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 devil at the door. ☞ (romeo)

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devil at the door. ☞ (romeo) - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo)   devil at the door. ☞ (romeo) - Page 2 Icon_minitimeMer 23 Avr - 19:36




devil at the door › siegeo
avatars (c) purple haze / ell.

C'est ça. Joue au con. Joue donc au con, Romeo. C'est ce pour quoi tu sembles être né. Fais crever les autres de te voir crever, toi. Crever d'envie. Ils doivent bien le vouloir, certains. Pour eux, t'es qu'un connard. Sans cerveau et sans idées. Et en plus, tu t'y confortes, dans ce rôle. C'est comme ça, en tout cas, que ça apparaît. Tu t'es laissé prendre au piège par l'image que tu donnais. Mais c'est pas qu'une image. Tu le sais bien. Si ce n'était qu'une image, le papier se serait déchiré en donnant ce coup de poing. Et pourtant. Rien ne s'était particulièrement brisé. En même temps, dur de distinguer de nouvelles pertes dans les ruines de son coeur. Qu'est-ce que ça lui amenait ? Même pas un peu de paix. Même pas un brin de repos. Tout ce qui restait, c'était qu'il jouait au con. Encore une fois. Ses phalanges avaient mordu sa peau. Siegfried avait chuté contre le mur. Toujours debout. Et Romeo. Il y a ces poings, crispés. Fermés. À s'en enfoncer les ongles dans les paumes. Il respire brutalement. Comme une bête. Les sourcils en froncement. Les muscles sous tension. Il serre les dents. Fâcheuse envie de hurler. Lui frappait avec les poings. Siegfried frappait avec les mots. Et se faire traiter de connard. Et ne pas le regarder. Un point inconnu à ses pieds. T'es heureux ? La chair de poule trace sa route le long de son échine. Et il valse entre les humeurs et les accès. Accès de violence, accès de remords. Accès de tristesse, accès de haine. On le comprend. Pourquoi la réputation a suivi. Pourquoi les phrases se sont montées. Pourquoi les regards se sont faits jugements. L'abruti violent qui fait les sales boulots. Le boucher. Il lui crie aux oreilles, il gémit. Et de toute manière, ça fait mal. Il joue aux marionnettes avec les corps qui passent et qui trépassent. À force, il ne sait plus ce que c'est, de toute façon. À quoi ça rime. Il voit des mécanismes et des trésors de génie dans les pompes des coeurs humains. Des rouages bien huilés aux coudées des articulations. Il voit des chairs que l'on peut raccommoder. Des nerfs et des veines que l'on peut recoudre. Il voit les dommages qu'on peut faire. Il voit comment on peut les réparer. Comment il pourrait faire, lui. De la beauté là où les autres ne voient que viande. Et de la charpie pour remplacer ces choses-là que autrui appelait grâce humaine.

T'es heureux ? Non. Il n'est pas heureux de l'avoir frappé. Et il ne sait pas s'il a envie de le quitter dès maintenant, ou bien de recommencer l'affront jusqu'à entendre les os craquer. C'était tentant. Tentant, de pousser la souffrance de sa victime. Histoire de la vivre. Histoire de la sentir. Et histoire de souffrir un peu, lui aussi. Inspiration. Expiration. Il ravale sa salive. Et peut-être une part de sa colère. Pour qu'elle reste là, sourde et grondante, petite boule sombre nichée au creux de son ventre. "Tu veux savoir ?" Les mots se sont glissées entre les dents serrées. Derrière ce regard baissé et fuyant, et pourtant cette masse corporelle lourde, prête à l'attaque. Y'a-t-il de l'animosité dans ces mots ? Le ton est sourd. Et pourtant il ne semble pas être agressif. Loin de là. Dans ses humeurs en dents de scie, Romeo est de nouveau au creux de la vague. "J'ai envie de faire sauter tes dents une à une. J'ai envie de t'étrangler et de te sentir te débattre et me griffer alors que t'es en train de crever." En l'absence de violence dans les cordes vocales. Presque doux. À ne plus savoir ce que tout cela peut bien vouloir dire. A en perdre tout un chacun. "J'en ai envie autant que ça me révulse de ma propre part." Et depuis quand, d'ailleurs, est-ce que tu parles ouvertement comme cela ? Même si le son est bas et les syllabes ronronnantes et grondantes de ces marmonnements échappés. Il relève les yeux. Lacs glacés se figeant sur le visage au bas ensanglanté de Siegfried. Instant. "Frappe-moi, Siegfried... Putain, fais-le." La première demande. Il la réitère. Frappe-moi, je t'en supplie. Corps à corps en séparé, figé dans le temps et dans l'air. Frappe-moi, aussi fort que tu peux. J't'en supplie. J'te demande que ça. J'veux qu'tu m'frappes aussi fort que tu peux. J'veux qu'tu l'fasses. Arrête de cracher sur les gens sans jamais rien faire. Et frappe-moi. Au moins une fois.
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MessageSujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo)   devil at the door. ☞ (romeo) - Page 2 Icon_minitimeJeu 8 Mai - 22:50



I'M NOT STRONG ENOUGH.


