais pourtant avoir dit les bonnes choses, fait les bons gestes pour la récupérer. Qu’est-ce qu’elle croyait… je ne partais pas, non. Je ne bougeais pas d’ici, pas d’un millimètre. Je voulais rester avec elle pour toujours maintenant, qu’elle me déteste ou qu’elle m’aime. Qu’elle soit triste ou heureuse avec moi, j’étais égoïste mais je la voulais pour moi. « Ne dis pas de bétis… » Elle me coupa aussitôt. « Ou tu peux choisir de rester. Je ne te demande pas de me pardonner, car je sais que ce que j'ai fait est impardonnable. Si tu restes, Jess, je jure que je ne te laisserai plus jamais tomber. Plus jamais. Je préfèrerais retourner cent fois dans l'arène que de perdre à nouveau ta confiance. Si tu restes, tu me rends la vie. » Je jure… je jure… les mêmes mots qu’avant, une époque après et dans un endroit différent. Je commençais à paniquer. Tout à me faisait peur. Me demandait-elle de m’engager ? Qu’est-ce que je devais comprendre par là… est-ce qu’elle voulait encore de moi comme ami ou plus encore ? Ce câlin, ce câlin qu’elle m’avait donné m’avait semblé plus qu’amical. Comme si elle en voulait plus, mais je m’étais déjà tellement imaginer ce genre de scène que je voyais probablement des signes partout où il n’y en avait pas. Peut-être avait-elle simplement besoin de moi comme allié, encore… comme ami. Histoire de pouvoir dire qu’elle n’avait pas tout perdu. Est-ce que j’étais prêt à ça ? Est-ce que je pourrais supporter d’être encore son simple ami jusqu’à la fin de ma vie ? Elle était mon amie, pour sûr. Et probablement la meilleure que j’ai jamais eu. Mais je n’étais pas satisfais avec ça. Surtout maintenant qu’elle savait tout de mes sentiments. J’avais tellement peur de m’attacher encore pour rien…« Je veux savoir où j'en suis. Je veux savoir où nous en sommes. Dis-moi que tu me quittes. Jure-moi que notre ancienne amitié, que tous ces moments heureux passés ensemble, que toute ma bonne volonté d'aujourd'hui n'y changent rien. Que tu as oublié comme nous étions bien ensemble. Que tu ne te souviens plus de la petite Zoé, de la fille qui t'a soigné, de la fille qui était ta meilleure amie. Que tu crois que je n'ai plus de cœur. Dis-le-moi ! Dis-le-moi et pars, ou reste, reste, reste ! » Où nous en sommes ? Comme si j’en avais la moindre idée. J’étais probablement encore plus paumé qu’elle. Je ne savais même plus où j’étais physiquement, alors mentalement…. Tout se mélangeait dans mon esprit. Je n’arrivais même plus à distinguer mes doigts des siens tellement elle s’accrochait dessus avec force. Ses ongles retinrent encore mon tee shirt. Je n’avais aucune envie de partir et de la laisser. Mais j’étais en train d’étouffer, avec elle, j’avais besoin de respirer avant de prendre une décision. Et je refusais de comprendre ce qu’elle essayait vraiment de me dire. Voulait-elle de moi comme ami seulement ? Il n’y avait qu’une seule façon de connaitre la réponse… mais j’étais trop faible. Encore une fois, je choisis la lâcheté. Sans même lui répondre, je décollai mes mains des siennes, et tournai les talons. J’agrippai la poignée de porte en choisissant d’ignorer ses pleurs. « Désolé… désolé, je peux pas… je peux pas… » murmurai-je. Mon regard se posa sur elle une dernière fois. Je ne peux pas rester. Je ne peux pas rester parce que j’ai trop peur de savoir ce qu’il y a vraiment. Je veux savoir ce que nous sommes aussi mais j’ai trop peur pour ça. Je ne veux pas rester ici. Je ne veux pas te quitter non plus. Je veux partir, et je veux que tu me poursuives, que tu continues de me chercher, je veux pas que tu me foutes la paix, putain, je veux juste que tu me trouves peu importe où j’irai… Je suis prêt à te pardonner Zoé, peu importe le temps que ça prendra, je serai prêt un jour, si tu le veux vraiment… mais j’ai besoin de te faire confiance. J’ai besoin de savoir vraiment. Alors viens me chercher s’il te plait…. Voilà les mots que je rêvais de lui dire, mais que je n’aurai jamais le courage de lâcher.
La prote claque avec un bruit sourd. Je m’appuyai dessus, en reprenant mon souffle, et essuyai les larmes que je ne voulais pas qu’elle voit. Si quelqu’un passait ici, j’allais encore passer pour le pauvre petit Jessie. Le pauvre petit Jessie que son alliée à tuer sans hésitation, le pauvre petit Jessie qui depuis, ne fait que des cauchemars. Mais étais-je vraiment ce Jessie-là ? Ou bien était-ce une étiquette qu’on me collait parce que c’était l’impression que je donnais à tout le monde ? Il est temps de te battre pour ce que tu veux vraiment, Jess. Ce n’était pas moi, ça, non. Jessie n’était pas un faible, ni un lâche. Il fallait que je prenne mon courage à deux mains un de ces quatre, ça devenait nécessaire si je ne voulais pas tout perdre d’un coup après avoir retrouvé pas mal de mon bonheur. Moins de deux minutes plus tard, calmé, j’ouvris la porte, doucement. Sa beauté me frappa encore plus. Je l’avais quitté deux minutes mais j’avais eu l’impression de mourir tout ce temps. Comment une si petite chose, pouvait-elle contenir autant de grâce, autant de charme ? Elle était assise dos au mur, les genoux remontés contre son torse, l’air terriblement fragile. C’était peut-être un signe de son amour ça ? Elle semblait dévastée par le choix qu’elle pensait que j’avais pris plus tôt. Lorsque j’entrai dans la pièce, elle me fixa. J’aurai aimé savoir à quoi elle pensait à ce moment précis. Etait-elle contente ? Soulagée ? Apeurée ? Déçue ? Avait-elle déjà tourné la page ? Mon ventre se serra. « Désolé… je suis tellement désolé… pardonne moi, je ne voulais pas partir. »
