Je travaillais. J’étais concentre. Rien au monde n’avait le pouvoir de me sortir de ma bulle. Je devais ramasser tout ce dont j’avais besoin et partir; laisser le capitole ramasser le corps et sentir une certaine joie m’envahir quand le coup de canon annonçant la mort du tribut du quatre allait retentir. J’arrachai la flèche que je lui avais plantée dans l’œil. Je ne pouvais pas me permettre de gaspiller, ni de laisser un objet d’une telle valeur à la portée de n’importe qui. J’étais enfin prête à partir. C’est là que je remarquai Ezea, derrière moi. Il était peut-être présent depuis un moment déjà. Il m’avait peut-être parlé. Il aurait pu me tuer, je ne l’aurais jamais su. « Ezea. » Je le regardais un moment. A première vue, il avait l’air assez en forme, mais tout comme moi, ses blessures étaient peut-être cachées par nos vêtements épais. Il se mit à parler de Sagitta et de la foret. Je n’avais rien contre un peu de bois - Je pourrais modifier cet arc pour en faire un lance-pierre géant – mais cette fille risquait de poser problème. Je me mis en marche, dans une direction que je croyais être la bonne.

Je ne fis pas deux pas avant que mon pied blessé m’arrête. La douleur, au repos, était supportable, mais dès que je bougeais, c’était comme si on martelait de coups. « Ce connard, il m’a broyé le pied. J’ai pris son écharpe et j’ai immobilisé mes orteils avec. Mais putain. » Je repris ma route avançant lentement, tentant d’amortir chaque pas le plus possible. « Toi, ça été? » Il allait me dire que oui, je le sentais déjà. Il avait sur le dos un énorme sac, une trousse à la taille et une épée. Un bon butin. Il devait s’être battu pour. « T’en a vu beaucoup tomber où? » Je demandais, avec détachement. Depuis toujours, la mort était pour moi qu’un évènement normal, rien de plus. Les hunger games, qu’un jeu. Dans mon esprit, il devait en être de même pour Ezea – Nous avions été élevés d’une façon similaire et avions vécus des épreuves difficiles, tous les deux. Je continuais à me trainer à ses côtés, laissant mon pieds glisser sur le sol pour éviter de le soulever. « On va mettre des jours à arriver à la foret, à ce rythme. » Je m’arrêtais, le regardant. Il était hors de question qu’il me laisse là, il devait en être conscient. Autrement, il risquait de se retrouver comme le garçon du quatre. Pas d’amis aux Hunger Games.

On parlait presque normalement. J’essayais, dans ma tête, de résumer le tout. Nous étions dans une arène faite de neige et de glace. inspiration Snow. Nous avions des armes en bonnes quantité, nous savions nous battre… et tuer. La victoire était à notre portée. « Tu penses qu'il y a déjà eu beaucoup de morts ? » Bientôt, on allait annoncer combien de gens étaient tombés à la corne. J’avais l’impression qu’il y en aurait peu. Les carrières avaient l’air moins fort que les années précédentes, et les autres, plus craintifs. « Il y en a eu deux, pour sûr. Mais non, je pense que la météo va en tuer plus que le bain de sang. » Dis-je en avançant lentement. Ce pied blessé allait causer ma perte, j’en étais persuadée. Je continuai tout de même, me plaignant du temps qu’on allait mettre à atteindre notre but. Ezea avait compris. Il s’arrêta pour ajuster son équipement et me pris sur son épaule de travers. Mon père avait l’habitude de nous prendre, mon frère et moi, de cette façon, plus jeune. Il devait être rassuré, à la maison, que je sois accompagnée du petit Skeibury. « T'es quand même un sacré fardeau. » Je me radis, sur le coup, avant de me mettre a sourire. « moques toi, vas-y. Je vais gagner ces jeux, Zea. Je gagne toujours. » Des frissons parcoururent mon corps en entier. Je ne lui avait pas parlé comme ça depuis deux vies. Il se mit à avancer plus rapidement, me ramenant à l’ordre. « Au fait, t'es au courant que le tribut que t'as charcuté, c'est le cousin de Sagitta ? » Durant un court moment, j’eus envie de verser des larmes de crocodile, puis, dût m’empêcher de rire de façon tout à fait incontrôlable. Tentant de rester sérieuse, je dis; « Oui. Je le sais. C’est une bonne chose qu’il soit mort, tant pour nous que pour elle. C’était un boulet. Si un de nous souhaite gagner, les autres doivent mourir, et je suis a peu près certaine qu’elle, ou que tu n’aurais pas voulu le tuer. » Je soupirais « Des gens doivent mourir pour que d’autres vivent. Zea. » Je pris une flèches de mon carquois. Je ne devais pas me mettre à penser à cela ici. Maman était partie. Elle n’allait pas revenir. Je devais gagner. Je devais gagner.