Le goût du sang dans la bouche. C’était presque devenu normal, en fin de compte, depuis qu’il avait mis les pieds au Treize. Et avant cela même. Il s’était régulièrement retrouvé dans des positions difficiles, sans pouvoir trouver de solution, ni même en avoir la moindre. Et depuis son arrivée au district treize, il essuyait les coups perdus, les raclées que l’on voulait faire subir, mais qu’on ne pouvait décemment appliquer à personne. Il était devenu la représentation funeste d’un être de chiffon et de mousse, contre lequel on frappait pour se défouler, que ce soit physiquement ou verbalement. Il était là pour encaisser la haine que tous les soldats accumulaient au sein de leurs cœurs sombres, jours après jours, à se battre sans cesse pour une cause qu’ils en venaient à perdre de vue. Et Siegfried ne détestait pas ce rôle, pas plus qu’il ne l’aimait. Il s’en contentait, sans arrêt shooté pour ne pas répliquer, et continuer de croire que oui, tout ceci était normal. Mais rien ne l’était. Rien ne l’était, et on le baratinait injustement. On lui mentait comme on respirait, pour garder sous son aile meurtrière ce petit bout de rien, sensible et fragilisé, qui n’attendait que du réconfort et de l’attention. On lui mentait, il le savait, ne disait rien, souffrait ; et alors ? Et alors ?

Les mots de Romeo le blessaient, tout autant que son coup avait pu le faire. Ainsi donc, le Shughart aurait voulu aller jusqu’à le tuer. Et bien, qu’il fasse. Voilà la première pensée qui traversa l’esprit du Raine. Et, étrangement, il en pensait chaque mot, cette fois-ci. Il aurait aimé le lui dire, le lui hurler. Vas-y, tue-moi. Répands mes tripes sur ce foutu béton, ça fera plaisir à la plupart des gens.

Tue-moi.

Achève-moi.

Que ça s’arrête.

Que tout s’arrête.


« Va t’faire foutre… » Un murmure, agonisant, qui s’échappe d’entre ses lèvres. Il n’en peut plus. Il se redresse, tremblant, et fait finalement face à Romeo. Cet homme, plus grand que lui, plus trapu aussi. Ce soldat qui le coucherait à l’aide d’une simple nouvelle droite, et qui lui ferait regretter d’être né avec quelques coups de pieds bien placé. Mais trop tard. Cela faisait bien longtemps déjà que Siegfried regrettait d’être né. Depuis le début, peut-être, en réalité.

« VA TE FAIRE FOUTRE ! » Cette fois, il hurle. Son visage s’est rapproché de celui de son adversaire, brusquement, pour lui cracher cette phrase au visage. Il se recula immédiatement après cela, le regard fou, les dents serrées, attendant un châtiment qui allait sûrement s’empresser de venir. Mais il n’avait pourtant pas fini. Les yeux déments, il continuait de dévisager Romeo. La hargne pulsait dans ses veines, et les mots qu’il prononça étaient pour chacun d’eux remplis d’un venin et d’une colère non dissimulés. « T’as qu’à le faire. T’as qu’à m’étrangler, puisque c’est ça qui t’fait bander. T’as qu’à m’ouvrir le crâne contre ce putain de mur, puisque t’as rien de mieux à foutre de tes journées que de venir me péter les burnes. J’t’ai fait quoi, hein ? Tu m’expliques ?! » Il avait haussé la voix, et s’était encore approché. Recule. Bien. « J’t’ai jamais rien fait, j’t’ai jamais adressé la parole, alors putain pourquoi est-ce que tu viens m’chercher comme ça, hein ? » Et quelques trémolos s’immiscent finalement dans sa voix. Il tremble. Ses lèvres aussi. Il ne baisse pas les yeux. « Pourquoi ? … Donne-moi juste une seule putain de bonne raison pour laquelle tu m’brutalises chaque fois que tu m’aperçois ? … » Cette fois, c’est presque un gémissement. Il finit par détourner les yeux, essuyer le coin de ses lèvres. Il se recroquevilla à nouveau contre le mur, sans s’asseoir. Toujours debout, toujours courbé. L’air abattu par la vie, et par ce qu’il venait de se passer. Mais il ne voulait pas cogner. Il ne cognerait pas.