Elle cacha son visage derrière ses cheveux, et essuya une larme qui s’échappait en tentant de ne pas le montrer. D’un geste hésitant et délicat, je m’avançai vers elle et replaçai une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Je m’assis à ses côtés. C’était une occasion pour moi de tester sa réaction à mon toucher, à ma gentillesse soudaine, qui pouvait sembler étrange si l’on était extérieur à tout ce qui se passait en ce moment dans mon cerveau sérieusement endommagé. C’était peut-être une erreur, c’était peut-être la plus grosse connerie de ma vie que je m’apprêtais à faire. Mais il fallait que je sois moi-même cette fois… je ne devais pas jouer les timides haineux à tout jamais. « Tu es belle même quand tu pleures tu sais. Ne te cache pas, n’aies pas honte de toi… tu es sincèrement la meilleure rencontre de ma vie, et même si j’aime tes cheveux, je crois que j’aime tes yeux encore mieux…Zoé… regarde-moi. » Pour la première fois depuis qu’on était ensemble, ses yeux se plongèrent dans les miens, brillants, lumineux, éclatant de perfection. Je voyais tout, à travers ses yeux, la mer, la beauté de notre village délabré, la mort, la vie, la mort encore, et notre vie. Notre vie à tous les deux. Notre vie était liée depuis toujours, tout ça ne pouvait pas simplement s’arrêter comme ça, n’est-pas ? Nous n’allions pas briser quinze ans d’amitié, quand même ? Et de mon côté, étais-je prêt à laisser filer dix-neuf ans d’amour ? Je ne pouvais pas l’avoir retrouvée ce jour-là pour la laisser partir encore. « Qu’est-ce que tu vois.. ? Je suis aussi ce petit garçon du marais, arrogant, sûr de lui, ambitieux et désolant. Je n’ai pas changé, je suis toujours Jessie. Tu me reconnais ? Ce que je vois, moi quand je te regarde, c’est la petite étincelle d’espoir que j’ai toujours vue en toi. J’ai toujours aimé tes yeux, j’ai toujours adoré tes yeux. Quand je t’ai rencontré, rien d’autre n’avait d’importance. Tout ton monde s’écroulait, mais toi, tu croyais encore à toutes ses choses qui rendent heureux : l’amour, la paix, l’amitié, l’espoir simplement. Tu n’étais peut-être pas la plus courageuse des tributs, dans l’arène, ni franchement un modèle de force et de dureté. Mais tu avais cette rage de vivre, toujours ce même espoir imbrulable qui coulait dans tes veines et te nourrissait, alors que moi, si je t’avais perdu là-bas,… si quelqu’un t’avait fait du mal, je m’en serais voulu à jamais. L’espoir m’a quitté le jour où maman et Phobie sont parties. Je me dis parfois, qu’il y a encore une chance, que tout peut s’arranger, tu sais ? Mais je n’y crois plus, et d’un certain côté je n’y ai jamais cru. Voilà pourquoi je méritais de mourir, et pas toi. Quand je suis mort, j’ai pensé à tout ce que je n’avais jamais eu le temps de dire. Je crois que j’ai murmuré longtemps que je t’aimais, mais c’était peut-être dans ma tête, je doute que tu aies entendu. Peut-être bien même, que j’étais déjà mort à ce moment-là, parce que tout ce que je fais, je le fais trop tard. Tu voulais que je fonde une famille ? Sans toi pour porter mes enfants, je n’aurais simplement pas pu. Etre heureux encore après ça ? Même avec l’aide de Sagitta, ou encore de Dolce, je crois que c’aurait été dur. » Je me sentais défaillir, mais plus je me vidais, plus je prenais confiance. Sans lâcher son regard d’une seconde, j’attrapai sa main, et la posai sur mon cœur. « Alors, j’ai peut-être arrêté d’espérer dès ce moment-là, mais je n’ai jamais cessé de désirer certaines choses. Et j’ignore de quelle façon tu m’aimais… bien avant notre dispute, bien avant que tu découvres que je m’entrainais avec les carrières, mais… je voyais la flemme, Zoé. Je sais qu’elle existait. Je connaissais tes yeux par cœur, et du jour au lendemain, ton regard a changé. J’ignore de quelle façon tu m’aimais… mais tu m’aimais n’est-ce pas ? Tu m’aimais ?... » Un long silence suivit. Etait-ce parce qu’elle était choquée ? Qu’elle ne savait pas quoi dire ? Parce qu’elle ne me croyait pas ? Je ne savais plus quoi faire. Ses yeux étaient les plus beau du monde, mais il ne m’attirait plus autant que ses lèvres cette fois. Ses lèvres… oserai-je y toucher ? Mes doigts caressèrent lentement sa joue, son cou, et s’attardèrent sur ses épaules. L’autre main s’installa derrière son dos, et je l’attirai à moi avec les dernière forces qu’il me restait pour oser changer les choses. Ma bouche, enfin, trouva la sienne et j’y restai collé quelques secondes. Pas longtemps, juste le temps d’apprécier, de se rendre compte, de comprendre… Parce que je venais d’embrasser Zoé. Je l’avais embrassée, et j’en avais tellement rêvé. Ce n’était pas un baiser passionné pourtant, mais ça pourrait le devenir si elle choisissait de me suivre dans ses folies. C’était un baiser doux, et c’était une question au final. Et après ça, je n’étais pas sûr d’avoir envie d’être seulement son ami. Il fallait que je lui dise, maintenant que j’étais lancé. « Je t’aimais Zoé… je t’aimais tellement, toutes ses années. Je n’ai jamais cessé de penser à toi. Et si tu me laisses une chance, je pourrais t’aimer tellement plus, je pourrais t’aimer pour toujours et t’aimer encore plus fort… » Je m’accrochais à elle comme on s’accroche à notre dernier espoir. Parce que même si j’avais choisis de ne plus y croire, elle était vraiment mon espoir.
