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| Il faut apprendre à jouer son rôle - Julian et Aileen | |
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Auteur | Message |
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| Sujet: Re: Il faut apprendre à jouer son rôle - Julian et Aileen Jeu 22 Sep - 2:34 | |
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Rares étaient les fois où Julian se laissait emporter par ses émotions. Généralement, lorsqu'il sentait son esprit être embrouiller par la tristesse, la panique ou la colère, il renforçait sa carapace et retrouvait sa froideur légendaire afin de garder le contrôle de la situation. Cependant, parfois, même le plus expérimenté des hommes perdait son sang froid lorsque l'émotion était trop forte. Et Julian se sentait complètement dépourvu du moindre contrôle, sans toutefois se soucier des conséquences de ses dires ou de ses actes. Sa rage était inégalable et il ne pouvait la contenir face à Aileen. Plus tard, lorsque son animosité sera calmé, peut-être regrettera-t-il ses paroles, peut-être souhaitera-t-il revenir en arrière et écouter plus attentivement ce que son ancienne complice avait à lui dire. Mais dans l'instant présent, il ne pouvait considérer une telle chose. Il ne voyait qu'une menteuse, une traîtresse, une pro-Capitole. Déjà que ses idées face au Capitole et tous ceux qui travaillent pour Snow étaient restreintes et arrêtées, il était d'autant plus réticent par rapport à une personne envers qui il porte rancune. Et même les paroles d'Aileen ne parvenait pas à mélanger ses pensées. « Si ce que tu crois être la vérité n'est que la partie de moi-même que j'ai le droit de dévoiler, que Snow m'oblige à dévoiler ? » disait-elle. Vrai. Comment pouvait-il savoir qu'est-ce qui était vrai parmi toutes les informations qu'il avait amassé ? Comment pouvait-il avoir la certitude qu'elle ne se protégeait pas derrière un masque afin d'éviter un châtiment du Capitole ? Justement, il ne pouvait avoir aucune certitude, sur rien. Et si elle tentait encore de le manipuler ? Tout était possible. Et Julian serait tout simplement inconscient d'ignorer son instinct et mettre toute sa confiance aveuglément en elle - encore. Les dents toujours compressées les unes contre les autres avec fermeté, le leader demeura de glace face aux suppositions de l'espionne. Mais lorsqu'elle prononça le nom de Jules Winstead, son coeur arrêta une brève seconde, comme si un choc électrique l'avait momentanément foudroyé. Ses sourcils se froncèrent très subtilement alors que son cerveau fonctionnait à présent au ralenti. Elle connaissait la jeune Winstead. Cette habitante du Capitole qu'il avait volontairement kidnappé lors d'une invasion avec les rebelles. C'était son amie ? Cette information inattendue sembla prendre une éternité avant d'être assimilée. Et il ne pouvait la contredire sur ce point; Jules était une femme douce et inoffensive. Mais son ignorance face à la maltraitance des habitants de Panem faisait d'elle une menace potentielle. Pourquoi ? Parce que n'importe qui au Capitole pourrait lui faire croire n'importe quoi puisqu'elle n'a été témoin de rien. Julian avait peut-être usé de gants de fer avec elle alors qu'elle ne représentait pas vraiment une menace - à moins qu'elle ne s'échappe et rapporte tout à Snow -, mais maintenant elle savait ce qui se passait réellement dans les districts. Peut-être détestait-elle les rebelles - et avec raison -, peut-être Julian allait-il trop loin dans son désir d'indépendance, toutefois tous les moyens étaient bons pour faire chanter le président. À la guerre, comme à la guerre. Ne désirant pas s'étaler sur le sujet de sa prisonnière - car il se doutait que quoi qu'il dise, Aileen s'emporterait, et il ne voulait certainement pas lui donner le plaisir de débattre sur ce plan secret -, Julian se contenta de rendre le regard venimeux de son interlocutrice avant de se lancer dans un autre discours. Discours qui provoqua un rictus sans joie chez Aileen. Elle parlait de prix à payer pour sa liberté, un prix dont elle ne pouvait apparemment pas sacrifier. Julian se surprit à être intrigué par une éventuelle révélation, car depuis le tout début de leurs "retrouvailles" il s'interrogeait sur ses motifs à perpétuer son travail barbare et inhumain. Car il y avait certainement une explication logique... Personne de sain d'esprit ne le faisait que pour le plaisir ! Et la raison était maintenant limpide maintenant. Pour la vie de sa famille. Elle sacrifiait sa vie pour celle de ses proches, pour les personnes qu'elle aimait. Pendant un bref instant, le chef rebelle partagea le malheur d'Aileen. Un très bref instant. Puisqu'elle ne faisait rien pour attirer la pitié alors qu'elle lui déballait toutes ces informations d'un ton rageur et rancunier. Il le méritait, certes, mais il n'allait pas lui donner le plaisir de le toucher avec son discours.
Bien entendu, tous les agissements d'Aileen depuis leur dernière rencontre le dégoûtait, le troublait. Il se demandait comment un être humain pouvait faire preuve d'autant de cruauté envers une autre personne de sa propre race de manière gratuite et insensible. Certes, il avait fait du mal dans le passé, tué même, mais il s'agissait de situations de vie ou de mort dans lesquelles c'était sa survie au détriment de celle des autres. Ça n'avait rien de plus glorieux, sa conscience n'en était pas plus légère, cependant il n'avait pas de chaînes aux chevilles. Il agissait comme bon lui semble et il n'était le toutou de personne. La menace qui pesait sur les épaules d'Aileen concernant sa famille était peut-être une motivation suffisante pour tuer, torturer et avoir des dizaines de mort sur la conscience, mais ce ne l'était pas pour Julian. Il ferait tout pour sa famille, sans aucun doute, mais il n'enlèvera jamais la vie d'un innocent par les commandes d'un dictateur sanguinaire. Voilà ce qui les différenciait. Il avait des valeurs et, peu importe la situation, il refusait de les contredire. Et pourtant, ce n'était pas tout... Il semblerait qu'elle prenne des cachets pour pouvoir effectuer son travail sans flancher. Des médicaments ? Elle était rendue au point de se droguer pour satisfaire les viles envies de Snow ? Était-ce encore un mensonge pour le manipuler ou lui disait-elle la vérité ? Julian demeurait mitigé. Et sa pensée de fuite, de finalement trouver la liberté de ses gestes et de ses décisions, se renforça que davantage. N'était-ce pas un signe qu'elle ne parvenait plus à accomplir les tâches du Capitole ? N'était-ce pas une preuve que le travail qu'elle devait effectuée était humainement impossible ? Et comme le fidèle rebelle qu'il était, il lui fit part de ses réflexions, ne passant pas par quatre chemins avant d'atteindre son point. Il lui portait beaucoup trop de colère et de rancune pour mettre des gants blancs. Et sa froideur lui valut un coup d'épingle dans l'épaule...
Une chasse à l'homme était de mise. Croyait-elle vraiment que Julian, le chef des rebelles, allait la laisser s'enfuir aussi facilement ? Croyait-elle qu'une simple plaie réouverte l'arrêterait ? Pourtant, même si la douleur à son épaule était légèrement engourdie par le mélange de la colère et l'adrénaline, Julian ne parvenait pas à rattraper l'espionne... Ses acolytes rebelles, eux, s'élançaient de chaque côté, le rattrapant, le dépassant aisément. Concentré sur son point de mire, il remarqua à peine du coin de l'oeil l'un d'entre eux ramasser une pierre sur son chemin et la lancer précisément sur Aileen. Plutôt futé. La jeune femme s'effondra aussitôt contre l'herbe, le bruit de sa chute camouflée par les pas précipités de ses poursuivants. Les rebelles l'atteignirent rapidement, l'entourant dans un cercle bien serré. On aurait pu croire qu'ils la ligoteraient sur le champ, furieux qu'une étrangère s'en est pris à leur leader, cependant ils n'en firent rien. Ils demeurèrent immobiles, avides de préhension, certes, mais tout de même patients. Dans leur dos, Julian, le visage crispé par l'effort et la douleur qu'il tentait d'ignorer du mieux qu'il le pouvait, atteint le cercle fermé. Il écarta sans gêne certains de ses confrères et sentit son sang bouillir de fureur à la vision de la fuyarde étendue sur le sol. Aussitôt, le chef s'approcha, s'accroupit à ses côtés et lui saisit le cuir chevelu d'une main ferme. Il bascula la tête d'Aileen vers l'arrière et appuya durement l'épingle souillée qu'il tenait dans sa main ensanglantée contre sa gorge. Les muscles tendus, les yeux lançant des éclairs, il approcha ses lèvres de l'oreille de la rouquine et y murmura quelques mots d'une voix rauque et ferme. « Qu'est-ce que je vais faire de toi, Aileen ? » Il fit une petite pause durant laquelle il contempla le profil délicat de l'espionne alors que l'épingle de cette dernière entaillait légèrement le derme de sa gorge. Un simple mouvement brusque et il perforait sa trachée... Et elle mourrait en quelques minutes à peine par asphyxie. Grinçant des dents, Julian considéra la possibilité d'en finir. Et pourtant, il n'y arrivait pas. Il se sentait paralysé. Incapable d'effectuer le moindre mouvement qui pouvait éliminer cette... menace ? Son bras blessé c'était même mis à trembler dangereusement, menaçant de lâcher son emprise contre la chevelure flamboyante de son "ennemi". Son sang coulait toujours abondamment contre son épaule, son torse, provoquant un étourdissement inopportun et désagréable au niveau de ses tempes. Après un long moment de réflexion et de délibération, Julian perdit ses forces. Il retira l'épingle de contre sa gorge et relâcha son emprise. Il se laissa tomber au sol, une main s'encastrant automatiquement contre son épaule meurtrie. « Ligotez-la » ordonna-t-il aux rebelles. Il était hors de question de la laisser partir. Il ignorait que faire d'elle, il ignorait même qui elle était vraiment, mais pour l'instant, il n'arrivait plus à voir clair... Il ne parvenait plus à penser de manière rationnelle.
