District Cinq - 3:46 am
Il doit être tard. La nuit est déjà tombée, je ne peux pas dire depuis quand, je ne compte plus les heures. Je lève la tête vers la lune qui trône dans ce ciel noir typique de l'hiver. Il fait froid, vraiment froid en ce mois de Janvier et une couverture ne serait pas de refus. J'ai quitté mon District depuis longtemps, sûrement dix ou quinze jours. Je n'ai plus aucun repère et ne sais même plus où je suis par rapport au Six. J'ai confié Sasha à Madame Everty. Je ne pouvais plus rester dans le coin.
Le froid hivernal m'arrache des tremblements alors que j’aperçois du linge étendu à un fil. Il n'y a aucun pacificateur dans le coin et toutes les lumières sont éteintes. Le moment idéal. Parmi les gens qui habitent cette petite maison du District Cinq, une pro du tricot doit être des leurs, un gros pull en laine étant étendu sur cette corde à linge de fortune. Les pacificateurs doivent autoriser les gens du coin à faire eux-mêmes leurs vêtements. C'est assez différent du nôtre. Pourquoi ? Les pacificateurs sont vraiment stricts au Six... Rien que le fait de sortir la nuit vous vaut pas mal de coups de fouet sur la place de l'Hôtel de Ville, là où la Moisson s'effectue.
En parlant de la Moisson, la prochaine doit être dans quelques mois déjà et je prévois de ne pas retourner au Six. Peut-être un jour, pour voir Sasha si je ne l’aperçois pas aux Jeux de la Faim, comme les appellent la vieille Everty. Avec mon frère, lorsqu'on a regardé les derniers Jeux en compagnie de tout notre District, nous avons tous remarqué la présence d'un champ de force très loin dans l'arène. Le dôme qui la protège est mortel, c'est un fait. Je lui ai donc dis que s'il sera moissonné, c'est plus simple d'aller par là-bas car en général personne de sensé ne s'y rend. Je pense que je ferais la même chose si je deviens tribut. Enfin... Si j'y retourne.
En revenant à l'instant présent, je fixe donc ce pull, qui maintient sûrement à la perfection la température du corps. D'un pas lent et silencieux, je monte sur une caisse au dessous qui me permet de le décrocher de son fil. Satisfait, je garde un silence parfait lorsque je l'enfile en esquissant un sourire de soulagement. Malgré une petite humidité due à la neige tombée la veille, il m'aide à me sentir mieux et me fait avancer. Je n'en peut plus. J'aimerais bien trouver un coin où dormir, à l'abris des Pacificateurs.
Je ne sais pas sur quel District je vais tomber ensuite. Peut-être que je m'approche du Capitole ? Peut-être que je vais tomber sur le champ de force d'un arène en construction ? En tout cas, je quitte le District Cinq soulagé. Enfin pas totalement. Les barbelés qui me séparent du prochain District me font ralentir puis stopper lorsque j'arrive à à peine quelques centimètres de cette grille électrifiée. Du moins je le suppose.
En m'accroupissant, j'approche mon oreille de la ferraille pour percevoir ne serait-ce qu'un léger bourdonnement révélateur. Rien. Il n'est pas électrifié cette nuit. Par chance. Je passe donc entre les pics de cette barrière qui m'éraflent un peu la main. En grimaçant, je la plonge dans la neige glaciale quelques secondes puis reprends ma marche jusqu'à tomber sur un arbre assez haut dans lequel je décide de dormir.
District Onze - 1:09 pm
La neige a un peu fondue la nuit dernière alors que je m'approche du prochain District. Je ne sais pas sur lequel je suis tombé. Sûrement pas un District de Carrière vu la tête qu'il fait. Il est toujours très rural, comme le Cinq. Ça peut être n'importe quel autre Quartier de Panem.
En gardant un certain rythme, je garde mes mains dans mes poches en donnant un coup de pied dans une pierre à mes côtés. Le vent glacial s'engouffre dans mes cheveux me faisant grimacer. Mais le Soleil qui apparaît soudain m'offre quelques rayons de Soleil.
Tout à coup, je distingue entre deux pommiers une barrière. J'y suis ! Soulagé, je me laisse alors tomber à genoux devant les barbelés avec un grand sourire comblé jusqu'à l'instant où je découvre qu'il grésille comme ce n'est pas permis. Je vais devoir attendre, j'en ais bien l'impression. Agacé, je me dirige vers un arbre mort, figé par le froid, contre lequel je m'adosse...
...avant de m’apercevoir que je ne suis pas seul.