« Fais chier… » On aurait dit un gamin, à nouveau. Pauvre gosse qu’on prend plaisir à massacrer, et qui ne répond pas. Parce qu’on lui a appris qu’il ne fallait pas encourager la violence ; et que rendre les coups, c’était encouragé. Ah, ils l’avaient bien dressé, les médecins du district Treize. Ils l’avaient bien dressé, à courber l’échine et à encaisser. Mais qu’es-tu donc devenu, Siegfried ?

Qu’ont-ils fait de toi ?
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MessageSujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo)   devil at the door. ☞ (romeo) - Page 2 Icon_minitimeDim 11 Mai - 14:36




devil at the door › siegeo
avatars (c) purple haze / ell.

Faire couler son sang. Faire céder ses os. Enfoncer ses ongles dans sa chair et voir ses yeux exorbités. Des désirs au goût âcre de la rouille. Cette saveur indéterminée qui pesait au fond de son palais et alourdissait sa langue. Lui faisait tourbillonner l'esprit et valser les pensées. Il y avait ces flashs. Ces fulgurances qui traversaient son crâne. À s'imaginer donnant la mort. À l'imaginer agonisant à ses pieds. Et ce sentiment, alors, qui se distillerait dans ses veines. La puissance. Sensation infortune du calme après la tempête. Des vainqueurs des champs de bataille. Comme un chasseur posant avec son défunt trophée. Battement de coeur. Battement de cil. Les images passent et trépassent. Et Siegfried est bien vivant devant lui. Sous ses yeux. Et malgré les complaintes, malgré les demandes, il ne sent toujours pas de poing s'écraser sur son visage. Aucun crochet pour venir le cueillir au creux de l'estomac. Rien. Le vide. Le néant. Encore et toujours des pourparlers plutôt que des actes. Encore et toujours des insultes directement adressées. Et il ne sait quel calme peut bien le tenir en place. Stoïque. Alors que Raine répand sa haine. Alors que Raine lui hurle au visage. Mais la bourrasque retombait. Et l'arbre n'avait pas cédé. Encore enraciné, droit et encré. La sève coulant dans ses membres. Il le fixe. Paraissait-il que ça en dérangeait, des fois. Quand il ne lâchait plus du regard, sans ciller, sans sourciller. Bloqué, en pause. Comme si le temps s'était arrêté. Et ses paupières battirent de nouveau. Enfin. Retour à la réalité. Aux questions. Aux dents serrées, aux poings fermés. Aux respirations retenues et aux spasmes involontaires. Aux envies quasi-suicidaires. Instant. Fraction de seconde. Encore du vide. Encore le rien. Une pulsation. Un tour de sang. Pour que ses muscles se gainent. Pour que sa main, vive et usée, revienne attraper le cou du Leews-Raine. Pouce et index à demi-enfoncés de part en part de sa gorge. Lente pression des plus désagréables. La trachée du soldat en face, entre ces phalanges brutales. Et ses iris céruléens, ses pupilles en têtes d'épingle. Minces, resserrées. Les yeux de la colère. Et l'autre main. L'autre main pour attraper les tendons et les nerfs. Il ne se souvenait même plus d'où il tenait ça. De loin. Mais c'était bien là. Prendre à pleine main la liaison entre l'épaule et le cou de Siegfried. Et pincer. Serrer. Parce que cela faisait flancher tout le monde. Et ce calme. Ce calme des colères sourdes. Des envies de grogner et des instincts animaux. Ce calme qui n'en était pas un. Mais il l'avait poussé à bout. Dans ces retranchements où des souvenirs et des idées malsaines se mêlaient. Il serre, il tient en joue. L'air concentré. Le regard fiévreux. Les veines apparentes. Il préférait discuter ainsi, si Siegfried tenait à avoir une discussion. C'était comme ça. Romeo ne tenait pas en face à face, dans certains cas. Il fallait l'ascendance, la puissance, le pouvoir. Et les mots sortaient hachés d'entre ses mâchoires crispées. Bête grondante, monstre en devenir ne demandant qu'à exulter et sortir de sa tanière, de là, au fond de son coeur. "J'te.. Comprends.. Pas." Inspiration. Difficulté. Et pourtant. Tenir. "J'te sens pas." Dans un souffle. Sans doute pas les meilleurs arguments. Même pas une raison valable. C'était dans sa peau, c'était dans ses os. Il en étaient ainsi. Il bat des cils. Encore. Des images qui se brouillent. La rage qui fausse les choses. Il la revoit. Il le revoit. Il était innocent. Il l'a pourtant défiguré. Son sang bouillonne. Envie d'en crever. Il l'a défiguré. Défiguré. Défiguré. Défiguré. Comme un disque rayé. Les circuits prêts à disjoncter. Un spasme dans son biceps. Un crissement lointain. Et il décolle légèrement Siegfried du mur. Pour mieux l'y frapper contre. Encore. Et encore. Il s'y reprend plusieurs fois. Sa main relâche sa gorge. Remonte. Remonte pour tenir ce pauvre visage menton relevé. Qu'il le force, qu'il le plaque contre le béton. Les dents serrées. Persifler. "T'es... T'es pas normal. J'arrive pas à te cerner. Tu vois ? J'vois pas. Y'a quelque chose... Qui cloche." Et il glisse ses doigts dans ses cheveux. Les referme. Solidement accrochés. Pour revenir frapper le côté de son visage contre le dur grisâtre. Il sent les vagues de frisson. Et son coeur qui bat. Et les pulsations. Et ces tremblements qui se rapprochent. Pour le rattraper et le ramener à l'ordre. Mais il tire Siegfried vers lui, en reculant d'un pas. Son bras libre pour venir enserrer son cou. Et il continue de le retenir par le crâne. Les secondes se comptent. Rouge de l'effort. Et l'expression de dégoût qui se glisse sur son visage. De qui être le plus répugné ? De soi-même, de l'autre ? La respiration lancinante. Les traits crispés. Et au final. L'humiliation. L'ultime. Parce qu'il lui crache au visage. Parce qu'il lui crache au visage, à lui qu'il tient au creux de son coude, au creux de ses bras, comme un enfant. Mais avec la cruauté des grands.  Il crispe des paupières. Déglutit. Relève le nez vers les néons grésillants, au-dessus d'eux. Le souffle court. Le coeur battant. Et il relâche. Toutes les prises. Il le relâche d'un instant, sans cérémonie, sans précaution. Regard alentour. Il ne lui donnera pas de dernier coup de pied. Pas à cet homme à terre. Il l'a déjà assez rabaissé. Il se détourne. Passe ses mains sur son visage. Et souffle. Soupire. Les montées de haine personnelles en sont déjà à leurs prémices. Haïr le monstre qu'il devient, lentement mais sûrement, à rôder dans ces souterrains. pas encore. Pas maintenant. Il lui fait dos, à sa victime. Il lui fait dos et ne se retournera pas. Il n'a qu'à s'en aller. Heurté par sa propre cruauté.
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MessageSujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo)   devil at the door. ☞ (romeo) - Page 2 Icon_minitimeDim 11 Mai - 20:34