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| Sujet: Re: Il faut apprendre à jouer son rôle - Julian et Aileen Sam 24 Sep - 20:14 | |
| La mort, Aileen la cotoyait presque quotidiennement. C'était sa source de revenus, sa collègue, son alliée. Elle mettait fin à la vie des autres pour sauver la vie de sa famille. Une existence contre une autre. Parfois, il arrivait que la mort se retourne contre Aileen, qu'elle l'attrape par le bras d'un air avide et qu'elle lui sussure de venir la rejoindre. La jeune femme était toujours sortie vivante de ses missions, elle se fiait à sa chance incroyable autant qu'à son professionalisme. Etrangement, elle ne pensait presque jamais à sa propre mort. Elle savait que sa vie pourrait finir de 1001 façons désagréables et n'aimait pas s'attarder sur le sujet. A quoi bon penser à ce qui pourrait arriver demain ? Son absence de peur face à la Grande Faucheuse la rendait immortelle. A présent, elle était allongée par terre et entourée par une horde de rebelles furieux. Aileen avait osé toucher à leur chef, ce qu'ils ne lui pardonneraient jamais. Elle aurait pu fuir. Elle aurait pu s'échapper. Pourtant, le sort en décida autrement et une pierre lancée par un rebelle l'avait atteinte en plein dans le dos. La jeune femme s'était effrondrée. Un éclair de douleur avait traversé sa colonne vertébrale; elle avait failli s'évanouir. Sa chute brutale avait chassé tout l'air de ses poumons. Elle se sentait incapable de bouger et encore moins de se relever et de se remettre à courir. Des points noirs dansaient devant ses yeux, elle était paralysée par la souffrance. Elle ententendait les pas de ses poursuivants; ils se rapprochaient et elle était incapable de se défendre. Alors, elle resta étendue sans bouger, face contre terre, les yeux fermés. Ils étaient là, une poignée de rebelles avides de vengeance. Elle s'attendait à ce qu'ils l'attrapent, à ce qu'ils la ligotent, mais ils ne bougèrent pas, se contentant d'échanger des commentaires d'un ton rageur. “Il faut la tuer tout de suite!” Disait l'un. “Non, interrogeons-la d'abord.” Rétorquait un autre. “C'est un agent du Capitole ?” “Comment a-t-elle fait pour infiltrer le camp?” “Elle connaît notre chef.” “Il faudrait peut-être le soigner d'abord.”. Aileen avait envie de se boucher les oreilles pour ne plus entendre leurs questions, leurs suppositions et leurs menaces. Soudain, quelqu'un arriva. Quelqu'un qui courait d'un pas lourd, la respiration hâchée. Quelqu'un qui écarta les rebelles sans ménagement. Julian. Il s'accroupit à côté d'Aileen et l'attrapa brusquement par les cheveux pour basculer sa tête en arrière. Son épingle, celle-là même qu'elle avait plantée dans l'épaule de Julian, était à présent posée sur sa gorge. Le mouvement provoqua une onde de douleur dans le dos de la jeune femme, et elle se mordit les lèvres pour ne pas crier. Se débattre ne servirait à rien, elle était trop faible pour ça...Elle était forcée à regarder le chef rebelle dans les yeux. Julian...D'abord un adolescent qu'elle devait espionner. Puis un ami, quelqu'un qu'elle appréciait sincèrement. Ensuite un souvenir douloureux, qu'elle avait tenté d'effacer de sa mémoire. Et maintenant...Son ennemi. Celui qui allait mettre fin à sa vie ? Son visage était tout près de celui de l'espionne; elle pouvait voir sa mâchoire contractée, ses sourcils froncés, son rictus furieux, son front plissé par la douleur. Et puis, ses yeux...Deux puits noirs sans fond de haine et de souffrance. Son regard la transperçait, l'accusait de tous les maux de la terre, la condamnait. Il approcha ses lèvres de l'oreille d'Aileen et murmura d'une voix rauque mais ferme où elle sentait sa détermination: « Qu'est-ce que je vais faire de toi, Aileen ? ». Il recula légèrement et observa la jeune femme. Elle réussit à tourner la tête pour le regarder dans les yeux. Je ne sais pas... Répondit-elle simplement. C'était peut-être la chose la plus sincère qu'elle lui avait jamais dite. Oui, elle ne savait pas non plus comment se sortir de ce bourbier infini. La seule solution qui s'imposait à elle, c'était qu'il la tue. Qu'il mette fin à sa vie comme elle avait assassiné des dizaines de rebelles. Un seul mouvement bref avec l'épingle, et elle mourrait en quelques minutes. Une mort somme toute assez rapide, mais pas agréable.
Une unique larme roula sur la joue d'Aileen et alla s'écraser sur le bras du chef rebelle. Ce n'était pas une larme de peur pour le sort qui l'attendait, ni une larme de tristesse parce qu'elle allait sans doute mourir. C'était une larme de remords, de regrets parce qu'elle avait passé sa vie à travailler pour des autres sans jamais avoir le courage ou la folie de se libérer. Des regrets parce qu'il y avait tant de choses qu'elle aurait voulu faire, sauver sa famille des griffes de Snow par exemple, vivre paisiblement, cesser d'être Miss Carter, l'espionne du Capitole, pour devenir simplement Aileen. Être libre, tout simplement. A présent, c'était impossible. Elle avait déjà trop fait au nom du Capitole, trop tué, torturé et blessé, anéanti trop d'existences, brisé trop de rêves. Elle ne pourrait jamais l'oublier, et les autres ne l'oublieraient pas non plus. La jeune femme s'était déjà trop engagée sur la voix violente du Président pour revenir en arrière. Elle était trop changée, trop marquée par son passé pour pouvoir envisager un avenir. Pourtant, alors qu'elle semblait devoir mourir dans les minutes qui suivaient, Aileen le vit clairement, ce futur. Une maison à elle où personne ne pouvait venir la chercher pour lui parler de politique ou de guerre. Une vie paisible...pourquoi pas en tant que guérisseuse ? Elle avait toujours aimé les plantes. Réparer et soigner au lieu de détruire et de blesser...A sa grande surprise, elle n'était pas seule dans ce tableau idyllique. Il y avait...Ian ? Ce jeune rebelle à qui elle n'avait jamais vraiment avoué son amour, parce qu'une histoire entre eux était impossible. Et des enfants blonds qui jouaient gaiement sur la pelouse...Aileen fronça les sourcils. Elle n'avait jamais voulu tout cela, une petite famille à elle et une vie entre les prés...La vie trépidante au Capitole était bien plus agréable, non ? Soudain, la jeune femme se rendit compte qu'elle s'était menti, qu'elle avait bel et bien rêvé de cet avenir paisible...sans oser se l'avouer. Elle planta son regard dans celui de Julian, un regard qui ne suppliait pas de l'épargner, mais de lui pardonner assez pour en finir vite. Il était comme paralysé. Leurs regards restaient ancrés l'un à l'autre, celui du chasseur et de sa proie. Dans les yeux de Julian, elle voyait un flot d'émotions contradictoires. A sa grande surprise, la pitié en faisait partie, ainsi que l'indécision. Pourquoi hésiter maintenant ? Etait-ce tellement difficile, d'enfoncer cette fichue épingle dans la gorge de la jeune femme ? Le bras blessé de Julian se mit à trembler. Son emprise sur les cheveux d'Aileen se relâcha légèrement, mais elle ne le remarqua même pas. L'odeur métalique du sang emplissait l'air, elle était partout et rendait la jeune femme malade. Le liquide rouge coulait toujours abondamment, gouttait lentement sur la chemise d'Aileen. Je t'en prie...Finissons-en. Murmura-t-elle d'une voix faible. Son corps était parcouru de frissons incontrôlables, la douleur avait enflé jusqu'au point où elle était incapable de penser. A cet instant-là, mourir aurait presque été un soulagement pour elle. L'épingle entailla légèrement sa peau, et elle ferma les yeux. Aileen préférait mourir dans le noir plutôt que d'être confrontée au regard accusateur de Julian. Pourtant...rien ne se passa. Il n'y avait qu'un picotement désagréable là où l'épingle avait égratiné