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 life's not fair. (svekha)

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life's not fair. (svekha) Vide
MessageSujet: life's not fair. (svekha)   life's not fair. (svekha) Icon_minitimeJeu 26 Juil - 0:03




svetlana & lyokha

i don't understand. innocent people get hurt, and, and other people. people who are not good get to walk around doing anything they want. that's not fair.
life's not fair.


Le visage noir, les traits tirés, je sors de la mine. Je sors de ce merdier une fois de plus. À quand la fin de ce calvaire ? J'en sais rien. Quand je franchirai le pas peut-être. Quand je me déciderai enfin à rejoindre le treize. La nuit tombe, lentement. La nuit tombe, et je dois me dépêcher, si je ne veux pas louper le train de nuit. Quel train ? Celui qui part au Capitole, bien entendu. Celui qui ramène à ces vautours ce que nous, on gratte toute la journée. Rien que d'y penser, je désespère. Soupirant, j'arrive devant chez moi, le casque sous le bras. Enfin, chez moi... Cette vielle bicoque, qu'on ne peut qualifier que de cabane, vu l'état. Je pousse la porte qui, par je ne sais quel miracle, tient encore, et file vers cette pseudo cuisine. Je soupire à nouveau, profondément : les maigres ressources que pouvaient contenir ces placards sont hors de leur emplacement, autrement dit, à terre. Le chiot qui se régale d'une branche d'herbe séchée me regarde. « C'est bien le chien. Tu peux tout garder de toute façon, j'ai pas faim. » Je secoue la tête. Quelle idée, alors que j'ai déjà du mal à me nourrir tout seul, de prendre ce truc sous mon aile, hein ? Tant pis, que tout reste à terre, je suis pressé. Je me plante devant la bassine d'eau qui trône sur la table, et y plonge la tête. C'est tiède, agréable, après une journée dans la suie et la poussière. Enfin, pas le temps de m'attarder là-dessus, j'achève cette rapide toilette enfonce les quelques affaires propres qu'il me reste dans un sac, revêtis l'uniforme de minier, et sort de la maisonnette, le sac sur l'épaule.

Quel idiot, aurait dit mon père. Crétin, aurait dit ma soeur. Inconscient, ils auraient tous dit. C'est vrai, c'est totalement stupide et très risqué, ce que je m'apprête à faire. Peut-être même que si je me fais choper, je ne reverrai plus jamais la couleur de la suie, ou la lueur du soleil. Il se pourrait qu'on me fasse subir, une dernière fois, la brûlure intense d'un coup de fouet. Ou tout simplement, que l'on m'abatte d'une balle sur la place publique. Je suis conscient, que tout cela est possible. Oh que oui, j'en suis conscient. Et pourtant, je me lance dans cette aventure. Des semaines que j'y réfléchis, des jours que je me promets de le faire, de la rejoindre. C'est ce que je vais faire, ce soir. Je dois le faire, car je ne veux pas attendre plus longtemps. Le plan mis à exécution, je me fais donc aussi discret qu'une ombre, dans l'espoir de rejoindre le train assez rapidement. Plaqué contre un muret, tel une ombre, je jette un coup d'oeil à mon futur moyen de transport. Le conducteur attend, assis au bord de sa cabine. Quatre pacificateurs vérifient les différentes parties du train, histoire de ne rien laisser passer. Avec ces foutus jeux, la sécurité est renforcée, c'est évident. Dois-je faire demi-tour ? Oui. Vais-je faire demi-tour ? Non. Un dernier regard porté sur les deux mineurs qui sont embarqués pour décharger le charbon, une grande inspiration, et je presse le pas vers le wagon le plus proche pendant que les hommes en uniforme blanc ont les yeux ailleurs. Je me laisse glisser contre, le temps de reprendre mes esprits. Alors, je saute dans lequel ? Comme si j'avais le temps de réfléchir : je balance mon sac dans le wagon contre lequel je suis adossé, et me hisse à bord, avant de retomber lourdement dans le minerai noir. Discrétion, zéro. Enfin, apparemment, je n'ai attiré l'oreille de personne, ce qui est parfait. Je me colle le plus possible contre une des quatre parois de cette grosse caisse à charbon, et ne bouge plus, le souffle court.

Une lumière, une voix enrouée qui se rapproche. Merde, je suis mort. Au moins, j'aurais essayé. Je déglutis péniblement lorsque le faisceau de lumière passe sur mon wagon, et ne cille plus. C'est à peine si je respire. L'homme se hisse sur le bord du wagon, et me repère tout de suite. Désolé Sevtlana, désolé Iugo. Désolé Siam, désolé tout le monde. Désolé d'être aussi stupide et téméraire. Désolé d'avoir voulu en faire trop. Désolé d'être aussi minable, aujourd'hui, dans ce train. Je continue de retenir de mon souffle, mal à l'aise, et tourne la tête vers l'homme, totalement aveuglé. En tant que dernière volonté, il ne pourrait pas pointer autre chose que mes yeux, avec son phare ? Voilà, merci. En fait, je me rends vite compte que ce n'est pas un pacificateur. Non, c'est un des mineurs. Alors, qu'est-ce qu'il va faire ? Il peut me balancer. Me dénoncer puisque lui n'aura peut-être jamais cette chance de s'enfuir. Me vendre aux pacificateurs car c'est un pro-capitolien. Laissez-moi rire, un instant. Ça, pro-capitolien ? Je serre les dents, sur le qui-vive. L'inconnu me regarde, et je soutiens son regard, perplexe. Sa voix s'élève enfin, adieu les amis. « C'... C'est bon, vous pouvez y aller. » Annonce-t-il d'une voix claire au chauffeur et aux quelques pacificateurs. Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça. Enfin, je suis encore trop tétanisé pour réfléchir. Je me décontracte lentement, me laisse retomber dans le charbon alors qu'une fine particule de poussière noire s'envole autour de moi. Je soupire, et ferme les yeux. Puis tout devient noir. Très noir.

« Hé, la belle au bois dormant, tu devrais descendre, on fait un arrêt. » Je sursaute, et me redresse brusquement. J'ai dormi. Quel idiot alors. D'un côté, je n'ai pas dormi depuis des jours. Plus précisément depuis qu'il est rentré dans l'arène, le jeune Fray. Depuis qu'ils l'ont envoyé à l'abattoir. Je passe mes mains pour me frotter les yeux. Je vais ressembler à un panda, à ce rythme-là, alors j'arrête rapidement, et me laisse tomber hors du wagon. « Où sommes-nous ? » « District trois mon p'tit. » Je hoche légèrement la tête, les muscles encore endoloris. Alors c'est donc ça, le District trois ? Enfin, la gare, visiblement. « File donc, avant qu'ils ne t'attrapent... » Je ne compte pas tenter le diable, alors je m'exécute. J'embarque mon sac par-dessus mon épaule, je glisse ma capuche sur ma tête, et trottine déjà vers je ne sais où. Allons donc, comment me retrouver dans un tel endroit ? Je n'ai pas le temps de faire le touriste. Pas le temps de m'émerveiller des bâtiments. Pas le temps tout simplement. Certes, ça change de décor. Beaucoup même, comparé aux district douze. Enfin, on ne peut pas comparer cet endroit à mon district d'origine... Ce serait comme insulter le premier. Je me dépêche donc, car quelques personnes traînent encore dans les rues, et je ne suis pas prêt de passer inaperçu, avec mes loques de mineur.

