Noah Merthin Harvey-Cain

❝ WHO AM I LIVING FOR? ❞

Je m'appelle Noah Merthin Harvey-Cain. Ne jouez pas les idiots, ce nom, vous le connaissez bien. Je suis juge des Hunger Games, siégeant au Capitol, fabriquant d'élite de piège dégueulasses dédiés à engluer des pauvres gosses dans leurs propres morts. Mon image, vous la connaissez bien. Je ne suis ni laid ni spécialement beau, je cache derrière des traits généralement neutres et froids une tendance de caractère parfois irascible. Ma réputation est déjà faite et bien faite: je suis le surdoué machiavélique qui se cache dans la grande machination de notre bien aimé gouvernement dont je fais finalement partie.
Ce que vous ne savez pas forcément, en revanche, c'est qu'avec le génie vient bien vite l'ennui. Gravir les échelons ne me suffit pas - ou plus. Certes, j'ai réussi à me faire adorer de tout le Capitol et de bon nombre des membres du gouvernement, mais mon principal intérêt réside dans le Plus grand bien, et je ne pense pas que nos biens aimés dirigeant soient à même de nous l'offrir. Ce que personne ne sait, donc, c'est que je fraie également avec les membres de la rébellion, que c'est de moi qu'ils obtiennent toutes leurs informations sur le Capitol et le gouvernement. Etant un homme de confiance et un proche du président Snow, ma couverture est plutôt bien assurée. Je n'ai qu'une seule intention: celle de faire tomber le Capitol. Jusqu'à ce que je parvienne à mes fins, et que l'ennui me reprenne et m'en trouve d'autres à atteindre.

about games and relative.

➺ POUR QUI/QUOI POURRAIS-TU MOURIR ?

Pour ma cause. C'est-à-dire, "the greater good". Elle implique de ne pas craindre le sacrifice de certains individus pour le bénéfice de la masse, et je ne vois pas pourquoi je serai exclu de ces "certains individus" si la situation devait se présenter. Maintenant, si vous voulez aller me chercher sur un terrain plus sentimental...Il y a de fortes chances que vous ne m'y trouviez pas. Je ne donnerai certainement pas ma vie pour ma femme, Orube, épousée parce qu'après tout elle était plutôt jolie, et que l'image d'homme marié sied mieux à un juge du Capitol que celle d'un coureur de jupons. Oh, il y a bien cette fille, cette survivante, cette battante absolue. Silk. Est-ce que je pourrais mourir pour elle? Me mettre en danger, peut être. Non, pardon: sans doute. Mais tout cela ne nous regarde pas, ni vous, ni moi, aussi peu logique que ça puisse vous paraître.

➺ QUEL(S) PETIT(S) PLUS T'AIDE(NT) DANS LA VIE ?

Je suis absolument génial. Vous ne vous en êtes pas aperçu encore? Comment exactement est-ce que ça tourne dans vos ridicules petits cerveaux? On doit s'y ennuyer tellement... Je crois qu'être assez fort pour dissimuler ce que je pense et parfois ressent est également un atout indéniable dans mon jeu de double identités. Enfin, je me répète mais être l'homme de confiance du président Snow reste mon meilleur "petit plus" pour atteindre mes fins.

➺ APPRÉCIES-TU LE VISIONNAGE DES JEUX ?

Non. Je n'irai pas jusqu'à dire que j'en suis triste, j'ai pris l'habitude, j'y suis maintenant indifférent du moins en apparence. Je ne suis pas le mal absolu, je ne sors pas de l'équipe des méchants de Disney, arrêtez donc de voir le monde en noir et blanc et de coller une dimension manichéenne à tout ce qu'il se passe. Regarder les jeux fait partie des obligations de ma fonction. Mais vous croyez vraiment que regarder des gamins se perdre et se déchirer dans des pièges immondes que mon salaud de cerveau a mis au point m'amuse? Me fait jouir ou éclater d'un rire machiavélique à chaque fois qu'une pauvre mouche se prend dans ma toile? Grandissez. Le monde ne se divise pas entre bien et mal. Je ne suis ni un salopard, ni un homme bien. Oui, ça m'arrive de prendre du plaisir à faire des saloperies - assez souvent même. Parfois gratuitement. Et parfois je me salis les mains pour arriver à sauvegarder la masse. J'aime les Hommes profondément, pour ce qu'ils sont, pour les saloperies qu'ils font sans le vouloir et même pour celles qu'ils font en le voulant.
Et oui! Vous êtes tombés sur un enfoiré égoïste, machiavélique et pourtant humaniste. Bonne chance. L'avantage de l'être c'est qu'on a pas à le gérer.

QUE PENSES-TU DE LA REVOLTE ET DES REBELLES ? CROIS-TU A LEUR EXISTENCE ?

J'aurais des sérieux problèmes d'amnésie si je ne croyais pas à leur existence étant leur source principale d'informations sur le Capitol et Snow. Je crois non seulement à leur existence mais également à leur cause. Ou plutôt, disons qu'elle m'est utile. S'ils comptent renverser le gouvernement pour atteindre leur idéal je n'en oublie pas le mien pour autant. Mais enfin, je suis lié à eux, je leur ai prouvé pas mal de fois que j'étais infaillible et loyal et je crois que sans bien m'aimer ils me font plutôt confiance. Ca m'arrange tout à fait, et que ça reste comme ça. Ensuite on verra.