DEATH BY HUMILIATION.


Qu’avait-il bien pu faire pour mériter cela ? Chaque jour, il se le demandait. Chaque jour, au moins, la question lui traversait l’esprit et le harcelait. Il n’arrivait pas à comprendre. Et, régulièrement, la simple solution de la mort lui apparaissait. Il ne parvenait pas à trouver plus facile, et surtout plus radical. Le monde semblait s’acharner sur lui depuis sa naissance, et cela devenait de plus en plus difficile à supporter ; enfant, les problèmes ne sont que des écrans de fumée, et les larmes sont très facilement remplacées par des sourires. Mais une fois adultes, on arrive à s’enfoncer. S’enfoncer, jusqu’au point de non-retour, et se retrouver à désirer plus que tout se supprimer de la surface de la terre. Parce qu’il n’y avait plus d’autre solution. Qu’on n’arrivait plus à trouver une raison de sourire, et que le monde nous semblait alors si hostile et si sombre que le moindre rayon de lumière s’en retrouvait immédiatement avalé. Siegfried avait ce genre d’impression. Il avait ce genre de pressentiment. Coincé, littéralement éventré et étranglé par la vie. Il avait l’impression d’avoir suffisamment payé. Que c’était l’heure, pour lui, de tourner la page. Définitivement. Et puisque la vie ne lui offrait pas cette possibilité, peut-être que la mort le ferait.