Finalement, et je ne sais par quelle chance, j'atteins un quartier habité. Des maisons, alignées, dont s'échappent des rayons lumineux. Des lampes certainement, ou je ne sais quelle autre technologie. Tête baissée, j'avance, jetant un coup d'oeil sur ma droite de temps à autres pour voir si je ne l'aperçois pas. Quelques habitations plus tard, je m'arrête net. N'est-ce pas elle, que je viens d'apercevoir, derrière une fenêtre ? Cette chevelure blonde, je n'ai pas rêvé ? Je n'en sais rien, mais au bénéfice du doute, je m'approche un peu plus de la maison. Je regarde si je ne trouve pas un nom, quelque part... La boîte aux lettres. Sejdic. C'est elle, j'en suis certain. Et puis, au pire des cas, si je me trompe, ça fait quoi ? Rien. Rien de plus que, s'ils sont assez futés, ils vont comprendre. Comprendre que, vu ma tenue, je ne suis pas d'ici. Comprendre qu'ils doivent alerter les autorités. Tant pis, je me lance. Je frappe à la porte, et quelqu'un arrive pour ouvrir. Une nouvelle fois, je retiens mon souffle.


Dernière édition par Lyokha Czeslaw-P. Monroe le Dim 29 Juil - 18:33, édité 1 fois
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life's not fair. (svekha) Vide
MessageSujet: Re: life's not fair. (svekha)   life's not fair. (svekha) Icon_minitimeVen 27 Juil - 21:08





and i don't want the world to see us.
Je déteste la nuit, c’est du moins ce qui me traverse l’esprit au moment où je suis sur le point de m’abandonner totalement à mes pensées. Bientôt deux ans que chaque soirée ressemble à la précédente, bientôt deux ans que j’essaye d’oublier l’inoubliable, que j’essaye d’accepter l’inacceptable. Je crois que je pourrais tout faire, tout bousculer qu’elles reviendraient quand même me mettre le grappin dessus. Qui ? Elles. Ces centaines de pensées, mes plus grandes balafres. La journée, quand mon cerveau est branché électronique, il m’arrive d’avoir l’impression d’arriver à me déconnecter de chaque chose qui m’entoure. Les discussions dehors. Le silence de mon père. L’absence de mon frère. La faim qui me tort le ventre, aussi. Je me sens libre, débarrassée de mon chagrin et du reste. Le problème, c’est qu’à Panem, le jour finit toujours par laisser place à la nuit. Et que la nuit me renvoie à la gueule ces longues heures à tenter d’oublier qui je suis et d’où je viens, ces longues heures à tenter d’oublier que le Capitole nous prend tout. Tout. Sans exception. Même les gens pour qui on se sacrifierait et qui ne sont que du bétail pour lui. Du bétail qu’on envoie à l’abattoir. Comme ça. Parce qu’il faut fait peur. Parce qu’il faut faire peur et qu’il faut que ça aille vite. Six morts. Une journée et six morts. Vingt-cinq images traumatisantes à la seconde. Des paires d’yeux résignés, des sourires qui foutent le camp et qui emportent avec eux la vie qui ne tient jamais vraiment. Quelqu’un a dit un jour que la mort n’est pas la pire des choses dans la vie, que le pire, c’est ce qui meurt en nous quand on vit. Je ne sais pas qui a dit ça et pourtant, je crois que ça aurait pu être n’importe qui d’entre nous. Cette vieille mégère qui fait fuir les pigeons, ce gamin qui fait du vélo deux rues plus loin, ce trentenaire qui attend la mort sur son lit d’hôpital, cette mère qui a vu son enfant se faire déchiqueter aux Hunger Games, et celle qui l’a vu en déchiqueter un autre. Eux. Vous. Moi. Peut-être que finalement, ce sont eux les chanceux, ceux qui se font arracher le cœur beaucoup trop tôt, ou bien beaucoup trop tard. Peut-être que ce sont eux parce que voilà, ils souffrent une fois et c’est fini. Pour de bon. Ils chialent une fois puis ne chialent plus. Et si eux sortent de l’arène, qu’en est-il du gagnant ? Je suis persuadée qu’il n’en sort jamais vraiment, qu’il y laisse au moins un pied et que parfois, quand il n’a pas bousillé toute l’humanité en lui, il y laisse les deux. Et quand c’est comme ça, quand c’est comme ça…

J’ai faim. Et je ne sais pas si je trouve ça plus rassurant que mes pensées qui viennent de se faire la belle mais qui reviendront quand même. Retirant malgré tout la fine couverture qui cachait mon corps, je m’extirpe de mon lit et glisse en chemise de nuit jusqu’à la cuisine. J’ouvre les placards un à un, les fouillant du regard. Le premier est vide. Le deuxième aussi. Comme tous ceux qui suivent. En fait, ils le sont déjà depuis la veille mais j’espérais que quelqu’un serait venu déposer quelque chose. La porte sonne et je me demande qui peut bien se pointer chez nous au beau milieu de la nuit. Un pacificateur ? Quelque chose s’agrippe à ma gorge, la rend sèche tandis que je me dirige vers l’entrée. « Je tiens à m’excuser pour la tenue, j’étais sur le point d’aller… » La fin de ma phrase est réduite à néant et j’sens mon cœur se retourner au fond de mes entrailles. Qu’est-ce que… Je m’oblige à cligner des yeux. Peut-être que je délire, peut-être que je ne suis plus bonne qu’à ça. Et pourtant, quand je les rouvre, l’homme est encore là. Fatigué. Tendu. Résigné. « Qui es-tu ? » Je n’ai pas envie qu’il y réponde, je n’ai même pas envie d’entendre le son de sa voix. Je ne veux pas savoir. Qui il est. Qui il n’est pas, surtout. Parce qu’il aurait eu la même gueule si on ne lui avait pas broyé sa vie, il aurait eu la même gueule. Il aurait eu ces mêmes yeux bouffés par la haine, ces mêmes traits durs qu’on construit à force de coups dans les côtes et de coups tout court. Il aurait été comme ça. Beau à pleurer. Triste à mourir. Et c’est con, c’est con parce qu’il n’y a que deux noms qui me reviennent, que deux noms qui pourraient coller à la peau de ce gars qui squatte sur mon palier en attendant qu’il se passe quelque chose ou bien quelqu’un. N’importe quoi. Juste un truc, un truc ou quelqu’un qui redonnerait un peu de couleurs à ce monde pourri dans lequel on s’asphyxie sans vraiment y faire attention. Deux noms. Et l’un d’eux est aujourd’hui écrit sur une pierre tombale. « Lyokha ? » Il hoche la tête. Et j’ouvre la bouche, incrédule. On n’est plus beaucoup habitué aux visites à Panem, encore moins lorsque le visiteur en question vient d’un autre district. District douze. J’ai toujours eu tendance à penser que les Sejdic auraient dû vivre là-bas. Notre maisonnette vétuste y serait sans doute passée inaperçue. « Qu’est-ce que tu fous là Lyokha ? T’es inconscient ou quoi ? Comment t’es venu ? Tu… » Soupir. « Désolée. » Je pose ma main sur son bras et l’attire à l’intérieur avant de refermer la porte à clé, par précaution. Je n’arrive pas à savoir si je suis heureuse ou non de le voir débarquer chez moi, à l’improviste. Je ne le sais pas parce que j’ai du mal à accepter l’idée que ce soit lui. Alors je danse sur mes pieds, j’hésite entre le serrer dans mes bras et lui serrer la main, entre hurler de joie ou lui hurler de colère. Et comme je n’arrive pas à me décider, je ne fais finalement rien. On reste là, à se regarder dans le blanc des yeux et j’entends mon intérieur lui dire j’suis désolée pour l’accueil Lyokha, j’suis désolée pour l’accueil. T’as faim ? Parce que j’ai rien à t’offrir et là aussi je suis désolée. C’est pour moi que t’es venu ? Enfin, c’est pour être avec moi que t’as fait tout ça, qu’t’as risqué ta vie ? C’est bizarre, mais tu sais, j’ai toujours su que tu débarquerais un jour comme ça, parce que rien ne te retient là-bas et qu’ailleurs il y a moi, j’ai toujours su qu’un jour, ce serait à toi que j’ouvrirais ma porte. Alors voilà, j’suis désolée pour ça aussi, désolée de rester les bras ballants alors que j’devrais sauter au plafond, courir et crier partout. « Bienvenue chez moi. C’est pas super mais tu peux rester, bien sûr. Je crois que ça me ferait plaisir. » Silence. « Que tu restes. » Et pour la première fois depuis longtemps, je suis sincère. Je crois que, même sans le savoir, Lyokha tire le meilleur de ce qui reste en moi. Comme le faisait Loukian. Peut-être que c’est aussi parce que, à mes yeux, il est un morceau de lui. Un morceau de mon frère. Un morceau de moi.