➺ COMMENT QUALIFIERAIS-TU TA VIE DANS TON DISTRICT ? EN ES-TU SATISFAIT ?

Artificielle. Le Capitol est un ramassis d'imbéciles qui se noue dans leurs possessions et leur certitude d'eux mêmes comme on se love dans une couverture. Tous méprisables, persuadés de valoir plus parce qu'ils sont protégés par l'argent qu'ils possèdent et le style vestimentaire qu'ils arborent. Ils ont la futilité et l'âme creuse de ceux qui n'ont pas à craindre la mort. Oh, je ne me plains pas. Vivre au Capitol me donne des moyens d'organiser la révolte beaucoup plus efficaces et sûrs que si j'étais né dans le district 13. Mais voilà, je suis né dans ce luxe de n'avoir pas à mourir, et s'il me dégoûtait déjà très jeune, il s'est bien empiré depuis.

➺ CROIS-TU AU BONHEUR ?

Absolument pas. En revanche je crois au sentiment de plénitude. Quand on se sent pleinement en accord avec soi même. Il arrive souvent de petits riens. Observer l'épaule nue d'une femme endormie dans un rayon de soleil. BLABLA

➺ QUE PENSES-TU DE L'ORGANISATION DE PANEM (DISTRICTS/CAPITOLE) ?

Si j'ai une sacrée envie de la faire péter le plus violemment et machiavéliquement possible, je la trouve aussi utile. La fierté de représenter son district est une nourriture pour l'âme. Et la misère de certains d'entre eux permet également l'acheminement vers la révolution, la recherche d'un plus grand bien. Bref: je la hais et je l'aime.

➺ COMMENT TE SENS-TU QUAND LE TEMPS DE LA MOISSON ARRIVE ?

Franchement? Merdique, excité, curieux, indifférent, blasé, inquiet. Tous ces sentiments contradictoires à la fois, et j'en oublie probablement d'autres. Je ne vais pas m'appliquer une psychologie à trois francs six sous pour m'analyser. Je ne suis pas apte à pleurer, comme certaines, à la mort des tributs - mais je ne vais pas non plus applaudir une victoire. Voir ces différents noms qui sortent des boules en verre, les associer à un visage, voir ensuite ces demi-gosses défiler dans leurs costumes hypocrites (ce qui est à vomir: pourquoi leur mettre toute la richesse répugnante du Capitol sur le dos juste avant de les envoyer crever? Les Hunger Games ont étés inventés par un homme-chat qui avait l'habitude de jouer avec sa bouffe avant de la manger) c'est également personnifier les proies que j'ai imaginées en créant mes pièges et mes obstacles. Connaître les traits qui seront déchirés, brisés, lacérés par mon oeuvre. Je n'y trouve rien de triste ni rien de réjouissant. Une indifférence mêlée de vague à l'âme, peut être. Pas de honte, non. Je ne fais que mon boulot - et est-ce de ma faute si c'est le seul capable de rassasier un minimum mon génie gargantuesque?

tell us your story.

Je suis né dans une famille favorisée, où l'intellect, la culture, était beaucoup plus important que l'argent. J'ai compris très vite que c'était beaucoup plus facile de faire l'idiot quand on est profondément intelligent - je me suis vite lassé de l'exercice. Mes parents ont tenté de m'injecter la norme de leur savoir, de leurs compétences. Pas de bol, l'élève a très vite dépassé ses maîtres! Je crois que, plus que de ne pas se rendre compte de mes capacités, ils ont simplement décidé inconsciemment de ne pas les accepter. Avoir un fils génial est le désir des fous - celui des cons est d'avoir un gosse qui suit leurs normes absurdes. Tout n'est cependant pas négatif dans mon éducation. Et, maintenant que j'y pense, c'est les points sur lesquels j'ai suivi mes parents qui ont permis une entente plutôt cordiale. Quel robot je fais! Toujours est-il que par mon père, historien distingué, j'ai pu acquérir une connaissance du passé presque infaillible et qui dépasse largement celle de mes concitoyens. C'est également par eux que ma vie s'est naturellement segmentée en deux parties: l'homme de pouvoir du Capitol - la principale source d'information des rebelles.
Comment en suis-je arrivé là? La plupart des gens considèrent que c'est par ambition; c'est une grossière erreur. Le pouvoir m'intéresse finalement très peu - il n'est qu'un des moyens qui justifiera la fin. Je pourrais vous dire que tout ça, c'est parce qu'au fond je suis un foutu idéaliste. Ce ne serait qu'une partie plutôt mince de la vérité. La plus grosse partie que je peux vous offrir du fond de ma pensée, c'est que l'ennui passe un temps incroyable à décider lui même qu'il s'ennuie et qu'il est temps de me reprendre dans ses filets. L'idée vous semble tordue? Tentez d'être génial. De tout comprendre en quelques minutes. Un esprit comme le mien a besoin d'être sans cesse nourri, sans cesse en mouvement. Je me dégoûte parfois d'en être à devoir inventer des machines de mort pour calmer l'hyperactivité de mon intellect. Il sert d'un autre côté une cause que mes parents n'ont jamais pu mener à bout, les misérables petits communs. Ma détermination est d'autant plus puissante qu'il s'agit d'une cause qui apaise mon esprit et le nourri largement sans pour autant devoir s'abreuver de la vie de pauvres gosses. Je ferai tomber Snow. Je me fous de savoir qu'il me considère comme un ami. J'ai appris à éteindre mes sentiments au fil du temps.