Zoé E. Williams
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Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Dim 14 Oct - 13:33
Des cris, des suppliques, des pleurs, des menaces. Ma vie ne se résumait-elle donc qu'à cela ? Pourquoi ne pouvais-je pas mener une existence normale et heureuse, faite de bonheur et de petits soucis ? Pourquoi fallait qu'il que mon ennemi mortel soit aussi la personne qui m'attire le plus ? Il voulait me tuer. Je le voyais dans son regard. Me tuer, m'écorcher, m'étrangler. Tous les moyens étaient bons pour me rayer de sa vie, pour m'empêcher de lui faire du mal. Comme si ma disparition pouvait aussi effacer ses souvenirs. J'aurais peut-être dû le détester, ou au moins le craindre, mais il n'en était rien. Je le comprenais. Parce que je ressentais la même chose que lui. Parce que j'avais voulu le tuer. Et j'avais failli réussir. Cependant, cela n'avait rien changé. La douleur, cette douleur que j'avais voulu éradiquer, n'avait fait que s'amplifier depuis ce jour où j'avais poignardé Jessie. C'était une douleur insidieuse, faite de culpabilité, de remords, de tristesse et de désespoir, une douleur faite de colère et de haine. Une douleur qui me rendait folle. « Je savais que tu... » Je vis l'éclair d'espoir dans le regard de Jess, une petite lueur qui s'éteignit aussi vite qu'elle était venue lorsque je me tus. Je me haïssais pour ça. Je me maudissais pour ça. A cause de moi, un mur s'était peu à peu formé entre mon ancien meilleur ami et moi. Un mur fait de rancunes secrètes, de non-dits, de malentendus. Un mur de silence. Cent fois, j'avais voulu le briser. Cent fois, j'avais voulu parler à Jess, lui dire tout ce que j'avais sur le coeur. Mais j'étais faible. J'avais toujours été trop faible. Me cacher, courir, c'était tout ce que je savais faire. Me boucher les oreilles, fermer les yeux. A présent que je voulais parler, à présent que j'avouais tout, même si cela m'écorchait la gorge, Jessie ne me croyait pas. J'aurais pu pleurer de rage et de frustration. Trop de mensonges. Trop de mensonges avaient détruit sa confiance, ma confiance. J'aurais dû le prévoir. Pourtant, la réaction de Jess me bouleversa. Il refusait de me regarder. Il refusait de me croire. Alors que je n'avais pas prononcé de paroles plus vraies, plus justes depuis des mois, des années. Jessie, écoute-moi ! Ecoute-moi ! Il faut que tu comprennes ! Il le faut parce que j'ai besoin de toi ! Même si je dois supporter ton regard meurtrier tous les jours... Comprends-moi, Jess. Comprends. Jamais je n'avais prié plus intensément. Pas même lorsque j'avais été tirée au sort. Pas même dans l'arène, alors qu'Alexiane s'apprêtait à planter un poignard dans mon ventre. Pas même lorsque j'avais senti la vie qui me quittait. C'était mon destin, un destin que j'acceptais parce que je n'y pouvais rien. Mais aujourd'hui, je ne pouvais pas me résigner. Je ne pouvais plus supporter de voir Jessie s'éloigner de moi. J'étais perdue ; perdue, blessée et rejetée. Jessie avait toujours été le fil qui me reliait à la réalité, ma bouée de sauvetage, mon ancre. Si même lui me laissait tomber, je ne serais plus personne. Juste un fantôme sans nom, condamné à errer sans fin dans les souterrains du District Treize. Peut-être méritais-je ce sort.
« Mais tu es stupide ou quoi ? Bien sûr que j’ai craché sur ton nom avec plus de rage que j’aurai eu pour n’importe qui ! J’étais en colère, blessé, trahi, tu n’imagines même pas à quel point c’était dur pour moi, de vivre en permanence avec cette impression malsaine. J’ai tout gâché Zoé ! J’ai tout gâché en rejoignant les carrières, mais je ne regrette pas. Si toi… si seulement tu avais au moins pu comprendre pourquoi, pourquoi je faisais tout ça. Ce n’était pas pour la gloire et la richesse Zo, tu le sais bien… Si j’étais là à me battre avec les autres, c’était pour apporter un peu d’espoir dans ma famille à moitié morte, pour sauver les miens, pour espérer vivre un peu mieux que ça ! Tu comprends ? Tu n’as jamais rien compris… évidement… je t’ai tellement détesté, je te détestais à un tel point que c’en devenait insupportable. Et tu sais ce qu’on dit ? Que parfois, la véritable passion c’est d’haïr plutôt que d’aimer ? Je t’ai tellement détesté que je t’aimais d’avantage chaque jour… Alors oui, j’ai dit des choses horribles, j’ai dit que je voulais te tuer, que je ne t’avais jamais aimé et que tu n’étais qu’une peste arrogante sans cervelle, mais la seule personne que j’essayais de convaincre, Zo, c’était moi… » Je hochai la tête, stupidement, comme un pantin. Je comprenais. Je comprenais enfin. Oh, comment avais-je pu être aussi bête ? Et tu sais ce qu’on dit ? Que parfois, la véritable passion c’est d’haïr plutôt que d’aimer ? J'étouffais. Je me noyais. Je sombrais dans ses paroles, ses paroles trop lourdes pour mes frêles épaules, trop vraies. « Jess... » J'avais besoin de ses paroles. Même si ça faisait mal. Parce que je sentais qu'elles me guérissaient. Pourtant, je dis : « Arrête, s'il te plaît. » C'était une supplique. Je n'en pouvais plus. Epuisée, vidée, j'étais aussi impuissante qu'une vache qu'on s'apprête à sacrifier. Quel sacrifice exigerait-on de moi ? Ma vie ? Je l'avais déjà perdue. Je n'avais rien. Rien que Jessie. Si on me l'enlevait aussi... Cette pensée me glaça. « Tu as fait ce qu'il fallait. Depuis le début. Et moi... J'étais tout simplement aveugle. Tu étais mon meilleur ami, Jess. J'aurais dû comprendre. » Ma voix se brisa. Avouer son tort n'est jamais facile, mais il n'y avait pas que la honte qui m'étranglait. Il y avait aussi... Autre chose. Quelque chose venu des profondeurs de mon âme, une émotion que je croyais avoir perdue dans l'arène. Amitié ? Tendresse ? Amour ? J'ignorais comment appeler cela, mais ce sentiment d'être incroyablement proche de Jessie m'angoissait. Je l'avais appris pendant les Jeux : s'attacher à quelqu'un, c'est souffrir. Je ne voulais plus souffrir. Plus jamais.