sa peau...mais rien de plus. La jeune femme n'y comprenait plus rien. Elle rouvrit les yeux en expirant brusquement; elle avait retenu sa respiration pendant trop longtemps. Le visage de Julian était tordu dans une expression d'indécision et de déchirement. Ainsi...Aileen s'était trompée à son compte. Il n'avait jamais oublié leur amitié, elle était restée à l'intérieur de lui, bien cachée, mais toujours présente. A présent, ce sentiment-là resurgissait et l'empêchait de mettre fin à la vie de la jeune femme. Etait-ce le souvenir de leur ancienne complicité ? Des moments passés ensemble à s'entraîner ? Des instants paisibles où ils parlaient, assis sur un banc ? De la gentillesse et de la douceur d'Aileen, de ses paroles consolantes et de sa compréhension ? Ils s'affrontaient silencieusement du regard, la haine de Julian contre la peine d'Aileen, mais ce résidu de leur ancienne amitié venait miner les défences du chef rebelle. Un long soupir s'échappa des lèvres de l'espionne. Elle pouvait presque voir comment sa volonté s'émoussait, comment ses forces l'abandonnaient. La jeune femme se sentait aussi prête à perdre pied, à lâcher les armes. Qu'ai-je fait ?Chuchota-t-elle, tellement doucement qu'elle doutait qu'il l'ait entendue. Elle le voyait à présent à travers d'un brouillard de plus en plus épais. Sa détermination à se battre s'effondrait. Elle coulait, elle sombrait. Il y avait tant de choses qu'elle aurait voulu dire... Tant de mots, enfermés à l'intérieur d'elle, qui brûlaient d'être libérés...Mais c'était trop tard. Soudain, la tête d'Aileen heurta quelque chose de dur. C'est fini. songea-t-elle confusément. Je suis morte.. Alors pourquoi le monde ne s'estompait-il pas devant ses yeux ? Pourquoi avait-elle toujours mal ? Elle entendit un bruit à côté d'elle et leva les yeux. C'était Julian qui s'écartait d'elle, l'épingle à la main. Instinctivement, elle tâta sa gorge, mais n'y sentait qu'une fine entaille. Il t'a lâchée et ta tête a rebondi sur le sol.Réussit-elle à comprendre. Le chef des rebelles se laissa tomber par terre, une main posée sur son épaule blessée. « Ligotez-la » Ordonna-t-il d'une voix étouffée par la souffrance. Attends ! S'exclama Aileen. Elle réussit à s'asseoir et ignora le plus possible la douleur dans son dos pour se traîner lamentablement en direction de Julian. Un sursaut d'énergie et d'envie de vivre lui donnait la force de bouger, de rester consciente. Avant qu'il ait le temps de réagir, elle déchira un large pan du dessous de sa chemise, de toute façon trop grande, et elle lui prit fermement le bras. Quelques instants plus tard, elle lui avait posé un garrot parfait, ni trop lâche ni trop serré. Une fois remis de leur étonnement, les autres rebelles réagirent immédiatement en attrapant Aileen. Ils la remirent brusquement sur pieds, et elle ne put retenir un hoquet de douleur. Ils ligotèrent ses mains derrière son dos, sans cruauté mais fermement. De toute façon, elle ne songeait pas à s'échapper. Elle regardait Julian, qui était toujours assis par terre, blanc comme un linge. Les rebelles parlaient entre eux, ils se demandaient ce qu'ils devaient faire d'elle. Qu'est-ce que vous allez faire de moi ? Demanda-t-elle d'une voix neutre. Elle avait utilisé le pluriel, mais c'était à Julian qu'elle s'adressait vraiment. Avoue que tu ne le sais pas. Tu vas me garder éternellement emprisonnée ? Je serai une menace pour toi, pour tout le monde. Tu ne seras jamais tranquille. C'était une simple constatation, formulée d'une voix enrouée par l'émotion. Oui, il devrait la tuer, elle le savait, il le savait, les rebelles le savaient. Pourtant, il ne l'avait pas fait. Au lieu de vous chamailler, occupez-vous plutôt de lui ! Soignez-le, bon sang ! Dit-elle aux rebelles d'une voix plus inquiète qu'énervée. C'était tellement étrange...A présent, elle avait pitié de lui, et elle s'en voulait terriblement de lui avoir fait du mal. |
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| Sujet: Re: Il faut apprendre à jouer son rôle - Julian et Aileen Sam 1 Oct - 2:29 | |
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Avoir le sang d'une ancienne amie sur les mains, Julian ne pouvait le faire. Même si cette personne avait été poussée à commettre les plus horribles atrocités, à tuer des innocents et les torturer pour le simple bénéfice d'un dirigeant tyrannique. La seule pensée d'éliminer Aileen, une personne en qui il avait autrefois mis toute sa confiance, le dégoûtait au plus haut point. Au même niveau que les agissements de Snow. Malgré sa fureur liée à la trahison dont il fut victime, à son désir de vengeance incongrue qui le poussait à poser des gestes à l'opposé de lui-même, il ne pouvait aller jusqu'au bout de son geste. Certes, le chef rebelle était toujours de nature froid et direct, à croire qu'aucun coeur ne logeait dans cette massive poitrine, mais un masque le voilait. Rancunier de nature, il n'avait pu voir autre chose que le monstre présent devant lui. Cette jeune femme qui s'était laissée manipuler par leur Président, qui en était même devenue malade. Ses pensées s'étaient automatiquement brouillées par le dégoût et le déni. Mais derrière cet air de femme forte et cruelle, derrière cette forte carapace qu'elle arborait, Julian ne pouvait croire que rien ne s'y tapissait... Il ne pouvait croire qu'elle était devenue une banale coquille vide, sans aucune morale ni sentiments. Il avait si bien connu Aileen autrefois, à l'époque où sa tête était encore fragile et hantée par le traumatisme des Hunger Games. Ça ne pouvait pas être qu'un vulgaire mensonge. Au fond de lui, même si sa rancune se faisait ravageuse, il croyait toujours en Aileen, mais il n'osait se l'avouer... En regardant profondément dans les yeux de la traitresse, il y vit une faiblesse. Sa propre faiblesse. Elle le supplia presque d'en finir au plus vite, de mettre fin à cet affront plutôt que de prolonger cette situation tordue. Demande qu'il n'aurait jamais pu satisfaire. Le simple fait qu'elle le pousse à commettre un meurtre le dissuadait de le faire. Comme si l'entendre de la bouche d'un autre lui faisait réellement prendre conscience de l'atrocité de ses intentions. Il ne voyait plus une pro-Capitole, une espionne directement envoyée par Snow, mais une simple humaine. Un être doué de sentiments et de valeurs profondes qui se retrouvait dans un gouffre infernal sans y atteindre le fond. Comme tout autre habitant de Panem en réalité. Tous étaient pris dans un trou noir différent qui persisterait tant et aussi longtemps que la paix ne sera pas retrouvée parmi les humains. Abréger les souffrances d'une âme déchirée ? Julian n'avait pas ce pouvoir. Il ne le voulait pas. Qui était-il pour décider de la fatalité de chacun ? Qui était-il pour décider qui doit mourir et qui doit survivre ? Non, il ne désirait pas avoir ce rôle. Il en était tout simplement incapable. Enlever pour sa propre survie ou pour celle d'un innocent, pour la justice, pour la rébellion, il se résignait. Mais la situation présente était différente. Aileen l'avait blessé, certes, avait infiltré illégalement leur camp de rebelles alors qu'elle travaillait toujours pour le Capitole, mais elle n'était pas une menace pour la vie de personne en ce moment. Enfin, elle l'était peut-être, mais maintenant qu'elle était entourée de soldats rebelles, elle n'en était plus une. Julian n'était pas l'un de ces dictateurs qui imposaient sa loi peu importe le prix. Alors il l'a relâcha. De toute manière, son bras blessé ne lui permettait plus de tenir la tête de la fugitive dans les airs bien longtemps. Il perdait ses forces et sentait son visage perdre des couleurs alors que le décor s'embrouillait peu à peu.