Non. Il ne devait pas penser à ça. Il l’avait déjà fait, et rien de bon ne lui était arrivé. Il fallait partir. Tourner les talons, s’en aller. Aller chercher ses comprimés, et les gober. Sans cela, il lui serait littéralement impossible de se relever, ni de se remettre de cet affront. Car c’en était bien un ; un affront. Le Shughart le martyrisait. Et sa réponse tordit les tripes à Siegfried, sans qu’il n’ait besoin de faire le moindre geste agressif. Il n’y avait rien. Rien hormis des ragots. Rien qui aurait pu faire comprendre à son ennemi qu’il avait été dans le camp adverse par le passé. Rien ne pouvant montrer à Romeo qu’il avait été Pacificateur. Mais cela suffisait. Rien suffisait à donner des envies de violence au grand blond, qui les extériorisait maintenant sur le Leews-Raine. Et lorsque ses doigts se refermèrent autour de son cou, lorsque l’air commença à lui manquer, il se força à ne pas se débattre. Parce que le médecin lui coupait la circulation du sang. Les points noirs commencèrent à danser devant ses yeux, et ses jambes à flageoler. Il aurait voulu que tout s’arrête. Mais il ne le supplierait pas. Plutôt crever. La pression qu’exerça Romeo sur le nerf de son épaule le fit s’affaisser sur lui-même, dans la mesure où il le pouvait tout du moins. Il lâcha un long gémissement, au bord de l’évanouissement. Puis, tout s’arrêta.
Ou presque.

Il se retrouva maintenu en l’air par la poigne de son adversaire. Ses pieds dérapaient sur le sol, par manque de force plus que par manque de hauteur. Mais les doigts lui tenaient le bas du visage. La douleur était atroce, et pourtant bien atténuée par la poigne solide qu’exerçait Romeo sur lui. Et, finalement, les doigts qui se glissent dans ses cheveux. Et son visage qui s’écrase sur le béton. Mais pourquoi ? Pourquoi, putain… Pourquoi ?!

Il essayait de faire fi de cette humiliation. Il essayait de penser à autre chose. Mais il ne le pouvait pas. Le béton entamait sa chair, le réduisait à l’état de pauvre pantin fragile, sans rien lui apporter de bon. Il n’était qu’un pushing-ball, une pauvre chose martyrisée par quiconque en avait l’envie. Et il ne pouvait rien y faire. Strictement rien. Le bras s’enserra autour de son cou alors qu’il gémissait toujours. Ses deux mains étaient plus ou moins plaquées contre le mur, mais il ne se défendait pas. Ses ongles attrapaient le béton, crissaient. Peut-être s’en arracha-t-il un ; il ne le savait pas, et s’en foutait. Le crachat lui dégoulina le long de la joue, alors que l’humiliation s’achevait, en l’affront le plus ultime. Et la haine atteignit alors son paroxysme, tandis que le Shughart le relâchait, et lui tournait le dos.

Rien. Siegfried ne lui avait jamais rien fait. Pas la moindre crasse, pas la moindre parole de haine ou de menace. Il n’avait jamais eu le moindre geste déplacé. Et voilà ce qu’il récoltait, les fruits de son apathie et de sa bienveillance déformée. On le détestait, sans savoir pourquoi. Et il n’y avait alors plus de limite à la honte que l’on pouvait lui faire subir. Retombé au sol, l’homme se recroquevilla contre le mur, reprenant son souffle, ramenant ses genoux contre son torse. Une fois encore, c’était le portrait d’un enfant. L’enfant que l’on maltraite gratuitement, sans vraiment savoir pourquoi. Juste parce que les autres le font. L’enfant qui finit par être crucifié au milieu de la cour de récré, alors qu’il n’a rien demandé à personne, ni jamais rien fait. Pourquoi tant de haine ? Tant de méchanceté gratuite ?
Pourquoi ?


Il se demanda s’il arriverait à se relever. Se relever, et continuer. Marcher jusqu’à l’infirmerie, en essuyant le sang qui dégoulinait de son visage, distillé par l’immonde crachat. Allait-il pouvoir le faire ? Oui. Mais pas maintenant. Par pitié. Pas maintenant. Laissez-moi souffler. Laissez-moi respirer. Laissez-moi.

Les larmes coulèrent sur les joues du soldat, tandis que l’autre s’éloignait sans un mot de plus. Il se fit encore plus petit, redoutant qu’un nouveau coup gratuit ne vienne. Mais rien. Il n’y eut rien. Juste la solitude, et le désespoir. La souffrance d’être humilié si cuisamment, si gratuitement. Et l’envie de tout abandonner. À jamais.

Ne plus rouvrir les yeux sur ce monde cruel et hostile, qui s’échinait à lui voler vie et dignité depuis qu’il y avait ouvert les yeux la première fois.


e n d .
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