« Il m'a embrassée. » Lâchai-je. C'était cruel, mesquin, de dire cela à Jessie. Jessie qui ne m'avait jamais embrassée, mais qui le méritait sans doute infiniment plus que Théo. Pourtant, je devais le dire. Aller jusqu'au bout. C'était la seule façon d'en finir avec les mensonges. La seule façon de me retrouver, d'être de nouveau Zoé. La guérison par la douleur, comme le fer rouge pour cautériser une plaie. Egoïstement, je ressentis une pointe de satisfaction lorsque je vis la jalousie sur le visage de Jess. Je parlais, parlais, parlais à tort et à travers, avec l'espoir fou d'effacer par mes paroles le silence de ces années que j'avais gâchées. « Donc t’as préféré croire ton débile de petit ami plutôt que ton ami d’enfance. Brillant. Je ne t’ai JAMAIS trahie, moi, Zoé… tu avais le droit d’être déçue parce que j’avais rejoint les carrières, mais c’était loin d’être une trahison… je l’ai fait pour te protéger, pour protéger Sagitta, pour protéger les miens, tu comprends ?… c’était ma seule chance de survivre si je devais me rendre là-bas… J’arrive pas à croire que.. que pendant qu’on était dans ces petites salles minables, enfermés en attendant nos morts respectives, tu embrassais ce naze. Je suis sûr que pas une seule seconde tu ne t’inquiétais pour moi hein ? Je me rongeais les ongles jusqu’au sang de mon côté, en me disant il faut qu’elle vive, tu vas devoir te sacrifier pour elle, la faire vivre. Quel imbécile… quel naïf ! ça me rend tellement triste Zoé, de voir à quel point je m’étais trompé sur toute la ligne… c’est trop tard maintenant, t’as plus besoin de t’excuser, de me faire croire à tes bêtises encore… j’ai compris maintenant, on est plus du même côté. » Il m'avait déjà brisé le coeur. Par ses actes. Par ses propos. Il l'avait déjà brisé tant de fois qu'il était en morceaux, en poussière. Je me croyais incapable de tomber encore plus bas. Pourtant, c'était le cas. Anéantie. J'étais anéantie. On est plus du même côté. Par ces mots, il donnait une réalité au mur entre nous, le renforçait jusqu'à le rendre infranchissable. Par ces mots, il affirmait que nous n'avions rien en commun. Il était l'humain. J'étais le monstre.
Comme pour confirmer mes paroles, sa main glissa doucement sur ma poitrine, à la recherche de mon coeur. Mon coeur qui battait plus vite que jamais. La chaleur qui m'envahit à ce contact me fit presque honte. « Comment est-ce qu’on en est arrivés là Zo’ ? Où sont passés les deux enfants qui se tenaient la main sur la plage ? Qui se glissaient des mots débiles à l’oreille ? Cette Zoé-là me manque… elle me manque tellement. Elle me manque tellement que je pourrais mourir une deuxième fois pour la retrouver. Alors, dis-moi qu’elle est encore là, quelque part, que tu n’es pas qu’un monstre sanguinaire ayant perdu toute sa naïveté et toute son humanité… redevient la Zoé que j’aimais, s’il te plaît… » Mon coeur chavira. Lui seul avait pu trouver les mots justes pour éveiller en moi l'écho de la Zoé que j'étais avant... Avant que je ne devienne Erinys. Un nom qui crie vengeance, un nom qui contenait toute l'horreur, la peur et la haine que je ressentais chaque jour. Un nom que j'avais choisi dans l'arène. L'arène où j'étais morte. Oui, Zoé était morte. Elle était morte quand elle avait planté son poignard dans la poitrine de son meilleur ami. Elle était morte lorsqu'elle avait décidé de tuer son alliée pendant la finale. Zoé aurait donné sa vie pour n'importe qui. Zoé aurait soigné, encouragé, aidé. Zoé serait morte rapidement, mais en sachant qu'elle avait donné tout son amour, qu'elle avait tout fait pour les autres. Zoé aurait été broyée, brisée par l'arène. Elle avait dû faire un choix. Elle avait opté pour la vie, et cela l'avait effacée. Lentement mais sûrement, elle n'avait laissé que l'ombre d'elle-même. Une créature haineuse mais aussi apeurée. Une gamine terrifiée sous des dehors de bête sauvage. Erinys. Moi. Je n'étais pas Zoé. Je n'étais plus Zoé. C'était ce que je répétais tous les jours. Aimer c'est souffrir. Aider c'est recevoir un poignard dans le dos. Se souvenir c'est sombrer. Un nouveau départ, une nouvelle identité, c'était la seule chose qui pouvait me sauver. Je le croyais. Vraiment. Jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'à ce que Jessie balaye mes certitudes. « Elle est partie. » Ma voix était atone. « Zoé est morte. Elle est morte dans l'arène, en pensant à sa famille et ses amis jusqu'à la fin. » Il fallait que je le dise. Il fallait qu'il l'entende. Qu'il renonce à Zoé comme moi, j'y avais renoncé. Parce que c'était la seule chose qui la gardait encore en vie, la seule chose qui alimentait cette petite flamme qui subsistait au fond de moi. L'amour de Jessie. « Ne me demande pas... S'il te plaît, Jess, oublie-la. Oublie Zoé. Ca fait trop mal. Il vaut mieux qu'elle reste morte. » Oui. Il devait l'accepter. Sinon, je n'allais jamais sortir de ce cauchemar. Jamais. Trop loin, nous avions été trop loin. L'illusion de stabilité et de satisfaction que j'avais soigneusement érigée avait volé en éclats. J'avais menti. Pas seulement à Jess, mais aussi à moi-même. Oui, je regrettais tout. Je regrettais, mais je ne l'admettais pas parce que je savais que cela me détruirait. Jessie m'avait forcée à l'avouer. Il m'avait tuée, à sa façon. Les remords me rongeaient. Remords qui ne me lâcheraient plus jamais. « Oui bien sûr, rejette la faute sur moi. Je suis content de t’avoir ouvert les yeux oui ! Je suis content que tu assumes enfin que t’as fait une connerie en me laissant de côté, en m’abandonnant lâchement, puis en me tuant sans aucune pitié. » Je hochai la tête. Je tremblais. De la tête aux pieds. C'en était trop. Pitié, arrête... Mais il n'avait pas encore terminé. Oh non. Il avait d'autres coups à me donner, alors que j'étais déjà à terre. A terre et vaincue. « Tu vois ce que tu m’as fait ? Tu vois comme tu m’as changé ? Zoé je n’ai jamais…» Sa voix se brisa. Jamais quoi? Je ne voulais pas le savoir. Jamais détesté personne autant que toi ? Jamais rencontré de pire monstre que toi ? Quoi qu'il puisse dire, ce serait horrible. Un coup de plus. Alors, lâchement, je ne le laissai pas terminer sa phrase. « Je regrette. Mais dois-je aussi m'excuser pour ce que je suis ? Ou parce que je ne suis pas la créature merveilleuse que tu avais imaginé ? » Il secoua la tête avec colère. Pourquoi ? Il me détestait, non ? J'étais un monstre. Il l'avait pratiquement avoué. Une sorcière déguisée en Cendrillon. A moins que... Voyait-il toujours Zoé en moi ? Pensait-il toujours que, quelque part, malgré toutes les souffrances, j'étais restée la même ? « Non Zo… tu n’es plus la petite fille aux coquillages. Tu n’es plus cette jolie gamine blonde aux couettes difformes qui chantait pendant des heures les berceuses de notre district. Tu as grandi, tu es devenue forte, fière, indestructible... et détruite pourtant. Tu n’es plus cette Zoé-là. Mais tu restes ma Zoé.Tu comprends ça ? Je ne sais pas qui est cette Erinys, et je peux te dire que je ne l’aime vraiment pas. Erinys est un masque. Une façade. La seule chose que tu veuilles bien montrer de toi depuis que tu es là… Erinys est une immigrante blessée qui s’imagine plus forte que toi. Ecrase-la… Bats-toi, ordonne-lui de me rendre ma Zoé…» Un sanglot m'échappa. Non Je ne voulais pas. Je ne voulais pas. Je ne voulais... « Par pitié... Jess... Arrête... » Je repris mon souffle et rassemblai mes dernières miettes de courage. « Zoé est... » Morte. Je n'arrivais plus à le dire. Le mot refusait de franchir mes lèvres. « Zoé... » Ma gorge était douloureuse. Zoé... « …je t’ai fait confiance… je te faisais confiance… » Nous étions perdus. Largués au milieu d'un univers qui ne nous appartenait plus. Empêtrés dans les fils qui nous reliaient. Nous, tristes marionnettes d'un scénariste à l'humour bien noir.
