Qu’il ouvre les yeux, je n’en demandais pas plus de sa part. Qu’une petite étincelle de vie parcourt encore son corps si frêle. Que j’entende à nouveau le son de sa voix comme lorsqu’il me parlait autrefois. J’avais beau le serrer dans mes bras, quitte à l’étouffer d’amour, rien n’y faisait. Il gisait, inerte. Son âme avait quitté son cœur alors qu’il n’était encore qu’un simple enfant. J’ai levé mon regard rougi vers ses maîtres. Je ne savais pas comment leur annoncer que leur cher compagnon, Dracula, venait de mourir entre mes bras. Je les détaillai à travers la baie vitrée qui me séparait de la salle d’attente. Leur jeune enfant de cinq ans sanglotait dans les bras de sa mère, le tee-shirt couvert de sang. J’avais de la peine pour ce petit garçon qui venait de perdre son meilleur ami. Soupirant, j’ai fermé les yeux du berger allemand avant de me lever en le gardant serré contre ma poitrine. J’ai marché vers la porte tout en essayant de paraître le plus calme possible. En effet, les clients se sentaient mieux lorsque le professionnel avec qui ils parlaient était maître de ses émotions. Dès que la porte du bloc grinça, le regard des parents et de l’enfant se portèrent rapidement sur ma personne avant de descendre immédiatement sur l’animal immobile. Comme au ralenti, je vis leurs traits s’affaisser alors qu’ils accusaient petit à petit le coup. Les cris du petit me poignardèrent en plein cœur. Il courut vers moi et je lui tendis son compagnon sans vie. Il enfoui son si beau visage dans la fourrure du chien avant de se laisser tomber au sol. Ne sachant pas quoi faire, je me suis agenouillée à ses côtés avant de lui caresser la tête comme je le faisais à Moïra lorsque nous regardions les Hunger Games pour la rassurer. Je savais que dans ces moments-là, les paroles n’étaient d’aucun secours. Puis je vis des jambes se profiler à côté d’Héraclès. Je l’ai donc laissé au soin de son père avant de tendre une main vers sa mère. Elle me rendit ma poignée de main alors que son visage était couvert de larmes.

Je suis désolée Madame Kloskovitch. Je n’ai pas réussi à arrêter l’hémorragie de sa patte arrière. Le piège avait sectionné des nerfs et il est resté longtemps emprisonné. Dis-je en remettant une mèche de cheveux bruns derrière mon oreille.
Merci docteur d’avoir essayé de le sauver. Répondit mon interlocutrice d’une voix tremblante.

Puis ils sont partis et j’ai pu enfin souffler. Immédiatement, j’ai enlevé ma blouse tachée de sang et me suis dirigée vers la machine pour me servir un café. Quelques minutes plus tard, je savourais la froideur de l’hiver sur ma peau. Je n’avais eu que très peu de patients aujourd’hui mais à chaque fois, je devais annoncer une mort. Depuis que le District 13 avait fait son coming-out lors des précédents Jeux, les pièges s’étaient multipliés dans la forêt. Les gamins du District pensaient pouvoir déjouer de plus en plus les barrières des Pacificateurs. Ce qu’ils ne comprenaient pas, c’est, qu’un jour ou l’autre, ils seront pris à leur propre jeu. Car les autorités du Capitole savent très bien ce qu’ils manigancent mais préfèrent attendre de les surprendre avec un bon gros gibier plutôt que de les voir poser le piège. D’une part, ils auront à manger et d’autre part, ils pourraient punir le garçon sur la place. Pour eux, ce n’est donc qu’une double mise.
J’ai avalé ma dernière gorgée de café avant de revenir dans le bâtiment surchauffé et de soigner à nouveau des animaux. L’après-midi passa à une vitesse incroyable et je ne pourrais dire combien d’animaux différents j’ai dû soigner. Des furets, des oiseaux, des serpents même ! Toutes ces petites bêtes s’en sont sortie, heureusement, saines et sauves !

Le soir est arrivé comme une délivrance. J’ai accueilli cette noirceur avec un grand sourire avant de me mettre en marche, emmitouflée dans mon manteau. J’ai croisé quelques connaissances à qui j’ai dit bonjour avant de marcher d’un pas vif vers la maison. Enfin la maison … Autant dire le palais car la mairie du District 3 est loin d’être pauvre comme certaines bâtisses de Panem. J’ai poussé la porte et humé le délicieux parfum du ragout qui cuisait dans une marmite. J’ai vite fait embrassé ma mère avant de me diriger vers ma chambre. J’étais à peine rentrée que je voulais déjà remettre le nez dehors. J’avais besoin de m’éclaircir un peu les idées sur les messages que je devais envoyer au District 13 grâce aux pigeons que j’élevais.
Je me suis dévêtue devant ma glace avant de revêtir un pyjama en coton épais, moelleux et chaud. Souriante, j’ai ouvert ma fenêtre de chambre, me suis appuyée sur la rambarde du balcon avant de me hisser dessus et de laisser mon dos aller à sa rencontre. Je me positionnais toujours ainsi depuis toute petite. D’ici, je pouvais voir les étoiles briller dans le ciel et cela m’aidait à me libérer de toute pensée négative. Bien sûr, ma famille me hurlait dessus chaque fois qu’ils me voyaient ainsi car ils avaient peur que je tombe au sol. Mais ils ne pouvaient pas comprendre ce que cette contemplation me faisait. J’avais l’impression de pouvoir sortir de mon corps et d’aller voler dans un monde meilleur, là où les Hunger Games et la famine ne pouvaient exister. Hélas, le mon tel que nous le connaissons ne ressemble pas au Paradis que je m’imagine …