« Quoi?
-Tu m'as bien entendu, Leena R-M Caliopse viendra chez toi demain à 15 heures.
-Mais ce n'était même pas prévu!
-Et tu te plains, en plus? Tu te rends compte que j'ai eu toutes les peines du monde à t'avoir cet entretient et monsieur fait la fine bouche?
-...Désolé, c'est juste que je ne m'y attendais pas du tout...Merci, vieux frère.
-Pas de quoi. Au faite, comment avance tes préparatifs pour ton tout premier défilé? Pas trop de stress?
-Et bien pour tout te dire, je..
-Ah! Non, Julie, ne mets pas la main ici! Non, n'appuies pas sur...
-Allô? Allôô? »

Le téléphone sonne dans le vide. Je raccroche, me tenant près du combiné au cas-où Ryan me rappellerait. Une demi-heure plus tard, je quitte enfin le canapé, replie soigneusement le journal que je lisais, attrape mes clé, un blouson de motard et file au garage. Là, je démarre sous les chapeaux de roues, comme à mon habitude. La route file, grande ligne grise et blanche continue, infinie. Le ciel est bleu, le soleil aussi à cause de la vitre teintée de ma visière. Je double les voitures qui me klaxonne. Rien à faire, j'aime trop la sensation de planer pour ralentir ne serait-ce que d'une dizaine de km/h. Lancé à plus du triple de la vitesse autorisée, je slalome, dérape et me gare dans un coin obscur d'un petite ruelle; ma place habituelle lorsque je sors en ville. En haut de cette petite maison ne payant pas de mine habite un ami à moi, Aoi. Un couturier exceptionnel capable de masquer les pires déchirures en moins de trente secondes chrono. Un pro, un vrai, mais préférant resté dans l'ombre. Un Muet, aussi. Mais ça, ça ne compte pas.
Je monte chez lui et toque sur le panneau de bois clair. Il vient m'ouvrir, le sourire aux lèvres. Dès que j'entre chez lui, je suis tout de suite enivré par le parfum de poulet s'émanant de sa cuisine.

« Je l'ai préparé pour toi. »

Il ne prononce aucun mot mais dessine des lettres dans l'air et gesticule pour me faire passer son message.

« Comment as-tu su que j'allais venir? Je ne t'avais même pas prévenu. »

Il me souris et me pointe le ciel du doigt. Je ris et il s'esclaffe de ce drôle de son étouffé. C'est vrai qu'il croit aux signes du ciel et arrive à déchiffrer les étoiles la nuit. Je n'y crois pas mais tout ce qu'il arrive à lire à partir des constellations s'avère être juste un jour ou l'autre. Je me suis toujours demandé comment, avec un ciel pollué par la luminosité de la ville, il arrivait à voir quelque chose...Sans doute qu'un de ses sens s'est aiguiser pour compenser le manque de parole...
Il me débarrasse doucement de mon blouson, le suspend à un cintre et me pousse vers la table. J'ai beau protester que je veux mettre les couverts qu'il me couve de ce regard si doux que je ne peux que lui obéir. Lui, mon ancien amant aux doigts de fée... J'embrasse sa main avant qu'il ne parte chercher le repas dans la cuisine et contemple, amusé, la rougeur s'emparer de ses joues. Aoi...Tout aurais pu être différent, pourtant, si tu n'avais pas tenté de t'enfuir du Capitol.

Le déjeuner est excellent. Tout du long, je lui parle de mes projets, de mes nouvelles créations et exhibe fièrement ma tablette où sont stockés tous mes croquis. Il les regarde, l'oeil à l'affût du moindre défauts, et griffonne des notes sur les côtés avec son écriture si soignée que je lui envie. Puis, sa tâche finie, il m'enjoint à les lire. Je m'exécute, râlant encore parce que trois de mes costumes sont infaisables de part leur complexité. Il me tapote l'épaule.

« Patiente encore dix ans et tu pourras présenter un mannequin nu avec une peau de serpent incrustée dans son squelette. »

Il rit encore et je partage sa joie communicative. Les moments que je passe avec lui sont essentiels à mon bien-être. De plus, c'est le seul autorisé à critiquer mon travail sans risque de représailles.

Après une heure passée avec lui, je le quitte à regret et pars faire ma commission. J'achète un beau bouquet de lycoris rouge et craque pour deux lys blancs. Dans un magasin d'animalerie, je commande une cage à papillons et son contenus, de magnifiques machaons dans des dégradés de bleus. Enfin, je passe à mon cellier préféré et embarque trois bouteilles avec ses remerciements.
Je dépose les lys devant la porte de Aoi, range les bouteilles sous le siège de ma moto et l'enfourche.

Vingt minutes plus tard, de nouveau chez moi, j'arrange les fleurs, fais un brin de ménage et dépose le vase su la table du salon. Tout est prêt pour l'arrivée de cette chère Leena Caliopse. Content de moi, je m'isole dans mon bureau et recorrige mes dessins revus par Aoi.



Le lendemain, la cage arrive comme prévu. Le coursier l'accroche juste en haut du bouquet de fleurs et repart après une courbette. Parfait, tout est parfait pour accueillir comme il se doit ma consoeur. J'espère qu'elle me donnera des informations supplémentaires sur ce qu'est le métier de Styliste des Hunger Games.
La sonnette sonne, me faisant légèrement sursauter. Je cours mettre l'eau sur le feu et pars ouvrir la porte à mon illustre visiteur...