Il y a du bruit en provenance du salon. Je le remarque seulement maintenant. Proposant à Lyokha de me suivre, on atteint très vite la petite pièce. Papa est là, assis sur le canapé qu’a un jour ramené Loukian. Il était déjà là hier et il le sera encore demain. Le tableau que l’on dessine lui et moi me met mal à l’aise. C’est comme si on était plus lié que par la mort de mon frère. Et je crois que personne n’aimerait avoir la sensation d’être mort aux yeux de son père. Parce qu’au fond, c’est exactement ça : quand Loukian est mort, papa a tout enterré. A commencer par moi. Et puis ensuite, ça a été lui-même. « Papa, je te présente Lyokha, un ami, il va passer un… » A quoi bon ? Je regarde mon père fixer l’écran en face de lui et il n’est même pas sûr qu’il soit concentré dessus. Comme toujours, son regard est vitreux, voilé, ailleurs. « Je… Voici mon père, Lyokha. Je t’en ai déjà parlé. C’est comme s’il était ailleurs. Ca fait bientôt huit mois qu’il n’a pas dit un mot. » Huit mois. Huit mois que je m’entraîne à faire le deuil de papa sans jamais y arriver. « Il ne reviendra pas. Enfin, je ne pense pas. Il ne se rappelle même plus qu’il a une fille. » Je hausse les épaule, en parle avec un certain détachement. Je ne veux pas qu’il pense que je suis faible, je ne veux pas qu’il sache que je suis à deux doigts de partir en courant face à cet espace trop confiné, face à la gêne, aussi. J’aurais aimé que Lyokha soit accueilli comme il se doit. Que mon père lui donne une accolade et lui propose un verre. A la place, il a droit à un homme qui ne le calcule pas, à une gamine qui ne sait pas où se foutre et aux images des Hunger Games qui défilent sur le poste de télévision. « Alors, pourquoi tu es là ?» Et pour la première fois de la nuit, je lui souris. Tandis que les jeux, eux, ne s'arrêtent jamais.
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life's not fair. (svekha) Vide
MessageSujet: Re: life's not fair. (svekha)   life's not fair. (svekha) Icon_minitimeDim 29 Juil - 19:09



i felt for sure last night, that once we said goodbye.
Quand je vois le District trois. Quand je vois ce à quoi ça ressemble... Je me dis qu'en fait, je suis peut-être né du mauvais côté de la barrière, seulement. Sauf qu'on ne choisit pas son lieu de naissance, encore moins son district d'origine. Ce qui nous arrive, tout ce qui peut nous arriver, que ce soit la misère, les famines qui tuent des gamins, la mine qui achève les hommes... C'est de la faute du Capitol, seulement. J'ai vu des images de certains districts à la télévision. Tout semblait beau, rayonnant. Une vie meilleure. C'était vrai, en partie. En partie seulement, car devant la maisonnette où je me trouve, je ne peux que constater qu'il demeure une part de misère sur chaque territoire. C'est dégoûtant je trouve. Dégoûtant de laisser des gens vivre ainsi dans un des districts les plus importants. Toujours est-il que je sors de mes pensées pour déglutir péniblement. Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien. Je n'ai pas risqué ma vie pour rien. D'abord un peu hésitant, je finis par frapper à la porte. Et si personne ne vient ouvrir ? Bien sûr que quelqu'un viendra ouvrir. Pourquoi ? Certainement car dans ce genre d'endroit, seules les personnes qui connaissent le sens du mot « période difficile », ont un minimum le sens de l'hospitalité. Et si elle ne me reconnaît pas ? Possible. Même si d'un côté, j'ai gardé mon uniforme de mineur. Plusieurs questions plus ou moins insensées viennent se bousculer dans mon esprit. Je suis à la fois excité de la retrouver, tout comme je suis fatigué de mon voyage. Je reste plus ou moins neutre, abîmé. Car c'est certainement ce que la mine fait de mieux: elle prend les hommes, les abîme, et les achève. Je n'en suis pas encore au dernier stade, heureusement. Une nouvelle fois, je sors de mes pensées car j'entends quelques bruits de pas, quelqu'un va ouvrir. J'ai le souffle coupé, pour la seconde fois. Et si ce n'était pas elle ? Bien sûr, que ce sera elle. De toute façon, il n'y a plus de demi-tour possible. Elle ouvre la porte. Je la détaille quelques instants, elle, ses cheveux blonds. Il n'y a pas de doute, c'est elle, Svetlana. Dansant sur les deux pieds, je n'ose encore rien dire. Certainement car je ne veux rien dire. Je ne sais pas comment appréhender ce genre de retrouvailles. Dois-je m'en réjouir ? Je pense. Mais dans l'état où je suis, je n'arrive qu'à lui offrir un pauvre sourire. « Je tiens à m'excuser pour la tenue, j'étais sur le point d'aller... » Elle ne termine pas sa phrase. Non, elle cligne un peu des yeux. Mon sourire ne peut que s'étirer un peu plus. C'est elle.

« Qui es-tu ? » Étrangement, je n'ai pas envie de lui répondre. Je n'ai pas envie car je sens, je sais, qu'elle peut le trouver d'elle-même. J'attends que mon prénom, mon nom, mon district, n'importe quoi sorte de ses lèvres. Je peux attendre, s'il le faut. Je le peux bien pour elle. Je le peux aussi, car si j'ai attendu tout ce trajet pour la rencontrer, je peux encore attendre quelques minutes de plus. En attendant, je continue à la détailler. Son visage, fin, ces deux pierres bleues qui s'incrustent parfaitement dans cette surface lisse et pale qu'était son visage. Elle est belle, douce. Comme ils l'avaient montrée, lors de la tournée du vainqueur. La rage en moins dans les yeux, soit dit en passant. Cette rage qui reviendrait un jour ou l'autre, à l'allure à laquelle nous détruisait le Capitol. Pour le confort de quelques-uns, des centaines devaient subir. Était-ce juste ? Non. Mais de toute façon, il ne fallait pas se faire d'illusion : la vie était injuste. Finalement, un prénom tranche dans le silence. Et ce prénom, c'est le mien. Par automatisme, je hoche légèrement la tête. Je ne sais plus quoi ressentir. Est-ce que je dois sauter de joie ? Est-ce que je dois juste continuer à sourire comme un idiot ? Je suis carrément bloqué, fatigué, las. Et pourtant, j'aimerai lui faire part de toute ma joie. « Qu'est-ce que tu fous là Lyokha ? T'es inconscient ou quoi ? Comment t'es venu ? Tu... » Des questions. Je m'en doutais d'un côté. Moi qui débarque comme ça, sapé comme un mineur, les traits tirés par la fatigue. Moi, du district douze qui, on ne sait par quel enchantement se retrouve au district trois. Moi qui, inconscient s'est rendu ici, sans même savoir si je pourrai en repartir. Je n'ai pas tellement envie de lui répondre. Pas dehors en tout cas. Moi, un peu paranoïaque ? Non, juste prudent. Je sais que certains seraient capables de me balancer, rien que pour avoir songé à venir ici, ou pour s'attirer les graces des hauts placés. Un soupir, et elle m'entraîne à l'intérieur. Je me laisse faire, au moins, on ne me repérera pas. J'ai l'impression d'être un fugitif qu'elle cache. Et le pire, c'est que ce n'est pas qu'une impression. « Ce que je fous là c'est une longue histoire. Peut-être que je suis inconscient oui, mais de toute façon, c'est fait. Comment je suis venu, c'est la suite de la longue histoire. » Je souris doucement, tranquillement. À croire que c'en est devenu douloureux, à cause d'eux, à cause du Capitol.