Son statut de chef prit le dessus alors qu'il ordonnait qu'on attache "l'ennemie" avant qu'elle ne puisse s'enfuir. Cependant, ses directives furent surplombées par des protestations, certainement pas en provenance des rebelles. Personne ne réfutait ses ordres à moins qu'il y ait une réellement discordance. La tête lourde, Julian réalisa qu'il s'agissait d'Aileen... Elle s'était précipitée devant lui, s'accroupissant à ses avants. Il eut un léger mouvement de recul instinctif alors que ses yeux confus et méfiants tentaient de comprendre ce qu'elle manigançait. Les rebelles autour semblaient tout aussi perplexes, effectuant même des pas incertains devant eux. Mais Julian les arrêta d'un bref signe de la main lorsqu'il aperçut la rouquine déchirer un morceau de tissu de sa chemise souillée par la terre. Sans qu'il ne puisse faire le moindre geste, elle lui agrippa le bras et lui concocta un garrot confectionné à la perfection. Durant tout le processus, Julian tentait de demeurer neutre, mais il ne pouvait s'empêcher d'afficher sa perdition ainsi que son doute. Un doute face à ses intentions. Finalement, alors qu'Aileen avait terminé son travail, les rebelles ne se gênèrent plus et ligotèrent les mains de celle-ci derrière son dos. Julian demeurait immobile sur le sol, le bras recroquevillé contre sa cage thoracique, remarquant à peine les déplacements qui s'effectuaient à ses avants tellement la perte de sang le faisait divagué. Mais malgré sa faiblesse, il parvint tout de même à relever le regard et écouter attentivement les paroles de leur prisonnière qui se manifestait à nouveau. Et elle visait juste. Il ne savait plus quoi faire avec elle. Il s'interrogeait à toute allure, élaborant les pour et les contre de la laisser partir, de la faire prisonnière des rebelles. Autant il souhaitait la garder à l'oeil, éviter tout autre drame en ne la laissant pas partir, autant il doutait de l'efficacité de cette solution. Aileen avait un lien plutôt bénéfique avec Snow en personne et si elle disparaissait, si elle ne démontrait pas signe de vie, il mettrait ses petits toutous de Pacificateurs à sa recherche. Ce qui les mènerait direction à lui, le chef des rebelles recherché pour révolte. Et il mettrait également la vie de la famille d'Aileen en danger... Des innocents qui n'ont probablement jamais pris part à cette guerre. Délibérant longuement, il aperçut ses acolytes affichés des airs inquiets en sa direction alors qu'Aileen les priait de prendre soin de son cas. Julian refusa. Il écarta tout aide qui lui était adressé et se redressa sur ses jambes, par lui-même. Avec grande difficulté, il y parvint. D'un pas chancelant, il s'approcha de la rouquine, se postant à seulement un pas d'elle. Son regard était beaucoup moins menaçant, vaporeux même - dû à son malaise. Il la toisa un long moment pour finalement émettre un long soupire. « Libérez-la. » Un silence de confusion s'abattit sur le groupe. Tous demeurèrent immobiles, bouche bée par les nouvelles directives de leur chef. Voyant que personne n'effectuait le moindre mouvement, Julian dériva son regard vers ceux-ci et insista: « Relachez-la ! Laissez-la partir ! » Il contourna lui-même la prisonnière et détacha les cordes qui serraient les poignets de cette dernière. Une fois libérée, le chef demeura aussi froid et inerte qu'une statue de glace, ayant lui-même de la difficulté à croire ce qu'il faisait. Le silence religieux qui s'était abattu sur eux persistait. « Sauve-toi avant que je ne change d'idée... » conseilla-t-il d'une voix basse et posée alors qu'il défiait le regard de son ancienne amie, son ancienne ennemie...
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| Sujet: Re: Il faut apprendre à jouer son rôle - Julian et Aileen Dim 2 Oct - 19:16 | |
| Contrairement à ce que tout le monde semblait penser, Aileen Carter n'était pas réellement mauvaise au fond d'elle. Si elle avait grandi dans un milieu différent, elle aurait pu devenir une fille gentille et simple, mais on ne lui avait pas laissé le choix. Avant même sa naissance, son grand-père et le Président décidèrent de son métier. Ses parents n'eurent pas voix au chapitre mais ne protestèrent pas; ils étaient trop heureux que leur enfant puisse servir la cause du Capitole. L'éducation d'Aileen n'avait qu'un seul but: la préparer à devenir une espionne, une arme puissante qui pourrait servir contre les rebelles. En plus d'apprendre à lire et à écrire, elle reçut des leçons de maniement d'armes, elle apprit à blesser et à soigner, à se faire discrète et à poser les bonnes questions aux bonnes personnes. Aileen excellait dans la plupart de ces domaines, ce qui ravit sa famille et le Président. Pourtant, elle n'était pas méchante, ni sadique, ni cruelle. On lui apprit à mettre ses sentiments de côté pour exécuter son travail et à se montrer dure, mais personne ne réussit à la rendre véritablement insensible. Aileen était une excellente comédienne, et elle manipulait ses proches autant que ses ennemis. Elle comprit très vite ce qu'elle devait faire pour obtenir ce qu'elle voulait et satisfaire les autres. Le jour de ses seize ans, ses maîtres la déclarèrent prête à servir le Capitole. Ses premières missions ne furent pas vraiment difficiles, et elle les réussissait toujours parfaitement. Les choses se corsèrent le jour où elle dut tuer pour la première fois. A partir de ce jour, peu à peu, Aileen commença à faire des cauchemars. Elle avait beaucoup de mal à suivre les ordres souvent cruels du Président et son moral était en dessous de zéro. La question fut rapidement réglée: son grand-père l'envoya chez un docteur qui lui prescrit des cachets. Deux par jour, à prendre avant de dormir. Au lieu de passer ses nuits à se tourner et se retourner dans son lit, incapable de trouver le sommeil après ses cauchemars, Aileen sombrait dans l'inconscience à peine quelques minutes après s'être couchée et se reveillait le lendemain matin la tête claire. Son humeur morose disparut, ainsi que son sentiment de culpabilité, sa pitié et son empathie. Les cachets avaient un effet spectaculaire, ils en faisaient quelqu'un d'autre, un être presque inhumain qui ne reculait devant rien pour servir le Président. La jeune femme avait inventé une nouvelle Aileen, une personne capable d'exécuter parfaitement ses missions. Elle avait érigé une façade dure et froide qui cachait son côté sensible. Jour après jour, Aileen jouait un rôle; elle feignait vénérer Snow et adorer ses idées, elle prétendait adorer son métier et prendre plaisir à faire du mal aux rebelles. Avec le temps, la vraie Aileen avait fini par s'estomper, par se retrancher au plus profond de son être, ce qui la soulagea. La jeune femme ne pouvait pas se permettre de laisser remonter son moi trop gentil et trop fragile à la surface. Elle avait berné tout le monde avec sa petite comédie. Personne ne doutait de l'attachement de Mademoiselle Carter -du Général Carter- au Capitole. Beaucoup d'admiraient, l'enviaient, la copiaient sans atteindre la perfection de l'original. Sa famille ne se doutait de rien; même sa petite soeur, sa confidente lorsqu'elles étaient encore enfants, ne savait rien. La jeune femme s'était montrée trop sûre d'elle, elle avait cru mener le Président en bâteau. Récemment, elle avait découvert que ce n'était pas du tout le cas. Aileen ne comprenait toujours pas pourquoi il avait été tellement furieux, pourquoi il l'avait menacé et intimidée. Craignait-il qu'elle change de camp à ce moment crucial de la guerre ? En tous cas, la colère n'était pas le meilleur moyen de s'assurer la fidélité de la jeune femme. Cela l'avait terriblement vexée, dégoûtée et attristée. Etait-ce pour cela qu'elle risquait sa vie tous les jours ? Pour les lubies d'un vieillards à moitié fou ? Sa fierté avait pris un grand coup; elle n'était pas prête à oublier l'entrevue avec l'homme le plus puissant de Panem...Ni prête à lui pardonner.