Tu as quatre ans et demi. Tu n’es pas encore en âge de travailler, donc, tu aides ta maman avec son travail à elle. On te laisse faire comme tu es incroyablement calme et consciente du danger, pour ton âge. Tu couds, assise dans l’embrasure de la porte. Le soleil caresse ta peau, on peut même t’entendre rire. Tu attends que ton père et les voisins rentent du travail. Tu aimes admirer la parade que les travailleurs, revenant des terres, offrent, mais surtout, tu as hâte d’aller jouer. Ton père arrive, puis, vint l’heure de manger. Il est rare que tu ais une assiette aussi remplie devant toi, mais pourtant, tu es incapable d’avaler quoi que ce soit. Un truc a changé. Personne n’ose t’en parler, mais tu peux le sentir. Tu sais qu’au fond, plus rien ne sera jamais pareil. La maison d’à côté est soudainement sombre. Au couché, tu refuses qu’on te raconte une histoire. Tu veux la vérité. Tu veux savoir où les gens vont quand leur maison n’est plus éclairée. On te dit la vérité. Qu’ils meurent et qu’ils ne reviennent plus. On te dit de ne pas être triste. Que tout le monde part un jour. Que tu partiras aussi. Tu t’endors cette nuit-là en imaginant la douleur que la perte d’un proche pourrait te causer. Tu décides de rester seule, toute ta vie. Que personne ne te fera de mal. Tu as dix ans. Ta mère, tout d’un coup, part. Tu ne verses pas une larme. Tu as choisi de ne pas pleurer les morts. Tu les envie, à la place.

Ezea me parlait d’une époque que j’avais presque oublié. A vrai dire, son histoire semblait venir d’une autre vie. La vie avant que ma vision du monde change; la vie dans laquelle j’avais espoir de marier le blond d’à côté. Je ne savais pas si je devais être heureuse ou troublée d’entendre ses souvenirs revenir à la vie. Je choisis de regarder le paysage; la corne qui s’éloignait. « Je vais essayer. Zea. » Pour que je gagne, il devait mourir. Vice versa. Peut-être tentait-il de m’attendrir, pour mieux me tuer plus tard? J’inspirai pour faire disparaitre cette pensée. Il n’aurait pas la force. Il le savait, tout comme moi. Il l’avouait même, en me parlant du garçon du quatre à qui j’avais enlevé la vie. Ça le dérangeait, que je sois capable de tel choses, je le sentais. Pourtant, je faisais seulement ce que j’avais à faire, ce que j’avais toujours fait. « Je ne suis pas plus intelligente que personne. Je vois seulement tout d’une façon différente. On ne peut pas changer le futur des tributs; Nous sommes tous déjà morts. Nos proches ont déjà commencé leur deuil et nos adieux sont faits. Si on se bat, c’est pour revenir à la vie. Allez aux jeux, c’est se sacrifier, dans l’espoir d’un futur un peu meilleur pour nous et nos amis. En enlevant ce qui reste de vie à un tribut, tu ne fais qu’abréger ses souffrances. Peut-être que dans un scénario différent, le mec du quatre aurait pu se rendre plus loin, gagner, maybe; mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Il a rencontré quelqu’un qui voulait gagner. C’est tout. » J’essayais de me racheter, à ses yeux, en disant des choses rassurantes, vraies. Tuer un tribut était un travail facile; presque plus facile que tuer un oiseau. On ne supprimait pas de liberté, on gagnait seulement la sienne. Peu de gens arrivaient à comprendre ça; ils étaient trop faibles, trop effrayés par leurs pseudo remords.