« Bienvenue chez moi. C'est pas super mais tu peux rester, bien sûr. Je crois que ça me ferait plaisir. » Elle marque une pause. « Que tu restes. » qu'est-ce que je peux bien y répondre ? Non, c'est bon, je peux me débrouiller ? Non, car ce serait mentir. Lui mentir, me mentir. Je ne peux pas me débrouiller ici. Ce n'est plus le district douze, où tu peux dormir dans les rues, les gens s'en fichent. Ici, si tu dors dans les rues... Je ne veux même pas m'imaginer le sort qui me serait réservé. Alors, je me vois obligé d'accepter. Et je suis ravi, vraiment. « Merci, beaucoup... De toute façon, j'ai nul part où aller... Et puis, je suis venu pour être avec toi, donc ... » Silence, à nouveau. C'est dingue comme parler me brûle la gorge. L'excitation, très certainement. Ne pas trop savoir que dire, aussi. Peur de se tromper dans les mots, peut-être. Plutôt que de continuer à se regarder dans le blanc des yeux, elle m'entraîne vers le salon. Un homme est assis, seul, figé au milieu de la pièce, sur son canapé. Un homme dont les yeux vitreux et exorbités par la fatigue restent plantés sur l'écran. Il ne bouge plus, plus du tout. Encore un homme détruit. Détruit par le Capitol, à cause du Capitol. Il nous prend tout, il nous pompe jusqu'à la mort. « Papa, je te présente Lyokha, un ami, il va passer un... » C'est à peine si l'homme bouge d'un cil. Il ne fait que respirer. Je ne le vois même pas cligner des yeux. C'est donc avec ça, qu'elle partage cette maison ? Avec un père qui semble totalement à l'ouest. Finalement, je me dis que c'est mieux de vivre seul qu'ainsi, avec ce qu'il reste d'un être humain, un fantôme. Je ne tente même pas de m'approcher, ni même de tendre la main au doyen. Qu'il reste dans cet état second, cette léthargie : si sa fille n'a pas réussi à l'en faire sortir, je ne peux pas faire plus. C'est triste, quand même. Mais c'est ainsi. Et pour survivre ici, de toute façon, il faut faire taire sa pitié. « Je... Voici mon père, Lyokha. Je t'en ai déjà parlé. C'est comme s'il était ailleurs. Ca fait bientôt huit mois qu'il n'a pas dit un mot. » En effet, elle m'en avait déjà parlé, dans une des rares lettres clandestines que les miniers pouvaient nous ramener. Ceux qui prenaient le train. Le même train que j'avais pris pour voyager. « Je suis désolé... » Désolé de quoi ? De quoi est-ce que je peux bien être désolé ? De rien, malheureusement. Désolé de ne pas pouvoir le forcer à parler ? Désolé de ne pas être son fils ? Je peux être désolé de bien des choses, mais là, je sèche.

Le silence pèse dans la pièce, il est lourd et dur à supporter. « Il ne reviendra pas. Enfin, je ne pense pas. Il ne se rappelle même plus qu'il a une fille. ». Je ne peux même pas lui dire qu'il reviendra, puisque ce n'est pas vrai. Un homme, à ce stade, il n'est plus détruit. Il est brisé. Et même avec toute la volonté du monde, il demeure bien rare qu'il parvienne à se redresser. Je soupire, porte un regard sur l'homme, et regarde à nouveau la petite blonde. La pauvre. « Le Capitol prend mais ne rend rien en retour de toute façon... Enfin, tu peux qu'espérer, malheureusement... » C'était la triste vérité. Vérité sur laquelle je ne m'attarde pas, car il est grand temps que je m'explique. Cette visite surprise, comment, pourquoi, pour combien de temps. Je suis sûr et certain qu'elle en a, des questions. Je ne sais pas si je serai capable de répondre à toutes, mais déjà, l'essentiel serait bien. Je laisse mon sac glisser de mes épaules. Un sac qui contient tout ce qui peut m'appartenir, autrement dit, pas grand-chose. Les anses me lacèrent les épaules, alors je le dépose à mes pieds. « Alors, pourquoi tu es là ? » Pourquoi je suis là ? C'est bien vaste, comme question. Mais de toute façon, j'ai tout mon temps maintenant, pour lui répondre. « En voilà, une question... Si je suis là, c'est d'abord car plus rien ne me retient au district douze. La dernière chose à laquelle je tenais est partie à l'abattoir. » Nouveau soupir, je baisse les yeux. Je ne me sens pas bien, rien que de le savoir dans l'arène. Une chance sur vingt-quatre. Voilà qui fait écho dans mon esprit. « Et puis, j'avais promis de te retrouver, un de ces jours... Et vu que tu n'as pas été moissonnée, je voulais quand même 'fêter' ça... » Je serre les dents, d'autant plus mal à l'aise en entendant les voix de Caesar et son compagnon nain non loin de nous. Ainsi donc, je suis faible. Ainsi donc, je dois me résoudre à lui dire non pas ma vérité, mais la vérité en général. « ... Écoute... Tu n'es pas sans savoir que je tiens énormément à Iugo, et je lui ai fait une promesse. Si jamais il lui arrivait quelque chose, je devrai monter au Capitol. Mais en attendant, je suis là, avec toi. » Je retiens le 'j'ai besoin de quelqu'un pour traverser sa mort' qui me brûle les lèvres. Je dois rester optimiste, pour lui, pour moi, pour nous. Je dois le garder vivant dans mon esprit, pour qu'il demeure vivant dans l'arène. Et s'il venait à lui arriver quelque chose... Dernier soupir de ma part, et en fait, je prends Svetlana dans mes bras. J'en ai besoin. Vraiment. J'ai besoin d'elle contre moi, de la sentir. Sentir que je ne suis pas seul. Sentir que, quoi qu'il arrive, il y aura quelqu'un pour moi.