A présent, Aileen avait l'impression qu'elle allait bientôt payer pour tous les crimes qu'elle avait commis pour le Président. L'épingle qu'elle avait enfoncé dans l'épaule de Julian à peine quelques minutes plus tôt était maintenant posée sur sa gorge. Elle était allongée par terre, sans défence. La douleur qui montait de son dos l'empêchait de penser logiquement. Dans les yeux du chef rebelle, elle lisait toute la haine, tout le mépris, tout le dégoût du monde. C'était un regard dur et inflexible, froid comme la glace et brûlant comme le désir de vengeance. Le regard d'un être sans coeur, à croire qu'il était chef avant d'être humain. Il était tendu, crispé même; il souffrait sans doute beaucoup mais refusait de le montrer. Julian, son ancien ami. Lui qui avait connu l'ancienne Aileen, celle d'avant son premier meurtre, une fille sympathique, douce et compréhensive...Croyait-il vraiment qu'elle était devenue un monstre ? La jeune femme voyait que ce qu'elle avait fait l'horrifiait et le révoltait, et cela lui fit de la peine. Il ne comprenait pas, ne pouvait pas comprendre. Personne ne le pouvait. Se mettre à la place d'elle pour saisir enfin le tableau entier de ses motivations, de ses peurs et de ses désirs, de sa raison de vivre et de sa raison de tuer des innocents. Emprunter les sentiers tortueux de son âme déchirée pour retrouver la vraie Aileen qui se tapissait au fond d'elle. L'écouter sans tressaillir ou juger et lui dire qu'elle pouvait tout changer. Lui tendre la main au lieu de la pousser plus loin dans le gouffre de la misère. Ramasser les morceaux de son identité et recoller son bonheur brisé. Non, personne ne pourrait faire ça, car les gens ne regardaient pas plus loin que sa carapace et refusaient d'admettre qu'il y avait un être humain en-dessous. Aujourd'hui, pourtant, quelque chose s'était passé...Sa belle façade de femme forte s'était fendillée peu à peu sous le regard accusateur de Julian, pour tomber en poussière lorsqu'il avait posé son épingle sur sa gorge. Elle allait mourir. Il fallait qu'il la tue. La jeune femme avait trop vu et entendu et représentait une menace pour les rebelles. Oui, elle méritait cette mort. Sa vie contre toutes celles qu'elle-même avait ravagées, était-ce un prix trop élevé ? Certainement pas. Mais pourquoi, pourquoi Julian hésitait-il ? C'était tellement facile, d'enfoncer cette épingle et de la regarder mourir...Il n'y avait plus de mensonges entre eux, plus de masques, plus de faux-semblants. La souffrance avait effacé l'air de chef inflexible de Julian et le montrait sous son angle le plus humain. Pourtant, affronter son regard semblait être la chose la plus difficile qu'Aileen ait dû faire dans toute sa vie, parce qu'il lirait dans ses yeux qui elle était vraiment. Fini les artifices et les belles phrases; il ne restait plus que la douleur, les regrets et la tristesse...et le désir d'en finir le plus rapidement possible. Regarder le chef rebelle en face, c'était comme regarder dans un miroir qui lui renvoyait l'image de sa propre faiblesse. Privée de sa carapace, la jeune femme se sentait incroyablement vulnérable. Julian appuya légèrement sur l'épingle, et un mince filet de sang coula de la plaie pour aller se mélanger avec celui du chef rebelle sur les vêtements d'Aileen. Elle ferma les yeux, croyant voir la mort arriver...mais cela ne se passa pas comme prévu. Au lieu d'enfoncer l'épingle dans sa gorge, Julian la lâcha et recula de quelques pas avant de se laisser tomber lourdement. La jeune femme était abasourdie. Pourquoi ne l'avait-il pas tuée ? Pourquoi ? Alors, elle se rendit compte que le chef rebelle lui avait menti, qu'il s'était menti, qu'elle s'était menti. Tous les deux, ils avaient prétendu se détester et être des ennemis, mais ce n'était pas vrai. Leur ancienne amitié n'était pas morte; elle était toujours présente au fond d'eux et c'était elle qui avait empêché Julian de la tuer. Cela toucha Aileen et elle osa enfin s'avouer que oui, le chef rebelle était quelqu'un de bien et de juste, quelqu'un qui méritait de réussir dans la vie. Il ordonna qu'on la ligotte, de sa voix de chef, mais elle n'était pas dupe. Il souffrait. Sans réfléchir, elle se précipita devant lui et lui prit fermement le bras. Julian eut un mouvement de recul, mais elle ne le lâcha pas et confectionna un garrot parfait avec une bande de tissu arraché à sa chemise. Dans les yeux de son...ennemi ?...elle lisait à la fois la méfiance et le doute. Une fois qu'elle eut terminé, Aileen se laissa ligoter sans se débattre. Elle posa une question qui lui brûlait les lèvres: qu'allait-il faire d'elle ? Il ne le savait pas lui-même, la jeune femme le sentait bien. Elle le vit hésiter, réfléchir autant que son esprit embrouillé par la douleur le permettait. Aileen se taisait et l'observait en silence, trop lasse pour plaider sa cause. Sa seule demande fut celle de soigner le chef rebelle, mais il refusa. Il réussit à se relever tout seul, sans doute par pure volonté. D'un pas chancelant, il s'approcha d'Aileen et la toisa d'un regard beaucoup moins furieux et menaçant qu'avant, un peu vague même.
Finalement, il soupira et ordonna: « Libérez-la. » Personne ne parla, personne ne bougea. L'ordre était tellement étrange... « Relachez-la ! Laissez-la partir ! » Instista Julian, mais comme personne ne le faisait, il détacha lui-même les cordes d'Aileen avant de revenir se poster devant elle. Son regard était froid et distant, mais elle savait à présent que derrière cette façade se cachait un coeur bien humain. « Sauve-toi avant que je ne change d'idée... »Conseilla-t-il à voix basse. Pourtant, Aileen était incapable de le faire. A peine quelques minutes plus tôt, elle avait cru mourir, et à présent il la relâchait ? C'était trop pour elle; sa tête tournait et des larmes coulaient silencieusement le long de ses joues. La jeune femme ouvrit la bouche pour parler mais dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de trouver la force de dire: Merci. Dans ce petit mot, il y avait toute sa gratitude et toute sa tristesse. Elle allait retourner au Capitole...Soudain, bien qu'il fasse chaud, un frisson l'agita. Elle devrait faire face à Snow...Il ne comprendrait jamais qu'elle avait échoué, il ne l'admettrait pas. Il la punirait. Aileen pouvait facilement imaginer ce qu'il lui ferait...mais il ne toucherait pas à sa famille. Pas encore. Il voulait garder ce moyen de pression intact. J'ai...un petit appareil dans ma ceinture, avec lequel je peux appeler un hovercraft pour venir me chercher. . Dit-elle doucement. Pourquoi n'avait-elle pas utilisé ce gadget plus tôt, alors qu'ils la poursuivaient ? L'avait-elle oublié...ou ne voulait-elle pas que Julian et ses hommes soient tués ? Mais Snow ne croira jamais que vous m'avez laissé partir comme ça. Il faudra que je lui explique tout: comment on m'a démasquée, comment on m'a blessée, et pourquoi je ne t'ai pas tué alors que j'en avais l'occasion, Julian. La plus grande faiblesse du Président, c'est qu'il est incapable de penser comme vous. C'est pour ça qu'il a moi, parce qu'il a découvert que je vous comprend beaucoup mieux que lui.Poursuivit-elle d'une voix amère. A l'idée de l'interrogatoire qu'elle allait devoir subir, Aileen tremblait. Oui, il ne lâcherait pas le morceau tant qu'elle ne lui avait pas tout raconté en détail. Il me faut...une histoire. Une mise en scène. Une justification pour ce qui s'est passé. Murmura-t-elle plus pour elle-même que pour les rebelles. Son esprit embrouillé par la douleur et l'émotion fonctionnait au ralenti et elle n'arrivait pas à inventer quelque chose de correct. Elle leva les yeux vers Julian. N'avait-il pas d'idées non plus ? En tous cas, il faut que vous partiez d'ici. Abandonnez ce campement dans les champs. Evacuez-le le plus vite possible. La vengeance de Snow sera terrible, quoi que je puisse dire. Je lui cacherai tout ce que je peux, mais s'il s'en apperçoit...Finir sa phrase n'était pas nécessaire. Après tout, Julian savait parfaitement à quel point le dictateur pouvait être cruel. Pourtant, Aileen était prête à prendre le risque. Quelque chose avait changé en elle. Sa rencontre avec Julian avait été comme l'étincelle qui avait mis feu à toute la frustration, les déceptions, la colère et la tristesse qu'elle gardait au fond d'elle. Aileen fit encore un pas en direction de Julian et chuchota tellement doucement que seul lui pouvait l'entendre: Dis au père d'Elissa que je suis désolée. Il n'y est pour rien dans cette affaire. Sa vraie fille doit être emprisonnée ou morte maintenant. Elle se mordit les lèvres. Bientôt, elle devrait dire adieu aux rebelles et à Julian. A ces gens qui, finalement, n'étaient pas ces ennemis. Mais pas encore. Non, d'abord, elle devrait trouver un plan pour une évasion crédible...et ils devaient évacuer le campement...et...Soudain, Aileen se rendit compte qu'elle ne voulait pas partir, qu'elle voulait rallonger au maximum le temps de liberté qu'il lui restait avant de retourner au Capitole. C'était sa famille, et non sa fidélité, qui la retenait à Snow. Oui, le Capitole, c'était chez elle, et Aileen savait qu'elle ne trouverait probablement jamais sa place parmi les rebelles. Qu'elle éprouve tant de sympathie pour eux l'étonnait et lui faisait presque peur. Pendant des années, elle s'était battue, non seulement contre eux, mais aussi contre elle-même, contre la petite voix qui lui disait que les rebelles méritaient de gagner. A présent, elle était déchirée entre ces deux mondes. Jusqu'où allait son attachement au Capitole ? Où était sa loyauté ? Tout était tellement confus...Aileen fixait le visage de Julian, essayant d'y déceler une réponse à ses interrogations muettes. Un long soupir lui échappa. Pourquoi tout était-il tellement compliqué ?