Je rêvais de lui. Encore toujours. Je rêvais de lui, mais pourquoi donc ? « Arrête Zoé, ne dis pas ça… » Je m'approchai de lui, et ce simple pas en avant était porteur de changement. « Parce que là, rien que là, il y a encore un Jessie heureux. Mon Jess. Et ça, tu ne peux pas l'oublier. Je ne peux pas l'oublier. » La tension entre nous était presque insupportable. « Rien ni personne ne pourra effacer qui nous sommes. J’étais tellement heureux les premières années de ma vie. Quand tu étais ma copine, mon amoureuse secrète, la meilleure amie de ma sœur, ma voisine, ma camarade de classe, ma meilleure amie à moi aussi. Mais j’étais heureux ailleurs aussi, quand nous étions en froid, te regarder n’était qu’une source de bonheur. Et même si je souffrais aussi, je préférais souffrir d’amour en t’observant que de souffrir d’un manque terrible en choisissant de t’ignorer. Je suis heureux maintenant, je t’assure. Même si d’autres sentiments dominent parfois,… la haine, la colère, le vide… je suis heureux. Et j’espère que tu l’es aussi. » Heureux ? Il était heureux ? Je ne comprenais pas. J'étais son ennemie. Je l'avais tué. En 19 ans, il avait enduré beaucoup plus de souffrance que n'importe quel autre adolescent... Que n'importe quel homme. Mon Jess était devenu adulte. Il aurait dû être haineux. Ça, j'aurais pu le comprendre... Jessie s'écarta de moi et prit sa tête entre ses mains, et soudain cette distance entre nous me sembla odieuse et insurmontable. Je ne réfléchis pas. Je me jetai dans ses bras. Il était là, bien réel, solide comme un roc, comme toujours. Je sentais les battements de son coeur, son souffle sur mes cheveux, la chaleur de sa peau. Je respirais son odeur, qui me rappelait douloureusement le district 4. Ce n'est pas un rêve. Jess est vraiment là. Tout va s'arranger maintenant. Le simple fait de le toucher avait réussi à me persuader de ce que je niais depuis mon réveil au district 13 : J'étais toujours vivante. Pas un fantôme. J'étais toujours là, et j'étais toujours moi. Alors, lorsque je m'autorisai enfin à évacuer la tension qui s'était accumulée ces derniers mois, je pleurai de soulagement plus que de tristesse, et le sel de mes larmes avait un goût de guérison.
Jessie me repoussa. Je le fixais, déboussolée. Pourquoi ? Je croyais qu'il... Je ne comprenais plus rien. Que voulait-il, à la fin ? Il devait faire un choix. Je devais savoir. Sinon, l'incertitude allait me rendre folle. Je m'accrochai à son t-shirt. « Choisis, Jess ! Peu de gens peuvent choisir ce qu'ils font de leur vie. Peu de gens ont le droit de vie ou de mort sur les autres. Mais toi, tu peux faire ce choix ! Tu peux choisir de partir maintenant. Je ne te chercherai pas. Je t'éviterai. Tu ne me reverras pas. Tu peux choisir de partir, et cela signifie la mort pour moi, mais la vie pour toi. Sans doute seras-tu heureux. » Nous étions tristement maudits. Sans doute ne trouverait-il jamais le bonheur auprès de moi. J'étais un objet de seconde main, un vase tant et tant de fois cassé puis recollé qu'il en était devenu méconnaissable et beaucoup trop fragile. S'il ne voulait plus de moi, je le comprendrais... Mais cela ne ferait pas moins mal. « Ne dis pas de bétis… » Je ne voulais pas entendre ses paroles. Je voulais qu'il choisisse en sachant ce que cela impliquait. Tout ce que cela impliquait. Et même si mon coeur avait bondi de joie en l'entendant dire que je racontais des bêtises, je poursuivis : « Ou tu peux choisir de rester. Je ne te demande pas de me pardonner, car je sais que ce que j'ai fait est impardonnable. Si tu restes, Jess, je jure que je ne te laisserai plus jamais tomber. Plus jamais. Je préfèrerais retourner cent fois dans l'arène que de perdre à nouveau ta confiance. Si tu restes, tu me rends la vie. » Tu me rends Zoé. Comme il ne répondait pas, paniqué et perdu, j'ajoutai : « Je veux savoir où j'en suis. Je veux savoir où nous en sommes. Dis-moi que tu me quittes. Jure-moi que notre ancienne amitié, que tous ces moments heureux passés ensemble, que toute ma bonne volonté d'aujourd'hui n'y changent rien. Que tu as oublié comme nous étions bien ensemble. Que tu ne te souviens plus de la petite Zoé, de la fille qui t'a soigné, de la fille qui était ta meilleure amie. Que tu crois que je n'ai plus de cœur. Dis-le-moi ! Dis-le-moi et pars, ou reste, reste, reste ! » Il allait rester. J'en étais convaincue. C'est pourquoi je ne songeai même pas à résister lorsqu'il décolla mes mains de son t-shirt. Il tourna les talons. Il me quittait. J'avais joué à quitte ou double et j'avais tout perdu. « Désolé… désolé, je peux pas… je peux pas… » Je ne l'entendais presque plus. Je pleurais. Désespérée. Il venait de me condamner à mort.