*

Ses doigts s'emmêlent dans ses cheveux, contre la chaleur de sa nuque qu'il soutient doucement. Le mouvement s'intensifie, les murmures se transforment en voix - puis les deux corps enlacés se ralentissent jusqu'à s'arrêter tout à fait. Les lèvres de Noah parcourent le creux entre le cou et l'épaule de la jeune femme, sa main trace les contours de ses hanches, de son ventre. S'il n'a jamais été un grand sentimental, il a toujours été fasciné par la beauté à la fois douce et violente des femmes puissantes, fortes. Il observe à présent le tatouage dans la nuque de celle à qui il vient de s'offrir, et réciproquement. S'amuse à imaginer ce que les gens bien pensants du Capitol penseraient de cette liaison scandaleuse d'un homme propre sur lui en costume et jamais sur le terrain avec une femme-soldat, une battante, une sublime ensorceleuse aux allures rock'n'roll. Si ces pauvres cons savaient, l'avaient vu fumer clope sur clope avec les grands noms de la rébellion, ses costumes-uniformes ridicules troqués pour des vêtements pratiques...Il se penche, s'allume justement une cigarette et observe les volutes de fumée aller s'engueuler au plafond. Il se penche légèrement, pas trop pour qu'elle n'enlève pas sa tête de son torse, et met doucement le filtre entre ses lèvres, le temps qu'elle tire une longue taffe. Silk Preston, tes courbes sont sans doute les premières dans lesquelles mon esprit se love et en oublie complètement de me réclamer de la nourriture intellectuelle. Peut être est-ce parce que j'ai un mal fou à te cerner, à comprendre ta position par rapport à notre monde absurde et gangrené. Tu me fascines absolument. Bien sûr il est hors de question qu'il lui dise à haute voix. Il déteste les situations de quiproquo et elle pourrait risquer de le prendre pour une déclaration d'amour là où il remercie simplement l'apaisement de corps et d'esprit qu'elle lui offre, à être son amante, à être son amie.
Il songe à Orube. Excellent point stratégique, très mauvaise décision de vie. On aurait pu penser que, mariage arrangé ou non, ils seraient parvenus à une certaine entente sinon amicale au moins tendre. Leurs deux corps exultant, peut être, ou un sujet de conversation de prédilection commun. Mais non. Rien de tout cela. L'absence d'esprit d'Orube devenait de plus en plus évidente au fur et à mesure qu'ils passaient des jours à vivre dans la même maison. Noah s'en était mis à éviter de dormir chez lui le plus possible pour économiser la révélation. Certes, elle tolérait ses multiples liaisons, ne posait pas trop de questions, assurait totalement sa position au Capitol. Mais mon dieu, quelle vacuité d'âme!
La plénitude de ce moment qu'il est en train de partager fait tout d'un coup un écho terrible à l'horreur de la nuit de noce. Lui, agacé de toutes les manières et les réflexions imbéciles de la jeune femme aussi artificielle que les décors du Capitol. Elle, tout d'un coup peureuse et tentant de se convaincre qu'elle voulait absolument tout ce qui arrivait. L'acte en lui même avait été froid, neutre, presque triste. Noah avait eu la sensation d'accomplir une tâche administrative et était parti rapidement le lendemain matin, prétextant une réunion comme si Orube avait été un simple coup d'un soir. Il s'était aperçu de l'horreur de la situation quelques heures plus tard. Il était incapable de se l'expliquer autrement que par la bêtise de la jeune femme qui rendait impossible toute attirance à son égard. Et pourtant, jolie - comme elle ne cessait sans doute de se le répéter - elle l'était, très même. Au bout de quelques semaines s'était simplement installé un accord tacite entre les mariés. Il lui donnait de l'argent, elle tentait de faire des efforts - et en public, ils paraissent toujours, dans la mesure du possible, comme un couple uni et heureux.
Il avance sa bouche qui remplace ses doigts sur la nuque de Silk. Cette chaleur, le goût de sa peau lui arrache un soupir d'aise. Il tire une nouvelle taffe de sa cigarette. Joue avec le 23 de la jeune femme en soufflant la fumée par les narines - dragon-serpent. Après un instant de silence, il se décide enfin à prendre la parole. « C’était impressionnant, tu sais, la manière dont tu as attiré le groupe des carrières dans les sables mouvants. Peut-être qu’on pourrait en remettre cette année. Je crois qu’à part au bain de sang je n’ai jamais vu autant de morts d’un coup. »