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| Sujet: Re: Il faut apprendre à jouer son rôle - Julian et Aileen Lun 10 Oct - 15:43 | |
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Quelque chose avait changé en lui. Son cerveau se ramollissait ou quoi ? Qu'est-ce qui le poussait soudainement à tourner la vapeur ? Qu'est-ce qui avait bien pu se passer dans la tête du chef rebelle pour qu'il décide de relâcher une alliée du Capitole alors qu'elle avait tout vu, tout entendu ? C'était la chose la plus risquée qu'il avait accompli depuis le début de la révolution, la plus insouciante selon ses soldats rebelles. Comment pouvait-il être certain qu'Aileen n'irait pas tout balancer à Snow ? Comment pouvait-il avoir la certitude que des engins volants ne surgiraient pas dans quelques jours pour bombarder tout le district et tous ses habitants ? C'était un risque énorme que Julian prenait. Mais en observant son ancienne amie ligotée par les rebelles, s'inquiétant davantage de sa santé physique que de la sienne, il s'était interrogé. Et si elle disait vrai ? Et si elle désirait réellement changer de camp malgré toutes les atrocités qu'elle dut accomplir pour le Capitole ? Ce serait un choc. Une utopie peut-être. Cependant, quelque part au fond de lui, Julian sentait ce changement... Ce désir de quitter son malheur pour peut-être un jour voir un monde meilleur. Son instinct lui dictait qu'elle ne mentait pas... Que, malgré les apparences, Aileen souffrait et désirait pertinemment faire partie de la révolution. Et Julian n'ignorait jamais de tels pressentiments. Il pouvait se tromper, l'homme était imprévisible, mais s'il ne la relâchait pas, il allait devoir la tuer... Et cette pensée le dégoûtait. Il n'y parviendrait jamais, pas après tout ce qu'ils avaient partagé des années auparavant. Ses alliés rebelles allaient peut-être douter de lui à présent, de son jugement. À moins qu'ils mettent la faute sur la perte de sang abondante... D'ailleurs, s'il ne réglait pas cette affaire rapidement, il allait perdre connaissance en plein milieu du champ. Julian serra la mâchoire, le bras toujours compressé contre sa poitrine, alors qu'il pressait Aileen de partir, incrédule de sa propre décision. Il évitait de regarder les rebelles qui les entouraient, car il savait quel regard ils lui lançaient. Un regard confus et choqué. Il leur expliquera plus tard, leur présentera les détails de cet affront en privé. Enfin, les points importants tout du moins... Ce n'était peut-être pas nécessaire d'étaler toute sa vie personnelle sur la table. Juste assez pour qu'ils comprennent qu'il n'avait pas perdu la tête et que peut-être avait-il raison d'agir comme il l'avait fait. Pour l'instant, il sentait leur confusion et leur désapprobation, ne voyant que la blessure que la rouquine infligea à leur chef ainsi que la tentative de fuite suspecte. Mais Julian leur faisait confiance. Il savait que personne ne lèvera le moindre doigt sur elle à moins qu'il ne l'ordonne à nouveau. Ils étaient tous silencieux, attentifs, curieux même. Julian, quant à lui, risqua un coup d'oeil vers le visage d'Aileen qui semblait tout aussi déboussolé par l'élan de bonté dont il faisait preuve. Des larmes - de joie ? de soulagement ? - déambulaient silencieusement sur son visage crispé alors qu'elle parvenait avec peine à prononcer sa reconnaissance. Comme seul réponse, Julian serra les dents ainsi que le poing, attendant le moment qu'elle parte puisqu'il craignait de changer d'avis d'un moment à l'autre. Mais Aileen hésitait. Pourquoi ? Lorsqu'elle affirma posséder un petit appareil technologique permettant d'appeler un hovercraft du Capitole, un doute s'immisça en Julian... Il fronça subtilement les sourcils et, inconsciemment, son pied glissa légèrement vers l'arrière. Que craignait-il ? Qu'elle appelle des renforts et qu'ils bombardent le campement ? C'était exactement ce qu'il craignait. Il ignorait qu'elle possédait un tel gadget et, qu'à tout moment, des hommes du Capitole pouvait débarquer et découvrir leur base. Cependant, Julian garda son calme, attendant la suite - s'il y en avait une. Aileen ne semblait pas vouloir un tel sort aux rebelles. Au contraire, elle désirait simplement un moyen de se sortir de ce mauvais pas. Car Snow espérait la réussite, il espérait probablement que son espionne infiltre clandestinement le camp et rapporte pleins d'informations juteuses sur lui, Julian Kennedy-Fawkes, afin d'éliminer cette menace une bonne fois pour toute. Mais elle ne pouvait certainement pas lui dire qu'il l'avait laissé partir... Qu'il s'était souvenu de leur lien amical du passé et qu'il avait décidé de la prendre en pitié. Ce serait un échec. Et qui dit échec aux yeux de Snow, disait punition. Les punitions du Président n'étaient pas de tout repos. En sortira-t-elle au moins vivante ?
L'angoisse se voyait dans les yeux d'Aileen. Elle craignait de faire face à Snow. Car elle savait qu'elle avait échoué à sa mission. Julian se détendit et réfléchit plutôt à une solution possible. Pourquoi désirait-il autant l'aider ? La réponse lui échappait, mais il ne pouvait laisser Aileen subir le mécontentement du Président alors qu'elle commençait à peine à prendre ses propres décisions comme il espérait qu'elle fasse. « Je t'ai démasqué, t'ayant déjà vu au Capitole auparavant. Et comme nous étions isolé des autres, tu m'as blessé et tu as parvenu à t'enfuir et appeler l'hovercraft. Les rebelles n'ont pas eu le temps de te rattraper, tu avais trop d'avance. Mais tu as des informations primordiales. L'amplement du campement du district et que le chef Kennedy-Fawkes est gravement blessé, donc il est certainement encore dans les environs, ne pouvant se déplacer convenablement. » Ce qui était la vérité. Si Aileen ne lui dictait pas des faits réels, Snow finira par le savoir et la punition sera encore pire. Il lui donnait l'autorisation de le vendre. Au risque de rendre sa vie encore plus difficile... « Je suis déjà un homme mort, quelques informations de plus ne changeront pas mon sort. » Un subtil sourire ironique s'étira au coin de ses lèvres. Elle devait être impitoyable, cruelle. Mais elle savait le faire, n'est-ce pas ? Ce n'était pas un bref entretien entre eux qui changerait sa capacité à mentir et à manipuler. « Si tu as été capable de berner autant de gens dans la passé - et moi le premier - tu es certainement en mesure aujourd'hui de le faire avec Snow. » Elle était certainement apte à une telle mission, il n'en doutait pas. Certes, c'était peut-être une mission suicide, mais c'était l'emprisonnement contre la liberté. Que choisirait-elle ? Il osait espérer pour le deuxième choix. Aileen leur suggéra à tous de déserter les lieux au plus vite, car elle n'aura certainement pas le choix de divulguer l'emplacement des réunions rebelles pour que son histoire soit crédible. Il s'en doutait. Et il ferait tout le nécessaire pour éviter le moindre conflit, la moindre perte par le Capitole. Ils ne l'auront pas aussi facilement, il fallait être plus futé qu'eux. Ils devront être très discrets pour les prochaines semaines, voir le mois entier. Aucun risque ne devait être pris, car c'était le district au complet qui pouvait être en danger à présent. Ils allaient être prêts à toute éventualité. Et Julian ? Il n'avait pas d'autres choix que de partir, de voyager le plus rapidement possible, peu importe la destination. Les Pacificateurs le chercheront partout dans les alentours. Les jours prochains risquaient d'être pénibles et épuisants. Soit. Le chef acquiesça d'un bref hochement de la tête en signe de compréhension. « Tout sera mis en oeuvre. Ce sera comme si rien ne s'est passé ici. » Il tourna enfin son attention vers les autres rebelles, se devant de mettre leur plan à exécution. Chaque minute était à présent précieuse. « Santo, rassembles les troupes. Explique-leur brièvement la situation et commencer à tout remballer. Rien ne doit rester, toute trace doit disparaître. Brûler les cabanes s'il le faut. Nous n'avons jamais mis les pieds ici. » Et presque aussitôt, les rebelles se précipitèrent vers le campement, laissant Julian et Aileen de nouveau en tête à tête. Ce premier posa son regard autoritaire qu'il prenait toujours lorsqu'il donnait des ordres vers la rouquine qui semblait vouloir lui confier un petit détail. Elissa. La véritable Élissa qu'il n'avait jamais eu la chance de rencontrer au bout du compte était toujours prisonnière... Ou peut-être morte. Julian déglutit difficilement. Les choses avaient peut-être brusquement changer entre eux, mais ça ne rendait pas la situation plus facile à digérer. Une rebelle souffrait peut-être à ce moment même dans les cellules du Capitole. À moins qu'elle n'ait succombé à ses blessures... « Je lui ferai personnellement le message » confirma-t-il avec amertume, mais sans rancune. Il toisa un instant la jeune femme de ses yeux pairs et hésita un bref instant. Ils se quittaient ainsi ? Sans rien d'autre à ajouter ? Il y avait tant à dire, tant à éclaircir. Mais le temps pressait. Autant pour Aileen que pour Julian et les rebelles. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, si jamais ça tourne mal avec Snow... Tu trouveras refuge dans chaque district. » Inquiet que personne n'ose la croire sur parole, puisque qu'un habitant du Capitole n'était jamais pris au sérieux lorsqu'il désirait rejoindre la cause rebelle, Julian tira de sa main valide sur un pendentif accroché à son cou. Il s'agissait d'une plaque gravée à son nom, confectionné par des rebelles. Il présenta le bijou à l'espionne et lui conseilla: « Présente-leur ce pendentif. Tu auras droit d'asile parmi les rebelles. Même au Treize si tu le souhaites. »
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| Sujet: Re: Il faut apprendre à jouer son rôle - Julian et Aileen Dim 16 Oct - 19:47 | |