Mes jambes se dérobèrent sous moi, et je me laissai glisser le long du mur. Je tremblais. Je tremblais tellement que j'étais sûre de tomber si j'essayais de me relever. Qu'on me laisse donc mourir en paix ici. Qu'on m'oublie. Je ne me relèverai plus. Une fois déjà, j'avais attendu la mort. J'avais senti ses griffes plantées dans mon ventre, et je l'avais suppliée pour qu'elle m'emmène rapidement. Cela avait duré longtemps, trop longtemps. Quelques minutes à peine pour n'importe qui d'autre, mais une éternité pour moi. A présent, j'étais revenue à la même case. Sauf que cette fois, je n'avais pas reçu de blessure mortelle. Peut-on mourir de chagrin ? Je l'espérais. Je ne voyais plus de raison pour continuer à vivre. La porte s'ouvrit. Ce sont les hommes en gris. Ils viennent me ramener au centre de soins. Non, c'est la mort, elle vient me chercher. J'étais trop faible pour faire quoi que ce soit. Trop faible pour courir, m'échapper, ou même pour mettre fin à ma triste vie. Je ne pouvais que relever la tête et regarder mon destin en face. J'allais mourir ; j'agonisais. C'était la seule explication possible. Sinon, pourquoi aurais-je vu Jessie, marchant vers moi, me regardant avec une tendresse infinie ? Il était parti pour toujours. La vie m'offrait ce dernier cadeau : une hallucination produite par mon cerveau confus, une vision du bonheur. « Désolé… je suis tellement désolé… pardonne-moi, je ne voulais pas partir. » Je hochai sereinement la tête. J'étais simplement... heureuse de finir ma vie ainsi. En rêvant de Jess. J'essuyai discrètement mes larmes, le visage caché derrière mes cheveux trop courts. Pourquoi les avais-je donc coupés ? Ce geste qui m'avait semblé symbolique et important à une époque m'apparaissait à présent dénue de toute signification, voir même puéril. Jessie s'avança vers moi et écarta doucement une mèche de mes cheveux. Je sursautai. Il m'avait touchée. J'avais senti la chaleur de ses doigts. Cela voulait-il dire que... Que ce n'était pas qu'un rêve ? Qu'il était vraiment revenu ? Peut-être perdais-je complètement les pédales. Jess s'assit à côté de moi. « Tu es belle même quand tu pleures tu sais. Ne te cache pas, n’aie pas honte de toi… tu es sincèrement la meilleure rencontre de ma vie, et même si j’aime tes cheveux, je crois que j’aime tes yeux encore mieux…Zoé… regarde-moi. » C'était lui. Vraiment lui. Pas une chimère. Jessie. Mon Jessie qui m'appelait, moi, Zoé. Avais-je vraiment cessé un seul jour d'être Zoé ? Sans doute pas. Je plongeai mon regard dans le sien. « Qu’est-ce que tu vois ? Je suis aussi ce petit garçon du marais, arrogant, sûr de lui, ambitieux et désolant. Je n’ai pas changé, je suis toujours Jessie. Tu me reconnais ? Ce que je vois, moi quand je te regarde, c’est la petite étincelle d’espoir que j’ai toujours vue en toi. J’ai toujours aimé tes yeux, j’ai toujours adoré tes yeux. Quand je t’ai rencontré, rien d’autre n’avait d’importance. Tout ton monde s’écroulait, mais toi, tu croyais encore à toutes ses choses qui rendent heureux : l’amour, la paix, l’amitié, l’espoir simplement. Tu n’étais peut-être pas la plus courageuse des tributs, dans l’arène, ni franchement un modèle de force et de dureté. Mais tu avais cette rage de vivre, toujours ce même espoir imbrûlable qui coulait dans tes veines et te nourrissait, alors que moi, si je t’avais perdu là-bas,… si quelqu’un t’avait fait du mal, je m’en serais voulu à jamais. L’espoir m’a quitté le jour où maman et Phobie sont parties. Je me dis parfois, qu’il y a encore une chance, que tout peut s’arranger, tu sais ? Mais je n’y crois plus, et d’un certain côté je n’y ai jamais cru. Voilà pourquoi je méritais de mourir, et pas toi. Quand je suis mort, j’ai pensé à tout ce que je n’avais jamais eu le temps de dire. Je crois que j’ai murmuré longtemps que je t’aimais, mais c’était peut-être dans ma tête, je doute que tu aies entendu. Peut-être bien même, que j’étais déjà mort à ce moment-là, parce que tout ce que je fais, je le fais trop tard. Tu voulais que je fonde une famille ? Sans toi pour porter mes enfants, je n’aurais simplement pas pu. Etre heureux encore après ça ? Même avec l’aide de Sagitta, ou encore de Dolce, je crois que c’aurait été dur. » Je n'arrivais pas à répondre; je manquais d'air. Je me rendis compte que j'avais retenu ma respiration pendant qu'il parlait.