Alors que je la sers contre moi dans cette étreinte des plus agréables, je lève le regard vers le poste de télévision. N'est-ce pas lui, que je viens d'apercevoir ? N'est pas sa longue silhouette sombre, qui courrait dans cette infinité blanche ? Cette arène de glace. Une neige dont la brûlure s'avère mortelle. « C'EST DE TA FAUTE SALAUD ! C'EST DE TA FAUTE SI ELLE EST MORTE ! POURQUOI TU ES ARRIVE ? J'AURAIS PU LA SAUVER JE TE DIS, J'AURAIS PU... ! » Cette voix. Ce timbre de voix que j'aurais reconnu entre mille. C'est lui, c'est Iugo, il n'y a pas de doute là-dessus. Je fronce un peu les sourcils, perplexe. Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Pourquoi est-il en train de crier ? Est-ce à cause de la gamine qu'il a dû achever ? Je n'en sais rien, mais je sens mal les choses. Je fronce les sourcils, et relâche Svetlana. Est-ce qu'il devient fou ? Qu'est-ce qu'il cherche à faire, bon sang. Je m'inquiète, vraiment. Mes entrailles se tordent, ma gorge se resserre. J'ai la bouche sèche. La bouche sèche, et un goût amer. Les yeux légèrement écarquillés, je lâche mon blouson sur mon sac, et m'approche à pas lents du poste de télévision. J'en oublie presque la petite blonde. S'il te plaît Iugo. Souviens-toi de tout ce que je t'ai dit. S'il te plaît Iugo, continue, continue de survivre. Pour moi, pour toi, pour elle.

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MessageSujet: Re: life's not fair. (svekha)   life's not fair. (svekha) Icon_minitimeLun 30 Juil - 18:03




lie here on the floor and cry on my shoulder : i'm a friend.
Ceux qui pensent que tout est joué d’avance se trompent. J’ai l’intime conviction qu’il y aura toujours quelqu’un, quelque chose pour intervenir, pour bousculer le cours de la vie, le cours de la mort sans doute aussi. Une voiture qui plonge dans un ravin. Un homme qui tend sa main à un autre. Une porte à laquelle on frappe au beau milieu de la nuit. Il suffit de ça, il suffit d’un rien pour que l’univers se retourne. Un mot. Un geste. Un regard. Et parfois un silence. Rien de plus. Tout n’est pas joué d’avance, tout n’est pas écrit dans un vieux livre à l’allure de relique. On peut encore changer le monde, on peut encore mettre un terme à toutes ces horreurs qui nous lacèrent le cœur. Mais la plupart des hommes ne le font pas parce qu’ils ont peur. De la mort. De voir leurs derniers soupirs disparaître à cause d’une chose qui semble à la fois si futile et pourtant tellement essentielle. Et comme ils ont peur de mourir, ils ne font rien et continuent de se plaindre et d’insulter ce destin qui fait mal les choses. Alors voilà, c’est tout. Le destin n’est finalement qu’une invention de l’homme pour palier à sa propre faiblesse, pour palier à sa propre lâcheté. Parce qu’en vérité, personne ici bas ne devrait avoir peur de la mort. On devrait, bien au contraire, tous avoir peur de la vie. Et se battre. Tous ensemble. Chacun pour soi, aussi. A sa façon. Comme Lyokha qui traverse tout Panem pour venir frapper à ma porte. Il suffit de ça. Un geste. Pour changer ne serait-ce que le cours d’une vie. De trois, dans le cas présent. La sienne, la mienne, et celle qu’on fabrique tous les deux : la nôtre. « Ce que je fous là c'est une longue histoire. Peut-être que je suis inconscient oui, mais de toute façon, c'est fait. Comment je suis venu, c'est la suite de la longue histoire. » Et tout n’est qu’une question de longue histoire et d’inconscience. Une histoire d’attachement, aussi. Parce que les hommes les plus courageux sont ceux qui ont encore quelque chose à quoi s’accrocher, sont ceux qui ont encore des gens pour qui tomber puis se relever. Jusqu’au dernier coup, le coup de trop, celui qui fait bouffer le béton et nous envoie dans la poussière. Celui qui arrache l’espoir. Pour de bon. Celui qui sonne la fin.

« Merci, beaucoup... De toute façon, j'ai nul part où aller... Et puis, je suis venu pour être avec toi, donc ... » Un sourire naît sur mes lèvres et je repasse en boucle dans ma tête ses vocables, comme pour m’imprégner du son de sa voix afin de ne pas l’oublier quand il repartira. Chez lui ou bien ailleurs. Chez lui ou bien nulle part. Il a un timbre grave, marqué par les crasses d’une existence vécue dans la misère. Ou peut-être est-ce parce que je le connais que j’ai cette sensation peu agréable d’entendre dans sa voix un écho triste à pleurer. Léger. Comme un souffle de vent qu’on sent à peine mais qui ne s’en va jamais vraiment. Malgré tout, je crois bien que je préfère le son de sa voix aux silences qui suivent, pesants, lourds de sens. Ces silences éloquents qui signifient arrête de croire aux miracles Svetlana, arrête de croire aux miracles parce que s’ils existaient, Loukian serait encore là et la sœur de Lyokha aussi. Arrête de croire aux miracles, tu sais très bien que ton père ne reviendra pas, tu le sais parce que ses yeux se sont éteints et qu’il ne sait même plus comment on fait pour se sentir exister. Il est parti. Un jour il était là et le lendemain c’était trop tard. C’est comme ça gamine : trop tard. Le pire, dans tout ça, c’est qu’en m’extirpant de ces pensées amères, Lyokha ne fait rien d’autre que confirmer ce que je m’évertuais à taire, ce que m’évertuais à cacher en ne laissant personne entrer à la maison. Personne. A part lui, ce soir. A part lui qui sait et qui comprend. « Le Capitol prend mais ne rend rien en retour de toute façon... Enfin, tu peux qu'espérer, malheureusement... » Ca me fait du bien qu’il me le dise, ça me fait du bien qu’au moins une personne me prenne assez au sérieux pour ne pas me mentir. Je le regarde et j’existe. Il me fait exister là où les autres m’effleurent sans se rendre compte de ma présence. Et secrètement, intimement, mes pupilles dans les siennes le remercient d’être ce qu’il est, le remercient d’avoir été là quand j’ai cru crever et de l’être encore quand je crois vivre. D’ailleurs, quand je lui demande pour la seconde fois -plus gentiment maintenant que je me suis habituée à l’idée qu’il est arrivé à district trois sans se faire attraper- pourquoi il est là, je ne saurais pas dire si je lui demande seulement ce qu’il fait chez moi ou si je lui demande ce qu’il fait dans ma vie en général, ce qui le fait rester là où tous les autres finissent par s’en aller, lassés de cette douleur dans mes yeux qui ne dort jamais. Au début, quand il est mort, je me rappelle que les gens autour de moi pleuraient beaucoup. Certains même, alors qu’ils ne le connaissaient pas et ne lui avaient jamais parlé, pleuraient comme s’ils venaient de perdre un de leurs proches. Et puis les pleurs se sont tues, comme la compassion, la pitié et ces trucs débiles que je disais détester mais qui me faisaient un peu de bien quand même : ils semblaient tristes et ça me faisait du bien de savoir que je n’étais pas la seule, de savoir qu’ils portaient un peu de mon chagrin au fond de leurs poches. Je lui demande pourquoi il est là et je me rends compte, aussi, que c’est la première phrase qui n’est pas à côté de la plaque, la première phrase qui atterrit au bon moment et n’est ni agressive, ni due à la surprise. « En voilà, une question... Si je suis là, c'est d'abord car plus rien ne me retient au district douze. La dernière chose à laquelle je tenais est partie à l'abattoir. » Iugo, sûrement la personne à laquelle il tient le plus depuis que sa sœur a péri dans les Jeux. « Et puis, j'avais promis de te retrouver, un de ces jours... Et vu que tu n'as pas été moissonnée, je voulais quand même 'fêter' ça... » Fêter ça. Comme s’il y avait quelque chose à fêter alors qu’on sait tous les deux que l’année prochaine, mon nom aura encore plus de chances d’être tiré au sort. « ... Écoute... Tu n'es pas sans savoir que je tiens énormément à Iugo, et je lui ai fait une promesse. Si jamais il lui arrivait quelque chose, je devrai monter au Capitol. Mais en attendant, je suis là, avec toi. » Monter au Capitole ? Pour faire quoi ? Je m’interroge. Pas longtemps cependant. Peu importe ce qu’entend mon ami par « monter au Capitole », ce sera dangereux. Rares sont ceux qui osent s’aventurer là-bas. Alors il n’est que de passage. Il n’est là que pour un temps. Parce qu’il ira se jeter dans la gueule du loup ou il rentrera le retrouver. Je me surprends à avoir un léger pincement au cœur. Ce n’est pas de la jalousie, c’aurait pu, ceci dit. Mais non. C’est différent. Quelque chose de plus douloureux encore. Je pense au moment où il me dira qu’il doit partir, où il me dira au revoir tout en ayant tous les deux conscience que c’est un au revoir au goût d’un adieu. Combien de chances a-t-il de s’en sortir ? Peu importe où il va. Combien de choses en sa défaveur ? Mes yeux s’embuent et, heureusement, il me prend dans ses bras et ne voit rien de tout cela. Tant mieux, sans doute. Je dois rester forte. Pour lui. Pour Loukian. Pour Stiles. Pour tous ceux qui ont toujours fait en sorte de me garder en vie. « Si tu dois y aller, je veux t’aider Lyo. Peu importe comment. Je collabore déjà un peu avec le Capitole et ils ont besoin de mes services. Je… Je trouverai quelque chose. Pour te faciliter la tâche là-bas. » J’oublie de demander ce qu’il compte y faire, je me sens déjà assez bête de ne pas avoir mieux que mon aide à lui proposer. Ni argent. Ni rien, quand j’y pense. Juste mes quarante neuf kilos et moi. C’est pour ça que je le serre davantage. Pour lui présenter mes excuses. Et c’est agréable, et ça me plonge dans un bien être éphémère. Lyokha est là. Vraiment. Avec moi. Pour moi. Lyokha est là et toutes les promesses sur papier qu’il m’a faites me reviennent à la gueule : il a une parole. Il a une parole et ça me fait croire en lui plus que je ne crois au reste.