| La vie d'Aileen n'avait jamais été un long fleuve tranquille. Voyages et missions d'espionnage, formations de nouveaux Pacificateurs, interrogations de prisoniers et réunions au Capitole... Elle bougeait sans cesse et ne savait souvent pas ce qu'elle ferait le lendemain. Cette existence trépidante, elle ne l'avait jamais choisie, ni ces jours de violence et de haine, de menaces et de combats incessants pour satisfaire le Président. Alors, la jeune femme se raccrochait aux quelques certitudes qu'il lui restait, aux choses qui ne changeaient pas. Un, le lien qui l'attachait à Snow était presque impossible à briser, puisqu'il s'agissait de la vie ou de la mort de sa famille. Deux, elle devait donc lui obéir et feindre l'adorer. Trois, en fin de compte, cette existence lui plaisait assez. Petite, Aileen vénérait le Président. Puis, elle avait vu son vrai visage, ainsi que celui de la rebellion. Pourtant, jamais elle ne s'était avoué qu'elle éprouvait une certaine sympathie pour les habitants des districts et que les ordres de Snow étaient cruels et barbares. Aileen avait appris à ne plus penser. A prendre ses cachets tous les soirs, à ne jamais constester les ordres, à faire taire la petite voix dans sa tête qui disait que ce qu'elle faisait était mal. C'était, en quelque sorte, une solution de facilité. Elle fermait les yeux pour ne pas voir la misère des gens, se bouchait les oreilles pour ne pas entendre leurs cris, durcissait son coeur pour ne pas avoir pitié de ses victimes. Depuis sa plus tendre enfance, on lui avait répété que les rebelles étaient mauvais et que le Capitole devait rester au pouvoir. Pourquoi aurait-elle contesté ces dires ? Lorsqu'elle entrait en contact avec des rebelles, elle les voyait sous le voile de ses préjugés. Oui, Aileen était une comédienne hors pair, tellement bonne qu'elle avait réussi à se berner pendant des années, à se persuader qu'elle était heureuse. Ces derniers mois, le Président était de moins en moins content d'elle, de plus en plus exigeant et menaçant. La jeune femme ne le montrait pas à sa famille, mais elle avait peur pour eux. Perfectionniste de nature, elle essayait d'exécuter les ordres de Snow le mieux possible, mais ce qu'il demandait était parfois humainement impossible. Encore une fois, elle s'était voilé la face; elle s'était dit que le comportement du dictateur était normal, que c'était juste parce qu'il était stressé et qu'il avait peur que son arme vivante rejoigne l'autre camp. Aileen avait tenté de justifier ses agissements, de se persuader qu'il avait raison. Elle s'était entièrement concentrée sur sa nouvelle mission, oubliant tout le reste. Les ordres étaient clairs: infiltrer le camp rebelle, récolter le plus d'informations possible et puis revenir au Capitole, de préférence en traînant le chef rebelle ligoté derrière elle. Petite précision: le chef en question s'appelait Julian Kennedy-Fawkes. Et c'était son ancien ami.
A présent, elle l'avait retrouvé. Tant d'années s'étaient écoulées depuis leur dernière rencontre... leur dernière dispute. Il l'avait percée à jour aussi facilement que si elle n'était qu'une débutante. Elle avait cru mourir... Aileen avait vu la colère dans les yeux de Julian, son regard accusateur, et elle avait compris qu'il n'avait pas oublié sa trahison. Ce n'est qu'à ce moment-là, lorsqu'elle crut être arrivée à la fin de sa vie, que quelque chose se libéra en elle. La digue qu'elle avait érigée dans son coeur pour contenir ses émotions et ses pensées avait cédée, sa façade dure et forte s'était fendillée puis avait explosée. Oui, elle n'était qu'humaine. Oui, son travail la dégoûtait. Oui, les rebelles avaient raison de se battre contre le Capitole. Oui, Snow était mauvais. Aileen osa enfin regarder la vérité en face. Elle ferma les yeux et attendit que Julian l'achève... Mais il n'en fut rien. Au lieu d'enfoncer l'épingle dans sa gorge, il la lâcha et s'écarta. La jeune femme ne comprenait plus rien... Pourquoi ne l'avait-il pas achevée ? Il fallait qu'elle meure, car elle était un danger pour les rebelles, un danger pour lui. Qu'allait-il faire à présent ? Julian ne semblait pas non plus le savoir. Blanc comme un linge, il avait l'air incapable de réfléchir. Alors, il décida de la libérer. Comme les rebelles ne réagissaient pas, il la détacha lui-même. D'un ton dur, il lui conseilla de déguerpir en vitesse, mais elle ne le fit pas. Aileen restait clouée sur place, complètement déboussolée. Les larmes qui coulaient silencieusement le long de ses joues étaient des larmes de soulagement, mais aussi de tristesse, de regrets pour ce qu'elle avait fait de sa vie et de reconnaissance pour la bonté de Julian. A quand remontait la dernière fois où elle avait pleuré ? Elle ne s'en souvenait plus, car elle s'était interdit toute émotion parasite depuis tellement longtemps... Elle parvint à peine à remercier Julian ; pour toute réponse, celui-ci serra les poings. Il valait mieux qu'elle ne mette pas trop sa patience à l'épreuve, mais elle ne pouvait quand même pas partir comme ça... Aileen lui apprit qu'elle possédait un appareil pour appeller un hovercraft. Il fronça les sourcils et fit un pas en arrière. Elle le rassura aussitôt en ajoutant : J'aurais pu m'en servir à n'importe quel moment... mais je ne l'ai pas fait. De toute façon, le but du hovercraft n'est pas de bombarder les rebelles mais de me ramener au Capitole. Revenir au Capitole... Ce n'est qu'à ce moment qu'elle réfléchit sérieusement à ce que cela impliquait. Les interrogatoires interminables. La colère de Snow lorsqu'il découvrirait son échec. Et enfin, sa punition. A cette pensée, elle se mit à trembler sans pouvoir s'arrêter. Aileen pouvait parfaitement imaginer ce qu'il ferait. Dans les sous-sols du Capitole, il n'y avait pas seulement des habitants des districts, mais aussi beaucoup de collaborateurs du Président lui-même. Tomber en disgrâce était facile, remonter après avoir échoué quasiment impossible. Oui, elle souffrirait... Mais il ne s'attaquerait pas encore à sa famille. Ca, Aileen osait le parier. Elle connaissait trop bien le Président, elle savait qu'il était extrêmement calculateur et qu'il tenait à garder ses cartes en main le plus longtemps possible. Tant qu'elle ne manifestait aucune sympathie pour les rebelles, il ne s'en prendrait pas à eux. Snow ne pourrait pas risquer de perdre l'une de ses meilleures armes vivantes. Aileen savait que, le jour où il n'aurait plus besoin d'elle, il la tuerait sans scrupules. Heureusement, ce jour n'était pas encore venu.
D'une voix tremblante, Aileen expliqua à Julian que le Président n'accepterait pas d'entendre la vérité. Il ne croirait jamais qu'il l'avait laissée partir par bonté ou grâce à leur ancienne amitié. A son grand étonnement, le chef rebelle sembla prendre l'affaire au sérieux. Au lieu de la laisser tomber, il réfléchissait vraiment à la meilleure façon de l'aider. Cela émut la jeune femme. Encore une fois, elle les plaça côte à côte, Snow et Julian...et ne put que concluer que le chef rebelle méritait de gagner cette guerre. « Je t'ai démasqué, t'ayant déjà vu au Capitole auparavant. Et comme nous étions isolé des autres, tu m'as blessé et tu as parvenu à t'enfuir et appeler l'hovercraft. Les rebelles n'ont pas eu le temps de te rattraper, tu avais trop d'avance. Mais tu as des informations primordiales. L'amplement du campement du district et que le chef Kennedy-Fawkes est gravement blessé, donc il est certainement encore dans les environs, ne pouvant se déplacer convenablement. » Dit-il. Abasourdie, Aileen le fixa sans réussir à parler. Il voulait vraiment qu'elle dise la vérité ? Ne se rendait-il donc pas compte qu'il se mettait en danger ? La perte de sang faisait lui perdre la raison ? Ce qu'il lui donnait, c'était l'autorisation de le vendre, de fournir des informations vraies à Snow... l'occasion de se racheter un peu aux yeux du Président après son échec. Tu... te rends compte du pouvoir que tu viens de m'offrir ? Si je révèle tout ça au Capitole... le district grouillera de Pacificateurs quelques heures plus tard. Il y aura des morts, Julian. Ce n'est pas que ta vie qui est en danger. Snow voudra sa revenge. Elle secoua la tête, écoeurée à l'idée de ce qu'il allait faire. Quand j'arriverai au Capitole, je tenterai de retarder le plus possible le moment où je lui donnerai ces informations. De toute façon, il va commencer par hurler pendant des heures... Aileen frissona. A présent, elle ne cachait plus sa peur. Pour la première fois depuis longtemps, la jeune femme était elle-même, avec ses émotions et ses faiblesses, et cela la rendait incroyablement vulnérable. Tout ce qu'elle pouvait espérer, c'était que Julian ne briserait pas la confiance fragile qui s'était installée entre eux. « Je suis déjà un homme mort, quelques informations de plus ne changeront pas mon sort. » Dit-il avec un sourire ironique. Aileen tressaillit et répondit vivement : Ne dis pas ça ! Il faut que tu t'en sortes... Les rebelles ont besoin de toi. Soudain, elle prit une décision. D'une poche cachée, elle sortit une petite seringue blanche et la tendit à Julian. Comme tu as gagné les Hunger Games, je suppose que tu connais ceci ? C'est un médicament très puissant. Cela pourrait arrêter le saignement et accélerer la cicatrisation de la plaie. Elle la fourra dans la main du chef rebelle. Elle espérait qu'il lui ferait assez confiance pour utiliser le médicament, qui était en effet tout à fait inoffensif. Sa blessure était vraiment vilaine. Comme elle regrettait d'avoir planté cette épingle dans son épaule ! « Si tu as été capable de berner autant de gens dans la passé - et moi le premier - tu es certainement en mesure aujourd'hui de le faire avec Snow. » Ajouta-t-il. Un petit rire sans joie échappa à Aileen. Oui, je suis la grande comédienne, n'est-ce pas ? Aileen Carter, la manipulatrice, le toutou du Président... Comme cela la dégoûtait, à présent ! Toujours se cacher derrière des masques, toujours jouer des rôles... Elle en avait marre. Oh oui, je peux facilement berner les gens. Mais Snow me connaît trop bien. On dirait qu'il le sent lorsque je mens. Je peux le manipuler et lui faire croire ce que je veux, mais seulement à une certaine échelle. Il est tellement paranoïde qu'il voit des pièges partout et qu'il analyse la moindre parole. Ce ne sera pas facile... mais j'essayerai de toutes mes forces. Encore une fois, elle n'avait pas le choix... Il fallait qu'elle retourne au Capitole. Pour sa famille.