Soudainement, Ezea me posa par terre. J’eus une douleur assez vive dans la jambe, quand mon pied posa le sol, mais je pouvais vivre avec. Je devais vivre avec. Il me demanda si je voulais me soigner, mais je hochai la tête avant qu’il eut fini. « Non, je peux rien faire. J’ai eu un coup. Des bleus, des os cassés, on ne soigne pas ça avec une trousse. Mes orteils sont bien immobiles, c’est tout ce qu’on peut faire. On devrait te soigner toi. Il y a quoi, dans ta trousse? » Je croisai les bras. Nous n’avions pas de temps a perdre. Sa blessure devait être pensée et soignée, autrement, nous n’allions jamais retrouver sa petite amie vivante.

Avant les jeux, je vivais seule avec mon père et mon petit frère. Je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour que le départ de ma mère ne les affecte pas, que tout reste comme avant. Je faisais cela depuis tout juste cinq ans. Je réparais des pantalons déchirés, soignait des petits bobos et me prenait des coups de fouet pour eux. Quand papa n’avait pas le temps – surtout en période de récolte – je m’occupais des repas et du ménage, comme une bonne petite mère. C’était normal, et je n’étais pas un cas exceptionnel. Des tas de gens devaient faire la même chose, l’espérance de vie des gens du district étant assez limitée. M’occuper des blessures d’Ezea me rappelait donc un peu la maison, en plus froid. Je passais mon aiguille à travers le tissu de son manteau avec des mouvements fluides, restant bien concentrée sur mes actions. Je tentais de coudre rapidement, mais mon co-tribut n’arrêtait pas de bouger; j’étais sur le point de l’avertir lorsqu’il se mit à parler de ma mère. Il faisait exprès. Je me remis au travail, lui répondant de façon assez sèche. « Pourquoi tu poses des questions quand tu connais la réponse? » Je terminai, coupai le fil avec mes dents et fit un nœud. Petit Zea était toujours petit, malgré son corps qui avait trop grandit. Il reprit son sac, me remercia, et nous étions prêts à repartir. Nous marchâmes un moment dans le silence; ça faisait du bien, c’était relaxant, comparativement au reste de la journée.

Au-dessus de nous, le ciel était étrange, coloré; je n’avais jamais vu quelque chose du genre. C’était comme si des arcs en ciel se battaient contre la nuit pour la faire finir. Ezea aussi avait remarqué, il marchait la tête en l’air depuis un moment déjà. Moi, j’essayais de resté concentrée sur les alentours; avec mon pied en mauvais état, je devais être sans cesse sur mes gardes. C’était d’ailleurs pour cela que je marchais maintenant avec ma hache à la main. « Dis, tu sais ce que c'est, ce truc bizarre qui flotte dans le ciel ? » Me demanda Ezea, après un bon moment, juste avant que, soudainement, elles s’éteignent. « Aucune idée, quelque chose pour faire parler les curieux. » Ezea c’était arrêté; J’allais lui dire de se remettre en marche, mais quelque chose m’en empêchai : les premiers coups de canons des hunger games. Le bain de sang était terminé, déjà. Quelques tributs – peu – étaient déjà tombés. Je pris mon co-tribut par la main. Il devait stresser a mort, peut-être avoir quelques remords, vu qu’un de ces coups étaient pour une jeune fille qu’il avait pour ainsi dire tué. « Te laisses pas distraire, Zea. Ni par les canons ou ces trucs dans le ciel. C’est trop dangereux. Tu auras amplement le temps de penser à ce genre de choses plus tard, là, on doit y aller. » Je me remis en marche. C’était trop facile de rester là, de compter, et de se faire tuer. On devait bouger, ne jamais s’arrêter. Je tirais un peu mon ancien voisin pour m’assurer qu’il me suivait. Il devait recompter les coups dans sa tête. Penser à la fille du quatre. « Le seul moyen de savoir si ta petite amie est vivante, c’est de la trouver, avances. » et nous continuâmes; les prochains coups de canons ne devaient pas être pour nous.