Puis tout se déroule trop vite. L’étreinte de Lyokha s’évapore, au même titre que lui. Il y a cette voix dans le poste de télévision qu’il semble connaître par cœur et je comprends ainsi qu’il s’agit de Iugo. Son allié. Son frère. Son meilleur ami. Celui avec qui il a mené ses plus belles batailles. Il y a dans la voix de ce garçon envoyé dans l’arène quelque chose qui ressemble bien à de la folie. Pure et dure. Celle qui prend aux tripes, celle qui serre la gorge et contrôle le corps. Je n’ose pas m’avancer. Je n’ose pas m’avancer parce que je suis tétanisée à l’idée que ce qu’on redoute tous les deux arrive. Alors je danse sur mes pieds, j’écoute le dialogue entre Iugo et un autre tribut en attendant de savoir que faire. Lyokha est pétrifié. A-t-il cessé de respirer ? Sa vie vient-elle de s’envoler devant moi, comme celle de papa ? C’est ce qui me fait franchir les quelques pas qui me séparent de lui. « TU VOIS ? TU VOIS PETITE ? JE TE VENGE. IL EST POUR TOI CELUI LA ! » Iugo est devenue une bête, un monstre destiné à faire gicler le sang des autres. Le gros plan sur son visage ne laisse voir aucune trace d’humanité. Je hais le Capitole. Je hais le Capitole qui apprend à des gosses de mon âge qu’il faut choisir entre tuer et ou être tué. Un nouveau coup de poignard dans l’abdomen du tribut auquel le petit du district Douze fait face. Je respire à nouveau. Je suis soulagée. Parce qu’il peut le battre. Parce qu’il va le battre. Parce qu’il va le tuer et que ça fera une chance de plus de gagner. Ou du moins une de moins de perdre. Je ne culpabilise même pas de penser comme ça, de penser qu’il faut que l’un meurt pour que l’autre s’en sorte. Je ne culpabilise pas parce qu’il y a Lyokha, juste à côté de moi, qui transpire la peur et que ça me fout à l’envers, que ça me bousille l’intérieur. « Ca va aller Lyokha. Il va le tuer. Il va le tuer. Il va le… »Je continue à murmurer ces mots dans ma tête, en boucle, sans m’arrêter. Peut-être que je prie, peut-être que je supplie quelqu’un, n’importe qui, de le sortir de ce pétrin. De nous sortir de ce pétrin. Parce que je glisse ma main dans celle de Lyokha et que, quelque part, ça nous scelle l’un à l’autre. Quelque part, ça veut dire j’vais jamais te laisser tomber Lyokha. Peu importe ce qui se passe, je vais être là. Alors tu peux serrer ma main, tu peux la broyer, tu peux me dire que tu ne veux pas me voir ou que tu aurais préféré que je sois à sa place en ce moment, que tu aurais préféré que ce soit moi dans l’arène et sa main dans la tienne. Tu peux me faire mal, me tuer un millier de fois que je serai quand même là. Je te le promets. Je te le jure mon amour. Chaque combat à venir, chaque bataille, tu n’auras qu’à m’appeler si tu as besoin. Et même si tu n’en as pas besoin. J’ai oublié de te le dire mais je tiens à toi Lyokha, je tiens à toi et pas seulement parce que tu lui ressembles un peu, non, je tiens à toi parce qu’il y a un million de raisons de tenir à toi, un million de raisons d’avoir envie de te voir heureux à en crever. Serre ma main, ne la lâche pas. Moi, je ne lâcherai pas. « Il va le... » Et puis la situation se retourne, le tribut salement amoché, à demi vivant, se retrouve au-dessus de Iugo. Et, dans un bruit presque sourd, sa tête heurte une première fois le sol.

Ceux qui pensent que tout est joué d’avance se trompent. J’ai l’intime conviction qu’il y aura toujours quelqu’un, quelque chose pour intervenir, pour bousculer le cours de la vie, le cours de la mort sans doute aussi. Une voiture qui plonge dans un ravin. Un homme qui tend sa main à un autre. Une porte à laquelle on frappe au beau milieu de la nuit. Il suffit de ça, il suffit d’un rien pour que l’univers se retourne. Un mot. Un geste. Un regard. Et parfois un silence. Rien de plus. Et si ce bousculement n’est pas bon, si ce changement soudain de situation annonce la pire des choses, est-il alors encore possible de revenir en arrière ?
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MessageSujet: Re: life's not fair. (svekha)   life's not fair. (svekha) Icon_minitimeSam 4 Aoû - 20:07