Aileen suggéra aux rebelles d'évacuer le campement. Elle devrait sans doute en révéler l'emplacement à Snow. Heureusement, Julian était d'accord avec elle. La jeune femme espérait qu'il aurait le bon sens de se tenir tranquille pendant quelques temps. Avec sa blessure et les Pacificateurs qui le traqueraient, il risquerait de passer des jours mouvementés et dangereux. « Tout sera mis en oeuvre. Ce sera comme si rien ne s'est passé ici. » Dit-il avant de se tourner vers les autres rebelles qui attendaient, mal à l'aise. « Santo, rassembles les troupes. Explique-leur brièvement la situation et commencer à tout remballer. Rien ne doit rester, toute trace doit disparaître. Brûler les cabanes s'il le faut. Nous n'avons jamais mis les pieds ici. » Sans hésiter, ses hommes obéirent et s'en allèrent, laissant leur chef et l'espionne seuls. Elle profita de l'occasion pour lui révéler que le père d'Elissa n'avait rien à voir dans cette affaire... et que sa fille était sans doute morte ou emprisonnée à l'heure qu'il était. Peut-être même était-elle devenue une muette, l'une des nombreuses servantes maltraitées du Capitole. Julian déglutit difficilement ; elle vit que cette information était dure à digérer pour lui.« Je lui ferai personnellement le message » Répondit-il d'une voix amère, mais sans rancune. Cela étonna Aileen ; elle s'était attendue à ce qu'il soit en colère... Il hésita, sembla vouloir dire quelque chose... Après un bref silence, il finit par dire : « Si tu as besoin de quoi que ce soit, si jamais ça tourne mal avec Snow... Tu trouveras refuge dans chaque district. » Elle hocha gravement la tête. Inutile de dire que les habitants des districts ne l'accepteraient jamais. C'était normal ; elle avait fait souffrir leurs familles. Cependant, Aileen ne voulait pas le dire à Julian, par fierté peut-être. Alors, à sa grande surprise, le chef rebelle tira un pendentif accroché autour de son cou et le lui tendit. Machinalement, elle l'attrapa et l'examina. Il s'agissait d'une plaque gravée au nom de Julian. La jeune femme leva les yeux vers le chef rebelle, muette d'étonnement. « Présente-leur ce pendentif. Tu auras droit d'asile parmi les rebelles. Même au Treize si tu le souhaites. »Expliqua-t-il. Il lui offrait vraiment ça ? La possibilité de changer de camp, d'être acceptée par les rebelles, de commencer une nouvelle vie ? De nouveau, elle ne put retenir ses larmes, comme si tous les pleurs qu'elle avait retenus pendant des années sortaient maintenant.Comment pourrais-je jamais te remercier... pour tout ce que tu as fait pour moi aujourd'hui alors que j'ai fait tant de mal à tes rebelles ? Murmura-t-elle. Après une brève hésitation, Aileen referma la main sur le pendentif et le mit dans une poche cachée de son pantalon. Il ne fallait pas que Snow le découvre. Un long soupir lui échappa. Elle devait partir, elle le savait. La jeune femme fit un pas de plus en direction de Julian et parla d'une voix tellement basse que seul lui pouvait l'entendre, comme si elle avait peur que les épis de maïs les espionnent. Il est temps de t'avouer la vérité, Julian. Je l'ai nié pendant longtemps... mais ce n'est pas le Capitole qui mérite de gagner. Ce n'est pas le Capitole qui gagnera. Snow s'affaiblit de plus en plus, et il le sent. Trop peu d'habitants des districts soutiennent sa cause. Il a beau former des Pacificateurs en hâte, cela ne marchera jamais. Il a peur, parce qu'il sent que la rebellion est prête à embraser Panem. Oui, c'était ce qui allait arriver. Il ne faudrait qu'une seule étincelle pour mettre le feu aux poudres. Aileen prit une inspiration profonde et poursuivit : Vous pouvez parfaitement le vaincre. Je ne dis pas que ce sera facile, mais c'est possible. Vous avez quelque chose dont Snow ne peut que rêver : un but unique. Vous formez une unité alors que le Capitole se divise en des centaines de personnes qui ne se battent que pour leur propre intérêt et leur propre profit. Ils se fichent de voir Panem brûler tant que leur maison est toujours debout. Oui, les habitants du Capitole étaient comme ça : égoïstes, incapables de craindre les districts, trop fiers, trop sûrs d'eux. C'est ce qui mènerait à leur perte, Aileen en était convaincue. Mais pour ça, les rebelles ont besoin d'un chef. D'une personne forte sur qui ils peuvent s'appuyer. Je pense que tu es né pour ce rôle Julian. Ne les déçois pas. Ne me déçois pas. Si Snow perd... D'autres voudront prendre sa place et jouer le même rôle que lui. Coin, par exemple. Mais tu n'es pas comme ça. Ils auront besoin de gens comme toi. Aileen se tut, soudain terriblement lasse et dégoûtée de tout. Elle savait ce qu'elle allait faire, mais cela n'allait pas être facile. Peut-être même suicidaire... Un pas de plus, et elle serra brièvement Julian dans ses bras, faisant bien attention à ne pas toucher son bras blessé.... Comme s'ils étaient toujours amis. Comme s'ils pouvaient redevenir amis. Je te promets que je reviendrais. Chuchota-t-elle. Oui, que ce soit dans une semaine, dans un mois ou dans un an, elle reviendrait. Pour l'aider comme il l'avait aidée. Pour tous les rebelles à qui elle avait fait du mal. Pour elle-même. C'était son choix.
Aileen se mit à tapoter sur l'appareil pour appeler le hovercraft. Tu ferais mieux de partir le plus vite possible.Conseilla-t-elle à Julian. Il n'arrivera pas tout de suite, mais mieux vaux t'éloigner le plus possible. Au revoir, Julian. Le reverrait-elle un jour, son ancien ennemi... son nouvel ami ? Serait-elle encore en vie dans 24 heures, serait-il encore en vie dans 24 heures ? Etait-ce un adieu ? L'appareil émit un bip sonore. Code 20113 – Aileen Carter. Annonça-t-elle clairement. Aileen Carter- Hovercraft préparé pour envoi. Répondit une voix métallique. Presque aussitôt, l'appareil émit un craquement et la voix de Snow tempéta : Aileen ! J'espère que vous avez une bonne raison pour... Elle appuya sur un bouton, réduisant le Président au silence. Sans hésiter, elle tendit l'appareil à Julian. Si tu as des problèmes, si les Pacificateurs t'attrapent, pousse sur le bouton rouge et dis mon code. Je serai avertie de ta position et je saurai que tu as des problèmes. Si c'est dans mes moyens, je t'aiderai. Sur ce, elle se détourna de lui et se mit à courir le plus vite posssible malgré la douleur dans son dos. Sans jeter un regard en arrière. En un clin d'oeil, elle se composa un masque froid et insensible, cruel. Le visage de la Aileen Carter que le Capitole connaissait. Elle savait le faire. Elle savait berner Snow. Après tout, n'était-ce pas lui qui lui avait appris... à jouer son rôle ? |
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