« Jessie... » Cela sonnait presque comme une prière. Un mot magique. Hésitante, je levai une main pour toucher sa joue. « Tu es là. Tu es vraiment là. » Murmurai-je, émerveillée, en sentant sa peau encore humide de ses larmes sous mes doigts. Voilà pourquoi je méritais de mourir, et pas toi. Ma tête tournait. Je crois que j'ai murmuré longtemps que je t'aimais. Etait-ce vraiment possible ? Sans toi pour porter mes enfants. Qu'est-ce qu'il venait de me dire ? Qu'est-ce qu'il attendait de moi ? Ces questions me torturaient, mais en même temps, je me sentais heureuse. Parce que je savais qu'il m'aimait, qu'il m'aimait comme jamais personne d'autre ne m'aimerait, comme même moi, je ne pouvais m'aimer. Il attrapa ma main et la posa sur son coeur. « Alors, j’ai peut-être arrêté d’espérer dès ce moment-là, mais je n’ai jamais cessé de désirer certaines choses. Et j’ignore de quelle façon tu m’aimais… bien avant notre dispute, bien avant que tu découvres que je m’entrainais avec les carrières, mais… je voyais la flamme, Zoé. Je sais qu’elle existait. Je connaissais tes yeux par cœur, et du jour au lendemain, ton regard a changé. J’ignore de quelle façon tu m’aimais… mais tu m’aimais n’est-ce pas ? Tu m’aimais ?... » Je restais sans voix, tétanisée. Ton regard a changé Je baissai les yeux, apeurée à l'idée de ce qu'il pourrait y lire cette fois. Je ne voulais pas qu'il comprenne. Moi-même, je ne voulais pas le comprendre. Il caressa doucement ma joue. Je me raidis et cessai presque de respirer, pendant que sa main descendait le long de mon cou pour finir sur mes épaules. Son autre main se posa au bas de mon dos, et il m'attira à lui. Enfin, ses lèvres se posèrent délicatement sur les miennes. Il m'embrassait. Jessie m'embrassait. Sous le choc, j'étais trop faible pour faire quoi que ce soit, le repousser ou l'attirer à moi. Ses lèvres étaient douces, tellement douces... Non pas pressantes ni exigeantes, mais incroyablement tendres. Je ne comprenais plus rien. Je ne contrôlais plus rien. Mille et une pensées s'agitaient dans ma tête, tant de pensées que je pensais devenir folle. Rapidement, bien trop rapidement, Jess se sépara de moi. Avais-je apprécié ce baiser ? Sans aucun doute. Un curieux chatouillis s'était niché au creux de mon ventre, sensation étrange et nouvelle pour moi. J'avais déjà été embrassée, par plusieurs garçons même, mais jamais comme ça. Jamais d'une façon aussi... Tendre mais désespérée. Le genre de désespoir qu'entraîne la passion.« Je t’aimais Zoé… je t’aimais tellement, toutes ses années. Je n’ai jamais cessé de penser à toi. Et si tu me laisses une chance, je pourrais t’aimer tellement plus, je pourrais t’aimer pour toujours et t’aimer encore plus fort… » Il me donnait trop. Beaucoup trop. Comment pouvais-je accepter cela ? Mon coeur était trop petit pour supporter tant d'émotions violentes et contradictoires. Je ne savais que faire. Je pris son visage entre mes mains, le contemplai comme s'il s'agissait d'une oeuvre d'art. Jessie. Il était là, tremblant, attendant mon verdict. Les rôles étaient inversés ; c'était moi qui avait le pouvoir de le condamner, à présent. Rends-moi ma Zoé Oserais-je le faire ? Tu m'aimais, n'est-ce pas ? Nos visages se frôlaient presque. Oui. Je l'embrassai. Tout doucement d'abord, pendant que j'essayais de comprendre ce que je faisais et pourquoi je le faisais. Pourquoi nous le faisions. Ses lèvres répondirent aux miennes, et une douce sensation de chaleur se répandit à travers de mon corps, presque douloureuse par son intensité. Je passai mes bras autour de son cou pour l'attirer contre moi, toujours plus près. Peut-être était-ce à cause de tous ces mois passés au district 13, tous ces mois sans un mot d'encouragement, sans un toucher amical, sans un seul câlin pour me consoler. Peut-être étais-je désespérément en manque de contact humain, à force d'être traitée comme une pestiférée. Mais au fond de moi, je savais que ce n'était pas la vraie cause de ce baiser. Jessie avait raison depuis le début. Je l'avais aimé. Et maintenant, l'aimais-je encore ? Je ne voulais pas y réfléchir trop longtemps. Jess était là, collé contre moi, et plus rien d'autre ne comptait. J'avais voulu agir doucement, lentement, mais mon corps ne m'écoutait plus. Mon coeur cognait dans ma poitrine, mon souffle haché se mêlait à celui de Jessie. Mes doigts se promenaient dans son cou, dans ses cheveux étonnamment doux. J'étais une éternelle affamée découvrant enfin le goût de la nourriture, une fleur qui se tend vers le soleil. Mon soleil, depuis toujours, ma joie de vivre, mon meilleur ami. Y avait-il une autre fin à cette histoire que celle que nos lèvres écrivaient ensemble ? Sans doute pas.
« Je t'aimais. » Murmurai-je contre la bouche de Jessie. C'était une révélation, autant pour lui que pour moi. Oui, je l'avais aimé. Autrefois. Et maintenant ? Maintenant... Tout doucement, je détachai mes lèvres de celles de Jess pour enfouir mon visage dans son cou. « Tu m'as tellement manqué. » Soupirai-je à son oreille. Oh oui... Sans lui, je n'étais pas tout à fait moi. J'étais tellement bien dans ses bras... Tellement bien. Mais il fallait que je réfléchisse. « C'est... difficile, pour moi. » Je m'écartai légèrement de lui. « Mais si tu veux bien être mon Jess, je serai ta Zoé. » Je souris ; c'était une offre de paix. Je me sentais tellement bien, tellement... Sereine. Grâce à Jessie. Alors, je me rendis compte que j'avais utilisé le nom de Zoé pour me désigner. Zoé, pas Erinys. Comme si... Le baiser de Jessie m'avait rendu ma personnalité d'antan. Comme dans les contes de fées, où le baiser du prince guérit la princesse. Zoé. Oui, j'étais Zoé. Peut-être une Zoé plus calme, qui avait beaucoup souffert. Mais toujours une Zoé amicale, aimante, douce. Une Zoé que Jessie pourrait aimer. Une Zoé qui pourrait aimer Jessie. « Merci. » Murmurai-je, sans savoir exactement pourquoi je le remerciais. Pour m'avoir rendu ma vie ? Pour m'avoir offert son amour ? Pour avoir cru en moi jusqu'au bout ? Pour ce baiser, qui m'avait ébranlée jusqu'aux tréfonds de mon âme ? « Erinys ! Erinys ! » Appela quelqu'un dans le couloir. Je sursautai, puis me détachai de Jess à contrecoeur et me relevai. « Je dois y aller. Mais je te promets que je reviendrai. Je te retrouverai. Je ne veux pas te perdre de nouveau. » Je caressai une dernière fois la joue de Jessie avant de me retourner. Jess... Serait-il mon ami, mon meilleur ami, mon amoureux, mon amant, mon âme soeur ? Je l'ignorais encore, mais je savais que je tenais beaucoup à lui et que je ne pouvais plus imaginer une vie où il serait absent. J'ouvris doucement la porte et m'éclipsai. Dans le couloir, un infirmier me cherchait, inquiet et consterné. « Tu es là! » S'exclama-t-il lorsqu'il me remarqua. Je ne répondis pas, me contentant de sourire. « Erinys ? » Demanda-t-il, hésitant, comme s'il me voyait pour la première fois. Comme si j'avais changé. « Zoé. » Le corrigeai-je doucement. « Je m'appelle Zoé. » Alors, sous le regard éberlué de l'homme, je pris le chemin du centre de soins en chantonnant.