even if you cannot hear my voice, i'll be right beside you.
Face à la vie, on aime, on déteste, on chérit, on haït. Perdre un être cher, c'est se déchirer. C'est perdre une partie de soi qui lui était totalement dévouée. Perdre un être cher, c'est inconcevable, pour certaines personnes. J'en fais partie. J'en ai toujours fait partie, et ce sera certainement ainsi jusqu'à ce que j'en crève. Quoiqu'il en soit, perdre quelqu'un, c'est suivre un schéma bien précis. Un schéma qui te détruit, qui te tire par les pieds jusqu'au fond. À toi de choisir, de décider. Je me relève, et remonte à la surface ? Je me laisse couler, et laisse par conséquent le Capitol l'emporter. Beaucoup de personnes ont suivi la seconde option. Moi en partie, mais ça, c'est une autre histoire. Tout d'abord, quand on perd quelqu'un qui nous est proche, on refuse. On refuse catégoriquement que ce soit arrivé. Car c'est tout simplement impossible, inconcevable pour nous de perdre cette personne. Puis, à force de mots et de patience, les autres te rentrent dans le crâne que tout est fini, définitivement. Jamais plus tu ne reverras cette personne. Jamais plus tu ne pourras la serrer dans ses bras, la sentir près de toi, passer une main dans ses cheveux, l'écouter rire, la consoler lorsqu'elle pleure, la protéger lorsque besoin est. Ça, ce sont uniquement des actions de la vie. Et le pire, c'est que lorsque tu comprends que toutes ces choses seront désormais impossibles, tu t'énerves. Contre tout le monde, tout ce qui t'entoure... Mais surtout contre toi-même. Qu'est-ce que tu as loupé, dans l'histoire ? Tu n'en as pas fait assez ? Tu en as fait trop ? Tu aurais dû lui dire je t'aime, une dernière fois. Tu aurais dû profiter d'une dernière étreinte. Lui ébouriffer les cheveux une ultime fois. Tu aurais dû lui montrer que merde, oui, tu tiens à lui. Tu n'as rien fait de tout ça, tu es minable. Et c'est là que cette foutue culpabilité te ronge jusqu'à la moelle. Quand tu finis par te calmer car tu n'as plus la rage suffisante pour crier sur tout le monde, ou pour tenir debout une seconde de plus, tu tombes à genoux. Tu lies tes mains, et tu supplies, tu implores n'importe qui. Dieu, les gens autour de toi, tes amis, ta famille, les médecins. Tu es prêt à offrir tout ce que tu as, même ton âme. N'importe quoi que tu puisses encore donner, jusqu'à ta propre vie pour passer ne serait-ce que quelques heures supplémentaires avec le défunt. Tu es carrément désespéré, au point de vouloir en crever. Et quand on te rentre dans le crâne qu'il n'y a pas de négociation possible, on t'achève. Tu te laisses définitivement tomber pour faire corps à corps avec l'asphalte dans l'espoir de disparaître. On te laisse alors le choix : marche, ou crève. Rare sont les personnes qui parviennent à se relever, et pourtant, elles existent. Elles existent, et se battent chaque jour. Car des années après cette perte, des dizaines d'années après avoir relativisé, rien que d'y repenser, tu as envie de chialer.

Je suis bien, avec elle, chez elle. Tellement bien. Et plus j'y pense, plus je me dis que j'aurais pas dû m'attacher. Pourquoi ? Car j'ai peur maintenant. Peur de perdre l'autre. Pourtant, je m'attache... Je m'attache car je suis faible. Je suis faible, et j'ai besoin d'une épaule pour pleurer, d'un bras derrière mon cou pour m'amuser, d'une présence à qui parler. Quelqu'un qui a plus de conversation d'un chiot de quelques mois. Et puis, elle est tellement gentille, tellement vraie, tellement elle. Comment cracher sur son hospitalité et sa gentillesse ? Impossible, à moins d'être le dernier des abrutis. J'accepte donc. J'accepte d'être son invité pour quelques jours. Combien ? Je n'en sais rien, exactement. Tout dépendra de lui, d'eux. Tout dépendra de mon humeur et de mes priorités. En parlant de priorité, ma seconde en étant ici aurait été de saluer son père. Malheureusement, l'homme est ailleurs, parti, pour toujours. Autant en discuter. Autant lui dire la vérité, et ne pas se voiler la face : il ne reviendra pas, jamais. On ne peut que garder un peu d'espoir, même si pour ma part, je n'en ai plus tellement. J'ai vu le Capitol m'arracher tant et tant de choses que j'ai dû mal à croire qu'il finira par me les rendre. Il ne rendra pas Loukian par exemple. Pas plus qu'il ne me rendra ma soeur. On en vient rapidement à parler de ce qui m'amène ici. Pas mal de choses, effectivement. Elle, d'abord. Elle que je m'étais juré de retrouver un jour ou l'autre, avant de mourir. Iugo, ensuite. Iugo à qui j'avais promis d'aller chercher sa soeur, Siam, s'il ne revenait pas vivant de cette arène. Et pour terminer, ma faiblesse. Je suis faible, je n'ai jamais prétendu être un super héros, et je n'en serai certainement jamais un, mais qu'importe. Je suis faible. Faible car j'ai toujours eu cette peur qui m'a pris aux tripes de perdre l'autre. Et pire encore, de le voir mourir en restant impuissant, derrière un poste de télévision. Car oui, c'est ça qui me tue. L'impuissance dont on fait tous preuve, face aux jeux. L'impuissance que nous impose le Capitol, en diffusant ces horreurs qui nous rappellent un peu plus tous les jours notre pseudo faute. Est-ce réellement une faute, que de vouloir être libre ? Apparemment.

Toujours est-il qu'en attendant, je suis là pour elle. Je serai toujours là pour elle. Cette année comme l'année prochaine, vu qu'elle pourra encore être moissonnée. Et si elle aussi, elle devait partir pour l'abattoir ? Je me refuse tout simplement d'y croire. Elle là-bas, ce serait le proche de trop. Et si jamais, elle devait mourir dans cette arène ? Je crois que cette fois, et malgré toute la volonté du monde dont je peux encore faire preuve quand je m'obstine, je crois que malgré tout, je me laisserai couler, définitivement. Je toucherai le fond, et laisserai l'eau de l'abandon remplir mes poumons. Je me laisserai crever, certainement. Non, par certainement, il n'y a tout simplement aucun doute là-dessus : je ne pourrai pas me relever cette fois. En attendant, elle est là, à côté de moi, saine et sauve. Que puis-je demander de plus ? Qu'il en soit de même pour Iugo. Qu'il revienne, par pitié. Qu'on me le laisse, qu'on le laisse vivre, qu'on le laisse accomplir ses rêves. Vingt-trois contre un. Nouvel échos dans mon esprit, et je serre les dents, mal à l'aise. Il ne peut pas mourir, il n'a pas le droit de mourir. Et pourtant. Je ne me sens pas mieux, alors, pour éviter de paraître trop faible, je la prends dans mes bras. Je la serre contre moi, car j'en ai besoin. J'ai besoin de sa présence, de son odeur, de ses cheveux qui viennent retomber contre mon visage. J'ai besoin d'une épaule, pour tenir debout. Alors qu'elle me serre plus fort encore, sa voix perce et fait échos dans le silence. « Si tu dois y aller, je veux t'aider Lyo. Peu importe comment. Je collabore déjà un peu avec le Capitole et ils ont besoin de mes services. Je... Je trouverai quelque chose. Pour te faciliter la tâche là-bas. » Encore une fois, je bois ses paroles. Juste parce que c'est bon de ne plus se sentir seul. Malgré le fait que je suis un solitaire, et que je l'ai toujours été, je me sens faible aujourd'hui. À un point que c'en devient peu glorieux. Enfin, c'est ainsi. Elle me propose de l'aide ? Ses services ? Elle est si courageuse, si combattante. Elle est tout ce que j'ai remarqué la première fois chez elle, lors de la tournée des vainqueurs. Je ne peux pas dire non, contre un peu d'aide. À condition qu'elle ne soit pas en danger, par ma faute. « Merci Svetlana. Merci, pour tout... » Merci pour cette proposition. Merci d'être là, dans mes bras. Merci de vivre, et d'alimenter cette envie de se rebeller. Merci, tout simplement.

