« I sell it by the bottle, oh I'll make it last all night. Don't worry 'bout tomorrow, I got the remedy. »

Le regard agacé de la jeune hôtesse se posa sur l'horloge du restaurant de son père. Les réflexions faisaient bons trains. Que ce soit sur son physique ou sa manière de parler. Elle avait « changée ». Les remontrances de son père et ses frères concernant son attitude commençaient légèrement à l'énerver, comme si la pression des Jeux n'était pas déjà amplement suffisante. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait accepté cette invitation après tout ce temps passé sans donner de nouvelle. Peut-être dans l'espoir que ça ait changé ? Que l'anniversaire de la mort de sa mère pourrait enfin mettre un terme à leur querelle. Mais de toute évidence, ce ne sera jamais chose facile. Il était bientôt minuit et Jubilee ne pensait qu'à une chose : rentrer à la résidence et discuter avec quiconque serait encore debout. Elle se leva calmement sous les réflexions enflammées par l'alcool de ses frères, repoussa doucement sa chaise contre la table et attrapa son sac avant de leur tourner le dos. Elle savait très bien qu'ils ne la rattraperaient pas. Ils n'allaient pas se fatiguer pour elle après tout. Elle poussa ensuite les portes en verres et l'air frai de l'extérieur la fit frissonner. Elle rajusta son foulard autour de son cou et croisa les bras contre sa poitrine avant de prendre la direction de la résidence des Tributs. Sa robe en soie rosée volait élégamment à chacun de ses pas, épousant sa silhouette fine à merveille sur l'avant. Les Peace-keepers la virent arriver de loin et elle les surprit se donnant mutuellement des coups de coudes avant de la saluer avec un simple signe de tête qu'elle leur renvoya poliment. Ses talons claquaient sur les dalles en marbre du hall d'entrée alors qu'elle se dirigeait vers les ascenseurs. Les portes s'ouvrirent pour la laisser rentrer et quelques secondes plus tard pour qu'elle sorte. Le salon de leurs appartements étaient désespérément vide. Jubilee poussa un long soupir, se disant qu'elle aurait peut-être mieux fait de rentrer jusque chez elle directement. Elle déposa son sac à côté d'un canapé et retira ses chaussures pour éviter de réveiller tout le monde puis alla directement vers le coin salle à manger. Sa démarche était un peu chancelante, certainement à cause des quelques verres qu'elle a bu pour essayer de s'évader un peu plus tôt dans la soirée. L'hôtesse se servit un verre qu'elle descendit d'une traite avant de s'en verser un suivant. Sa main droite monta vers sa coiffure un peu trop élaborée pour l'heure qu'il était et commença à retirer les aiguilles à chignon et tout ce qui retenait sa mise en pli. Une fois ses cheveux blonds platine lâchés sur ses épaules, elle saisit son verre d'une main assurée et retourna vers son sac duquel elle sortit un miroir de poche. Ses yeux étaient entourés d'un ombre à paupière mordoré et souligné par un trait de crayon noir. Elle le rangea rapidement, se disant qu'elle enlèverait tout ça un peu plus tard. Rien ne pressait après tout. Elle était seule, comme toujours. Elle aurait tout le temps de faire ce qu'elle avait à faire dans une heure ou deux, lorsqu'elle se déciderait enfin à retrouver son appartement vide. Son fils adoptif étant chez un ami, elle n'avait pas d'impératif. Ses pieds nus effleurèrent le tapis alors qu'elle allait vers la baie vitrée. D'une main, elle ouvrit la fenêtre et se glissa sur le balcon. La ville brillait de mille feux malgré l'heure tardive. Des cris remontaient jusqu'à ses oreilles, scandant des noms de tributs. Malgré sa concentration, elle n'entendait pas les noms qu'elle aurait aimé entendre. Ne pas se laisser abattre. C'était ce que lui avait demandé Serena. Elle tiendrait bon. C'était sa vie, elle ne pouvait pas baisser les bras. Tout le monde rirait d'elle, la raillerait, l'insulterait... Non, elle ne pouvait pas abandonner. La première année est toujours la plus dure parait-il. Elle trempa à nouveau ses lèvres dans son verre, ne le buvant qu'à moitié cette fois. Jubilee n'avait pas envie de rentrer tout de suite. Elle avait peur de s'écrouler si elle se prenait les pieds dans le tapis. La jeune femme s'accouda à la barrière et laissa son regard s'aventurer au pied de l'immeuble. Elle sentit soudain son cœur se soulever, battant fort contre sa poitrine, cherchant à tout prix à rejoindre la terre ferme. Son souffle se fit court. Ses mains devinrent moites. Son verre glissa et tomba dans le vide. Elle le suivait des yeux, ne pouvant détacher son attention du vide qui s'étalait sous ses pieds. Si loin et pourtant si proche. Le poids de tout son corps semblait être attiré comme un aimant vers le sol. Il lui fallut une volonté énorme pour se détacher de cette spirale et revenir à elle-même. Par réflexe, ses mains furent la première chose à toucher le sol, suivi de son postérieur et sa tête heurta doucement le mur le plus proche. La douleur se propagea en vague dans son crâne, lui arrachant quelques larmes de douleur. Elle voulut se frotter l'arrière de la tête, mais la vue d'un peu de sang sur ses égratignures l'arrêta rapidement. Jubilee se releva tant bien que mal, titubant et tanguant jusqu'à la salle de bain la plus proche. Elle fit couler de l'eau tiède et mit ses mains en-dessous. Elle resta là cinq bonnes minutes avant que la chaleur ne l'anesthésie totalement. Elle s'essuya et regarda à nouveau. Il ne restait que des rougeurs. Un peu de sang refaisait surface ça et là, mais rien de méchant. Elle souffla doucement dessus, comme si cela allait arranger les choses. Son esprit toujours embrumé par l'alcool lui commanda de remplacer le verra malencontreusement tombé. Ce qu'elle fit presque immédiatement, en ne manquant pas de se cogner dans un fauteuil, laissant alors un juron s'échapper de ses lèvres d'habitude si délicate.