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Sujet: Re: we were like a herd of cattle or sheep ϟ zozo ★ Dim 10 Mar - 20:38
Les personnes capables de nous faire le plus de mal sont celles qu'on aime le plus... Je n'arrivai pas à me détacher de cette idée. En quelques minutes à peine, mon esprit, mon corps, et mes pensées avaient été chamboulés comme jamais. En l'espace de quelques secondes, j'étais passé par plus d'émotions que dans toute ma vie. La joie de savoir ma zoé vivante avait d'abord dominé. Mais dans un souffle, cette joie c'était automatiquement transformée en une rage terrible, une haine profonde contre celle qui avait détruit ma vie et brisé mon cœur - dans les deux sens du termes. Des sentiments contradictoires m'empêchaient de passer à l'acte, mais plus que tout au monde j'avais envie de la serrer dans mes bras, de l'étouffer jusqu'à ce qu'elle meurt, de lui puiser la vie et de mourir aussi. Je ne saurai dire laquelle de mes envies était la plus marquée : celle de lui montrer mon amour ou celle de déchainer ma rage contre elle. Son visage pâle, ses lèvres roses, ses mains fines, son corps gracieux, ses yeux, qui à cette heure avaient plus d'éclats que jamais... j'en arrivai à me demander comment était-il possible de ressentir autant. J'avais l'impression de mourir tant je me sentais vivant. Et cette sensation était aussi douloureuse qu'agréable. Mes yeux me piquaient, mon corps tremblaient, mes pensées s’emmêlaient... ma bouche débitait d'elle même un flot de paroles incompréhensibles, et j'arrivais tout juste à comprendre ce qu'elle me balançait en retour. « Zoé est morte. Elle est morte dans l'arène, en pensant à sa famille et ses amis jusqu'à la fin. Ne me demande pas... S'il te plaît, Jess, oublie-la. Oublie Zoé. Ça fait trop mal. Il vaut mieux qu'elle reste morte. » Elle me demandait de l'oublier. L'oublier... comment aurais-pu? J'avais essayé déjà. Plusieurs fois, mais c'était impossible. Parce que Zoé Williams était ce genre de fille, inoubliable. Elle avait été mon premier amour. Elle serait aussi le dernier, c'était une certitude. Il m'était impossible d'aimer à nouveau après l'avoir connu. Freya, Kyle, Alix, les brefs personnes que j'avais connu à mon réveil quand je la pensais morte définitivement, aucune d'entre elles ne m'avaient oublier ma Zoé. J'avais pleuré pour elle. J'avais perdu toute ma fierté, tout mon honneur, mais je m'en fichais parce que l'amour était plus fort encore. « Ne me demande pas ça... t'en as pas le droit... après tout ce que t'as fait tu peux pas me demander l'impossible. Tu n'as pas compris encore? Les gens changent, oui, j'ai changé aussi... mais au fond d'eux même, ils restent bons... je sais qui tu es. Tu te mens à toi même. Erinys. » Zoé s’arrêta immédiatement. J’espérais réussir à la convaincre. Peut-être que si elle m'entendais l'appeler comme ça, elle se rendrait compte que ce n'était pas bien, que ça sonnait faux, qu'il fallait changer à tout prix. « Erinys ce n'est pas toi. Tu es la seule à pouvoir y faire quelque chose... mais je peux t'aider. Et si tu acceptes mon aide... alors peut-être.. peut-être qu'il y a une chance pour nous... » Mon coeur battait de plus en plus vite, malgré la respiration lente que j'essayai de garder. « Zoé. » répétai-je encore, suppliant.
J'avais besoin d'aide. Sans réfléchir, en murmurant au hasard une pauvre excuse peu crédible, je quittai la salle.
Elle avait besoin d'aide, aussi.
Nous avions besoin l'un de l'autre. C'était une évidence. Pourquoi chercher à nous séparer? Zoé et Jess pouvait survivre à ça.
Dans un claquement de porte, je retournai près d'elle. « Jessie... tu es vraiment là...» Son regard emplit de larmes se tourna vers moi. Elle semblait ne plus y croire. Même moi, je n'y croyais pas. Toute cette histoire semblait trop folle, trop dense, trop perturbante, trop enjouée.. je n'y comprenais rien. « Je suis là, je suis là.. désolé, je suis tellement désolé, je ne pars plus... » Mes mains encadrèrent son visage, s'attardèrent dans ses cheveux, autour de sa nuque. Je l'embrassai. Elle me rendit cette passion comme jamais. Mon cœur s'était remit à battre normalement. Parce que c'était normal. C'était là que nous devions être. « Je t'aimais. Tu m'as tellement manqué. C'est... difficile, pour moi. Mais si tu veux bien être mon Jess, je serai ta Zoé. »J'accepte... avais-je envie d'hurler. Mes doigts se glissèrent entre les siens. Je ne voulais plus les lâcher.
C'est elle qui rompit le contact. Quelqu'un l'appelait dans le couloir. Notre échange n'avait pas duré plus d'une demi heure, mais ces retrouvailles étaient franchement inespérées. "Erinys, Erinys?" La façon dont l'infirmier l'appelait me déplaisait fortement. Elle s'appelle Zoé, connard! La blonde se retourna vers moi et murmura : « Je dois y aller. Mais je te promets que je reviendrai. Je te retrouverai. Je ne veux pas te perdre de nouveau. » Pour rien au monde je ne voulais la perdre, moi non plus. J'avais besoin de la croire, elle seule était responsable de mon avenir à présent. « Je m'appelle Zoé.» dit-elle à l'infirmier, qui ne comprenait pas. Elle quitta la pièce en chantonnant et sautillant. « Elle s'appelle Zoé! » ajoutai-je en un clin d’œil. Et à mon tour, je quittai la pièce le cœur léger.
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