Un coup d'oeil au poste de télévision, et instinctivement, je la relâche. Doucement, je m'éloigne d'elle, pour m'avancer vers l'écran. C'est lui, c'est Iugo. Et il ne va visiblement pas bien. Pourquoi est-ce qu'il crie, hein ? C'est à cause de l'autre gamine ? Il doit garder son sang-froid, par pitié, qu'il garde son sang-froid. Bizarrement, lorsqu'il rencontre l'autre tribut, je sais d'avance ce qui va se passer. Je le sais, je le sens. Et pourtant, je m'obstine à regarder la scène, les yeux sur l'écran. C'est triste et pitoyable comme spectacle. Je ne vois pas ce que le Capitol trouve d'intéressant à ça. Le pire, c'est que je sais ce qui va se passer. Je le sais car je connais la folie. Je la connais pour l'avoir vue, de mes propres yeux. Il semble totalement hors de lui, complètement ailleurs, et pourtant il perce l'écran par sa présence. J'ai le souffle qui se coupe, une fois de plus. J'ai peur. Oui, j'ai peur. Ses cris me font peur, à un point que je ne veux faire qu'une chose : me recroqueviller sur moi-même, et plaquer les paumes de mes mains sur mes oreilles, pour ne plus l'entendre. « TU VOIS ? TU VOIS PETITE ? JE TE VENGE. IL EST POUR TOI CELUI LA ! » Ce n'est pas Iugo qui parle, pas du tout. On dirait plutôt un monstre, un pauvre gamin dont on a dérobé la vie, qu'on a transformé en une bête sanguinaire. Il est fou. Iugo est fou. Je deviens tout simplement livide, perdant le peu de couleurs qui me restaient jusque là. Non Iugo, reprends toi, t'as pas le droit de m'abandonner. Tu m'as promis d'être fort pour ta soeur, alors tiens ta promesse. Totalement figé, le regard rivé sur l'écran, je constate qu'il envoie un coup de poignard dans l'abdomen du blond. C'est cruel de le penser, car aucun homme ne devrait souhaiter la mort d'un gamin, mais je me dis : tant mieux. Finis-le Iugo, achève-le, maintenant. On s'en fout du spectacle, de l'audience, du Capitol. C'est toi et elle, toi et ta soeur, achève-le. « Ca va aller Lyokha. Il va le tuer. Il va le tuer. Il va le... » Bien sûr qu'il va le tuer. Il doit le tuer, maintenant. Je sens une main chaude et fine se glisser dans la mienne, moite et brûlante. Je déglutis péniblement, et garde cette gêne pour respirer. Tue-le Iugo, je t'en supplie. Il n'a pas le temps de l'achever que les positions s'inversent.

Un bruit de craquement, un hurlement. Son hurlement. Aussi insupportable soit-il à mes oreilles, je l'écoute, je le regarde souffrir. Je regarde se visage, cette expression qui se tord avec souffrance. Il a si mal. Il semble avoir tellement mal. Et moi, je suis là, comme un con. Je suis là à serrer la main de Svetlana. Je suis là à respirer péniblement, sans pouvoir agir. Impuissant, comme un abruti. Foutu Capitol. J'ai les yeux dans le vague, et pourtant, je suis chacun de ses battements de cils. Je me sens tanguer, un peu. Est-ce juste mon imagination ? Ou est-ce que je tangue vraiment ? Quelle importance, franchement. Je veux disparaître pour chialer comme un gosse. Je veux mettre le feu à la maison des voisins. Je veux aller gueuler sous l'hôtel de ville toute ma haine. Je veux monter au Capitol, et les détruire, tous. Impossible, totalement impossible. Et pourtant, l'adrénaline qui parcourt mes veines me dit que je peux le faire. J'ai la gorge sèche, et aucun mot ne peut sortir d'entre mes lèvres. Je suis mort ? Presque. Laissez-moi disparaître, tous. Laissez-moi sombrer à nouveau, avec un peu de morphine et des rêves bousillés. Je vous en prie, laissez-moi. C'est ce que j'aimerais leur dire, à tous. Et pourtant, je sais que je n'ai pas le droit. Je dois aller chercher Siam. Je dois rentrer au douze et partir pour le treize. Je dois le faire pour Iugo. Je ne dois pas m'apitoyer sur mon sort, je n'en ai pas le droit. Mais voir son corps, le voir lui, à moitié mort... C'est tellement douloureux.J'aimerais être à sa place, dans cette arène, comme ça, il pourrait vivre encore longtemps, il pourrait récupérer sa soeur. Je tremble un peu, je serre les dents. J'essaye de rester fort, mais qu'est-ce que je peux être minable. Je pleure, je chiale comme un gosse. Quelques larmes d'abord, qui coulent lentement pour former les premiers sillons, puis les autres qui se succèdent une à une. Mon échine est secouée par quelques sanglots, et pourtant, je m'efforce de rester debout. « Non...Iugo, merde, non... Non Iugo, t'as pas le droit de mourir. T'as pas le droit merde ! Pense à Siam ! J't'en supplieIugo !... J'ai pas envie d'aller au treize tout seul... J'veux que tu sois là mon frère... J't'en prie... » C'est entre deux sanglots que ces mots sortent. Inconsciemment, je garde la main de Svetlana dans la mienne, car j'ai trop peur qu'elle parte, elle aussi. Trop peur qu'elle s'évapore, qu'elle m'abandonne. Quelque chose me brûle de l'intérieur, je ne sais même pas ce que c'est, je ne me pose même pas la question. J'ai les yeux rouges, un peu gonflés, et je continue de chialer tout en maudissant le Capitol, les juges, le président, celui qui se réjouit à la vue des jeux. Je veux leur tête, à tous. Je les veux morts, pour m'avoir arraché à nouveau un proche. Regarder Iugo à l'agonie me fait mal au coeur et mal à la tête. Je l'aurais bien soutenu, jusqu'à ses dernières heures, mais je suis faible. Tellement faible. Je m'en veux de t'abandonner là,Iugo, mais ça me rappelle trop de mauvais souvenirs. Tu me pardonnes, j'espère ? Dis-moi, que tu me pardonnes. Pauvre con que je suis : là où il est, il ne me répondra pas. Il ne me répondra plus jamais. La vue de cette scène me perturbe profondément, et pourtant, il m'en faut pour me choquer. C'est juste parce que c'est Iugo. C'est juste car je sais que plus jamais je ne le reverrai. Je lâche précipitamment la main de ma douce Svetlana, et sors. J'ouvre la porte, et la referme tout aussi brusquement. Il fait nuit. Une nuit orageuse, vu les éclairs de chaleur qui claquent dans le ciel. Le temps change bien vite. Tout change trop vite. Les gens meurent trop vite. Pleurant toujours autant, je ne peux me retenir de hurler ma haine à chacun. « Iugo... Je t'en supplie... » Finalement, ma voix se fait plus forte, plus dure. Je hurle. Je hurle comme je n'avais jamais hurlé avant. Je ne suis pas détruit, je suis brisé. « J'VOUS TUERAI ! J'VOUS TUERAI TOUS POUR CE QUE VOUS NOUS PRENEZ ! POUR ZEPHYR, IUGO, LOUKIAN, SIAM, J'VOUS TUERAI TOUS, JUSQU'AU DERNIER ! » J'ai l'impression que je viens de me déchirer les cordes vocales. Est-ce plus qu'une impression ? J'en sais rien, et je m'en fous royalement. Ma gorge me brûle atrocement, et je pleure de plus belle, tombant à genoux. Je m'en fiche pas mal, que les gens sortent de chez eux. Une escorte de pacificateurs peuvent même venir me cueillir ici que ça n'a pas d'importance. Ils payeront, tous. Pour ce qu'ils font. Pour ce qu'ils nous font. J'ai les yeux rouges, je n'ai presque plus de voix, et je bascule d'avant en arrière, sur mes genoux. Dans la vie, on aime, on déteste, on chérit, on haït. « J'vous tuerai tous... »

Face à la mort, on accepte.

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